Les débuts d’un passionné : comment décrocher son job de rêve à 16 ans
Le parcours de Julien Chièze est l’incarnation même de ce que signifie vivre du jeu vidéo. Une aventure qui a commencé bien avant YouTube, à une époque où la presse papier était reine. À seulement 16 ans, animé par une flamme dévorante, il décide de tenter sa chance.
« C’est vrai, j’ai commencé, j’avais 16 ans, j’ai écrit ma lettre de motivation le soir de Noël, je sais plus combien, 96, je crois », raconte Julien. Il envoie alors sa candidature aux magazines qu’il dévore : Player One, Console+, et Joypad. Si Console+ lui répond poliment par la négative, Joypad lui ouvre ses portes.
La lettre de motivation qui a tout changé
Mais comment sortir du lot quand on est un lycéen de 16 ans postulant pour le job de rêve de toute une génération ? Des années plus tard, Julien posera la question au rédacteur en chef de l’époque. La réponse tient en quelques éléments qui ont fait la différence.
D’abord, la proactivité. « J’avais fait un fanzine, perso, donc, tu sais, des petits magazines faits soi-même, et tout, qui s’appelait Burning Paper. Je l’imprimais et tout, je le ramenais à mes potes à l’école, et cetera, tu vois, j’avais vraiment envie de le faire. » Cet effort concret démontrait une passion qui allait au-delà des mots. C’est une leçon intemporelle : il y a beaucoup de gens qui disent vouloir faire des choses, mais très peu qui les font vraiment. Le simple fait d’avoir déjà créé quelque chose, même de manière artisanale, élimine 99% de la concurrence.
Ensuite, une touche d’authenticité et de naïveté qui a piqué la curiosité de la rédaction. « J’ai dit, bah, voilà, moi, j’ai fait les scouts, et je suis le frère aîné de deux sœurs, donc, le sens des responsabilités, je connais… Tu as 16 ans, ton CV, c’est j’ai fait les scouts et j’ai des sœurs. » Spontané, peut-être un peu naïf, mais c’est ce petit détail qui a donné envie de le rencontrer. C’est ce qui a permis à son premier test, sur le jeu Suikoden, de voir le jour.
De la presse papier à Gameblog : la transition vers le numérique
Après ses débuts dans la presse écrite, la carrière de Julien Chièze ne s’est pas arrêtée là. Une étape cruciale, souvent méconnue, a préparé son arrivée sur YouTube : la télévision. « J’ai quand même fait 11 ans de télé. Et pendant ces 11 ans, quasiment, en fait, je travaillais à Bouyaka avec Bertrand Amar. »
L’expérience fondatrice de la télé et de la radio
Pendant des années, il a été rédacteur en chef, animateur, et a même touché à la production. Cette expérience l’a rompu à l’exercice de la caméra. « J’ai été habitué à parler devant une caméra, quoi. Beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Et quand tu veux faire des vidéos plus tard, ça aide. » C’est cette aisance, développée également à la radio, qui lui donnera une longueur d’avance lorsqu’il se lancera dans le podcast, un format encore balbutiant à l’époque.
La naissance de Gameblog et l’ère du podcast artisanal
En 2007, Julien cofonde Gameblog.fr, qui deviendra le deuxième site de jeux vidéo en France. C’est là que naît le fameux podcast Gameblog, une émission qui a inspiré de nombreux créateurs. L’ambiance était simple, authentique et passionnée. « On parlait d’artisanat, ces podcasts, pendant des années et des années, il s’était fait sur ma table à repasser. Vraiment, ça ça te donne un petit peu le niveau artisanal du truc, mais ça en faisait du charme, quoi. »
Ce qui faisait la force de Gameblog, c’était cette capacité à transmettre la passion pure, au-delà des simples news. « Tu as envie d’avoir une personne qui te rappelle pourquoi tu kiffes le truc et qui te partage la passion. » C’est cet esprit, hérité de la presse papier des années 90, qui a su fédérer une communauté fidèle.
Conquérir YouTube : comment devenir le numéro 1 de l’actualité jeu vidéo
En 2017, se lancer sur YouTube pouvait sembler tardif, surtout pour quelqu’un déjà bien établi dans le milieu. Pourtant, la transition s’est faite de manière presque accidentelle. « Pour te dire à quel point c’était pas réfléchi, quand j’ai fait, bon, OK, j’ai découvert qu’en fait, j’avais déjà une chaîne YouTube qui datait de 2011. »
Un lancement tardif mais naturel
Après son départ de Gameblog, poussé par ses amis et sa femme Carole, Julien décide de couvrir l’E3 sur sa chaîne. Le succès est immédiat et inattendu. « Moi, je m’attendais à ce qu’il y ait 500 personnes, 1000 personnes qui nous suivent, et en simultané, il y avait plus de 12 000 personnes. J’ai fait, ah, d’accord. » C’est ainsi que l’aventure a réellement commencé, portée par une communauté qui l’avait suivi.
Se différencier dans un marché saturé
À l’époque, le gaming sur YouTube était dominé par les Let’s Play. Julien a su trouver sa niche en important un format qu’il maîtrisait : celui du magazine d’actualité jeu vidéo. « Il y avait pas tant l’actualité quotidienne du jeu vidéo. C’est-à-dire, avec un rythme que moi, j’appelle un rythme un magazine… tous les jours, je propose en fonction de l’actualité, bah, une revue de presse, des tests, une critique, un point de vue. » Ce rythme effréné et cette approche éditoriale étaient nouveaux sur la plateforme et ont rapidement trouvé leur public.
Le créateur face aux médias traditionnels : un nouveau rapport de force
Aujourd’hui, la chaîne de Julien Chièze rivalise et dépasse souvent les audiences des grands médias traditionnels lors des événements majeurs. « Sur chaque couverture de grands événements… on a toujours été en audience pure plus haut que, bah, les gros sites classiques d’actualité de jeux vidéo. »
Comment un homme seul peut-il concurrencer des structures de plusieurs centaines de personnes ? La réponse réside dans un changement de paradigme. Le public gravite de plus en plus vers des personnalités plutôt que des marques impersonnelles. Les éditeurs l’ont bien compris, proposant de plus en plus d’exclusivités à Julien. « Ce shift, je le sens, je le vois… ça a créé aussi un appel d’air. Et il y a beaucoup de gens qui ont constaté que ah, ouais, on pouvait faire l’actualité du jeu vidéo au quotidien comme ça sur YouTube. »
Le secret de la régularité : le process de création d’une vidéo par jour
Publier une vidéo par jour, seul, en couvrant l’actualité chaude, relève de la prouesse. Ce rythme intense est au cœur du succès de la chaîne de Julien, mais il impose des contraintes de production uniques.
La réactivité, clé du succès dans la news
Le principal défi est celui de la latence. Entre le moment où une information tombe, son analyse, l’écriture, le tournage, le montage et la publication, chaque minute compte. « Il y a une grosse news jeux vidéo qui tombe. L’une des promesses que je fais avec mes viewers… si je le peux, c’est de couvrir la chose au plus près, au plus chaud. » Cette promesse de réactivité est ce qui rend son modèle de production si particulier.
Le choix de travailler seul : avantages et inconvénients
Beaucoup se demandent pourquoi il ne délègue pas le montage, une tâche chronophage. La raison est simple : la vitesse. « Ma grande problématique, aujourd’hui, c’est justement cette problématique de réactivité… si tu rajoutes un intermédiaire… je prends mon truc, je fais un WeTransfer, hop, j’attends… tout le temps qu’on perd. »
Ce mode de fonctionnement, bien qu’exigeant, est le garant de cette connexion directe et instantanée avec l’actualité. C’est un sacrifice en termes de confort, mais un gain immense en efficacité pour ce type de contenu. Julien reste cependant ouvert à l’évolution, conscient que rien n’est jamais acquis. « Si tu crois que tu es arrivé, tu es foutu. »
La passion comme moteur : comment ne jamais se lasser du jeu vidéo
Après 25 ans de carrière, comment maintenir intacte la flamme des débuts ? Pour Julien Chièze, la réponse est simple : la passion jeu vidéo. Une passion qu’il chérit et qui est le carburant de sa créativité et de sa régularité.
L’importance de la subjectivité et de l’authenticité
Julien défend farouchement la subjectivité dans la critique. Il estime que l’objectivité totale est une illusion dans un domaine artistique. « Les gens qui vous diront les yeux dans les yeux, je fais un test objectif, c’est pas vrai. Mon avis, il est subjectif… l’édito, c’est subjectif, c’est pétri de la culture de la personne qu’on écoute. » C’est cette honnêteté qui crée la confiance. Il ne prétend pas détenir la vérité, mais offre son point de vue, argumenté, invitant chacun à se forger sa propre opinion.
Cette approche peut parfois créer la controverse, comme lors de son « non-test » du jeu Returnal, où il a ouvertement parlé de la difficulté qui l’a bloqué. Si cela lui a valu des critiques virulentes, cela a aussi ouvert un débat constructif sur l’accessibilité dans le jeu vidéo et, paradoxalement, a renforcé l’engagement sur sa chaîne.
Le jeu vidéo, un média en perpétuel renouvellement
Ce qui empêche la lassitude, selon Julien, c’est la nature même du jeu vidéo. « Je trouve que c’est l’industrie qui se renouvelle le plus. C’est jamais pareil… tous les 6, 7 ans, tu as des ruptures technologiques qui font que… boum, une nouvelle pierre à l’édifice. » Contrairement au cinéma, qui peut parfois sembler stagner, le jeu vidéo réinvente constamment ses outils et ses modes d’expression. C’est cette évolution permanente qui permet de ressentir la même excitation qu’à 20 ans devant un nouveau Zelda, à la fois par nostalgie et par la promesse d’une innovation bluffante.
L’héritage d’AHL et la reconnaissance des mentors
La passion se nourrit aussi de la transmission et de la reconnaissance. Julien a écrit un livre, AHL – Tu le crois ça ?, sur son mentor, Alain Hurlagourt, figure de la presse jeu vidéo qui lui a donné sa chance. « AHL… c’est la personne qui m’a inspiré et qui m’a donné envie de faire ce métier. » C’est une manière pour lui de remercier, de laisser une trace et de montrer l’importance des figures qui nous ont guidés. Une façon de boucler la boucle et de réaffirmer les valeurs qui l’animent depuis le premier jour.
FAQ : Les questions que vous vous posez sur Julien Chièze et le monde du jeu vidéo
Comment Julien Chièze a-t-il débuté dans le journalisme de jeu vidéo ?
Julien Chièze a débuté à 16 ans en envoyant une candidature spontanée au magazine Joypad. Sa proactivité, illustrée par la création d’un fanzine personnel, et sa lettre de motivation authentique ont fait la différence et lui ont permis de décrocher un premier test.
« J’ai commencé, j’avais 16 ans, euh, j’ai écrit ma ma lettre de motivation le soir de Noël… j’ai eu une réponse de de Joypad, et ils m’ont dit, oui, bah, écoute, euh, passe à la rédact, et cetera. »
Quelle est la clé du succès de Julien Chièze sur YouTube ?
Le succès de Julien Chièze sur YouTube repose sur sa réactivité à l’actualité, son rythme de publication quotidien et son approche personnelle et subjective. Il a comblé un vide en traitant les news jeu vidéo avec un format « magazine » que les médias traditionnels n’appliquaient pas sur la plateforme.
« Il y avait pas tant l’actualité quotidienne du jeu vidéo. C’est-à-dire, avec un rythme que moi, j’appelle un rythme un magazine, en fait. »
Pourquoi Julien Chièze travaille-t-il seul sur le montage de ses vidéos ?
Il travaille seul principalement pour des raisons de réactivité. Gérer un intermédiaire pour le montage ajouterait des délais incompatibles avec le traitement de l’actualité « à chaud », ce qui est une des promesses principales de sa chaîne.
« Ma grande problématique, aujourd’hui, c’est justement cette problématique de réactivité. Et pour être en courroie de transmission la plus directe… si tu rajoutes un intermédiaire… tout le temps qu’on perd. »
Comment Julien Chièze entretient-il sa passion pour le jeu vidéo après 25 ans de carrière ?
Sa passion est entretenue par le renouvellement constant de l’industrie du jeu vidéo, avec de nouvelles technologies et de nouvelles expériences narratives tous les 6-7 ans. Il recherche l’immersion et les émotions que les jeux lui procurent, à la manière d’un bon livre ou d’un bon film.
« C’est l’industrie qui se renouvelle le plus. C’est jamais pareil, c’est jamais pareil. Il y a des cycles de nouvelles machines, ces nouvelles machines apportent de nouvelles technologies, ces nouvelles technologies permettent d’avoir des jeux toujours plus spectaculaires, toujours plus immersifs. »
Qu’est-ce que Gameblog, cofondé par Julien Chièze ?
Gameblog.fr est un site d’information sur le jeu vidéo cofondé par Julien Chièze en 2007. Il est rapidement devenu l’un des plus gros sites spécialisés en France, notamment grâce à son ton passionné et ses formats innovants pour l’époque, comme les podcasts.
« Tu fondes le site Gameblog, sur lequel tu vas rester 10 ans, entre 2007 et 2017. Et qui est devenu, du coup, j’ai découvert le deuxième site de jeux vidéo en France, derrière jeuxvideo.com, qui est assez énorme. »
Qui est AHL, dont parle Julien Chièze dans son livre ?
AHL, ou Alain Hurlagourt, est une figure majeure de la presse jeu vidéo française et le mentor de Julien Chièze. Ancien rédacteur en chef de Joypad, il est la personne qui a inspiré Julien à faire ce métier, et ce dernier lui a consacré une biographie pour lui rendre hommage.
« AHL, donc, Alain Hurlagourt, c’est la personne qui m’a inspiré et qui m’a donné envie de faire ce métier. C’était euh le rédacteur en chef euh de Joypad à une époque… »
Pourquoi la subjectivité est-elle importante dans la critique de jeux vidéo selon Julien Chièze ?
Pour Julien Chièze, la critique de jeu vidéo, au-delà des aspects techniques objectifs, est une appréciation artistique et donc fondamentalement subjective. Prétendre à l’objectivité est un leurre ; c’est l’avis personnel, étayé et argumenté, qui apporte de la valeur et permet aux gens de se forger leur propre opinion.
« Mon avis, il est subjectif… l’édito, c’est subjectif, c’est pétri de la culture de la personne qu’on écoute, et cetera. Moi, je ne prétends jamais avoir l’avis juste et bon, et cetera. Je donne mon avis. »
Quel conseil donnerait Julien Chièze à un jeune qui veut vivre de sa passion ?
Il conseillerait de toujours continuer à prendre du plaisir, de garder son authenticité et de ne jamais cesser d’apprendre de ses erreurs. Il insiste sur l’importance de l’envie, du respect et de la transmission de sa passion, tout en se rappelant que rien n’est jamais acquis.
« Continue à prendre du plaisir. Euh, analyse tes erreurs, peut-être plus vite que je ne l’ai pu le faire… garde ton authenticité. Euh, avance avec respect, avec euh avec envie. »