Logo de l'épisode Spinoza est putaclic - avec Le Précepteur du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Spinoza est putaclic – avec Le Précepteur

Épisode diffusé le 6 avril 2021 par Marketing Mania

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L’explosion sur YouTube : entre satisfaction et perte de contrôle

Passer de 38 000 à plus de 290 000 abonnés en seulement un an. C’est l’expérience vertigineuse vécue par Charles Robin, plus connu sous le nom du Précepteur. Alors, qu’est-ce que ça fait d’exploser sur YouTube ? Pour beaucoup, c’est un rêve, le point d’inflexion espéré. Mais de l’intérieur, le ressenti est plus complexe.

Charles décrit un sentiment multiple, presque paradoxal. \ »Souvent, on entend les youtubeurs qui rencontrent le succès nous dire qu’ils sont totalement dépassés par les événements, qu’ils comprennent pas ce qui se passe… Et en fait, c’est vrai. En tout cas, pour mon cas personnel, c’est vrai que j’ai eu le sentiment que la situation m’échappait.\ » Le succès, qui devrait être la preuve que l’on maîtrise son sujet, s’accompagne d’une sensation de perte de contrôle. Bien sûr, la satisfaction et le plaisir dominent. C’est la reconnaissance d’un travail de qualité, un besoin humain fondamental pour maintenir la motivation.

Plusieurs facteurs expliquent cette croissance fulgurante. L’effet du confinement a indéniablement joué un rôle. Cette période a poussé beaucoup de gens à s’interroger, à chercher du sens, créant un terreau fertile pour un contenu philosophique. Le format unique de Charles, lent et méditatif, a trouvé un écho particulier à une époque où tout va très vite. \ »Ce sont des audios assez lents, assez méditatifs. Et je pense que ça, ça correspond assez bien à un aspect de notre époque où, bah, tout va tellement vite qu’on a envie, on apprécie de ralentir aussi le rythme.\ »

Garder les pieds sur terre face au succès

Malgré cette ascension, Charles insiste sur le fait de ne pas se laisser griser. \ »J’ai pas la sensation que ça me monte au cigare\ », confie-t-il. Cette humilité se traduit par une approche réfléchie de la monétisation. Contrairement à beaucoup, il ne s’est pas rué sur les opportunités commerciales qui se présentent lorsqu’on atteint de tels chiffres. Pour lui, la reconnaissance n’ouvre pas le droit de changer radicalement de cap, notamment en donnant une couleur purement commerciale à ses productions.

Le dilemme de la monétisation : comment vivre de sa chaîne YouTube ?

La question de la monétisation est centrale pour tout créateur de contenu aspirant à se professionnaliser. À partir de quel seuil peut-on espérer vivre de sa chaîne YouTube ? Selon Charles, le cap peut être franchi autour de 100 000 ou 150 000 abonnés, mais il précise que le véritable indicateur est le nombre de vues, bien plus que celui des abonnés. \ »Ce que beaucoup de spectateurs ignorent, c’est ça qui compte en réalité, c’est le nombre de vues.\ »

Pour Le Précepteur, la monétisation a d’abord été un moyen de libérer du temps. En complémentant les revenus de son métier de professeur particulier, il a pu se consacrer davantage à la préparation et à la réalisation de ses vidéos. Il souligne un point essentiel : \ »Les revenus que va générer un vidéaste, dans la plupart des cas, ça va être directement réinjecté dans ses productions de vidéos. Donc c’est pas pour aller flamber à Ibiza.\ » C’est avant tout un investissement pour améliorer la qualité et pouvoir vivre de son travail, une aspiration fondamentale.

Aujourd’hui, ses revenus proviennent principalement de deux sources : la publicité AdSense et les dons de sa communauté via Tipeee ou la fonction ‘Join’ de YouTube. Il reconnaît que sans le soutien direct de ses abonnés, il ne pourrait probablement pas travailler à plein temps sur ses vidéos.

Le choix d’abandonner les formations en ligne

Pourtant, Charles avait exploré une voie qui semble évidente pour un créateur dans sa niche : la vente de formations en ligne. Initialement, sa chaîne ‘Le Précepteur’ devait être dédiée à la pédagogie, servant de vitrine à des stages vidéo pour préparer le bac de français. Et cela fonctionnait financièrement. Alors, pourquoi avoir arrêté ?

La réponse est double. D’une part, il s’est heurté à une réalité : vendre des produits est un métier à part entière. \ »Je me suis tout simplement rendu compte que c’était un métier à part entière, c’est-à-dire de vendre des stages vidéos, ça nécessite des connaissances en marketing… Je me suis rendu compte que j’étais pas fait pour ça.\ » Le commerce, la vente, le marketing digital demandent des compétences et un investissement en temps qu’il ne souhaitait pas fournir, préférant se consacrer à ce qui le passionne vraiment : la création de contenu.

D’autre part, il a fait face à un blocage psychologique lié à la vente, un sentiment partagé par de nombreux créateurs. \ »Moi, j’ai grandi avec l’idée que l’argent c’est le mal. Donc automatiquement, vendre pour moi, ça a toujours été source de blocage psychologique.\ » Cette réticence, couplée à la demande de sa communauté pour plus de vidéos de philosophie, l’a convaincu de pivoter et de se concentrer uniquement sur le format qui le mettait ‘dans son élément’.

Briser les codes : le secret du format audio qui cartonne sur YouTube

Le format le plus populaire de la chaîne Le Précepteur est un véritable ovni sur YouTube : de longs monologues audio, parfois de plus de 45 minutes, sur une simple image fixe. Sa vidéo sur Spinoza, par exemple, dépasse le million de vues. Comment expliquer qu’un format qui va à l’encontre de toutes les ‘bonnes pratiques’ de la plateforme (dynamisme, montage rapide, visuels percutants) puisse si bien fonctionner ?

L’analyse de Charles est limpide : \ »Je suis meilleur dans ce que je fais qui me plaît. Et ça me plaît davantage de faire des audios que de faire des vidéos. Je me sens plus à l’aise.\ » Cette aisance se traduit par une liberté et une spontanéité que le public perçoit immédiatement. Ses audios ne sont pas scriptés mot à mot, ce qui leur confère une authenticité rare. \ »Ils sentent que je suis en train de vivre ce dont je parle, que c’est pas calculé, que c’est pas prémédité.\ »

L’authenticité et la spontanéité au cœur du succès

Ce format minimaliste agit comme un signal de confiance. L’absence d’artifices visuels met toute l’emphase sur la qualité du propos. C’est comme si le contenu disait : ‘Ce que je raconte est si intéressant que vous n’avez besoin de rien d’autre’. C’est de la ‘philosophie vivante’. Charles ne fait pas un cours magistral ; il s’adresse directement à l’auditeur, lui proposant de le suivre dans une réflexion. C’est une invitation, pas une leçon.

Cette approche est soutenue par une volonté de clarté. \ »Pour moi, l’intelligence, c’est être capable de se faire comprendre par quelqu’un qui n’a pas les mêmes repères linguistiques, sociaux, les mêmes codes.\ » Il évite le jargon inutile et s’assure que chaque concept est accessible, créant un lien direct avec une audience variée mais unie par un désir commun d’apprendre.

Un format méditatif à contre-courant

Face à la suggestion d’ajouter du dynamisme visuel à ses audios, sa réponse est un non catégorique. \ »Ajouter du dynamisme à des vidéos qui n’ont pas vocation à être dynamiques, ce serait un contresens.\ » Il considère que les messages visuels parasiteraient l’écoute et fragmenteraient une ressource précieuse et fragile : l’attention. En se concentrant sur un seul canal, la voix, il maximise l’impact de son message. Les gens écoutent ses vidéos en faisant le ménage, du sport, ou simplement pour prendre un temps de réflexion, un usage qui se prête parfaitement à un format purement audio.

Le processus créatif : comment rendre la philosophie accessible à tous

Le succès du Précepteur ne repose pas uniquement sur son format, mais aussi sur sa capacité à aborder des sujets profonds de manière engageante. Comment choisit-il ce qu’il va dire et comment structure-t-il ses vidéos pour captiver son audience ?

De l’idée à la vidéo : structurer sa pensée

Tout part souvent d’une idée, d’un concept qui émerge dans la vie courante. Ensuite, il y associe les auteurs pertinents et commence à jeter ses idées sur une feuille blanche. Le processus est organique : une idée en amène une autre. Le fil conducteur est simple : partir d’une idée centrale et se laisser guider, comme dans une randonnée. \ »Tu sais que tu montes, même si tu sais pas exactement par où tu passes.\ »

L’un des piliers de sa méthode est de transformer la philosophie en une histoire. \ »Pour moi, parler de philosophie, c’est comme raconter une histoire.\ » Il utilise des exemples concrets et le langage courant pour que l’écoute soit fluide et non un effort intellectuel constant. Il se pose toujours la question : ‘En quoi cela peut-il intéresser les gens ?’ Son objectif n’est pas d’être exhaustif, mais d’être un passeur. \ »Finalement, moi, mon rôle, c’est de conduire ces personnes-là aux livres, les conduire aux œuvres… et pas de me substituer à l’auteur.\ » C’est ce qu’il appelle la vulgarisation : non pas faire descendre le savoir, mais construire des marches pour faire monter celui qui cherche à connaître.

Le travail invisible : un montage au service du rythme

Ce qui semble être une conversation fluide et improvisée est en réalité le fruit d’un travail de montage considérable. L’enregistrement brut est souvent deux à trois fois plus long que la version finale. Charles coupe les digressions non pertinentes, les répétitions excessives et les phrases mal formulées pour garder un cadre clair.

Mais l’aspect le plus fascinant de son montage est sa gestion des silences. À l’inverse de la tendance YouTube qui vise à supprimer le moindre temps mort, il prend le temps de les ajuster, voire de les augmenter. \ »Ça m’arrive parfois de ralentir les moments de silence. Et pardon, d’augmenter les moments de silence… Je passe plus de temps à faire le montage des silences qu’à faire le montage de mes phrases.\ » Ce travail minutieux sur le rythme est essentiel à l’esthétique méditative de son format et prouve son attention au détail, un perfectionnisme qu’il juge nécessaire pour maintenir un haut niveau de qualité.

Trouver son rythme et préserver la qualité

Pendant longtemps, Charles a maintenu un rythme d’une vidéo par semaine. Mais la double charge de travail avec ses cours particuliers et le besoin de se replonger dans les textes pour enrichir son contenu l’ont poussé à ralentir. La publication d’une vidéo en retard a été le signal d’alarme.

\ »Faire une vidéo par semaine, c’est facile. La question, c’est de savoir, oui, mais ta vidéo, est-ce qu’elle est bien ?\ » Soucieux de ne pas sacrifier la qualité à la quantité, il est passé à un rythme d’une vidéo toutes les deux semaines. Ce nouveau tempo, bien accueilli par sa communauté, lui permet de travailler de manière plus apaisée et approfondie. Il peut ainsi aborder des concepts plus complexes, en prenant le temps nécessaire pour bien préparer la manière dont il va les présenter. C’est un choix stratégique : même si cela signifie potentiellement moins de vues à court terme, cela consolide la crédibilité et le sérieux de sa chaîne sur le long terme.

Questions fréquentes (FAQ)

Est-il possible de vivre de sa chaîne YouTube uniquement avec la publicité ?

Oui, mais cela demande une audience très importante. Charles Robin estime qu’il faut atteindre un seuil d’environ 100 000 à 150 000 abonnés et, surtout, un grand nombre de vues pour que les revenus publicitaires AdSense deviennent suffisants pour en vivre. Les dons de la communauté sont souvent un complément indispensable.

\ »Oui, peut-être même un peu moins, peut-être 100 ou 150 000, selon je pense le rythme de publication des vidéos, suivant le nombre de vues par vidéo, hein, parce que ce que beaucoup de spectateurs ignorent, c’est ça qui compte en réalité, c’est le nombre de vues.\ »

Pourquoi un créateur de contenu refuserait-il de vendre des formations en ligne ?

Un créateur peut refuser pour plusieurs raisons. Vendre des formations est un métier à part entière qui exige des compétences en marketing, en vente et en support client. De plus, certains créateurs peuvent avoir un blocage psychologique avec le commerce ou préférer se concentrer à 100% sur leur passion première : la création de contenu.

\ »C’est un métier à part entière, le commerce, la vente, le marketing, c’est un métier, on ne peut pas s’improviser vendeur… Et moi, c’est quelque chose avec quoi j’ai beaucoup de mal, c’est sûrement aussi lié à mon éducation. Moi, j’ai grandi avec l’idée que l’argent c’est le mal.\ »

Comment un format audio minimaliste peut-il réussir sur une plateforme visuelle comme YouTube ?

Un format audio peut réussir en offrant une expérience à contre-courant. Son succès repose sur l’authenticité, la qualité du propos et la capacité à créer une atmosphère méditative. En se sentant plus à l’aise, le créateur produit un contenu plus spontané et engageant, ce que le public ressent.

\ »Je suis meilleur dans ce que je fais qui me plaît. Et ça me plaît davantage de faire des audios que de faire des vidéos… Finalement, je pense que la plupart des gens le perçoivent, ils le sentent quand ils m’écoutent, ils sentent que je suis en train de vivre ce dont je parle, que c’est pas calculé.\ »

Quelle est la clé pour rendre un sujet complexe comme la philosophie accessible ?

La clé est de ne pas simplifier le contenu, mais de le rendre accessible en le structurant comme une histoire et en utilisant des exemples concrets. L’objectif est de créer des ‘marches’ pour guider l’audience vers la connaissance, en agissant comme un passeur qui mène aux œuvres originales plutôt que de s’y substituer.

\ »Pour moi, la transmission, la vulgarisation… c’est pas faire descendre ce qu’on cherche à transmettre, c’est faire monter celui qui cherche à connaître. C’est mettre des marches.\ »

Quel est le processus de création derrière une vidéo de vulgarisation philosophique ?

Le processus part d’une idée ou d’un concept, puis se structure autour d’un fil conducteur. Le créateur note les idées principales et les développe de manière organique. Une part importante est accordée à la narration et aux exemples pour rendre le discours fluide. Il n’y a pas de script rigide, ce qui favorise la spontanéité.

\ »Souvent ce qui me vient quand je pense à une future vidéo, c’est l’idée, c’est le concept avant l’auteur… Et puis ensuite, ben je me pose sur mon bureau avec une feuille blanche et puis ben je commence à noter les idées principales.\ »

Le montage est-il important pour une vidéo de type podcast sur YouTube ?

Oui, le montage est crucial, même s’il est invisible. Il permet d’éliminer les digressions, les répétitions et les erreurs pour maintenir la clarté et le rythme. Un travail méticuleux est fait sur les silences, qui peuvent être ajustés ou même allongés pour servir l’intention méditative du format.

\ »Je passe plus de temps à faire le montage des silences qu’à faire le montage de mes phrases en réalité. Mes phrases, je coupe celles qui sont pas pertinentes ou qui sont mal dites et je me concentre sur l’espace entre les phrases.\ »

Quel rythme de publication adopter sur YouTube pour privilégier la qualité ?

Il n’y a pas de règle absolue, mais il est essentiel d’adapter son rythme à sa capacité de production pour maintenir un haut niveau de qualité. Ralentir, par exemple en passant d’une vidéo par semaine à une toutes les deux semaines, peut être une décision stratégique pour approfondir les sujets et éviter l’épuisement.

\ »Comme je voulais que la qualité non seulement ne stagne pas, mais même qu’elle augmente, à un moment donné, j’étais, selon moi, dans la nécessité d’augmenter mon temps de travail. Et donc, je suis passé à une vidéo toutes les deux semaines.\ »

Comment gérer psychologiquement une croissance rapide sur YouTube ?

Gérer une croissance rapide implique de rester humble et de ne pas se laisser dépasser par le succès. Cela signifie rester fidèle à ses valeurs, comme le fait de ne pas se précipiter sur toutes les opportunités commerciales, et de se rappeler que le succès est le résultat d’un travail de qualité avant tout.

\ »C’est un succès relatif que je vis avec beaucoup de satisfaction, mais par contre, j’ai pas la sensation que ça me monte au cigare. J’ai pas la sensation que je serai maintenant en droit de faire des choses que je ne m’estimais pas en droit de faire par le passé.\ »


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