Pourquoi Théophile Eliet veut vendre son business – avec Théophile Eliet

Pourquoi vouloir vendre un business en ligne qui fonctionne ?

L’idée de cet échange est née d’une découverte surprenante : Théophile Eliet, une figure majeure du business en ligne avec 250 000 abonnés sur YouTube, mettait en vente l’ensemble de son business pour 5 millions de dollars. Cette nouvelle a piqué ma curiosité, car j’ai longtemps débattu avec un ami de la question : ‘Est-ce que Marketing Mania est vendable ?’. Ma conviction a toujours été que non, car mon business est trop lié à ma personne. Alors, comment Théophile a-t-il pu envisager de vendre le sien ? Quelles sont les raisons qui poussent un entrepreneur à se séparer d’une machine bien huilée, générant des revenus quasi-passifs ?

La recherche de nouveaux défis et d’opportunités d’investissement

La première question que l’on se pose est simple : pourquoi ? Pourquoi vendre un business qui tourne bien et qui semble demander relativement peu de travail ? Théophile explique que c’est un ensemble de facteurs. Après plusieurs années à créer des vidéos et vendre des formations, l’envie d’évoluer et de se lancer dans de nouveaux challenges s’est fait sentir. Mais une raison plus pragmatique domine : le timing économique.

Théophile explique : ‘En ce moment, suite à la crise du coronavirus, il y a des opportunités d’investissement qui risquent de ne pas se représenter avant quelques années. Aujourd’hui, je pense qu’avoir du cash a énormément de valeur, que ce soit dans le domaine de l’immobilier, de la bourse ou d’autres investissements.’ Il illustre cela avec des exemples concrets, comme l’achat de son appartement avec une décote de 25% ou de son ameublement à -40%. Pour lui, la vente de son business n’est pas une fin en soi, mais un moyen de transformer un actif digital en capital liquide pour saisir des opportunités d’investissement massives.

De plus, la valorisation de son entreprise a atteint un pic suite aux excellents résultats durant le confinement. Il ajoute : ‘La valorisation de ma boîte, je pense que ça va être difficile de l’augmenter aujourd’hui suite à l’année incroyable qu’on a eue.’ C’est donc un calcul purement financier : vendre au sommet pour réinvestir dans des actifs sous-évalués.

Le poids de la notoriété et le désir d’anonymat

Au-delà de l’aspect financier, il y a une dimension plus personnelle, un calcul émotionnel. Gérer un business basé sur son image implique une pression constante. ‘C’est quand même énormément de responsabilités, c’est quand même dans notre métier une image qu’il faut surveiller constamment’, confie Théophile. Il évoque ce besoin de trouver un équilibre délicat : montrer assez pour être crédible, mais pas trop pour ne pas tomber dans le ‘bling-bling’.

La notoriété a aussi un coût sur la vie privée. Être interpellé dans la rue, même si les rencontres sont souvent positives, peut devenir pesant. Théophile partage son ressenti : ‘J’ai envie d’être personne en fait. Je pense que quand on est personne, on a envie de devenir quelqu’un, et une fois qu’on est un petit peu connu, le côté être personne, je pense que ça me convient davantage.’ Cette aspiration à la tranquillité et à l’anonymat est une motivation profonde, souvent sous-estimée par ceux qui aspirent à la célébrité en ligne.

Comment rendre un business de personal branding vendable ?

La principale objection à la vente d’un business comme celui de Théophile ou le mien est sa dépendance à une seule personne. Si on retire le visage de la marque, que reste-t-il ? La clé réside dans la systématisation. Théophile a mis en place un processus de création de contenu qui rend son business beaucoup moins dépendant de sa présence au quotidien, un argument de poids pour un acheteur.

Produire un an de contenu YouTube en 32 jours : sa méthode

Là où je produis mes vidéos en flux tendu, finissant parfois quelques heures avant leur publication, Théophile a une approche radicalement différente. Il a développé un système pour produire massivement son contenu à l’avance.

Voici comment il procède : ‘Je vais organiser un tournage chaque année d’environ 32 jours où je vais filmer 5 vidéos par jour, ce qui me fait 156 vidéos. Ces 156 vidéos correspondent à trois vidéos par semaine ensuite pendant un an.’ Ce tournage intensif est réalisé avec une petite équipe de deux caméramans, souvent dans des lieux comme Budapest, Bangkok ou Bali. Il tourne trois vidéos le matin et deux le soir, avec une longue pause à midi. Une vidéo de 10-12 minutes ne lui prend que 45 minutes de tournage.

Ce système lui offre une sérénité incroyable : ‘Rien ne m’empêche de me barrer 3 mois, de faire un trip je sais pas où. J’ai pas ce stress de me dire est-ce que la prochaine vidéo ça va paraître en temps et en heure.’ Pour un investisseur, c’est une garantie de continuité. Le business peut continuer à tourner pendant des mois sans intervention directe du créateur.

Les avantages et inconvénients d’une stratégie de contenu intemporel

Cette méthode de production en masse impose une stratégie de contenu spécifique, basée principalement sur le référencement et des sujets intemporels. L’inconvénient majeur, comme le reconnaît Théophile, est la difficulté de couvrir des sujets d’actualité, ce qui peut être un levier de croissance important sur YouTube. Cependant, les avantages l’emportent pour lui : coûts de production réduits, planification à long terme et surtout, une tranquillité d’esprit inestimable.

Cette approche transforme la chaîne YouTube d’une simple plateforme de créateur en un véritable actif média, avec un catalogue de contenu planifié sur un an, ce qui est beaucoup plus facile à présenter et à vendre.

Le processus de vente d’un business basé sur sa personne

Une fois le business systématisé, la question demeure : qui achèterait une telle entreprise et comment assurer la pérennité après le départ du fondateur ? C’est là que les choses deviennent fascinantes.

Qui sont les acheteurs potentiels et que recherchent-ils vraiment ?

Théophile a été surpris de découvrir qu’il existe deux types d’investisseurs radicalement différents. Environ 50% sont intéressés par l’actif lui-même : la chaîne YouTube, l’audience, les listes d’emails, les formations. Leur but est de maintenir le business et d’en tirer un cash-flow.

L’autre moitié, et c’est la partie la plus contre-intuitive, ne s’intéresse quasiment pas au contenu. Théophile explique : ’50 % voulaient juste me racheter l’entreprise et ils en avaient rien à faire de ce qu’il y avait dedans. […] Tout ce qu’ils veulent eux, c’est lever de la dette avec ma boîte et investir dans l’immobilier ou alors racheter des plus grosses boîtes.’ Pour ces investisseurs, l’entreprise, avec son historique de revenus, est un véhicule financier. Ils l’achètent, l’endettent pour acquérir d’autres sociétés, et réalisent des opérations financières complexes. Le business de formation en ligne n’est qu’un tremplin.

Assurer la transition après la vente : 3 scénarios possibles

Pour les acheteurs qui souhaitent continuer l’exploitation de l’actif, la transition est le point crucial. Plusieurs options ont été explorées :

1. Le créateur reste impliqué : C’est l’option que Théophile favorise. Il ne serait plus propriétaire mais deviendrait un prestataire de l’entreprise, s’engageant à produire un certain nombre de vidéos sur plusieurs années. ‘Moi, je pense que ce serait le mieux pour plusieurs raisons. Déjà, le système est prouvé, ça marche. […] Et en terme de coût de production, c’est ce qui serait le plus facilement maîtrisable.’
2. Remplacer le créateur : Un investisseur a proposé de mettre un autre visage face caméra. Théophile est très sceptique sur cette approche : ‘Non, ça mettrait une claque à la chaîne. […] Il faut mettre quelqu’un qui a aussi de l’expérience.’ Remplacer le fondateur par un simple ‘bel orateur’ sans crédibilité risquerait de détruire la communauté durement bâtie.
3. Changer le format du contenu : La troisième voie est de passer à des vidéos d’animation ou des vidéos institutionnelles, sans visage humain. ‘Ça, je pense que c’est une très bonne alternative, mais je pense qu’il faut que la transition se fasse au fur et à mesure.’ L’idée serait d’introduire progressivement ce nouveau format pour voir la réaction de l’audience avant de basculer complètement.

Comment évaluer la valeur de son entreprise en ligne ?

Le chiffre de 5 millions de dollars a fait beaucoup parler. Comment arrive-t-on à un tel montant pour un business de ce type ? La valorisation est bien plus qu’un simple multiple des bénéfices.

De 3 à 5 millions de dollars : les coulisses de la valorisation

Initialement, le prix de vente était plus bas. Théophile avait commencé en se disant : ‘Je vais le vendre 3 millions d’euros si je le vends en direct.’ L’augmentation du prix à 5 millions de dollars s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, le prix affiché sur les plateformes de vente inclut la commission du broker. Ensuite, entre le moment où le business a été listé et aujourd’hui, sa valeur a augmenté.

‘Entre le moment où j’ai listé mon business et entre le moment où la vente va réellement s’effectuer, bah mon business, je l’ai travaillé dedans pendant 6 mois’, précise-t-il. L’ajout d’un an de vidéos d’avance, la sortie d’un livre, l’amélioration des process… tout cela augmente la valeur de l’actif. Le prix élevé sert aussi à filtrer les curieux et les acheteurs peu sérieux qui font perdre un temps précieux.

Le prix final est également négociable en fonction de l’implication post-vente de Théophile : ‘Quelqu’un par exemple qui me le rachèterait 3 millions 5, je dirais bah voilà, je te donne un an de vidéos d’avance et pendant un an je serai disponible 24 heures sur 24. […] Maintenant si quelqu’un me dit voilà, je te le propose 2 millions de dollars. Je dis bon bah par contre je te le vends mais tu me poses pas une question après.’

Le rôle crucial des brokers et leurs commissions

Après avoir essayé de vendre par lui-même et perdu beaucoup de temps avec de faux acheteurs, Théophile a décidé de passer par des professionnels. Il travaille désormais en exclusivité avec un broker de la plateforme Flippa, l’une des plus grosses places de marché pour la vente de sites internet. Le broker apporte son carnet d’adresses, filtre les candidats et gère toute la partie administrative et légale.

Ce service a un coût. Les commissions varient, mais ‘un broker, il va prendre entre 5 à 15 %. Ce que j’ai vu la plupart du temps, c’est 10 %.’ C’est un investissement important, mais qui apporte une tranquillité d’esprit et une efficacité indispensables pour une transaction de cette envergure.

Et après la vente ? Les projets personnels de Théophile Eliet

Si la vente se concrétise, que fera Théophile de son temps et de son capital ? Loin de vouloir se prélasser sous un cocotier, il a des projets plein la tête. Certains sont des passions, comme une chaîne YouTube sur les ‘Everyday Carry’ (EDC) ou le sport. Mais un projet plus philanthropique lui tient particulièrement à cœur : ‘J’aimerais aussi créer un complexe en Thaïlande […] pour aider les Thaïlandais. J’aimerais bien créer un complexe où on peut s’entraîner au muay-thaï et puis apprendre les valeurs du muay-thaï pour les personnes qui n’ont pas forcément l’argent.’

Il souhaite être lui-même sur le terrain pour gérer ce projet, s’assurer que chaque euro est utilisé correctement, une volonté née d’expériences passées où il avait donné de l’argent sans pouvoir suivre concrètement l’avancement. Et bien sûr, il y a la vie de famille : ‘À terme, bah il y a bien un moment où je vais devoir avoir un petit Théo et puis ce petit Théo, bah il aura besoin du grand Théo.’ Vendre son business, c’est aussi s’acheter du temps et de la liberté pour construire l’étape suivante de sa vie.