Logo de l'épisode Modèles Mentaux #3 : Comment être original du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Modèles Mentaux #3 : Comment être original

Épisode diffusé le 17 octobre 2016 par Marketing Mania

Écouter l'épisode :

La vérité derrière le mythe : le retour de Steve Jobs et la campagne ‘Think Different’

Je vous décris un peu la scène. On est en 1997. Steve Jobs vient de faire son retour en tant que PDG d’Apple, après 12 années d’exil. Au moment où il retourne à Apple, la marque est assez mal en point. Certains diront qu’elle a oublié ses racines. On a multiplié les lignes de produits, les résultats financiers sont loin d’être brillants. Le retour de Steve Jobs peut être lu comme une décision née du désespoir. On est dans une situation où rien ne marche et on est prêt à jeter les dés une dernière fois.

Dans les années à venir, Steve Jobs va faire un travail assez exceptionnel. Il va réussir à restaurer la profitabilité d’Apple et poser les bases de la dominance qui perdure encore aujourd’hui. Mais ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est un élément précis : une de ses premières décisions, la fameuse campagne ‘Think Different’. Je vous passe un petit extrait audio en version française :

Là où certains ne voient que folie. Nous voyons du génie. Car seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde. Ils parviennent.

Pour moi, cette campagne de pub est la parfaite introduction à cet épisode sur le thème de ‘comment être original’. Cette campagne est intéressante parce qu’elle s’adresse non seulement aux consommateurs, mais aussi, et c’est encore plus important, aux employés d’Apple. L’objectif est de donner un sens particulier à quel genre de personne va travailler chez Apple. L’idée que si vous travaillez chez Apple, c’est que vous êtes un innovateur, un rebelle, quelqu’un qui est en dehors de la norme.

Les archétypes romantiques de l’innovation : un mythe à déconstruire

Ce qui est intéressant, c’est que cette campagne met en avant ce que je vais appeler les archétypes romantiques de l’innovation. Ces archétypes sont profondément ancrés dans notre culture et façonnent notre perception de la créativité. Mais sont-ils vraiment le reflet de la réalité ?

Le génie, l’artiste maudit et l’outsider

J’ai identifié trois de ces archétypes romantiques. Vous avez :

  • Numéro 1, le génie : C’est quelqu’un qui a un don, une vision différente du reste du monde.
  • Numéro 2, l’artiste maudit : C’est la personne qui est aussi un génie mais qui est incompris, tourmenté par des malheurs internes. Pensez à tous ces auteurs alcooliques ou qui vont finir par se suicider.
  • Numéro 3, l’outsider : Le gars qui ne connaît rien ni personne, qui sort de nulle part et qui, justement parce qu’il sort de nulle part, peut avoir des idées radicalement différentes.

Si on regarde la carrière de Steve Jobs et la pub ‘Think Different’, on a mis en avant ces archétypes. Le message est clair : pour innover, il faut être un outsider, un génie, un rebelle. Mais si vous comparez ça avec la carrière de Steve Jobs lui-même, vous voyez que concrètement, ses plus grands succès ne venaient pas de là. L’iPod, l’iPhone, l’iPad, sont venus plus tard dans sa carrière, à un moment où il était très clairement un insider à la tête d’une très grande société.

La maîtrise selon Robert Green : la véritable source pour être original

C’est pour ça que je voudrais opposer ces archétypes romantiques avec le concept de la maîtrise, de la profondeur, d’être un insider. Cette idée a été popularisée par Malcolm Gladwell sous le nom de la loi des 10000 heures, mais je préfère utiliser le modèle mental de Robert Green dans son livre ‘Mastery’. Dans ce livre, Robert Green identifie trois étapes pour maîtriser un domaine :

  1. La phase d’apprentissage : Vous êtes à l’extérieur, vous essayez d’apprendre les règles du jeu, comment les choses fonctionnent.
  2. La phase créative active : Vous commencez à pratiquer, à vous immerger, à appliquer les règles et à chercher des innovations.
  3. La phase de maîtrise : Vous avez une compréhension profonde des éléments et de leurs interactions.

L’élément le plus contre-intuitif, c’est que pour Robert Green, l’innovation apparaît dans la troisième phase. La bonne façon d’innover, ce n’est pas d’être un outsider, mais de passer des années de pratique pour maîtriser profondément les règles du jeu. Seul celui qui maîtrise les règles peut aller au-delà et créer de l’innovation.

L’innovation par la discipline : les leçons de Stephen King

Un exemple qui m’intéresse particulièrement vient du livre ‘On Writing’ de Stephen King. C’est un livre de non-fiction qui récapitule sa carrière et son approche de l’art d’écrire. J’ai identifié trois éléments importants dans sa carrière, qui sont l’antithèse de l’archétype romantique.

La régularité : écrire 2000 mots par jour, sans exception

Stephen King écrit tous les jours, et chaque jour, il écrit 2000 mots, soit environ 10 pages, quoi qu’il arrive. Il cite dans son livre :

Certains jours, ces 10 pages viennent facilement… Mais plus souvent, à mesure que je vieillis, je me retrouve à manger mon déjeuner devant mon bureau… Parfois, quand les mots ne me viennent pas, j’y suis encore à l’heure du thé. L’un ou l’autre me conviennent. Mais il faut que des circonstances critiques adviennent pour que j’accepte d’arrêter mon travail de la journée avant d’avoir écrit mes 2000 mots.

La discipline : l’exemple d’Anthony Trollope

Le deuxième élément est la discipline. Stephen King admire un autre auteur, Anthony Trollope, qui était extrêmement prolifique tout en travaillant à temps plein comme postier. Voici ce que King écrit sur lui :

Il écrivait pendant 2h30 chaque matin avant d’aller au travail. Cet emploi du temps était non négociable. Et s’il était au milieu d’une phrase au moment où ces 2h30 touchaient à leur fin, il arrêtait au milieu de la phrase et il reprenait le lendemain matin.

L’immersion totale pour donner vie à ses idées

Enfin, le troisième élément est la valeur de s’immerger dans un projet. Stephen King explique :

Une fois que je commence à travailler sur un projet, je ne m’arrête pas, je ne ralentis pas tant que ce n’est pas absolument nécessaire. Si je n’écris pas tous les jours, les personnages commencent à croupir dans mon esprit et je commence à les voir comme des personnages et non plus comme des vraies personnes.

Cette triple idée de régularité, discipline et immersion est l’inverse de l’archétype romantique. La meilleure façon de créer est de s’immerger jour après jour dans un travail très pragmatique.

Développer sa créativité au quotidien : l’exemple des créateurs de contenu

Cette approche de la discipline et de la régularité n’est pas limitée à l’écriture. On la retrouve chez les créateurs de contenu les plus innovants, comme ceux qui produisent des vidéos YouTube quotidiennes.

Casey Neistat et l’innovation par le volume de production

Le premier exemple est Casey Neistat, le célèbre vlogger américain. Si vous regardez ses vidéos, vous voyez une grande créativité dans le format, née de la contrainte de produire chaque jour. Il a développé tout un tas de techniques de tournage et de montage qui ont fait avancer le format du vlogging. Cette innovation formelle est directement issue de sa régularité, de sa discipline et de son immersion.

Antoine Blanchemaison : comment ne jamais être à court d’idées

Un autre exemple est le youtubeur français Antoine Blanchemaison, qui crée également une vidéo chaque jour. On pourrait penser qu’il va vite tomber à court d’idées. Mais comme il l’explique lui-même, le fait d’être immergé chaque jour dans la création génère de nouvelles idées. Le processus de création lui-même nourrit plus de création et d’innovation. Si vous attendez que la foudre vous frappe, vous aurez beaucoup de mal à créer quelque chose d’original.

Comment trouver des idées originales : deux modèles mentaux puissants

Au-delà de la discipline, il existe des modèles mentaux pour stimuler activement la génération d’idées nouvelles. Voici deux approches qui peuvent transformer votre manière de penser.

Le sexe des idées de James Altucher

Ce modèle mental vient de l’auteur américain James Altucher. Son concept est simple : si vous voulez trouver une bonne idée, la meilleure façon de le faire est de combiner deux idées existantes pour en créer une nouvelle. C’est ce qu’il appelle le ‘sexe des idées’. Vous prenez deux idées, vous les faites ‘coucher ensemble’, et vous obtenez une troisième idée, plus originale.

Le muscle à idées : un exercice quotidien pour booster votre créativité

Altucher va plus loin en expliquant que trouver des idées est une pratique. Il conseille de muscler sa capacité à innover en écrivant chaque jour une liste de 10 idées. Peu importe qu’elles soient bonnes ou utiles. L’exercice quotidien développe votre ‘muscle à idées’. Il suggère des listes comme : 10 livres que je pourrais écrire, 10 idées de business pour Google, 10 idées de podcast, etc.

L’art de transposer les idées entre industries : la méthode Jay Abraham

Une autre façon de concevoir le ‘sexe des idées’ vient du consultant Jay Abraham. Sa spécialité est de prendre une idée qui fonctionne dans une industrie A et de l’appliquer à une industrie B. Par exemple, il a pris des tactiques de marketing direct et les a appliquées à la vente de pièces de collection et de lingots d’or, créant des business très rentables. Joe Polish a fait de même en appliquant les techniques du marketing d’information (lead magnets, etc.) au secteur du nettoyage de tapis. Dans mon propre business, ma chaîne YouTube Marketing Mania est née de la fusion entre le style d’analyse de la chaîne ‘Nerdwriter’ (critique de films, pop culture) et le domaine du marketing.

Raisonner à partir des premiers principes pour une innovation radicale

Le dernier modèle mental pour devenir plus original est le concept des premiers principes. C’est peut-être le plus puissant de tous.

La pensée d’Elon Musk : déconstruire pour mieux créer

Les premiers principes sont les règles fondamentales desquelles tout le reste est déduit. Elon Musk en est un fervent défenseur. Il explique :

Je pense que le processus de réflexion de la plupart des gens s’accroche trop à la convention ou à des analogies. […] Il est rare que les gens réfléchissent sur la base des premiers principes. Ils se disent ‘on va faire comme ça parce que c’est comme ça que tout le monde a toujours fait’. […] Vous devez construire votre raisonnement à partir de zéro, en partant des fondamentaux.

L’idée est de ne pas copier ce que font les autres, mais de repartir des fondamentaux. En marketing, ces fondamentaux sont les principes de psychologie humaine, les biais cognitifs, les principes de Cialdini, la nécessité de gagner l’attention et la confiance. C’est pourquoi j’aime lire des textes marketing anciens, comme ceux de Claude Hopkins. En étudiant le marketing à travers différentes époques et industries, on comprend non seulement les tactiques, mais surtout les premiers principes.

La technique des 5 pourquoi : trouver la cause fondamentale d’un problème

Une autre façon d’aborder ce modèle est le concept des ‘5 pourquoi’, qui vient de l’industrie automobile chez Toyota. L’objectif est d’aller à la source fondamentale d’un problème en demandant ‘pourquoi ?’ cinq fois de suite. Prenons un exemple en marketing web :

  • Problème : Je ne fais pas assez de ventes.
  • Pourquoi ? Parce que je n’ai pas assez de trafic.
  • Pourquoi ? Parce que mon site n’apparaît pas là où se trouve mon marché.
  • Pourquoi ? Parce que les gens ne partagent pas mon contenu.
  • Pourquoi ? Parce que mon contenu n’apporte pas une valeur unique par rapport à mes concurrents.
  • Pourquoi ? Parce que je m’inspire de mes concurrents pour publier du contenu.

On arrive à la cause profonde : le contenu n’est pas assez différencié. Au lieu de chercher des tactiques de surface, on peut repartir des premiers principes, comprendre le besoin fondamental de notre marché et créer une solution véritablement originale.

Conclusion : l’innovation naît de la profondeur

Ce que j’ai voulu vous donner dans cet épisode, c’est que la meilleure façon d’innover et d’être original n’est pas d’attendre l’inspiration ou de se conformer à un mythe. C’est d’avoir une tapisserie de modèles mentaux efficaces, une compréhension profonde de votre marché, et une pratique quotidienne. C’est de cette discipline que va émerger l’innovation.

Pour résumer, nous avons parlé des archétypes romantiques, de l’innovation par la maîtrise (régularité, discipline, immersion), du sexe des idées, du muscle à idées, de la transposition entre industries, de la réflexion par premiers principes et de l’exercice des 5 pourquoi. C’est en appliquant ces concepts que vous pourrez réellement faire la différence.

Foire aux questions sur l’originalité et l’innovation

Qu’est-ce que les archétypes romantiques de l’innovation ?

Réponse directe : Ce sont des stéréotypes culturels sur la manière dont l’innovation se produit. Ils incluent le ‘génie’ doté d’une vision unique, ‘l’artiste maudit’ incompris et tourmenté, et ‘l’outsider’ qui révolutionne un domaine sans en connaître les codes. Ces mythes valorisent l’inspiration soudaine plutôt que le travail de fond.

Citation de l’épisode : ‘Les archétypes romantiques de l’innovation, j’en ai identifié trois. Vous avez numéro 1 le génie. […] numéro 2 l’artiste maudit. […] Et le troisième et dernier archétype romantique c’est l’outsider.’

Comment le modèle de la maîtrise de Robert Green explique-t-il l’innovation ?

Réponse directe : Selon Robert Green, la véritable innovation n’apparaît pas au début, mais à la fin d’un long processus. Elle survient dans la troisième et dernière phase, la ‘maîtrise’, après une phase d’apprentissage des règles et une phase de pratique. C’est la compréhension profonde d’un domaine qui permet de dépasser ses conventions.

Citation de l’épisode : ‘Pour Robert Green, l’innovation apparaît dans la troisième phase. Si vous voulez innover […] la bonne façon de le faire […] c’est de passer des années et des années de pratique dans ce domaine et de commencer à maîtriser de façon profonde les règles du jeu actuel.’

Quelle est la routine d’écriture de Stephen King pour être original et productif ?

Réponse directe : La routine de Stephen King repose sur trois piliers : la régularité (écrire 2000 mots chaque jour sans exception), la discipline (un emploi du temps non négociable) et l’immersion (ne pas s’arrêter une fois un projet commencé). Cette approche pragmatique est à l’opposé du mythe de l’écrivain attendant l’inspiration.

Citation de l’épisode : ‘Cette triple idée de régularité, de discipline et d’immersion, c’est absolument l’inverse de l’archétype romantique de la créativité.’

En quoi consiste le modèle mental du ‘sexe des idées’ de James Altucher ?

Réponse directe : Le ‘sexe des idées’ est un concept de James Altucher qui postule que les idées les plus originales naissent de la combinaison de deux idées préexistantes. En ‘faisant coucher ensemble’ deux concepts, on génère une troisième idée nouvelle et potentiellement innovante.

Citation de l’épisode : ‘Si vous voulez trouver une bonne idée, la meilleure façon de le faire, c’est de combiner deux idées existantes et de créer une nouvelle idée. C’est ce qu’il appelle le sexe des idées.’

Comment développer son ‘muscle à idées’ au quotidien ?

Réponse directe : Pour développer son ‘muscle à idées’, James Altucher recommande un exercice quotidien simple : prendre une feuille de papier et lister 10 nouvelles idées sur n’importe quel sujet. L’objectif n’est pas la qualité des idées, mais l’entraînement régulier du cerveau à en générer, renforçant ainsi la capacité à innover.

Citation de l’épisode : ‘Il vous conseille de chaque jour prendre une feuille de papier et écrire 10 idées de façon régulière et que ces idées ne sont pas forcément bonnes […] mais le fait d’avoir cet exercice quotidien va vous aider à développer votre muscle à idée.’

Comment la campagne ‘Think Different’ d’Apple illustre-t-elle le mythe de l’innovation ?

Réponse directe : La campagne ‘Think Different’ glorifiait les rebelles, les génies et les inadaptés, renforçant l’idée que l’innovation vient de l’extérieur des normes. Cependant, les plus grands succès de Steve Jobs (iPhone, iPod) sont arrivés bien plus tard, lorsqu’il était un ‘insider’ expérimenté, ce qui montre le décalage entre le mythe vendu et la réalité de l’innovation par la maîtrise.

Citation de l’épisode : ‘Si vous comparez ça avec la carrière de Steve Jobs en lui-même, vous voyez que concrètement, les plus grands succès de Steve Jobs ne venaient pas d’être un génie […] ou un outsider. […] Ils sont revenus plus tard dans sa carrière. Un moment où il était très clairement un insider.’

Que signifie raisonner à partir des ‘premiers principes’ comme Elon Musk ?

Réponse directe : Raisonner à partir des ‘premiers principes’ signifie déconstruire un problème jusqu’à ses vérités fondamentales et irréductibles, au lieu de se baser sur des analogies ou des conventions existantes (‘on a toujours fait comme ça’). C’est en reconstruisant une solution à partir de ces bases fondamentales que l’on peut parvenir à une innovation radicale.

Citation de l’épisode : ‘Vous devez construire votre raisonnement à partir de zéro en partant des premiers principes […] Vous partez des fondamentaux et vous construisez votre raisonnement à partir de ça.’

Comment utiliser la technique des 5 pourquoi en marketing pour innover ?

Réponse directe : En marketing, la technique des ‘5 pourquoi’ permet de diagnostiquer la cause profonde d’un problème (ex: manque de ventes) en demandant ‘pourquoi’ de manière répétée. Au lieu de s’arrêter à des solutions de surface (ex: ‘il faut plus de trafic’), on peut découvrir la racine du problème (ex: ‘mon contenu n’est pas assez différencié’), ce qui permet de développer une stratégie réellement originale et efficace.

Citation de l’épisode : ‘Si vous vous demandez pourquoi plusieurs fois, vous vous apercevez que si vous n’avez pas assez de trafic sur votre site, c’est parce que le contenu que vous choisissez de publier n’est pas assez différencié.’


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