Logo de l'épisode Bondir sur l'opportunité crypto - avec Adli Takkal Bataille du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Bondir sur l’opportunité crypto – avec Adli Takkal Bataille

Épisode diffusé le 16 octobre 2018 par Marketing Mania

Écouter l'épisode :

Au-delà de la spéculation : où se cache la véritable opportunité crypto pour les entrepreneurs ?

Le monde des cryptomonnaies est saturé de bruit. D’un côté, les médias traditionnels nous alertent sur la volatilité des prix, les liens avec la criminalité, et nous conseillent de rester à l’écart de ce monde « chelou ». De l’autre, des promoteurs nous promettent que c’est le futur, que le Bitcoin atteindra 100 000 dollars et qu’il faut acheter la dernière « altcoin » pour devenir riche. Personnellement, cette frénésie spéculative ne m’intéresse pas tant que ça. Je n’ai pas l’âme d’un parieur, ni l’envie de passer mes journées à suivre des cours et des influenceurs dont la seule crédibilité est souvent d’avoir investi tôt par chance.

En revanche, il se passe quelque chose de fondamental avec les cryptomonnaies. Une transformation de notre économie est en marche, et qui dit transformation, dit nouvelles opportunités. Des opportunités aujourd’hui imprévisibles, dans lesquelles un entrepreneur avec une fibre marketing pourra s’engouffrer. C’est pour explorer cette vision que j’ai invité Adli Takkal Bataille, un spécialiste qui a misé toute sa carrière sur cette révolution. Dans cette conversation, nous n’allons pas parler de la prochaine ICO à acheter, mais des grandes transformations qui permettront à de nouveaux business de se créer dans les 5 à 10 prochaines années.

L’analogie avec les débuts d’internet : une révélation

Mon intérêt pour cet angle entrepreneurial a été déclenché par une conversation avec un ami. Alors que je considérais son intérêt pour les cryptos comme une perte de temps, il m’a dit quelque chose de marquant : « Aujourd’hui, c’est de la spéculation et on ne peut pas faire grand-chose parce qu’on n’est pas assez technique. Mais si tu regardes l’internet en 92, c’était un truc ultra pointu pour chercheurs. Au final, c’est devenu une opportunité énorme où n’importe qui avec des compétences en marketing pouvait construire quelque chose. »

Cette comparaison a changé ma perspective. La blockchain, aujourd’hui, c’est comme internet en 1995. Pour construire une entreprise dessus en 2018, il faut de sérieuses connaissances techniques. Mais avec le temps, des outils comme WordPress ou YouTube sont apparus, permettant à n’importe qui d’utiliser l’infrastructure pour créer un business. C’est là que se trouve l’opportunité crypto pour beaucoup d’entre nous. Comment le monde va-t-il changer, et comment pouvons-nous en tirer parti ?

D’étudiant en lettres à expert crypto : le parcours d’Adli Takkal Bataille

Adli se définit avant tout comme un curieux. C’est cette curiosité qui l’a amené à Bitcoin, après un parcours atypique : prépa lettres, latin, grec, puis une bifurcation radicale. Il raconte : « Je suis tombé dans Bitcoin totalement par hasard en lisant un article en août 2013. Je me suis dit, punaise, il y a quelque chose. »

Constatant le manque de contenu francophone de qualité, il lance un blog, organise des rencontres, puis des conférences. Ce parcours l’a mené à co-fonder plusieurs structures clés de l’écosystème français.

Le cercle du coin : structurer la conversation en France

Adli a cofondé « Le Cercle du Coin », la première association francophone autour des cryptomonnaies. Son but ? « Créer une interface entre le monde extérieur au sujet et le monde intérieur », explique Adli. Face à un écosystème décentralisé et épars, l’association offre un point de contact pour les journalistes, les politiques et les curieux. Elle vise à vulgariser, créer de la cohésion et même faire du lobbying pour guider la conversation publique et la réglementation des crypto-actifs en France. L’association a notamment mené des initiatives comme la conversion du passage du Grand Cerf à Paris au Bitcoin.

La révolution blockchain ne peut exister sans bitcoin

L’une des batailles intellectuelles menées par Adli et son association est résumée par leur communiqué : « pas de révolution blockchain sans Bitcoin ». Pendant des années, une narrative a émergé, notamment dans les grandes entreprises, pour séparer la technologie « blockchain » de la monnaie « Bitcoin », jugée sulfureuse. On entendait partout : « Forget Bitcoin, embrace blockchain ».

Pourquoi la blockchain sans token est un concept creux

Adli démonte cette idée : « Si on considère juste la blockchain, c’est un concept creux et vieux. L’innovation, c’est vraiment d’avoir un ensemble de technos qui marchent ensemble et qui permettent d’avoir un token pour valoriser le réseau. » Ce token, comme le Bitcoin, est ce qui rend le réseau indépendant. Il crée une incitation économique (un « incentive ») pour que des milliers d’acteurs indépendants (les mineurs) sécurisent et entretiennent le réseau.

« La motivation est extrêmement importante dans tous ces systèmes décentralisés, parce que s’il y a plus de motivation, il y a plus de système. » Sans cette incitation, une blockchain n’est qu’une base de données partagée, corruptible et dépendante de quelques acteurs. La force de Bitcoin, c’est que les intérêts de tous les participants sont alignés : tout le monde a intérêt à ce que le réseau fonctionne et conserve sa valeur. Tenter de le détruire est économiquement irrationnel.

Le défi de la scalabilité : le même que celui des débuts d’internet

L’un des reproches récurrents faits à Bitcoin est son manque de scalabilité, sa capacité à gérer un grand volume de transactions. Adli compare cette critique à celles adressées à internet à ses débuts : « On a exactement les mêmes critiques. Combien de prophètes ont dit qu’internet ne pourrait jamais être une autoroute de l’information parce que les tuyaux sont trop petits ? J’ai vu qu’à l’origine, les gens disaient, on ne pourra jamais avoir des images sur internet parce que la bande passante ne sera jamais suffisante. »

Les solutions de seconde couche : l’avenir du paiement

Comme internet, Bitcoin est un protocole fait pour évoluer. Des solutions sont en cours de développement pour résoudre ce problème. L’idée principale est de ne pas enregistrer toutes les transactions sur la chaîne principale. Adli explique le concept de solutions comme le Lightning Network : « On va bloquer de l’argent sur des adresses spécifiques. Et en fait, cet argent-là, on va le faire circuler à l’extérieur du réseau. On va pouvoir faire des milliers de transactions entre nous. »

C’est un système comparable à une chambre de compensation. Si je paie mon boulanger, nous n’avons pas besoin de la validation du réseau mondial. De temps en temps seulement, les soldes finaux sont enregistrés sur la blockchain Bitcoin. Pour l’instant, c’est encore technique, mais tout comme personne ne développe son blog de zéro et utilise WordPress, des solutions simples émergeront pour les commerçants.

Entreprises décentralisées : à quoi ressemble un business sans patron ?

L’un des concepts les plus fascinants de l’écosystème est celui des DAO (Decentralized Autonomous Organization), ou Organisations Autonomes Décentralisées. C’est l’idée d’une entreprise qui vit d’elle-même sur la blockchain, régie par du code (des smart contracts) et gouvernée par ses détenteurs de tokens.

Augur : l’exemple d’un marché prédictif décentralisé

Adli cite l’exemple d’Augur, un marché prédictif décentralisé. C’est une plateforme de paris sur l’avenir. « Ça peut être quelle est la couleur de la robe de la reine d’Angleterre, mais ça peut aussi être ‘je parie sur le fait que je vais avoir un accident cette année’. Et là, on vient réinventer l’assurance de manière décentralisée. »

Dans une DAO comme Augur, il n’y a pas d’entité centrale qui contrôle les règles ou tire les profits. L’application tourne toute seule sur Ethereum. Les revenus sont automatiquement redistribués aux participants : ceux qui font des prédictions correctes et les « oracles » qui vérifient le résultat des événements. C’est un nouveau paradigme, complexe à conceptualiser, mais qui ouvre la voie à des modèles économiques crypto totalement inédits.

Identifier l’opportunité crypto de demain : les secteurs à surveiller

Alors, concrètement, où un entrepreneur non-technique pourra-t-il s’engouffrer dans les 5 à 10 ans ? Adli identifie plusieurs vagues d’opportunités.

1. La finance et l’e-commerce

C’est la première vague, déjà en cours. Adli est lui-même impliqué dans des entreprises qui construisent des ponts entre la finance traditionnelle et le monde crypto. Il s’agit de services comme le prêt, où l’on peut emprunter des euros en utilisant ses Bitcoins comme garantie, sans avoir à les vendre. « Toutes les applications financières, vu que les sous-jacents techniques commencent à être solides, il y a pas mal d’espace à prendre : assurance, finance, e-commerce, négoce… »

2. La certification et l’identité

La seconde vague concernera tout ce qui touche à la preuve. « Certification du contenu, authenticité, traçabilité, preuve d’existence, preuve d’identité », énumère Adli. Une technologie d’identité fiable et décentralisée pourrait, par exemple, « ouvrir une brèche pour un nouveau Facebook », où les utilisateurs contrôleraient leurs propres données.

3. Le contenu et les micropaiements

Le Graal des créateurs de contenu depuis 20 ans : les micropaiements. L’idée de payer une fraction de centime pour lire un article a toujours échoué à cause des frais de transaction et de la friction psychologique pour l’utilisateur. La technologie crypto rend cela techniquement possible. Adli imagine un futur où nous serions rémunérés pour nos contributions quotidiennes : « Mes données de santé, pourquoi tous les bracelets connectés les auront gratuitement ? Quand je remplis un captcha Google, j’entraîne leur algo. Toutes ces logiques pourraient être monétisées envers l’utilisateur. »

Ces micro-revenus pourraient alimenter un portefeuille qui paierait automatiquement pour le contenu que nous consommons, sans que nous ressentions la douleur du paiement. C’est une brèche énorme qui pourrait dynamiter le modèle économique de la publicité en ligne.

4. Les infrastructures décentralisées

À plus long terme, on peut même imaginer repenser les infrastructures physiques. Adli évoque les « mesh networks », des réseaux de télécommunication en pair-à-pair où nos téléphones se connectent les uns aux autres pour relayer l’information, sans passer par un opérateur central. Les cryptomonnaies permettraient de rémunérer chaque participant qui contribue au réseau, créant une infrastructure communautaire et résiliente.

Le mot de la fin : « Don’t Trust, Verify »

Au-delà des opportunités de business, l’écosystème crypto porte une philosophie profonde : celle de l’autonomie et de la responsabilité. En nous rendant maîtres de nos propres actifs, sans intermédiaire, il nous force à devenir plus responsables. « Le bouton ‘mot de passe oublié’ est la pire chose qu’on ait inventée », lance Adli. Il nous a déresponsabilisés.

La devise qui résume cet esprit est « Don’t trust, verify » (Ne faites pas confiance, vérifiez). C’est un appel à ne pas croire aveuglément une autorité, mais à vérifier par soi-même. Une leçon précieuse, non seulement pour investir dans les cryptos, mais pour naviguer dans le monde de demain.

Foire aux questions sur l’opportunité crypto

Peut-on créer une entreprise dans la crypto sans être un expert technique ?

Oui, absolument. L’écosystème crypto suit une trajectoire similaire à celle d’internet. Initialement réservé aux experts techniques, il voit progressivement émerger des outils et des plateformes qui simplifient la création de business. À terme, il sera possible de monter une entreprise sur la blockchain avec la même facilité qu’on crée un site web sur WordPress aujourd’hui.

« C’est quelque chose qu’on aurait pu dire sur internet en 95. […] Mais au fil du temps, il est arrivé des outils comme WordPress, comme Squarespace, comme YouTube […] qui permettent à n’importe qui d’utiliser cette infrastructure […] et de construire un business au-dessus, même sans avoir les compétences techniques qui vont avec. »

Quelle est la différence fondamentale entre la blockchain et le Bitcoin ?

La blockchain est la technologie de registre distribué, mais le Bitcoin (le token) est l’incitation économique qui la fait fonctionner de manière décentralisée et sécurisée. Une blockchain sans token de valeur est privée de son mécanisme de motivation, la rendant dépendante d’acteurs centralisés et donc moins innovante et sécurisée.

« L’innovation, c’est vraiment d’avoir un ensemble de technos qui marchent ensemble et qui permettent d’avoir un token et de valoriser en fait le réseau en lui-même. […] Ça c’est ça qui va valoriser le réseau et faire en sorte qu’il soit indépendant. »

Qu’est-ce qu’une DAO (Decentralized Autonomous Organization) ?

Une DAO est une nouvelle forme d’organisation qui fonctionne de manière autonome sur une blockchain grâce à des règles inscrites dans des contrats intelligents (smart contracts). Elle n’a pas de hiérarchie centrale ; les décisions sont prises par les détenteurs de ses tokens de gouvernance, et les opérations sont exécutées automatiquement par le code.

« C’est une application qui vit d’elle-même par rapport à un contrat sur un réseau et dont aucune entreprise spécifique n’en bénéficie. […] C’est les porteurs de tokens qui sont rémunérés automatiquement par les actions faites sur le contrat. »

Quels sont les futurs secteurs d’opportunités pour un entrepreneur crypto ?

Les opportunités s’étendent bien au-delà de la finance. Les secteurs prometteurs incluent la certification de l’authenticité (contenu, produits), la gestion de l’identité numérique, la réinvention des médias via les micropaiements, et même la création d’infrastructures décentralisées comme les réseaux de télécommunication pair-à-pair.

« Dans un futur plus lointain, je pense que sur le contenu, il y a beaucoup de choses à faire, sur la certification du contenu, sur la certification de manière générale. […] qui dit certification, dit authenticité, traçabilité, preuve d’existence, preuve d’identité. »

En quoi la crypto change-t-elle notre rapport à la finance ?

La crypto permet de créer des services financiers sans intermédiaire de confiance, comme les banques. Cela ouvre la porte à des applications comme des prêts où vos cryptomonnaies servent de garantie, des assurances décentralisées basées sur des marchés prédictifs, ou encore des systèmes de paiement internationaux quasi instantanés et à faible coût.

« C’est apporter de l’expertise financière du monde classique dans le monde des cryptos et faire vraiment que ce lien soit sans friction. […] que quelqu’un qui a des Bitcoins, puisse avoir une carte de crédit où il va pouvoir dépenser de l’euro sans aucun problème. »

Les micropaiements sont-ils enfin possibles grâce à la blockchain ?

Oui, la technologie crypto, notamment avec les solutions de seconde couche comme le Lightning Network, résout les obstacles techniques (frais, lenteur) qui ont empêché l’émergence des micropaiements. Cela pourrait révolutionner le modèle économique des créateurs de contenu, en passant de la publicité à une rémunération directe et proportionnelle à la consommation.

« Il y a une énorme brèche sur la logique de la publicité online et on aura peut-être des nouveaux modèles qui permettront de plus facilement rémunérer le contenu sans forcément le voir également. »

Pourquoi dit-on que Bitcoin redonne de l’autonomie aux utilisateurs ?

Contrairement au système bancaire où une institution contrôle votre argent, Bitcoin vous donne le contrôle total de vos actifs via vos clés privées. Vous devenez votre propre banque. Cette souveraineté implique une plus grande responsabilité : la sécurité de vos fonds repose entièrement sur vous.

« Bitcoin, c’est un système qui t’oblige à être autonome si tu veux en tout cas tenter de y participer directement. […] si tu veux toi conserver tes Bitcoins dans un wallet que tu contrôles. »

Quel est le plus grand défi pour l’adoption des applications décentralisées ?

Le plus grand défi est le marketing et l’expérience utilisateur. Une application véritablement décentralisée n’a pas d’entité centrale pour la promouvoir, ce qui rend son adoption plus lente. De plus, l’interface et l’usage sont souvent encore trop complexes pour le grand public, qui est habitué à des expériences fluides et centralisées.

« C’est là toute la difficulté que vont avoir les applications décentralisées, si elles le sont vraiment, ça veut dire que théoriquement, il y a personne qui en tire directement les fruits. […] on voit que là, avec Augur, il y a quasiment personne qui l’utilise. »


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