Le secret d’un livre best-seller : la stratégie marketing de Fabien Olicard
Parmi tous les projets qu’il mène de front, du spectacle à YouTube en passant par les livres, Fabien Olicard avoue avoir une fierté particulière pour son premier ouvrage. « La plus grosse émotion c’est quand mon premier livre est sorti, » confie-t-il. « Il y avait un espèce de côté […] d’avoir un vrai livre chez un vrai éditeur qui sortait, il y a eu un côté ‘ah ouais, je l’ai fait ça’. Quand bien même il y en a 10 qui se vendent, je l’ai fait un jour quoi. » Ce livre, Votre cerveau est extraordinaire, s’est finalement vendu à plus de 140 000 exemplaires, un succès monumental. Mais derrière ce carton se cache une stratégie marketing d’auteur pour un best-seller, méticuleusement pensée.
Une couverture et un titre pensés pour ceux qui ne vous connaissent pas
Le succès du livre repose sur un principe fondamental : il n’a pas été conçu uniquement pour la communauté de Fabien. Il explique avoir vu de ses propres yeux « à l’aéroport de Nice, un mec de 55 ans, 60 ans, prendre le livre au point relais, le feuilleter, le reposer, le reprendre et l’acheter. Et tu dis ‘ah putain, c’est gagné quoi’, tu vois, c’est sûr qu’il ne me connaît pas. »
Pour atteindre ce public, le travail sur l’habillage du livre a été crucial. L’éditeur, First, avait initialement proposé une approche très différente : « La version que m’avait présenté First au départ, c’était pas cette couv, c’était pas ce titre. Il y avait YouTube en gros avec un espèce de logo et tout. » Le titre suggéré était « Tu es plus fort que tu ne le crois », ce qui, selon Fabien, sonnait comme « un livre de muscu ». Il a tout repris en main, animé par une question centrale : « si quelqu’un ne me connaît pas, n’aime pas YouTube, a des a priori négatifs sur le mot mentaliste, qu’est-ce qui se passe quand il voit ce livre ? Est-ce qu’il le prend ou pas ? » Cette obsession de parler au grand public, à celui qui ne connaît pas Internet, a été la clé pour dépasser le simple succès de communauté et toucher le mainstream.
Contacter directement les libraires : l’approche qui change tout
Conscient que la maison d’édition ne pouvait pas tout faire, Fabien Olicard a adopté une posture proactive dès le départ. « Le jour où je vais rendre le livre à l’éditeur, c’est là que le travail commence. Il faut surtout pas que je me dise qu’ils vont faire quelque chose. » Sa première action a été d’enregistrer une vidéo personnalisée destinée à tous les libraires de France. Dans cette vidéo, il expliquait son rapport aux livres, annonçait qu’il encouragerait sa communauté à acheter en librairie de quartier, et présentait l’ouvrage. L’objectif était de passer « d’un nouveau titre à ‘tiens il y a un mec qui a fait l’effort de se présenter à nous’. »
Cette démarche, alliant sincérité et optimisation marketing, a porté ses fruits. Une fois le cap des 100 000 ventes franchi, il n’a pas oublié de renvoyer une seconde vidéo pour les remercier, consolidant ainsi une relation précieuse. Vendre 100 000 livres en France est un exploit qui passe aussi par ceux qui sont en première ligne : les libraires.
Devenir un bon client pour les médias
La dernière facette de sa stratégie marketing de livre a été la presse. Le sujet du mentalisme est un « bon contenu pour une radio, c’est du bon contenu pour la télé ». Mais au-delà du sujet, Fabien insiste sur l’attitude à adopter. « J’essaie d’être un bon client aussi quand une radio m’invite par exemple. J’essaie d’être fun, d’être intéressant, d’être passionné, d’être passionnant et tu sais que bah peut-être tu vas être invité sur une autre émission. » Savoir comment se faire inviter dans les médias et y laisser une bonne impression est une compétence qui multiplie les opportunités de visibilité.
De 0 à 250 000 abonnés en un an : décryptage de la croissance de sa chaîne YouTube
En 2016, Fabien Olicard se lance sur YouTube. À ce moment-là, il remplit déjà des salles de 500 à 800 places avec son spectacle. Pourtant, il choisit de repartir de zéro. « À aucun moment, je me suis positionné comme un mec qui était déjà un petit peu suivi, un petit peu connu, » explique-t-il. Pourquoi ce choix ? « Je voulais juste prouver directement à l’image. […] On part de zéro en fait. » Cette humilité stratégique, combinée à un rythme effréné, a été le moteur de la croissance de sa chaîne YouTube.
Une vidéo par jour : le défi qui a tout changé
La stratégie vidéo quotidienne de Fabien Olicard a été un pari audacieux, mais qui répondait à deux besoins précis. Le premier était de se stimuler en créativité pour écrire son nouveau spectacle. Le second, plus surprenant, était de s’habituer à la caméra. « J’avais fait le JT de France 2, j’avais fait le JT de M6 […] et c’était une catastrophe. […] J’arrive pas à être naturel. »
Publier chaque jour, sans jamais manquer une seule publication pendant un an, l’a forcé à lâcher prise. « Au bout de deux mois, […] j’en avais plus rien à foutre qu’il y ait une caméra. » Cette authenticité retrouvée a eu un bénéfice inattendu : « J’ai récupéré de ce naturel là sur scène. Ma version de moi sur scène est beaucoup plus naturelle qu’avant. » Le rythme quotidien l’a aussi contraint à accepter l’imperfection, un exercice difficile pour quelqu’un qui se décrit comme « control freak ».
Le processus de création derrière le marathon quotidien
Comment tenir un tel rythme ? Fabien décrit une routine millimétrée. Chaque matin, il ne sortait pas du lit avant d’avoir l’idée de la vidéo du jour. Ensuite, tout s’enchaînait : écriture, tournage, puis montage. « Le montage s’insérait en fait dans tous les moments un peu plus ‘down’ de la journée. […] J’ai optimisé tous les trous d’air de la journée. » La seule chose qu’il a dû sacrifier pendant cette année intense, c’est l’apprentissage. « C’est une année de ma vie où je n’ai rien appris d’autre que de faire des vidéos. J’ai vécu que sur des acquis au niveau de mes connaissances. »
Les 5 piliers de son succès sur YouTube
Avec le recul, Fabien identifie cinq facteurs clés qui expliquent comment il a réussi sur YouTube :
- Le bon moment pour l’algorithme : « L’algorithme devait être un petit peu en mode ‘plus ça publie fréquemment, plus je mets ça dans les suggestions’. »
- La nouveauté du contenu : Le mentalisme sous cette forme était inédit sur la plateforme francophone.
- Le rendez-vous quotidien : Les abonnés n’avaient pas à se demander quand sortait la prochaine vidéo. Il y en avait une, chaque jour.
- Les collaborations (featuring) : Le mentalisme nécessitant des invités, cela a naturellement créé des croisements d’audience avec d’autres créateurs comme Pierre Crosse ou Lola Dubini.
- La vulgarisation et le divertissement : « YouTube c’est pas une plateforme de formation. C’est une plateforme de divertissement. » Il a donc veillé à rendre ses contenus accessibles, fun et légers.
L’esprit d’entrepreneur : du restaurant savoyard à l’auto-production
Derrière l’artiste et le créateur se cache un véritable mentaliste entrepreneur. « J’ai su assez tardivement que j’étais un entrepreneur en le constatant, » admet-il. Cette fibre entrepreneuriale s’est manifestée bien avant YouTube, avec une aventure pour le moins inattendue.
La première aventure : un restaurant savoyard à La Rochelle
À 18 ans, après avoir vendu des nappes sur les marchés, Fabien se retrouve à une vente aux enchères avec l’intention d’acheter une voiture. Il en repartira « avec un fonds de commerce ». Avec un ami cuisinier, il décide de lancer un concept à contre-courant à La Rochelle, ville de fruits de mer et de soleil : un restaurant savoyard. « On va faire du savoyard. C’est trop cool parce que ça n’existait pas du tout à la Rochelle. »
La stratégie était maline : « On travaillera très mal l’été, mais on travaillera bien le reste de l’année avec les Rochelais, la vraie clientèle qui reste. » En ciblant les locaux plutôt que les touristes, il a réussi à s’implanter durablement. Mais cette expérience était pensée dès le départ pour être temporaire. Au bout de deux ans et demi, lui et son associé ont arrêté, fidèles à leur pacte de ne pas s’enfermer dans un métier usant.
L’hydre à plusieurs têtes : une vision de la diversification
Cette capacité à lancer et arrêter des projets est au cœur de sa philosophie. Il voit ses activités « comme une hydre qui a plusieurs têtes. […] Je lance des têtes en permanence. […] Quand il y en a une qui vraiment ne grossit pas […] et ben je l’arrête, j’ai aucun mal à arrêter une activité ou un projet. » C’est cette logique qui l’a conduit à stopper un magazine gratuit qu’il avait lancé pour consacrer plus de temps à YouTube, une tête de l’hydre qui grandissait bien plus vite. Cette approche permet de diversifier ses revenus en tant que créateur tout en restant agile.
Processus créatif et monétisation : penser au-delà des sentiers battus
La cohérence est le fil rouge de tous les projets de Fabien Olicard. Que ce soit pour un spectacle, une vidéo ou un livre, la qualité et le fond doivent rester alignés. Cette exigence se retrouve dans son processus créatif et sa vision de la monétisation.
Comment créer un spectacle : de Louis C.K. à Alexandre Astier
Pour ses spectacles, Fabien Olicard puise son inspiration chez des artistes qui ont cassé les codes. Louis C.K. l’a « débloqué la crainte » de jeter son matériel et de repartir de zéro, en puisant dans la sincérité. Alexandre Astier, lui, a prouvé qu’il était possible de « parler de nos passions sur scène dans des spectacles d’humour ».
Son processus créatif pour un spectacle passe par une analyse profonde des œuvres qu’il admire. Il va voir un spectacle trois fois : une première fois pour l’émotion, une deuxième pour analyser la mise en scène (lumières, déplacements, rythme), et une troisième pour décortiquer « la musicalité du texte ». Cette méthode d’analyse de spectacle lui permet de comprendre les mécaniques de la réussite.
Une monétisation à forte valeur ajoutée
Là où beaucoup de créateurs se tournent vers Tipeee, Patreon ou la vente de goodies, Fabien Olicard a fait un choix radical : « C’est quatre choses que je ne veux pas faire. […] Moi personnellement, je ressens ça comme un échec. Ça veut dire que j’ai pas été assez inventif. » Plutôt que de solliciter sa communauté pour des produits dérivés, il préfère concentrer son énergie sur la création de produits qui peuvent toucher un public bien plus large, comme ses livres.
Cette vision s’illustre parfaitement dans la manière dont il a négocié ses droits d’auteur pour son premier livre. « J’ai négocié à la baisse les premiers paliers et j’en ai négocié un très fort à partir de 20 000 exemplaires vendus. » C’était un risque : si le livre se vendait normalement, il y perdait quelques milliers d’euros. Mais en cas de carton, le gain était exponentiel. « Si par le plus grand des hasards […] ça cartonne, bah il faut être prêt à accueillir le carton. » Et le carton a eu lieu. C’est cette pensée long-terme et cette prise de risque calculée qui lui ont permis de produire un spectacle à l’Olympia, un autre de ses grands accomplissements.
FAQ sur la stratégie de Fabien Olicard
Quelle est la stratégie marketing de Fabien Olicard pour ses livres ?
Sa stratégie consiste à penser le livre comme un produit pour le grand public, et non seulement pour sa communauté. Il travaille méticuleusement le titre et la couverture pour qu’ils interpellent même ceux qui ne le connaissent pas. De plus, il a mis en place une approche directe et personnelle avec les libraires en leur envoyant des vidéos pour les inciter à soutenir le livre.
« Je me suis dit s’il le prend c’est gagné parce que les gens qui me connaissent et qui m’aiment bien de toute manière, c’est gagné d’avance. C’était vraiment pensé à celui qui me connait pas, celui qui connait pas internet. »
Comment Fabien Olicard a-t-il réussi à grandir si vite sur YouTube ?
Sa croissance rapide sur YouTube repose sur cinq piliers : un timing favorable avec l’algorithme, la nouveauté de son contenu (mentalisme), la création d’un rendez-vous quotidien avec une vidéo par jour, des collaborations régulières qui ont croisé les audiences, et une approche axée sur le divertissement et la vulgarisation plutôt que la formation pure.
« Je pense qu’il y a cinq grosses lignes qui définissent ça le fait que ça marche. La première chose c’est que ça devait être le bon moment pour l’algorithme… »
Pourquoi Fabien Olicard a-t-il fait une vidéo par jour pendant un an ?
Il s’est lancé ce défi pour deux raisons principales. La première était de stimuler sa créativité pour l’écriture de son nouveau spectacle. La seconde était de s’habituer à la caméra et de devenir plus naturel, car il se trouvait très mauvais et peu à l’aise lors de ses passages télévisés avant YouTube.
« À faire une vidéo par jour pendant un an, je pense qu’au bout de deux mois, […] j’en avais plus rien à foutre qu’il y ait une caméra. »
Quelle a été la première expérience entrepreneuriale de Fabien Olicard ?
Sa première véritable entreprise était un restaurant savoyard qu’il a ouvert à 18 ans à La Rochelle. Il a acheté un fonds de commerce lors d’une vente aux enchères où il était initialement venu pour acheter une voiture. Le concept était de cibler la clientèle locale toute l’année plutôt que les touristes estivaux.
« Je suis reparti sans voiture mais avec un fond de commerce […] et je me suis dit on va faire quoi, tu vois, je suis à la Rochelle […] on va faire du savoyard. »
Comment Fabien Olicard s’est-il produit à l’Olympia en auto-production ?
L’article mentionne qu’il a été le premier artiste en auto-production à l’Olympia depuis 1985. Il explique que cette indépendance lui permet de contrôler entièrement ses projets, comme arrêter un spectacle qui marche pour en créer un nouveau, sans dépendre d’un producteur qui voudrait le rentabiliser plus longtemps. Cette maîtrise de sa production est une constante dans sa carrière.
« Si j’aurais été produit chez un producteur, il m’aurait dit bah non, tu vas le jouer encore deux trois ans. Il est c’est encore un jeune spectacle, il remplit bien. »
Quelle est la vision de Fabien Olicard sur la monétisation pour les créateurs ?
Il refuse les modèles comme Tipeee, Patreon ou les goodies, qu’il perçoit comme un échec personnel à être assez inventif. Il préfère créer des produits à forte valeur ajoutée (livres, spectacles) qui sont cohérents avec sa marque et qui ont le potentiel d’atteindre un public bien plus large que ses fans les plus fidèles, optimisant ainsi chaque sollicitation de son audience.
« Je pense que quand tu penses à créer quelque chose, autant créer quelque chose de très cohérent avec toi, mais qui peut s’élargir au maximum en cas de succès quoi. »
Comment Fabien Olicard a-t-il négocié ses droits d’auteur pour son best-seller ?
Il a pris un risque calculé en négociant des droits d’auteur plus faibles sur les premiers paliers de vente, en échange d’un pourcentage très élevé au-delà de 20 000 exemplaires. Il a parié sur le potentiel de son livre à devenir un best-seller, ce qui lui a permis de maximiser ses gains lorsque le succès a dépassé toutes les attentes.
« Moi j’ai négocié à la baisse les premiers paliers et j’en ai négocié un très fort à partir de 20 000 exemplaires vendus. […] si par le plus grand des hasards […] ça cartonne, bah il faut être prêt à accueillir le carton comme ça. »
Qui sont les principales inspirations de Fabien Olicard pour ses spectacles ?
Il cite deux inspirations majeures. Le comédien américain Louis C.K. l’a aidé à se débloquer sur la nécessité d’être sincère et de ne pas avoir peur de jeter son matériel pour se renouveler. Alexandre Astier est pour lui un ‘phare dans la nuit’ qui lui a prouvé qu’on pouvait créer des spectacles d’humour en parlant de ses passions, même pointues.
« Louis C.K. m’a énormément aidé dans tous ces déblocages et […] dans les influences […] c’est le travail d’Alexandre Astier. »