Logo de l'épisode Le webmarketing appliqué au monde du luxe - avec Robin Hanna du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Le webmarketing appliqué au monde du luxe – avec Robin Hanna

Épisode diffusé le 7 novembre 2019 par Marketing Mania

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Du jeu vidéo au marketing de luxe : les débuts inattendus de Robin Hanna

L’histoire de Robin Hanna ne commence pas dans les grandes écoles de commerce ou les agences de publicité parisiennes, mais bien plus tôt, à l’âge de 13 ans, dans l’univers d’un jeu en ligne. Il confie : « Je m’intéresse vraiment énormément à la vente en ligne depuis mes 13 ans. Je pense que c’était à 14 ans que j’ai écrit mon premier ebook que j’ai essayé de vendre en ligne, qui apprenait aux gens comment devenir riche sur un jeu qui s’appelait Dofus. »

Ce qui le passionnait dans ce jeu massivement multijoueur, ce n’était pas tant les combats que l’économie. « Le jeu ce qui me passionnait dans le jeu vraiment, c’était faire de l’argent. Contrairement à World of Warcraft ou autre, l’économie est totalement libre. » Après être devenu l’un des joueurs les plus riches de son serveur, il a décidé de compiler ses stratégies dans un guide.

La première confrontation avec la réalité du marché

Le premier obstacle n’était pas technique, mais bien humain. Ses clients potentiels, des collégiens, n’avaient pas de carte de crédit. La solution ? Un retour aux fondamentaux de la vente directe. « Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai mis le PDF sur des clés USB et j’ai vendu ça sous le manteau dans la cour de récré. » Il en a vendu pour environ 400 €, à 20 € l’unité, en utilisant un argumentaire déjà bien rodé : la promesse d’un retour sur investissement rapide.

Cette première expérience a été fondatrice, nourrie par une motivation profonde née durant une année passée en Allemagne. Voulant s’affranchir d’une relation paternelle basée sur l’argent, il cherche l’indépendance. « J’avais vraiment très envie de gagner mon argent moi-même très rapidement pour me dire voilà, j’ai pas besoin de ton argent. » C’est en cherchant sur internet qu’il découvre le concept de la vente d’ebooks et se lance, posant sans le savoir les premières pierres de sa future expertise en marketing e-commerce.

Comment une campagne de crowdfunding ratée est devenue une success story

Des années plus tard, alors qu’il est en stage dans un cabinet d’avocats, l’ennui le pousse à explorer le web. Il tombe sur une campagne de crowdfunding pour une marque de chaussures de luxe, Jacques Demeter, promue par le site de mode masculine BonneGueule. Le coup de foudre pour le design est immédiat, mais la campagne stagne. « Je suis revenu un mois plus tard et là elle était encore à 9 %. Et je me suis dit putain, ça va jamais se lancer. »

De l’idée à l’action : le PDF qui a tout changé

Plutôt que de rester spectateur, Robin décide d’agir. Mettant à profit ses trajets quotidiens, il rédige un plan marketing complet. « Je me suis posé, j’ai écrit un PDF de 18 pages sur le sujet. je l’aurais envoyé et ils m’ont répondu en me disant que c’était trop touché, que si j’avais envie, je pourrais prendre tout le marketing en main parce qu’ils avaient aucune idée de ce qu’ils faisaient. » Sans budget mais avec une confiance totale, les fondateurs lui laissent carte blanche. Il réécrit entièrement la page de la campagne Ulule et, surtout, il met en place la stratégie qui va tout changer : une campagne d’email marketing digne des plus grands lancements américains.

Appliquer le direct response marketing à des chaussures à 350 €

Comment vendre un produit de luxe, un achat non essentiel, avec des techniques de vente directe ? C’est le défi que Robin relève avec brio. Il conçoit une séquence de sept emails qui ne parle pas directement du produit, mais éduque la liste de 900 contacts sur les problèmes qu’ils rencontrent avec leurs chaussures actuelles.

« Le début c’était sur le fait que le fondateur s’énerve sur les marques qui se vendent d’avoir de la croûte de cuir, donc qui est la pire sorte de cuir possible et des gens ils savent pas. » Chaque email aborde un angle précis : les types de cuir, l’entretien, l’origine des matériaux. À la fin de cette séquence éducative, la présentation des chaussures Jacques Demeter apparaît comme la solution logique à tous les problèmes évoqués.

La structure de l’offre est elle aussi inspirée du direct response marketing :

  • Ancrage de prix : Comparaison avec le prix des marques traditionnelles en boutique.
  • Prix juste : Le prix normal de la marque, déjà inférieur grâce à la vente directe.
  • Offre de lancement : Un prix encore plus bas pour la campagne, rendu irrésistible.

Le résultat est sans appel : la moitié des ventes de la campagne, soit une quarantaine de paires, proviennent de cette petite liste email initialement « froide ». L’objectif de 100 paires est atteint deux jours avant la fin.

L’art du storytelling pour remplacer le branding traditionnel

Robin insiste sur un point crucial de sa stratégie : le storytelling. Dans le copywriting luxe, l’idée reçue est qu’il faut une image de marque immense. Il prend le contrepied : « Tout le côté branding dans ma manière d’approcher les choses, je la remplace par des histoires. Je pars du principe que les histoires sont le meilleur médium pour être mémorable, pour créer du désir et pour créer vraiment de l’excitation. » Plutôt que de raconter l’histoire classique du fondateur qui quitte son job pour vivre sa passion, il s’est concentré sur le problème du client : « Vos chaussures en cuir ne tiennent pas […] comment est-ce qu’on fait pour avoir des chaussures qui sont toujours belles sans avoir à en changer tout le temps ? » C’est en partant d’un problème rationnel qu’il a su créer un désir irrationnel pour un produit de luxe.

De 30 000 € à 500 000 € : la machine à croissance d’un e-commerce

Une fois la campagne de crowdfunding réussie, la question se pose : comment continuer à grandir sans budget publicitaire ? La réponse de Robin est claire : le contenu. Il met en place une stratégie SEO redoutable, inspirée de la fameuse technique Skyscraper de Brian Dean.

Créer le meilleur contenu pour dominer Google

« Tu vas créer un blog sur ton site et tu vas écrire un article qui casse tout par mois. Un article où il va être mieux illustré que toute sa concurrence, il va être mieux écrit que toute sa concurrence. » L’objectif est de créer le meilleur contenu possible sur des sujets recherchés par leur audience, comme « comment agrandir des chaussures » ou « comment cirer des chaussures ».

Pour transformer ce trafic en prospects, la méthode est systématique : « Sur chaque article, on a créé pour chaque article un bonus qu’on pouvait obtenir contre une adresse mail. Donc on a créé à chaque fois un lead magnet pour chaque article. » En 18 mois, le site atteint 20 000 visiteurs par mois, se positionnant en première place sur des mots-clés stratégiques. Le défi est alors de convertir des visiteurs cherchant des solutions gratuites en clients prêts à dépenser 400 € pour une paire de chaussures. La solution, encore une fois, est l’email marketing.

Un « lifestyle business » à 500 000 €

La croissance est rapide, passant de 30 000 € de CA la première année à 120 000 €, puis 300 000 €, pour finalement se stabiliser. Fait rare dans la mode, le fondateur décide de plafonner volontairement la croissance. « Il a capé sa boîte à 500 000 € de C.A. parce qu’il a pas envie de faire plus […] c’est vraiment une marque de chaussures qui finalement c’est un lifestyle business, quoi. » Une décision qui prouve qu’une stratégie marketing mode bien pensée peut permettre de construire une entreprise rentable et en accord avec les aspirations de son créateur.

L’ascension chez BonneGueule : optimiser l’acquisition client à grande échelle

Le succès de Jacques Demeter ne passe pas inaperçu. BonneGueule, le géant de la mode masculine, remarque que ce petit acteur les dépasse sur certains mots-clés. L’une des clés de ce succès SEO ? Une idée de génie pour obtenir des liens de haute autorité.

Se faire repérer en créant un actif de contenu irrésistible

Robin s’est demandé comment obtenir des liens de sites pertinents dans l’industrie de la chaussure. La réponse : les cordonniers. « Les cordonniers ont tous créé leur site au début d’Internet. Les sites sont dégueulasses, mais ils sont vieux, donc ils ont une belle autorité de domaine. » Il crée alors une carte interactive des meilleurs cordonniers de France, un contenu utile et valorisant pour la profession. En contactant chaque cordonnier pour l’inclure, il leur demande en retour un simple lien vers la carte. « J’ai chopé des dizaines de sites de liens comme ça. Et une dizaine de liens d’autorité dans une niche comme ça, ça fait vraiment la différence. »

Repéré, il est embauché chez BonneGueule comme responsable de l’acquisition et de la conversion, juste après leur levée de fonds.

Diviser le coût d’acquisition par 12 grâce à la psychologie client

À son arrivée, la stratégie publicitaire sur Facebook repose sur un guide générique : « Le guide de l’homme stylé même mal rasé ». Pour Robin, ce n’est pas assez puissant. « Qui se réveille le matin en se disant j’ai envie d’apprendre les essentiels pour bien m’habiller ? Ce n’est pas un besoin, ce n’est pas une envie, ce n’est pas un désir profond. »

Il se lance alors dans une recherche client approfondie : il dissèque les conversations du community manager, interroge les vendeurs en boutique, et mène des entretiens avec des clients. Il identifie un profil clé : le jeune actif ou l’étudiant qui, confronté à son premier emploi ou stage, a besoin d’un « vrai costume ».

Il cristallise toutes les angoisses et les désirs de ce profil dans un lead magnet ultra-ciblé : « La checklist du premier vrai costume ». Le mot « vrai » est crucial, car il est directement tiré du langage des clients (le verbatim). Ce simple changement de focus, de l’offre générique à l’offre hyper-spécifique, produit des résultats spectaculaires : « Ça a divisé le coût de l’acquisition par 12. »

De l’exécution à la formation : le modèle de l’architecte

Après son passage chez BonneGueule, Robin se retrouve face à un dilemme. Plusieurs entreprises veulent l’embaucher, mais il ne souhaite plus être un simple exécutant. Il se lance d’abord dans le conseil, puis rapidement dans la formation avec son entreprise Conversation, co-fondée avec Lucas Marian, ancien de BonneGueule.

Pourquoi la prestation de service est un piège

Robin exprime une forte réticence pour le modèle d’agence ou de prestataire. « J’aime pas du tout être prestataire. […] Le problème avec des compétences […] que les personnes ne connaissent pas, c’est qu’ils ne savent pas qu’ils en ont besoin. Donc c’est très difficile de les vendre en prestation. » Il se heurte à des demandes réductrices comme « gère mes Facebook Ads » ou « écris-moi des trucs un peu marrants », qui ignorent la valeur stratégique de son travail.

Le positionnement de « l’architecte qui ne pose pas les briques »

Pour contrer cela, il adopte un positionnement radicalement différent, celui du formateur, du stratège. Sa réponse aux demandes de prestation est devenue une phrase choc : « Si tu veux que je t’explique tous mes succès dans l’e-commerce, si tu veux voir mes stratégies, il faut que je te forme, parce que l’architecte ne pose pas les briques. » Cette posture impose le respect et recadre la discussion sur la valeur et la stratégie, et non sur l’exécution de tâches.

Son offre de formation se différencie en se concentrant sur les stratégies applicables pour faire croître un e-commerce, là où beaucoup s’arrêtent aux outils pour le lancer. « Les personnes qui réussissent en e-commerce, eh bien elles sont trop occupées à réussir en e-commerce. Donc elles ne sont pas là pour te former. Et nous, on a réussi en e-commerce, dans les trucs chiants, avec des conditions souvent qui n’étaient vraiment pas bonnes. » C’est cette expérience du terrain, cette capacité à enseigner non pas seulement comment utiliser un outil mais comment construire une maison, qui fait toute la différence et la valeur de son approche du marketing e-commerce.

FAQ : Stratégies de marketing pour l’e-commerce de luxe

Comment appliquer le direct response marketing au secteur du luxe ?

L’application du marketing direct dans le luxe repose sur l’éducation du client et la création d’offres structurées. Au lieu de se concentrer sur l’image de marque, on aborde des problèmes concrets que le produit de luxe résout, en utilisant des séquences d’emails pour construire la valeur avant de présenter une offre limitée dans le temps avec un prix avantageux.

« Normalement, le Direct Response ne devrait pas marcher sur le luxe. […] Je me suis dit j’ai envie de tester sur une marque inconnue qui fait des chaussures à 350-600 €. […] J’ai créé une série de lancement en 7 mails […] sur le fait que le fondateur s’énerve sur les marques qui se vendent de la croûte de cuir. »

Quelle est la meilleure stratégie pour lancer une marque de mode en ligne ?

Une stratégie efficace consiste à se concentrer sur un problème spécifique de votre audience, à créer une histoire forte autour de la solution que vous proposez, et à utiliser l’email marketing pour éduquer et convaincre. Le financement participatif peut être un excellent moyen de valider le produit et de financer la première production sans risque.

« On est vraiment parti du problème qui est : vos chaussures en cuir ne tiennent pas quand vous les achetez. […] On s’est vraiment dit, ils s’en foutent de nous, ils ont un problème, ils ont une envie, ils ont un désir, on va leur montrer qu’on peut le régler. »

Comment utiliser l’email marketing pour vendre des produits physiques ?

L’email marketing pour les produits physiques fonctionne en créant des lancements structurés comme pour des produits numériques. Cela inclut des phases de pré-lancement pour susciter l’intérêt, des séquences de vente avec des bonus et des deadlines claires (Early Bird), et un storytelling continu pour maintenir l’engagement et justifier la valeur du produit.

« Toutes les ventes se font par mail. Deux fois par an, on fait des gros lancements par mail et on vend tout par mail comme le font les Américains avec leurs formations. […] On est vraiment sur une série de 14 mails au moins. »

Qu’est-ce que la technique SEO Skyscraper et comment l’appliquer ?

La technique Skyscraper, popularisée par Brian Dean, consiste à identifier un contenu populaire sur un mot-clé visé, à créer une version nettement meilleure (plus complète, mieux illustrée, plus à jour), puis à contacter les sites qui font des liens vers l’ancien contenu pour leur proposer de faire un lien vers votre nouvelle version supérieure.

« On a appliqué la technique de Brian Dean, le Skyscraper. […] À chaque fois, on a créé le meilleur article possible. Sur chaque article, on a créé un bonus qu’on pouvait obtenir contre une adresse mail. »

Comment créer un lead magnet efficace pour un site e-commerce ?

Un lead magnet efficace doit résoudre un problème très spécifique et urgent pour un segment précis de votre audience, plutôt que d’être générique. La clé est d’identifier un « point de douleur » ou un désir profond (comme l’achat du « premier vrai costume ») et de proposer un guide pratique qui y répond directement, en utilisant le vocabulaire exact de vos clients.

« Ce qui faisait venir le plus de personnes chez nous, c’était le costume. […] J’ai créé un petit PDF, la checklist du premier vrai costume. Vrai en majuscule, parce qu’à chaque fois […] il parlait toujours de vrai costume. Ça a divisé le coût de l’acquisition par 12. »

Pourquoi le storytelling est-il plus important que le branding traditionnel dans la mode ?

Le storytelling est plus efficace car il crée une connexion émotionnelle, du désir et rend la marque mémorable sans nécessiter les budgets colossaux du branding traditionnel. Au lieu de diffuser une image de marque abstraite, on raconte des histoires concrètes qui illustrent la valeur, la qualité et la solution qu’apporte le produit au client.

« Tout le côté branding dans ma manière d’approcher les choses, je la remplace par des histoires. Je pars du principe que les histoires sont le meilleur médium pour être mémorable, pour créer du désir et pour créer vraiment de l’excitation. »

Comment réduire son coût d’acquisition sur Facebook Ads ?

Pour réduire drastiquement le coût d’acquisition, il faut moins se concentrer sur les optimisations techniques (ciblages, A/B tests) et davantage sur la qualité de l’offre et de la publicité. Créer une offre (comme un lead magnet) qui répond à un désir profond et spécifique d’un avatar client précis est beaucoup plus puissant que d’optimiser une campagne basée sur une offre générique.

« On va créer une offre qui est bien meilleure, une publicité qui est bien meilleure et on va enlever toutes les conneries techniques. […] On va pas optimiser des trucs qui marchent pas, ça n’a aucun intérêt. »

Faut-il choisir un modèle d’agence ou de formation pour vendre ses compétences marketing ?

Le modèle de formation est souvent préférable car il permet de vendre une valeur stratégique supérieure et d’éviter les pièges de la prestation de service, où le client ne comprend pas toujours la valeur du travail. Se positionner comme « l’architecte qui ne pose pas les briques » impose le respect et permet de se concentrer sur la transmission de stratégies qui responsabilisent le client, plutôt que sur l’exécution de tâches.

« Je peux donner des conseils, mais les gens ne sauront pas forcément les appliquer. […] Si tu veux que je t’explique tous mes succès […], il faut que je te forme parce que l’architecte ne pose pas les briques. »


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