Logo de l'épisode Transformer un projet de collégien en startup avec 9 salariés - avec Jonathan Noble du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Transformer un projet de collégien en startup avec 9 salariés – avec Jonathan Noble

Épisode diffusé le 14 juillet 2020 par Marketing Mania

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De projet de collégien à SaaS pour grands groupes : la naissance de Swello

L’histoire de Swello, c’est avant tout celle d’un projet personnel. Jonathan Noble, son fondateur, a démarré l’aventure à seulement 15 ans. Ce qui est fascinant, c’est de comprendre comment ce projet, initialement conçu pour un usage personnel, est devenu un outil SaaS vendu à de grandes entreprises. Comment s’opère cette transition ? Comment trouve-t-on le fameux product-market fit quand on part d’un besoin de collégien pour adresser celui de grands groupes ?

Un besoin personnel qui rencontre un marché professionnel

Quand Jonathan a commencé à 15 ans, le projet s’appelait Clock Tweet. L’idée était simple : programmer des tweets pendant qu’il était en cours. Mais très vite, quelque chose d’inattendu s’est produit. « Dès la première semaine, il y a un grand groupe qui a commencé à utiliser la plateforme et c’était le journal L’Équipe », raconte Jonathan. Sans aucune démarche commerciale, l’outil gratuit a commencé à attirer des utilisateurs de renom.

Le temps a passé. Jonathan a poursuivi ses études et, arrivé à la fin de son DUT, le projet comptait déjà plus de 15 000 utilisateurs, incluant de nombreux grands groupes comme toutes les chaînes de la TNT. Le projet était toujours gratuit, la société n’était pas encore créée. C’est à ce moment charnière que la question de l’avenir s’est posée.

Le déclic entrepreneurial

À 19 ans, face à un choix crucial – poursuivre des études d’ingénieur ou se lancer à corps perdu dans son projet – Jonathan a pris une décision audacieuse. Poussé par un écosystème familial entrepreneurial et les conseils de son ancien patron, il décide de tenter l’aventure. « Tout le monde me dit écoute, tu as 19 ans, franchement, tente-le au pire, bah tu reprends tes études et il y a pas trop de soucis. »

Le jour même où il annonce sa décision à ses parents, le meilleur ami de son frère, développeur, lui propose son aide. C’est ainsi que Thibault est devenu son associé, une collaboration qui dure depuis plus de cinq ans. Ils avaient un projet qui avait fait ses preuves, mais pas encore de modèle économique. C’est là qu’intervient l’accélérateur d’entreprise.

Le passage au payant : le rôle clé de l’accélérateur pour créer un SaaS

Comment passer d’un outil 100% gratuit, utilisé par des milliers de personnes, à un modèle économique viable ? Pour Jonathan et Thibault, la réponse s’est trouvée au sein d’un accélérateur d’entreprise à Toulon, TVT (Toulon Var Technologie).

Structurer un business model freemium

L’objectif était clair : « Notre objectif de cet accélérateur, c’était d’entrer et d’avoir un modèle gratuit, de sortir et d’avoir un modèle freemium pour gagner de l’argent ». Pendant quatre mois, ils ont analysé la concurrence, défini leur vision et construit leur offre. C’est ainsi qu’est né le modèle SAS (Software as a Service) de Swello, avec différents abonnements allant de 0 € à des offres sur mesure.

Cette transition n’a pas été simple psychologiquement. « C’était compliqué de vendre. C’est-à-dire que moi, ça faisait 5 ans que c’était gratuit… et là, en fait, il faut se mettre dans une logique où on va gagner de l’argent et quelque chose qu’on a créé nous-mêmes. »

L’anecdote du premier client est révélatrice de ce moment charnière. Le jour de la mise en ligne du modèle payant, après une nuit blanche, ils reçoivent une notification de paiement de 150 € à 6h50 du matin, quelques minutes seulement après la mise en production. Ce n’était pas un test, mais leur tout premier client, un investisseur marseillais qui souscrivait à un abonnement annuel.

Les apports concrets d’un accélérateur

L’expérience de l’accélérateur a été fondamentale pour Swello. Jonathan distingue bien incubateur et accélérateur : pour lui, l’accélérateur leur a apporté une liberté et des ressources clés :

  • Un mentor : Mathilde Le Rouzic, CEO de Hel Locker, a joué un rôle crucial de conseil et de soutien.
  • Du réseau : Ils ont pu se connecter à l’écosystème local et pitcher devant des investisseurs qu’ils ont retrouvés plus tard lors de leur levée de fonds.
  • Des ateliers : Des sessions collectives et individuelles les ont forcés à se pencher sur des aspects essentiels (juridique, etc.) qu’ils n’auraient pas pris le temps d’analyser autrement.
  • Un budget : Une aide financière leur a permis de tester des campagnes publicitaires sur Facebook, Twitter, LinkedIn pour lancer les premières ventes.

L’accélérateur ne prenait pas de parts dans l’entreprise, mais fonctionnait sur un modèle de participation future pour aider les promotions suivantes. Une approche saine qui a permis à Swello de se structurer sans diluer son capital dès le départ.

Comment transformer les utilisateurs gratuits en clients payants ?

Le passage au modèle payant est un défi majeur. Comment convaincre une base d’utilisateurs habituée à la gratuité de commencer à payer ? Pour Swello, le processus a été riche en apprentissages.

L’erreur de communication qui a tout changé

Au départ, l’équipe, très concentrée sur le produit, a commis une erreur. En passant au freemium, ils ont amélioré le plan gratuit (en ajoutant la programmation d’images), mais ont aussi instauré une limite de 40 tweets programmables, là où tout était illimité auparavant. « On a oublié de prévenir nos utilisateurs qu’on avait rajouté cette limitation », admet Jonathan.

La réaction ne s’est pas fait attendre. Un mail d’un utilisateur mécontent les a profondément marqués : « Vous faites la course à l’argent ». Ce retour, bien que douloureux sur le moment, a été un électrochoc. Grâce aux conseils de leur mentor, ils ont compris que le problème venait de leur manque de communication.

La solution ? Se rétracter, s’excuser, et préparer un plan de communication clair pour la semaine suivante. Ils ont expliqué le pourquoi de ces changements et proposé un essai gratuit des offres payantes. La réaction des utilisateurs a alors été radicalement différente : « Si derrière vous devenez une boîte, ça veut dire que vous allez faire améliorer le produit et donc nous, par définition, avoir un produit meilleur ». La transition était acceptée.

Une conversion progressive

Tous les utilisateurs gratuits ne sont pas passés au payant immédiatement. La conversion s’est faite au fil de l’eau, à mesure que le produit s’améliorait et que la confiance s’installait. Jonathan note d’ailleurs que même aujourd’hui, des utilisateurs inscrits depuis plusieurs années finissent par s’abonner. La clé a été de prouver la valeur ajoutée de l’entreprise derrière l’outil.

Construire une stratégie d’acquisition client B2B

Une fois le modèle payant en place, la question suivante était : comment trouver de nouveaux clients ? Swello a misé sur une approche simple mais redoutablement efficace : parler à ses utilisateurs.

La mine d’or des sondages et du contact direct

Swello est un grand adepte des sondages, envoyés environ une fois par trimestre à toute leur base. Avec des questions ouvertes comme « Qu’est-ce qu’on peut améliorer ? Qu’est-ce qui vous manque ? Qu’est-ce qui vous frustre ? », ils récoltent des informations précieuses. « On les modifie à chaque fois en fonction du besoin qu’on a », précise Jonathan. Ces sondages leur permettent de prioriser les nouvelles fonctionnalités et de mieux comprendre les attentes de leurs différentes cibles (freelances, agences, grands groupes).

L’e-mail qui génère des conversations

L’une de leurs stratégies les plus efficaces est un e-mail automatique envoyé une heure après l’inscription. L’objet : « Juste une petite question ». Le contenu est simple et direct : « On est neuf Toulonnais passionnés, par contre, j’ai une question, pourquoi vous êtes inscrits chez nous ? ». Cet e-mail a un taux d’ouverture de 60 % et un taux de réponse très élevé.

« Grâce à ce mail, je reçois entre 5 et 7 réponses tous les jours. On arrive à avoir des infos, mais c’est génial », s’enthousiasme Jonathan. Ces réponses leur donnent des indications cruciales : un concurrent qui ne fait pas une certaine fonctionnalité, une recommandation, l’attrait pour un outil français, etc. C’est une véritable mine d’or pour le marketing et le développement produit.

‘Made in France’ : simple argument marketing ou véritable atout ?

Au début, Jonathan était sceptique. Est-ce que le fait d’être français allait vraiment faire la différence ? « La réponse est oui, ça fait clairement la différence sur plein de points », affirme-t-il aujourd’hui avec le recul.

Pour les cibles principales de Swello – les institutions, les écoles, les médias – cet argument est primordial. Plusieurs raisons expliquent cela :

  • La localisation des serveurs : Avoir des serveurs en France est un gage de sécurité et de conformité (RGPD) pour de nombreuses organisations.
  • Le support client : Un support en français, réactif et proche, est un avantage concurrentiel majeur face à des géants anglophones.
  • L’ergonomie et la langue : Contrairement à certains concurrents dont la traduction est approximative, Swello offre une expérience 100% française, pensée pour son public.
  • Le patriotisme économique : De plus en plus de grands groupes et d’institutions privilégient les solutions françaises, dans une tendance de fond.

Cet ancrage français n’empêche pas Swello d’avoir une vision internationale, mais il constitue le socle de leur succès sur le marché francophone.

Un processus de vente B2B structuré pour scaler

Pour adresser efficacement le marché des grands groupes, Swello a mis en place un processus de vente en deux étapes, un modèle qui a été affiné pendant cinq ans.

Deux rôles distincts : prospection et conversion

L’équipe commerciale de trois personnes est organisée de manière précise :

  1. Deux commerciaux sont dédiés à la prospection : Leur mission est de trouver les bonnes personnes (community managers, directeurs de la communication) et de décrocher des rendez-vous via e-mail et LinkedIn.
  2. Une commerciale est dédiée à la conversion et à la rétention : Laura réalise entre deux et quatre démonstrations en ligne par jour pour transformer les prospects en clients.

Jonathan, quant à lui, gère les rendez-vous physiques à Paris avec les grands comptes, faisant l’aller-retour chaque semaine depuis Toulon. « Quand tu es en face-à-face, il se passe quand même quelque chose, le taux de conversion est beaucoup plus élevé », confie-t-il.

La touche humaine qui fait la différence

Dans ses rendez-vous, Jonathan ne se contente pas de présenter l’outil. Il analyse les réseaux sociaux du prospect, écoute ses besoins et apporte une dimension de conseil. Et il y a le petit détail qui marque les esprits : « À la fin, moi j’ai toujours le petit truc de bah je vous offre deux petits stickers Swello. Et en fait, moi ça, j’ai remarqué que ça cartonnait. » C’est cette attention au détail qui renforce la relation et ancre la marque dans l’esprit du prospect.

Culture d’entreprise : l’humain au cœur de Swello

Swello, c’est une équipe de neuf personnes basées principalement à Toulon. Jonathan est un fervent défenseur des bureaux physiques pour forger une culture d’entreprise forte.

Le bureau comme lieu de cohésion

Malgré la possibilité du télétravail le vendredi, il estime qu’il est « nécessaire et important que tout le monde soit là physiquement pour créer la culture d’entreprise qu’on veut créer ». Les moments informels, comme les jeux de société le midi ou les verres le soir, sont essentiels pour souder l’équipe. L’entreprise fonctionne sur une semaine de 4,5 jours, finissant le vendredi à 13h.

Des réunions courtes et efficaces

Adieu les réunions à rallonge. Chez Swello, il n’y a qu’une seule réunion d’équipe récurrente : 30 minutes chaque lundi. Chacun dispose de 3 minutes pour parler de la semaine passée, de celle à venir et de son état d’esprit, le tout conclu par une note sur 10. Cette note permet à Jonathan de prendre le pouls de l’équipe et de réagir si une baisse de moral collective ou individuelle est détectée. « Si chaque personne n’est pas épanouie dans sa vie en général, l’équipe ne pourra pas l’être. »

Recruter sur l’humain avant les diplômes

Le processus de recrutement chez Swello est très axé sur la personnalité. « On déteste la lettre de motivation », lance Jonathan. Pour lui, les qualités d’un bon commercial, par exemple, sont la bienveillance, la serviabilité et la rigueur. Le plus important est l’adéquation humaine.

« Des fois, on a eu des CV qui sont géniaux et humainement ça a du mal. Et en plus, une personne peut te casser l’ambiance dans l’équipe. » C’est pourquoi, si l’expérience est valorisée, les diplômes passent au second plan. L’essentiel est de trouver des personnes qui partagent la mentalité Swello et qui s’intégreront harmonieusement dans cette équipe de sport pro, où tout le monde avance vers le même objectif.

La FAQ pour tout savoir sur la création d’un SaaS

Comment transformer un projet personnel en une entreprise rentable ?

La clé est de commencer par résoudre un problème personnel. Ensuite, il faut être attentif aux premiers utilisateurs qui arrivent de manière organique pour comprendre si ce problème est partagé. La transition vers un modèle rentable passe par la structuration d’une offre, souvent avec l’aide d’une structure externe comme un accélérateur, et une communication transparente avec la base d’utilisateurs initiale.

« J’arrive à la fin de mon DUT […] et je me dis je sais pas ce que je vais faire. Est-ce que je continue […] ou alors, est-ce que j’arrête mes études […] je monte la boîte pour de vrai, mais ça veut dire aussi trouver un modèle économique. » – Jonathan Noble

Quel est l’intérêt de rejoindre un accélérateur de startup ?

Un accélérateur offre un cadre structurant pour transformer un projet en entreprise. Il apporte un mentorat précieux, un réseau d’experts et d’investisseurs, des ateliers pour se former sur des aspects clés (juridique, marketing), et parfois un budget pour réaliser les premiers tests d’acquisition client. C’est un gain de temps et d’expertise considérable.

« L’accélérateur nous a apporté différentes choses. Déjà un mentor, extrêmement important. […] C’est du réseau, […] également des ateliers individuels et collectifs. […] Et également, il faut pas le nier, il y avait un budget qui nous avait été attribué. » – Jonathan Noble

Comment réussir la transition d’un service gratuit à un modèle payant ?

La réussite de cette transition repose sur la communication. Il faut expliquer clairement aux utilisateurs pourquoi le changement a lieu, quelle valeur ajoutée ils obtiendront et les préparer en amont. S’excuser et corriger le tir en cas d’erreur de communication est crucial pour maintenir la confiance de la communauté initiale.

« Le problème venait juste de nous dans le sens où on avait annoncé notre nouveau site, […] mais on n’avait pas prévenu les utilisateurs que il allait y avoir ce petit changement. […] Ce qu’on a fait, c’est qu’on s’est rétracté, on s’est excusé et on a bien préparé pour la semaine d’après un plan de com. » – Jonathan Noble

L’argument ‘Made in France’ est-il efficace pour vendre un logiciel ?

Oui, c’est un argument de vente très puissant, particulièrement auprès des institutions, des écoles et des grands groupes. Il rassure sur la sécurité des données (serveurs en France), la qualité du support (en français et réactif) et s’inscrit dans une tendance de fond de patriotisme économique.

« La réponse est oui, ça fait clairement la différence sur plein de points. […] Pour elles, c’est extrêmement important que les serveurs soient en France, que l’équipe derrière, le support soit français, réactif, que la plateforme soit française. » – Jonathan Noble

Comment structurer son processus de vente B2B en startup ?

Une méthode efficace consiste à séparer les rôles. Une partie de l’équipe se concentre sur la prospection (trouver des contacts qualifiés et prendre des rendez-vous), tandis qu’une autre se charge de la conversion (réaliser les démonstrations et closer les ventes) et de la rétention. Ce modèle permet une spécialisation et une plus grande efficacité.

« On a deux personnes dans l’acquisition et une personne en conversion et en rétention. […] Ça fait 5 ans qu’on réfléchit, qu’on teste. Et ce modèle-là […] ça marche plutôt bien en tout cas, chez nous. » – Jonathan Noble

Comment recruter les bons commerciaux pour sa startup ?

Il faut privilégier les qualités humaines comme la bienveillance, l’écoute et la rigueur, en plus des compétences techniques. Le plus important est l’adéquation de la personne avec la culture de l’entreprise. L’expérience est un plus, mais elle ne doit pas primer sur la personnalité, car une mauvaise recrue peut nuire à toute la dynamique de l’équipe.

« Le plus important, c’est l’humain. […] Des fois, on a eu des CV qui sont géniaux et humainement ça a du mal. Et en plus, une personne peut te casser l’ambiance dans l’équipe. » – Jonathan Noble

Comment créer une culture d’entreprise forte avec une petite équipe ?

La présence physique dans des bureaux communs est un élément clé pour favoriser les interactions informelles et créer du lien. Des rituels, comme une réunion hebdomadaire courte et efficace, et une transparence totale sur les objectifs et la situation de l’entreprise, renforcent la cohésion et l’implication de chaque membre.

« À mes yeux, aujourd’hui, ça me semble nécessaire et important que tout le monde soit là physiquement pour créer la culture d’entreprise qu’on veut créer. » – Jonathan Noble

Comment gérer une polémique sur les réseaux sociaux ?

Il faut savoir garder son sang-froid et faire le tri entre les critiques constructives et les trolls. L’important est de répondre avec des mots justes aux personnes qui posent de vraies questions, sans se laisser entraîner dans des débats stériles avec ceux qui cherchent uniquement à nuire. La bienveillance et le calme sont les meilleures armes.

« Il a su garder son calme, il a su mettre les mots justes aux bons endroits, répondre aux bonnes personnes et pas forcément à toutes les personnes qui souhaitaient qu’en fait, ils répondent de manière énervée. » – Jonathan Noble (à propos du CM de Décathlon)


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