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Modèles Mentaux #2 : Comment avoir tort

Épisode diffusé le 10 octobre 2016 par Marketing Mania

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Avoir tort : la compétence secrète des meilleurs marketeurs

Le sujet peut sembler étrange au premier abord, car vraiment, qui a envie d’avoir tort ? On veut tous avoir raison. Mais si on y réfléchit bien, avoir raison, c’est facile. Par contre, avoir tort est difficile, douloureux, et peut même être humiliant. Pourtant, c’est cette capacité à avoir tort qui vous force à accepter vos limitations et, surtout, à mettre à jour votre vision du monde. C’est une compétence fondamentale, au cœur de la démarche des modèles mentaux.

Les deux facettes de l’échec : avoir tort n’est pas échouer

Quand vous lancez une nouvelle entreprise, un nouveau produit ou une nouvelle campagne marketing, il y a deux façons principales d’échouer.

  1. Vous pouvez ne pas exécuter le plan que vous avez mis en place.
  2. Vous pouvez exécuter parfaitement le plan, mais ce dernier ne donne pas les résultats escomptés.

Cette distinction est cruciale. Dans le premier cas, vous avez échoué au sens propre du terme. Mais dans le second cas, vous n’avez pas vraiment échoué : vous avez simplement eu tort. En d’autres termes, votre vision du monde, c’est-à-dire les modèles mentaux que vous avez utilisés pour établir vos objectifs et les moyens pour les atteindre, n’était pas à la hauteur. Vos modèles n’ont pas réussi à prédire le futur comme vous l’aviez espéré.

L’épreuve du réel : quand votre plan ignore un détail crucial

Avoir tort, en théorie, c’est très facile. On se dit : « il suffit d’ajuster le plan et de recommencer ». Mais la vraie difficulté de l’échec n’est pas dans la théorie, elle est dans la pratique. Ce sont les émotions qui vont avec.

Le cas de Caroline et son business de sacs à main

Pour illustrer cela, prenons l’exemple réel de Caroline (un nom d’emprunt). Installée au Vietnam, elle a une idée : monter un site web pour vendre des sacs à main sur mesure, fabriqués par des artisans locaux, à des consommateurs occidentaux. Sur le papier, son plan est solide : une catégorie de produit avec une demande établie, un prix élevé, des coûts de fabrication raisonnables et un avantage compétitif lié à sa présence sur le terrain. Mais il manque un élément crucial que beaucoup de débutants oublient : comment acquérir des clients ?

Pour beaucoup, le modèle mental de la création d’entreprise se concentre sur le visible : fabriquer le produit, créer le site. Mais si vous n’intégrez pas le fait que la principale difficulté est souvent d’attirer du trafic, vous passez à côté de l’essentiel. Le résultat pour Caroline ? Un site bien fait, une chaîne de fabrication prête, mais zéro trafic et zéro vente. Tout est prêt, mais il manque l’ingrédient majeur : les visiteurs.

Quand faut-il abandonner un projet ? Leçons sur la mise à jour de votre vision du monde

Certaines personnes vous diront qu’il ne faut jamais abandonner, qu’il faut poursuivre ses rêves. À mon sens, ce n’est pas exact, ou en tout cas, c’est imprécis. Dans beaucoup de cas, comme celui de Caroline, votre plan d’origine est simpliste, irréaliste. Il passe à côté d’un élément crucial. Ce qui peut pousser quelqu’un comme elle à s’attaquer à un marché massif sans plan précis pour se différencier, c’est qu’elle a un point mort dans sa vision du monde.

On a tous nos propres points morts, surtout si on a très envie de croire que quelque chose va marcher. Il devient alors facile d’ignorer des obstacles, des compétences qui nous manquent ou des problèmes qu’on choisit de laisser pour plus tard.

Mon expérience avec MarketingMania : l’importance de pivoter

Je peux vous en parler personnellement. Au départ, MarketingMania a été conçu comme un service de pub Facebook pour les instituts de formation. Je ciblais des PME avec un certain chiffre d’affaires, du budget, et qui pouvaient bénéficier du retargeting. J’étais convaincu que ça pouvait devenir très grand, très rapidement.

Mon point mort n’était pas d’attirer des clients, j’ai réussi à le faire assez facilement. Mon point mort, c’était de sous-estimer deux choses :

  1. La complexité du cycle de vente : Mon succès ne reposait pas sur ma capacité à faire des pubs, mais sur ma capacité à passer des heures au téléphone à éduquer des prospects. Un travail de vente répétitif et épuisant.
  2. Le niveau d’éducation du marché : Je pensais que mes interlocuteurs comprendraient ce qu’est le retargeting ou un cookie. En pratique, ce n’était pas le cas. Je passais mon temps à faire de la pédagogie.

Après quelques mois, j’ai mis à jour ma vision du monde. J’ai réalisé que le business que j’étais en train de construire était épuisant pour moi. Est-ce que ça a du sens de continuer à suivre un plan quand il a été établi sur la base d’informations qui sont désormais obsolètes ? La réponse, pour moi, était non. J’ai donc progressivement changé le positionnement, abandonné la prospection et je suis passé sur un modèle entièrement « inbound » avec des clients qui comprenaient ce que je faisais.

La régulation émotionnelle : la compétence clé pour bien gérer l’échec

Cette capacité à changer de plan nous amène à une compétence essentielle : la régulation émotionnelle. Prenez l’histoire d’un entrepreneur qui avait créé une super application de calendrier en ligne. 18 mois après son lancement, Google Calendar est sorti. Du jour au lendemain, son business était mort. C’est facile pour nous de dire : « c’est évident, il doit abandonner ». Mais imaginez cet homme qui a passé 18 mois à travailler sur son projet et qui doit accepter que tout est fini.

La régulation émotionnelle, c’est la capacité à ne pas se laisser submerger par ses émotions, qu’elles soient positives ou négatives. Une positivité excessive peut même être dangereuse. Si ce créateur de calendrier s’était dit « On s’en fout de Google, on va y aller ! », sa positivité l’aurait conduit à perdre des années de sa vie.

Les dangers de la positivité excessive : les histoires d’Emily Gould et Jim Paul

Refuser de voir la réalité par excès de positivité ou par peur des émotions négatives est un piège. L’histoire d’Emily Gould, une jeune auteure, l’illustre parfaitement. Elle reçoit une avance de 200 000 dollars pour son premier livre, s’installe à Brooklyn et adopte le style de vie de l’écrivain à succès. Problème : son livre est un échec commercial. Mais pendant des années, elle n’arrive pas à mettre à jour sa vision d’elle-même. Elle continue de se voir comme une jeune prodige et de dépenser son avance, tout en gagnant très peu. Elle raconte : « Pour croire à tout ça, il a fallu que je me coupe de toute réalité pratique. Car imaginer ces réalités était comme se préparer à l’échec. »

Ce mécanisme n’est pas réservé aux artistes. Dans le livre What I Learned Losing a Million Dollars, on découvre l’histoire de Jim Paul, un financier à succès qui se croit doté d’un don pour prédire les marchés. Quand ses positions commencent à mal tourner, il refuse d’avoir tort. Convaincu qu’il a raison, il emprunte de plus en plus pour couvrir ses pertes, jusqu’à la faillite. Dans les deux cas, un succès initial crée une vision d’eux-mêmes qu’ils cherchent à protéger à tout prix, en ignorant les signaux négatifs que le monde leur envoie.

Comment séparer son ego de ses décisions pour mieux avancer

Ce qui empêche la mise à jour de notre vision du monde, c’est notre ego. Pour les besoins de cet article, définissons l’ego comme votre idée de vous-même. C’est la partie de votre esprit qui cherche à se maintenir à tout prix et résiste aux évolutions, même positives. Un chirurgien esthétique, Maxwell Maltz, a découvert que réparer une imperfection physique ne suffisait souvent pas à guérir un complexe, car l’identité de la personne était liée à ce défaut.

Si vous voulez prendre de meilleures décisions, une bonne étape est de commencer à séparer votre ego de vos décisions.

L’équilibre vie pro-vie perso : une arme secrète pour votre ego

Cela peut paraître étrange, mais un des meilleurs arguments pour un équilibre entre vie pro et vie perso (work-life balance) est lié à l’ego. Les gens qui ont une concentration absolue sur leur travail ont un talon d’Achille majeur : comme leur travail est leur vie, leur ego y est entièrement investi. Ils auront donc beaucoup plus de mal à faire face à l’échec.

Comparez le créateur du calendrier à quelqu’un qui, en plus de son travail, a une vie à côté : il fait du sport, il a des enfants, il préside un club. Son ego est diversifié. Il aura beaucoup plus de facilité à accepter un revers professionnel. L’exemple de Steve Jobs est intéressant : à son retour chez Apple en 1997, après 12 ans d’exil où il a fondé une famille, il semblait moins égomaniaque, plus équilibré et plus apte à accepter quand il avait tort.

Pratiquer la pensée négative pour anticiper les problèmes

Nous vivons dans un monde qui prône la pensée positive. Mais comme on l’a vu, elle comporte des risques. Je voudrais donc vous donner deux exercices concrets pour appliquer le concept de pensée négative de manière constructive.

Le Prémortem : anticiper l’échec pour mieux le contrer

Le Prémortem est un post-mortem, mais réalisé avant le début du projet. L’idée est simple : imaginez que votre projet a échoué lamentablement. Maintenant, demandez-vous : pourquoi ? Quelles sont les raisons de cet échec ? C’est un concept cher aux stoïciens, comme Sénèque, qui conseillait de visualiser les situations négatives futures (la pauvreté, la maladie) pour s’y préparer émotionnellement et mieux les affronter si elles surviennent.

Expliciter vos hypothèses pour ne pas naviguer à l’aveugle

Revenons à mes débuts avec MarketingMania. Une de mes hypothèses, qui s’est avérée fausse, était que je pourrais rapidement signer des clients. La raison de cette erreur était que je n’avais pas pris en compte le temps de décision dans les grandes entreprises. J’avais l’habitude du B2C et je n’imaginais pas qu’une boîte de plusieurs centaines d’employés pouvait mettre deux mois à prendre une décision. Si j’avais explicité cette hypothèse dès le départ – « Hypothèse clé : le cycle de vente sera inférieur à 30 jours » – j’aurais pu la tester activement et réaliser mon erreur bien plus tôt.

En conclusion, apprendre à avoir tort n’est pas un aveu de faiblesse, mais une démonstration de force et d’intelligence. C’est en acceptant nos erreurs, en régulant nos émotions et en détachant notre ego que nous pouvons réellement mettre à jour nos modèles mentaux. C’est cette flexibilité qui sépare ceux qui stagnent de ceux qui évoluent et qui, au final, réussissent sur le long terme.

Questions fréquentes sur la gestion de l’échec

Quelle est la différence entre l’échec et le fait d’avoir tort ?

Réponse directe : L’échec survient quand vous n’exécutez pas votre plan, tandis qu’avoir tort signifie que vous avez exécuté un plan qui était fondamentalement erroné car basé sur une mauvaise vision de la réalité.

Citation de l’article : « Dans le premier cas, si vous n’avez pas exécuté le plan que vous aviez décidé, vous avez échoué au sens propre du terme. Mais dans le second cas, si vous avez exécuté votre plan mais que les résultats n’ont pas été à la hauteur, vous n’avez pas vraiment échoué, vous avez simplement eu tort. »

Pourquoi est-il si difficile émotionnellement d’admettre qu’on a tort ?

Réponse directe : La difficulté n’est pas intellectuelle mais émotionnelle. Avoir tort peut être vécu comme une humiliation et remet en cause notre vision de nous-mêmes, ce qui déclenche des émotions négatives puissantes.

Citation de l’article : « La vraie difficulté de l’échec ce n’est pas dans la théorie, évidemment la théorie c’est facile. […] Non la vraie difficulté de l’échec c’est dans la pratique, c’est les émotions qui vont avec. »

Quand faut-il décider d’abandonner un projet entrepreneurial ?

Réponse directe : Il est temps d’abandonner un plan lorsque vous avez recueilli de nouvelles informations qui prouvent que vos hypothèses de départ étaient fausses et que le projet n’est plus viable dans sa forme actuelle.

Citation de l’article : « Est-ce que ça a du sens de continuer à suivre un plan quand le plan a été établi sur la base d’informations qui sont désormais obsolètes ? […] La réponse bien sûr, en tout cas à mon sens, c’est que ce n’est pas le cas. »

En quoi consiste la régulation émotionnelle et pourquoi est-elle cruciale pour un entrepreneur ?

Réponse directe : La régulation émotionnelle est la capacité à ne pas se laisser déborder par ses émotions, qu’elles soient positives ou négatives. Elle est cruciale car elle permet de prendre des décisions lucides face à l’échec ou au succès, sans être aveuglé.

Citation de l’article : « La régulation émotionnelle, c’est la capacité à ne pas se laisser submerger par vos émotions. Et là, ça compte les émotions positives ou les émotions négatives. »

La pensée positive peut-elle être dangereuse pour un projet ?

Réponse directe : Oui, une positivité excessive peut être dangereuse car elle peut vous aveugler face à des obstacles réels et légitimes, vous poussant à persister dans une voie sans issue et à perdre un temps précieux.

Citation de l’article : « Si vous êtes le mec qui a créé son calendrier et que vous êtes ultra positif, et que vous vous dites, on s’en fout, tout est possible […] vous êtes foutu. Votre positivité excessive va vous faire perdre des années de votre vie. »

Comment l’ego peut-il nuire à la prise de décision en business ?

Réponse directe : L’ego, défini comme notre image de nous-mêmes, cherche à se préserver. Il nous pousse à ignorer les signaux négatifs et à nous accrocher à nos idées initiales pour ne pas avoir à admettre que nous avions tort, ce qui conduit à de mauvaises décisions.

Citation de l’article : « Pour protéger leur identité, pour protéger leur vision d’eux-mêmes, ils vont refuser de mettre à jour leurs idées. Ils vont continuer à s’accrocher aux idées positives jusqu’à arriver à la ruine. »

Comment mettre à jour sa vision du monde après un échec ?

Réponse directe : Mettre à jour sa vision du monde consiste à accepter les informations que l’échec nous apporte sur nos limitations et sur la réalité. Cela demande de surmonter la douleur émotionnelle pour analyser objectivement ce qui n’a pas fonctionné dans notre plan initial.

Citation de l’article : « Avoir tort vous force à accepter vos limitations et à mettre à jour votre vision du monde. »

Qu’est-ce qu’un « Prémortem » et comment l’utiliser ?

Réponse directe : Un Prémortem est un exercice de pensée où, avant de lancer un projet, vous imaginez qu’il a déjà échoué. Vous analysez ensuite les causes possibles de cet échec afin de les anticiper et de renforcer votre plan.

Citation de l’article : « Un Prémortem, c’est un post mortem, mais avant l’action. […] Quand vous lancez un nouveau projet, vous allez vous demander dans quelles circonstances et sous quelles conditions, est-ce que ce projet pourrait échouer. »


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