Logo de l'épisode Le premier podcasteur professionnel de France - avec Patrick Beja du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Le premier podcasteur professionnel de France – avec Patrick Beja

Épisode diffusé le 23 février 2021 par Marketing Mania

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Patrick Béja : le parcours du premier podcasteur professionnel de France

« Patrick Béja, c’est la première personne en France à être podcasteur professionnel, c’est-à-dire une personne qui gagne sa vie directement avec son podcast ». C’est ainsi que Stan Leloup, animateur de Marketing Mania, présente son invité. Une affirmation que Patrick Béja confirme avec humilité, précisant qu’il en vit depuis fin 2014. À cette époque, être un indépendant vivant à temps plein de cette activité était une rareté absolue en France.

Les débuts en 2006 : une passion avant le métier

L’aventure de Patrick Béja dans le podcasting ne date pas de 2014, mais bien de 2006. Il a commencé par pure passion pour le format, un média dont il est « vraiment tombé amoureux ». Il explique : « Moi, quand je me suis lancé, j’ai commencé en 2006, et j’ai commencé vraiment parce que c’était quelque chose qui me plaisait et que le média podcast me plaisait en tant que média podcast. C’est un truc qu’on ne trouvait nulle part ailleurs ». Son premier podcast, Avelot, était dédié au jeu en ligne World of Warcraft, un univers de niche qui a rassemblé les premiers passionnés. C’était bien avant l’idée de pouvoir un jour vivre de son podcast. Comme il le rappelle, c’était un projet mené en parallèle d’un emploi stable, notamment chez Blizzard, l’éditeur du jeu.

2014, le grand saut : quitter son CDI pour vivre de son podcast

Le tournant a lieu en 2014. Après des années à produire du contenu par passion, notamment son émission phare « Rendez-vous Tech », Patrick décide de franchir le pas. Il lance une campagne de financement participatif sur Patreon pour professionnaliser son activité. La décision n’a pas été prise à la légère. « C’était une grosse décision, hein. Moi, j’avais un CDI dans une société qui était tranquille, que j’aimais bien en plus, et donc le fait de partir, ça a forcément été une décision importante pour moi et pour ma femme ». Le plus surprenant ? Il a pris le risque ultime : « J’ai donné ma démission avant de lancer le financement participatif de l’émission ». Un saut dans le vide, comme il le décrit, motivé par la conviction qu’il pouvait transformer sa passion en métier. Heureusement, le pari a été réussi. Grâce au soutien de sa communauté, il atteint ses objectifs financiers avant même la fin de son préavis, validant son statut de pionnier et de podcasteur professionnel.

Comment monétiser un podcast : le secret du financement participatif

Contrairement à de nombreux créateurs qui utilisent le podcast comme un outil marketing pour vendre d’autres produits, Patrick Béja a fait le choix de monétiser un podcast directement. Son modèle repose quasi exclusivement sur le soutien de son audience via le financement participatif podcast. Mais comment convaincre des gens de payer pour un contenu accessible gratuitement ?

La patience et la communauté : les piliers pour réussir son Patreon

Patrick Béja insiste sur un point crucial : le temps. Sa campagne de financement a été lancée 8 ans après son tout premier podcast. Cette longévité a été la clé pour bâtir une fondation solide. « Pour arriver à ce stade, je crois qu’il est essentiel de construire une communauté et d’avoir une relation qui est très particulière avec l’audience, une relation qui est vraiment privilégiée », explique-t-il. Il met en garde ceux qui voudraient se lancer trop vite : « On ne peut pas au bout de trois mois commencer à demander de l’argent aux gens parce que, à moins qu’on soit déjà connu par ailleurs, bah, forcément, ça va pas fonctionner ». Le financement participatif podcast n’est pas une solution miracle, mais l’aboutissement d’un long travail de construction de confiance et de communauté.

Pourquoi les auditeurs donnent-ils de l’argent ? la psychologie du soutien

La question taraude beaucoup de créateurs : qu’est-ce qui pousse un auditeur à donner ? Patrick a beaucoup réfléchi à la question et sa conclusion est sans appel : les bonus et contenus exclusifs sont secondaires. « Essentiellement, le financement participatif dans ce genre de domaine, c’est demander à des gens de donner de l’argent pour un truc qu’ils peuvent obtenir gratuitement ». La véritable motivation est ailleurs. « Les gens qui me soutiennent, ils ont envie de me soutenir moi ». C’est la relation personnelle, quasi intime, qui fait la différence. Le format même du podcast, long et conversationnel, y contribue énormément. « Les auditeurs, ils ont l’impression de venir s’asseoir à la table avec nous. Et du coup, on a cette relation privilégiée qui s’installe, semaine après semaine, ils finissent par me connaître ».

L’importance de la relation privilégiée et de la régularité

Le podcast s’insère dans la routine des auditeurs. En publiant de manière très régulière, un créateur devient un rendez-vous, une habitude. « Si tu arrives toutes les semaines au même moment, les gens vont t’écouter en rentrant du boulot, tel jour de la semaine, et tu deviens une espèce de rendez-vous dans leur vie ». Cette présence constante crée un lien puissant. Les auditeurs suivent l’évolution personnelle du créateur, ses anecdotes, sa vie. Patrick raconte : « Je parle de ce que j’ai fait la veille, de ce qui s’est passé avec ma femme, de mon fils… Les gens me suivent depuis des années ». Cette familiarité place le podcasteur dans une position unique, entre le cercle d’amis et le reste du monde, créant une connexion suffisamment forte pour motiver un soutien financier durable.

Publicité vs Financement participatif : quel modèle choisir pour son podcast ?

Aujourd’hui, Patrick Béja a diversifié ses revenus en intégrant de la publicité dans ses émissions. Cependant, la répartition de ses revenus reste très claire et offre un enseignement précieux sur le meilleur modèle économique pour un podcast indépendant.

Le financement participatif, toujours majoritaire dans les revenus

Malgré l’ajout de la publicité, le constat est sans appel : « Le financement participatif de loin », répond Patrick lorsqu’on lui demande quelle est sa source de revenus la plus importante. La publicité reste une part « minoritaire » de son activité. Cela s’explique par la force du lien avec sa communauté. Même avec un taux de conversion qui semble faible, autour de 2 à 3 % de l’audience, la valeur générée par chaque contributeur est bien plus élevée que ce que rapporterait la publicité sur l’ensemble de l’audience. « Même si on compte tous les auditeurs et pas que les auditeurs monétisés, le CPM est beaucoup plus important en financement participatif qu’en pub ».

Le CPM de la pub en podcast : des chiffres bien supérieurs à YouTube

L’un des avantages du podcast par rapport à d’autres plateformes est la valorisation de la publicité. Le CPM (Coût Pour Mille) publicité podcast est significativement plus élevé. « Sur YouTube, on est en CPM à une poignée d’euros. En podcast, on est à quelques dizaines d’euros. On est très certainement à des multiples de YouTube en podcast pour la pub ». Grâce à des plateformes comme Acast, l’intégration de publicités dynamiques est devenue beaucoup plus accessible pour les créateurs, permettant de monétiser plus facilement une audience sans passer par le démarchage direct.

Le plafond du financement participatif et l’avantage du volume publicitaire

Cependant, Patrick nuance ce tableau. Selon lui, le financement participatif podcast a un plafond. À mesure qu’un créateur devient très populaire, le taux de conversion peut diminuer, les auditeurs se disant qu’il n’a plus besoin de leur soutien. À l’inverse, la publicité bénéficie d’un effet de volume quasi illimité. « Si tu passes de 100 000 écoutes par mois à 1 million, eh ben, la pub mécaniquement, ça va te rapporter 10 fois plus ». Pour les très grosses audiences, la publicité finit donc par dépasser le financement participatif. Mais pour un artisan du podcast comme Patrick, le soutien direct de la communauté reste le pilier de son modèle économique.

Podcast vs YouTube : le choc des écosystèmes

La question revient sans cesse pour les créateurs qui se lancent : faut-il choisir entre podcast et YouTube ? Ayant récemment lancé une chaîne YouTube, Patrick Béja offre une comparaison éclairée des deux plateformes.

La découvrabilité : le talon d’Achille du podcast

« Le gros problème du podcast, c’est la découvrabilité », affirme Patrick. C’est un défi historique du format. La croissance se fait principalement par le bouche-à-oreille, un processus lent. YouTube, à l’inverse, est une machine à faire découvrir du contenu. « YouTube, c’est essentiellement un moteur de recherche. C’est d’ailleurs le deuxième plus gros moteur de recherche après Google lui-même ». L’algorithme de YouTube propose constamment de nouvelles vidéos, ce qui peut entraîner une croissance fulgurante, un phénomène quasi inexistant dans le monde du podcast.

Croissance lente et régulière contre viralité explosive

La croissance d’un podcast vs chaîne YouTube est radicalement différente. L’expérience de Patrick en est la preuve. Sa croissance en podcast a été « une pente très légère, mais très, très longue sur 10 ans ». Sur YouTube, il a connu une explosion. « J’ai eu deux vidéos à quelques semaines d’intervalle qui ont beaucoup plu. Et qui ont fait, moi généralement mes chiffres de vidéo c’est autour de 5 et 10 000 vues, et j’ai eu deux vidéos qui ont atteint les 80, 100 000 vues ». Ce phénomène viral est propre à YouTube et peut multiplier une audience en quelques semaines, ce qui est impensable pour un podcast qui repose sur la fidélisation et la recommandation humaine.

Une gestion du stress radicalement différente pour le créateur

Cette différence de dynamique a un impact direct sur le bien-être du créateur. Patrick décrit YouTube comme un « casino » où l’on est « complètement suspendu à tous les chiffres ». Il confie : « Quand tu lances ta vidéo et que tu vois qu’elle est 7ème ou 10ème par rapport aux précédentes, tu déprimes. Je me dis mais merde, ça y est, je vaux rien, je suis une merde ». Le podcast, avec sa croissance stable et son audience fidèle, offre un environnement beaucoup moins anxiogène. « Sur les podcasts, oui, c’est pas du tout ça. Moi, je publie mon podcast et puis je vais faire autre chose ».

L’âge de pierre du podcasting : retour sur l’écosystème de 2006

Pour comprendre la trajectoire de Patrick Béja, il faut se replonger dans l’histoire du podcast en France, à une époque où le format était confidentiel et artisanal.

Un média de technophiles, difficile d’accès et de création

En 2006, écouter et créer un podcast était un véritable parcours du combattant. « C’était un truc qui était très, très technophile », se souvient Patrick. Il fallait télécharger manuellement des fichiers MP3, les transférer sur un iPod via un câble, et la création exigeait des compétences techniques pointues. « Il fallait vraiment savoir manipuler le fichier RSS, il y avait très peu de logiciels qui allaient te faire ça pour toi, donc il fallait le faire à la main presque ». L’audience et les créateurs étaient donc principalement des passionnés de tech et de jeux vidéo, les seuls à maîtriser les outils nécessaires.

L’esprit « associatif » et le tabou de l’argent

À cette époque, l’idée de gagner de l’argent avec un podcast était non seulement impensable, mais presque mal vue. « Le podcast, ce n’était même pas un métier, c’était comme, je sais pas, moi, est-ce que tu veux gagner ta vie en peignant des figurines de donjons et dragons ? », ironise Patrick. L’écosystème était marqué par une ambiance « un petit peu babacool, associative où on est là pour le plaisir, et l’argent est un peu tabou ». Quand il s’est lancé professionnellement, il a dû casser cette image en affirmant clairement son intention : « Je leur ai dit : je veux gagner ma vie avec, et je veux faire de l’argent. Je vais pas avoir honte de ça ». Une démarche audacieuse qui a pavé la voie à la professionnalisation du secteur en France.

FAQ : Tout savoir pour vivre de son podcast

Comment peut-on gagner sa vie avec un podcast en France ?

Il est possible de vivre de son podcast en France principalement via le financement participatif (Patreon) et la publicité. Le financement participatif est souvent plus rentable pour les indépendants car il repose sur une relation forte avec une communauté fidèle, construite sur le long terme.

« Je fais du podcast depuis bien plus longtemps que ça, mais j’en vis depuis, on va dire, fin 2014. Donc, à cette époque, je peux te dire qu’effectivement, il y en avait très, très peu, et je pense que en tout cas, en tant que vrai indépendant, j’étais le seul à en vivre à temps plein. » – Patrick Béja

Pourquoi le financement participatif fonctionne-t-il si bien pour les podcasts ?

Le financement participatif fonctionne car il capitalise sur la relation privilégiée et intime que les podcasteurs créent avec leur audience. Les auditeurs ne paient pas pour du contenu bonus, mais pour soutenir la personne derrière le micro avec qui ils passent des heures chaque semaine.

« Le financement participatif, c’est vraiment demander à des gens de te donner de l’argent alors qu’ils sont pas obligés. Et pour ça, un élément essentiel, je crois, c’est qu’ils aient envie de te donner à toi de l’argent. C’est que les gens qui me soutiennent, ils ont envie de me soutenir moi. » – Patrick Béja

Quelle est la principale différence entre la croissance d’un podcast et celle d’une chaîne YouTube ?

La croissance d’un podcast est généralement lente, linéaire et basée sur le bouche-à-oreille. À l’inverse, une chaîne YouTube peut connaître une croissance explosive et virale grâce à son algorithme de recommandation, qui est un puissant moteur de découverte.

« Moi, j’ai pas eu un moment où je pourrais dire : ah, oui, à partir de là, ça a vraiment explosé. Moi, j’ai eu une courbe de progression qui était comme ça, tu vois. Une pente très légère, mais très, très longue sur 10 ans. […] sur YouTube, j’ai eu un truc où […] d’un coup, il y a une vidéo qui devient virale et tu montes à 30 ou 40 000. » – Patrick Béja & Stan Leloup

Quel est le taux de conversion moyen pour un financement participatif type Patreon ?

Le taux de conversion se situe généralement entre 1% et 3% de l’audience totale. Pour Patrick Béja, ce chiffre est d’environ 2%, ce qui est suffisant pour constituer sa principale source de revenus grâce à la fidélité de sa communauté.

« Un chiffre que j’ai vu dans une interview, c’était qu’environ 2 % de ta communauté donnait de l’argent. Est-ce que c’est à peu près ce chiffre qui se maintient aujourd’hui ? Ouais, à peu près, on est à cet ordre de grandeur. » – Stan Leloup & Patrick Béja

Est-il plus rentable de mettre de la publicité ou de demander un soutien sur Patreon ?

Pour un créateur indépendant avec une communauté engagée, le financement participatif reste souvent plus rentable que la publicité, même si le CPM de la pub en podcast est élevé. Le soutien direct des auditeurs génère un revenu par auditeur monétisé bien supérieur.

« Si tu compares ce que te rapporte la pub versus ce que te rapporte le financement participatif, lequel aujourd’hui est le plus important ? Le financement participatif de loin. La pub reste un financement minoritaire dans mon activité. » – Patrick Béja

Pourquoi est-il si difficile de faire connaître un nouveau podcast ?

La difficulté vient du manque de mécanismes de découverte (découvrabilité). Contrairement à YouTube, il n’y a pas d’algorithme puissant qui recommande activement de nouveaux podcasts. La croissance repose quasi exclusivement sur le bouche-à-oreille et la promotion active du créateur.

« C’est le gros problème de podcast, c’est la découvrabilité. Il y a une, comment dire, depuis le début de ce format, il est difficile à découvrir, parce que même quand tu dis on va aller chercher sur une plateforme, il faut que la personne aille chercher spécifiquement le sujet en question. » – Patrick Béja

Comment était l’écosystème du podcast à ses débuts en 2006 ?

En 2006, l’écosystème était très technique, réservé à des passionnés de technologie. La création et l’écoute étaient complexes, et l’idée de monétisation était inexistante, voire taboue, dans un esprit très communautaire et non-commercial.

« Pour créer un podcast, il fallait avoir une expertise technique qui était pas négligeable. Il fallait vraiment savoir manipuler le fichier RSS, […] héberger les fichiers MP3, il fallait payer l’hébergement… C’était généralement des gens qui étaient technophiles qui créaient les émissions. » – Patrick Béja

Faut-il choisir entre créer un podcast ou une chaîne YouTube ?

Le choix dépend des objectifs et de la tolérance au stress. Le podcast est idéal pour construire une communauté fidèle sur le long terme avec une croissance stable. YouTube offre un potentiel de croissance virale et de découvrabilité bien plus grand, mais est aussi plus anxiogène à gérer à cause de la pression des statistiques.

« Je m’en rends compte sur YouTube, on est complètement suspendu à tous les chiffres. Et on vit ou on meurt avec le petit onglet Analytics de notre compte YouTube. Et c’est pas du tout cette relation là que j’ai moi avec le podcast. » – Patrick Béja

Quel est le CPM moyen pour la publicité sur un podcast ?

Le CPM (Coût Pour Mille écoutes) pour la publicité en podcast est nettement supérieur à celui de YouTube. Il se chiffre en quelques dizaines d’euros, contre une poignée d’euros sur YouTube, ce qui en fait un modèle de monétisation attractif.

« Sur YouTube, on est en CPM à une poignée d’euros. En podcast, on est à quelques dizaines d’euros. Tu vois ? Sur du CPM. On est très certainement à des multiples de de YouTube en podcast pour la pub. » – Patrick Béja

Quelle est l’erreur à ne pas faire quand on vit du financement participatif ?

L’erreur principale est de considérer le soutien comme acquis et d’arrêter de le solliciter. Il faut constamment rappeler à son audience la possibilité de soutenir le projet, car il y a un taux de désabonnement naturel (churn) qu’il faut compenser en permanence par de nouveaux contributeurs.

« J’ai arrêté d’en parler au milieu de l’émission. […] Et sur trois ou peut-être un peu plus que trois ou quatre mois, j’ai perdu 10 %. Parce que le churn est permanent. Il y a des gens qui arrêtent tout le temps, et donc il faut les remplacer. » – Patrick Béja


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