Logo de l'épisode Monter une marque de luxe à l'autre bout du monde - avec Christophe Hoppé du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Monter une marque de luxe à l’autre bout du monde – avec Christophe Hoppé

Épisode diffusé le 7 août 2018 par Marketing Mania

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D’alsacien à créateur d’une marque de luxe en Australie : le parcours de Christophe Hoppé

Comment un Alsacien se retrouve-t-il à créer une marque de montres de luxe à succès à l’autre bout du monde ? C’est l’histoire fascinante de Christophe Hoppé, le fondateur de Bausele, la première marque de montres australienne. Dans cet entretien, il nous dévoile son parcours, depuis son arrivée en Australie sans emploi jusqu’à la création d’une entreprise générant des centaines de milliers de dollars, tout en jonglant avec un job à plein temps, des loyers exorbitants à Sydney et une vie de famille. C’est un récit qui justifie à lui seul l’existence d’un podcast, une plongée dans le parcours d’un entrepreneur qui sort complètement du moule.

Une routine matinale pour une journée d’entrepreneur à 100%

Pour comprendre l’énergie de Christophe, il faut commencer par sa routine matinale. Loin des clichés, elle est exigeante mais source d’une force incroyable. « Je me lève assez tôt, par contre, ça, ça va pas faire rêver beaucoup de monde. Il est 5h30, il fait nuit, c’est l’hiver », confie-t-il. Mais ce réveil matinal est le prélude à une expérience hors du commun : « J’arrive dans un endroit absolument magnifique à un quart d’heure d’ici, qui est Manly. Et je nage 1 kilomètre et demi dans l’océan. C’est incroyable de nager là-dedans, c’est comme si j’étais dans un aquarium ». Cette immersion quotidienne dans l’océan, au milieu des raies et des petits requins, au lever du soleil, est plus qu’un simple exercice. « Tu peux pas avoir une journée moyenne, après une nage comme ça, il y a pas de journée moyenne et que des journées à fond. Tu es à fond et c’est ce dont on a besoin en tant qu’entrepreneur. »

L’expatriation : un déménagement par amour, une opportunité par observation

Mais qu’est-ce qui a poussé cet Alsacien, passé par l’Arabie Saoudite, le Luxembourg et la Suisse, à s’installer en Australie ? La raison est simple : l’amour. « C’est pour Alex, que j’avais rencontré à Genève, une magnifique danseuse contemporaine, originaire de Sydney. » Arrivé en Australie il y a huit ans, ce directeur financier pour le groupe Swatch se retrouve sans travail pendant sept mois. Une période difficile, mais qui s’avérera fondatrice. C’est durant cette période de recherche d’emploi qu’il a l’idée qui va changer sa vie et créer la première marque de montre australienne.

Comment identifier une opportunité de marché et créer une marque de montre unique ?

Monter une boîte à succès quand on a un job à plein temps peut sembler impossible. Pourtant, Christophe a prouvé le contraire. La première étape fut d’identifier une véritable opportunité, un vide à combler sur le marché australien.

L’observation : la clé pour déceler un marché inexploité

L’idée de Bausele n’est pas venue d’une étude de marché complexe, mais d’une simple observation dans les transports en commun. « Je prenais mon train de banlieue […] et je regardais les poignets des gens. Et je voyais, mais que les mêmes montres, c’était les marques japonaises qu’on connaît tous et ils avaient tous les mêmes montres, tous ! », se souvient Christophe. Ce constat, couplé à la réalité économique et culturelle australienne, a été le déclencheur. « Il y a plein d’argent en Australie. […] Ils ont de l’argent et ils adorent, ils sont super patriotiques, ils adorent tout ce qui est australien. […] Et donc voilà, donc je me suis dit, bah tiens, il y a quelque chose à faire, il faut créer une marque de montre australienne. »

Le « Tall Poppy Syndrome » et l’avantage de l’européen

Mais pourquoi personne n’y avait pensé avant ? Christophe évoque une particularité culturelle : le « Tall Poppy Syndrome », cette tendance australienne à ne pas aimer ceux qui sortent du lot. « C’est toujours des étrangers, généralement des Britanniques, […] qui généralement sont les entrepreneurs. » Il ajoute que son bagage européen a été un atout majeur. « Nous, on a cette expérience en France du luxe avec les plus grandes marques. Et on a ce savoir-faire, cette accession au détail. » Malgré les doutes et les avertissements de son entourage – « tout le monde me disait que c’était complètement débile » – il a persévéré, sécurisé par le fait d’avoir retrouvé un emploi entre-temps.

L’idée différenciante : intégrer un morceau d’Australie dans chaque montre

Créer une marque australienne était un bon début, mais il fallait un concept plus fort pour se démarquer. L’inspiration est venue lors d’une promenade sur la plage. « Je marchais sur cette plage et il y a un endroit où il y a du sable, bien sûr, mais de la terre rouge, aussi, qui est très distinctive en Australie. » En voyant la terre rouge et le charbon, symboles des richesses naturelles du pays, et en se souvenant d’un ami horloger qui avait mis des cendres de volcan sur une montre, l’idée a germé. « Je l’ai mis dans la couronne, qui est le remontoir où on change l’heure. […] Le concept est né de mettre des éléments. » C’est ce storytelling puissant qui allait devenir la signature de Bausele, permettant aux clients d’acheter littéralement un morceau d’Australie, comme une tuile du toit de l’Opéra de Sydney dans leur édition spéciale.

De l’idée au produit : financer sa première production sans capital

Avoir une idée brillante est une chose, mais comment financer sa première production, surtout dans un secteur aussi coûteux que l’horlogerie de luxe, quand on n’a pas de capital de départ ? C’est l’un des plus grands défis pour tout entrepreneur qui se lance dans les produits physiques.

La pré-vente : une stratégie de financement audacieuse

Christophe, arrivé en Australie avec peu de fonds, a dû trouver une solution créative pour financer son premier lot de 1500 montres. Sa stratégie a été redoutablement efficace. « On a eu la chance d’avoir un détaillant qui s’occupe de l’aéroport de Sydney, […] qui a vraiment bien aimé la montre et le concept et m’a acheté la moitié de la production. En avance. » Ce deal incroyable a couvert la moitié des coûts. Pour l’autre moitié, il a trouvé un investisseur providentiel, « un Français qui habite ici, fortuné et qui m’a prêté l’autre moitié ». Ce processus en deux temps – pré-vente à un client stratégique et levée de fonds auprès d’un investisseur – a permis de lancer la production sans risque financier personnel.

Le rôle clé du mentor pour ouvrir les bonnes portes

Obtenir un tel accord avec l’aéroport de Sydney n’aurait pas été possible sans un contact clé. Christophe a eu la chance de rencontrer son mentor, Maxime Helg, ancien directeur de Cartier Asie-Pacifique. « Il a entendu parler de moi […] et il m’a contacté. […] Et puis là, lui, il a prévendu à Nuance. Si moi j’étais allé, il m’aurait même pas accordé un rendez-vous. » Qu’est-ce que ce ponte de l’industrie a vu en Christophe ? « Le fait que je sorte du moule avec Price Waterhouse Cooper, CFO, tout ça, ça doit quand même donner un petit peu confiance. […] Mais je pense aussi qu’il a dû sentir la passion. Je suis complètement passionné par ce que je fais. » Cette histoire souligne l’importance capitale du réseau et du mentorat pour un entrepreneur expatrié.

Monter une boîte avec un job à plein temps : discipline et organisation

Pendant près de quatre ans, Christophe a développé Bausele tout en travaillant pour des entreprises comme Morgan Stanley ou Hurley, la marque de surf. Comment a-t-il géré ce double agenda exigeant pour faire de son projet une entreprise viable ?

Le déclic pour quitter son job : le canal marketing à 100 000 $

La transition de salarié à entrepreneur à plein temps s’est faite grâce à un succès fulgurant. C’est le pouvoir des relations publiques (RP) qui a tout changé. « Ce qui m’a beaucoup, beaucoup aidé, en fait, c’est le PR », explique-t-il. En 2014, un article dans le Sydney Morning Herald, l’un des plus grands médias australiens, a fait exploser les ventes. « En un mois, après cet article, on a vendu pour 100 000 dollars de montres. Online. J’avais 100 000 dollars sur le compte en banque en 3 semaines après cet article. Et c’est là où j’ai arrêté de travailler. » Ce capital soudain lui a donné la sécurité nécessaire pour faire le grand saut.

Gérer son temps entre salariat, famille et entrepreneuriat

Comment trouver le temps ? Christophe estime qu’il consacrait une vingtaine d’heures par semaine à son business. Son secret : une discipline de fer. « Je me lève hyper tôt. […] Au taf, tu mets ton téléphone sur silence, moi, je prends jamais de pause. […] La pause de midi, […] tu bosses pendant une heure. » Le soir, après s’être occupé de ses enfants, il se remettait au travail. Sa philosophie était simple mais puissante : « Tous les jours, je dois faire quelque chose pour faire progresser la boîte. Donc ce n’est pas juste gérer le présent, il faut toujours faire un truc qui fasse progresser, au moins un. »

Le défi du cash-flow et de la gestion de stock

L’un des aspects les plus difficiles d’un business de produits physiques est la gestion du cash-flow. Les bénéfices sont souvent immédiatement réinvestis dans le stock suivant pour soutenir la croissance. Christophe compare son expérience à celle du fondateur de Nike, qui a gardé un job de comptable pendant des années malgré le succès de sa boîte. « La boîte grossit, grossit, grossit, et je n’ai jamais eu aussi peu d’argent que maintenant. […] Il faut pouvoir non seulement penser à toi, mais aussi à te dire, bah, j’ai une facture de 100 000 balles qui arrive et il va falloir la payer, sinon, j’ai pas de monde à vendre. » C’est une réalité cruciale que beaucoup d’entrepreneurs sous-estiment.

Bausele aujourd’hui : structure, développement et vision future

Après avoir quitté son emploi, Christophe a pu se consacrer entièrement au développement de sa marque de luxe. Comment Bausele est-elle structurée aujourd’hui et quelles sont ses ambitions ?

Une équipe décentralisée et un focus sur la vente

Christophe a opté pour une structure légère et agile. « J’ai pas d’employé, c’est tout, on travaille tous ensemble. » Il a externalisé les fonctions clés : une personne pour les RP, une pour les publicités payantes, une pour les réseaux sociaux, un distributeur en Australie, etc. « C’est comme si j’avais une équipe, mais décentralisée. » Lui se concentre sur l’essentiel : « Vente, vente, vente, c’est vraiment le c’est d’abord la vente. » Il passe deux à trois heures par jour à communiquer avec son équipe via Slack et WhatsApp, mais consacre moins de 5% de son temps à ce qu’il préfère, la création et le design, un point qu’il espère changer en recrutant un directeur général.

Vendre un produit haut de gamme en ligne : comment convaincre ?

Si Bausele est vendue dans des grands magasins et des bijouteries haut de gamme, la vente en ligne se développe de plus en plus. Comment convaincre un client d’acheter une montre à 1000 dollars sans l’avoir vue ? Christophe pense que c’est une question de confiance et de notoriété accumulée. « Je pense qu’ils se disent juste, ah, j’ai entendu parler de cette marque, j’ai un copain qui m’en a peut-être parlé. […] J’ai lu un article qui en parlait, j’ai vu une vidéo. » L’acte d’achat devient alors plus naturel, soutenu par le désir de supporter une marque australienne locale.

L’ambition future : au-delà des montres

Christophe voit plus loin que l’horlogerie. « Mon ambition, c’est de devenir une marque de luxe australienne. Ça commence avec les montres, mais on a tellement de belles choses à vendre en Australie. » Il pense aux lunettes de soleil, à la maroquinerie avec le cuir de kangourou. Quand se lancer ? Il se base sur deux critères : la demande des clients, qui est déjà présente, et les ressources financières. « Le jour où j’ai assez d’argent pour des montres, pour marketer les montres […] et plus encore pour investir dans autre chose, bah, je le ferai. »

Les 3 conseils de Christophe Hoppé aux entrepreneurs

1. Oubliez les études traditionnelles et devenez excellent dans un domaine : « Fais pas d’études. Concentre-toi sur un truc et sois super bon. Si j’avais pu à 20 ans, mais je me serais lancé directement. »

2. Lisez ‘Eat That Frog’ de Brian Tracy : « C’est hyper simple à lire et à la fin de chaque chapitre il va donner un petit exercice et tous les exercices sont pertinents. Le principe : tous les jours, en te levant, le truc qui te fait le plus chier dans ta liste, tu le fais en premier. »

3. Adoptez le bon état d’esprit : Sa citation favorite résume sa philosophie : « Il n’y a pas de problème, il y a que des solutions. »

Questions fréquentes sur la création d’une marque de luxe

Comment créer une marque de montre de luxe en partant de zéro ?

Pour créer une marque de montre de luxe, il faut d’abord identifier une niche de marché inexploitée et développer un concept unique qui raconte une histoire. Ensuite, il est crucial de financer la première production par des moyens créatifs comme la pré-vente et la recherche d’investisseurs, tout en s’appuyant sur un mentor pour ouvrir des portes.Christophe Hoppé explique : « Je me suis dit, bah tiens, il y a quelque chose à faire, il faut créer une marque de montre australienne. […] Le concept est né de mettre des éléments [d’Australie] dedans. »

Est-il possible de monter une boîte avec un job à plein temps ?

Oui, il est tout à fait possible de monter une entreprise en parallèle d’un emploi à plein temps. Cela demande une discipline rigoureuse, une excellente gestion du temps et des sacrifices, mais offre une sécurité financière indispensable, surtout au début.Christophe Hoppé raconte : « Ça a duré 4 ans, mais c’est vraiment 3 ans à partir du moment où j’avais les échantillons. Donc, 3 ans où j’ai travaillé à côté. »

Comment financer sa première production de produits sans argent ?

La clé est de ne pas dépendre de son propre capital. Une stratégie efficace est de sécuriser une commande importante auprès d’un distributeur qui paie en avance, couvrant ainsi une partie des coûts, et de trouver un investisseur privé pour financer le reste.Christophe Hoppé détaille sa méthode : « Un détaillant […] m’a acheté la moitié de la production. En avance. […] Et puis les autres, j’ai trouvé un investisseur […] qui m’a prêté l’autre moitié. »

Comment utiliser les relations publiques pour générer des ventes ?

Les relations publiques (RP) peuvent être un levier de vente extrêmement puissant. Obtenir un article dans un média national respecté peut créer un pic de notoriété et de crédibilité qui se traduit directement par des ventes massives, parfois en l’espace de quelques semaines.Christophe Hoppé témoigne : « J’ai eu un article dans la presse qui m’a généré les 100 000 dollars. […] En un mois, après cet article, on a vendu pour 100 000 dollars de montres. Et c’est là où j’ai arrêté de travailler. »

Quand faut-il quitter son job pour se consacrer à son entreprise ?

Le moment idéal pour quitter son emploi est souvent marqué par un signal fort de validation du marché, comme un afflux de revenus important qui assure une trésorerie suffisante pour couvrir les frais de l’entreprise et les dépenses personnelles pendant plusieurs mois.Christophe Hoppé explique son déclic : « J’ai eu un article dans la presse qui m’a généré 100 000 dollars. […] Là, je me suis dit, bon, j’ai 100 000 dollars sur le compte en banque, ça me fait tenir quand même un petit peu de temps. Je vais démissionner. »

Quelle est l’importance d’un concept unique pour lancer sa marque ?

Un concept unique est fondamental pour se différencier dans un marché concurrentiel. Il doit être authentique, raconter une histoire forte et créer un lien émotionnel avec la cible. C’est ce qui transforme un simple produit en une marque désirable.Christophe Hoppé souligne : « Une montre australienne, OK, super, c’est déjà un bon début. Mais j’étais, c’est pas assez. […] Je l’ai mis dans la couronne. Et voilà, le concept est né de mettre des éléments [d’Australie]. »

Comment gérer le cash-flow et le stock dans un business de produits physiques ?

La gestion du cash-flow est un défi constant. Il faut accepter que la majorité des bénéfices soit réinvestie dans l’achat de nouveaux stocks pour soutenir la croissance, ce qui peut limiter les revenus personnels pendant une longue période. Une planification financière rigoureuse est essentielle.Christophe Hoppé confie : « La boîte grossit, grossit, grossit, et je n’ai jamais eu aussi peu d’argent que maintenant. […] Il faut payer pour le stock, et le stock de montre est extrêmement cher. »

Comment vendre un produit haut de gamme en ligne ?

Vendre un produit de luxe en ligne repose sur la confiance et la notoriété de la marque. Cette confiance se construit en amont, à travers les relations publiques, le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux et le contenu de qualité, pour que le client se sente suffisamment à l’aise pour acheter sans voir le produit physiquement.Christophe Hoppé analyse : « Je pense qu’ils se disent juste, ‘ah, j’ai entendu parler de cette marque’, j’ai un copain qui m’en a peut-être parlé, donc j’ai déjà une bonne confiance. […] Le processus d’achat est assez naturel. »


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