Le spectacle : une des techniques de manipulation les plus efficaces
La première technique que j’ai illustrée dans ma vidéo d’analyse sur Aude What The Fake est celle du spectacle. Pour rappel, dans sa vidéo, elle se rend sur les Champs-Élysées, parle à deux gardiens d’immeuble et en conclut qu’il s’agit d’une fausse adresse. Avec l’aspect caméra cachée et investigation, on a l’impression d’assister à une révélation majeure, alors que le niveau de l’enquête est en réalité très minimal.
La psychologie humaine derrière le spectacle : une technique de magicien
Pour comprendre la technique psychologique que j’appelle le spectacle, il faut imaginer un magicien. Comment fonctionne un tour de magie ? Il y a toujours deux choses : un truc qui est en train de se passer et une distraction. Le magicien dirige constamment votre attention vers un point précis pendant qu’il effectue une manipulation ailleurs. Il vous fait tapoter des choses, regarder ici, vérifier cela… C’est pour ça qu’il y a toujours des effets de fumée, de lumière, des formules magiques comme ‘Abracadabra’. Tout cela n’a aucun impact réel, mais ça existe pour une seule raison : c’est une distraction. Le spectacle, dans une vidéo ou en marketing, c’est rendre quelque chose amusant et intéressant pour diriger l’attention des gens.
Comment utiliser la démonstration spectaculaire en marketing
Cette technique de manipulation est particulièrement utile pour lever une résistance psychologique. Un exemple fascinant est celui de Tony Robbins et de son exercice de marche sur les charbons ardents. En réalité, n’importe qui peut traverser un lit de charbons ardents sans se brûler. Le but n’est pas de donner un super-pouvoir, mais de créer une démonstration spectaculaire. En réalisant cet acte qui paraît impossible, les participants se sentent capables de surmonter d’autres obstacles psychologiques moins intimidants. Le spectacle crée une nouvelle croyance : ‘Je peux dépasser mes limites’.
Un autre exemple de démonstration spectaculaire en marketing, c’est le storytelling personnel. Imaginez un homme qui pense qu’aucune femme ne s’intéressera jamais à lui. Cette croyance est profondément ancrée dans son identité. Vous ne pouvez pas l’attaquer de front à cause du biais de confirmation. En lui racontant votre propre histoire, de manière poignante et émotionnelle, vous détournez son attention de ses propres problèmes. Pendant quelques minutes, il oublie ses croyances limitantes. C’est dans cette fenêtre que vous pouvez introduire de nouvelles idées, comme le fait que les relations, comme le sport ou le dessin, s’améliorent avec la pratique.
Le spectacle dans la publicité : quand une image vaut mille mots
Le marketing regorge de démonstrations spectaculaires. Pensez à l’histoire (peut-être apocryphe) du premier vendeur d’aspirateurs en porte-à-porte. Comment vendre un concept aussi nouveau ? En arrivant avec un sac de poussière, en le vidant sur la moquette du prospect, et en nettoyant tout avec l’aspirateur. L’effet est viscéral, immédiat. Certaines choses ne peuvent pas être expliquées, elles doivent être démontrées.
On retrouve ce principe partout :
- Les pubs de lessive : On voit une tache de ketchup disparaître comme par magie. L’image est si forte qu’on s’en souvient instantanément.
- Les fabricants de téléphones : Au lieu de dire ‘mon téléphone est étanche’, ils le plongent dans un seau d’eau. La démonstration est faite.
- Tesla : Une vidéo virale d’un conducteur endormi au volant pendant que sa voiture se conduit seule dans les embouteillages est une démonstration bien plus puissante que n’importe quelle fiche technique sur l’autopilote.
Les pièges du spectacle : quand trop, c’est l’ennemi du bien
Il faut toutefois faire attention. Le spectacle est efficace s’il renforce votre message. Mais souvent, il peut devenir une distraction. Les marketeurs débutants, par peur de ne pas retenir l’attention, ajoutent des visuels flashy, des couleurs, des animations sur leurs pages de vente. Le résultat ? Les gens regardent les visuels, mais ne lisent pas le texte. Le message ne passe pas. Si j’utilise des visuels, c’est pour renforcer ce que je dis. Un graphique sur un taux de conversion, une capture d’écran d’un business case… Tout doit servir l’argumentaire. Des images de gens souriants au bord d’une piscine pourraient être possibles pour mes clients, mais comme ce n’est pas le cœur de mon message, elles le détruiraient.
Le cadrage émotionnel : l’art de manipuler la perception
La deuxième des techniques de manipulation est le cadrage émotionnel. L’idée est simple : une information est toujours comprise dans un contexte. Le sens d’un mot ou d’une phrase peut changer radicalement selon ce qui vient avant. Le cadrage émotionnel consiste à manipuler ce contexte, non pas avec des faits, mais avec des émotions, pour altérer la perception de l’information.
L’affaire Webedia : un exemple de cadrage par le non-verbal
Dans la vidéo d’Aude What The Fake, le cas le plus flagrant est celui de l’appel au responsable communication de Webedia. Ce dernier dément de manière claire et formelle tout lien avec la chaîne ‘Lama Fâché’. Objectivement, on devrait conclure qu’il n’y a pas de lien. Pourtant, beaucoup de gens, y compris dans mon équipe, ont conclu que le responsable mentait. Pourquoi ? Parce que pendant qu’il parle, Aude roule des yeux. Par cette simple expression faciale, enregistrée a posteriori, elle signale à son audience : ‘Il ment, n’y croyez pas une seconde’. Elle crée un cadrage émotionnel qui discrédite totalement un démenti pourtant logique et crédible.
Empoisonner le puits : comment discréditer un individu avant même qu’il ne parle
Cette technique porte un nom bien précis lorsqu’elle vise un individu : empoisonner le puits. Cela consiste à donner une information négative sur une personne avant de la laisser s’exprimer, afin que tout ce qu’elle dira ensuite soit perçu à travers ce filtre négatif.
Par exemple, un journaliste pourrait dire : ‘Selon Jean-Michel Dupont, dont l’entreprise a licencié plus de 500 employés en Moselle l’année dernière, le contexte économique est difficile.’ Immédiatement, vous vous faites une image négative de Jean-Michel Dupont et vous discréditez son propos. On aurait pu le présenter comme ‘un expert avec 25 ans d’expérience dans l’industrie’, ce qui aurait totalement changé votre perception. L’étiquette que vous collez à quelqu’un oriente la manière dont on reçoit son message. Dans les commentaires de ma vidéo, certains disaient : ‘C’est une journaliste France Télé, on ne peut rien en attendre’. Pour eux, l’étiquette ‘France Télé’ suffit à décrédibiliser.
Les applications du cadrage émotionnel en marketing et dans la vie
Le cadrage émotionnel est partout, et pas seulement pour discréditer. C’est une des techniques de manipulation les plus courantes et utiles.
- Présenter un prix : On ne dit jamais ‘Mon produit coûte 100 €’ d’entrée de jeu. On commence par lister tous les bénéfices, les gains émotionnels, comment le produit va transformer votre vie. Ensuite, le prix de 100 € semble beaucoup plus raisonnable en comparaison de toute la valeur apportée. On cadre le prix comme un investissement, pas comme une dépense.
- Présenter une information sur soi : Le fait que j’ai quitté mon école de commerce avant d’obtenir mon diplôme peut être présenté de deux manières. L’angle positif : ‘J’ai eu le courage de quitter mes études pour monter mon business’. L’angle négatif : ‘C’est un mec qui n’a même pas eu la ténacité de finir son école’. Les faits sont les mêmes, mais le cadrage change tout.
- Donner un feedback : Au lieu de formuler un reproche, on peut le cadrer comme une opportunité d’amélioration. ‘J’ai vu que tu avais corrigé ce dont on a parlé la semaine dernière, c’était super. Maintenant, j’ai remarqué ce nouveau point…’ La personne se sent encouragée et en confiance pour s’améliorer, au lieu de se sentir coupable.
Dans ma propre vidéo, j’utilise le cadrage émotionnel dès le titre : ‘La justicière de YouTube accuse un innocent’. Je ne dis pas ‘un youtubeur en critique un autre’. Je cadre l’affaire sous un angle éthique et émotionnel pour souligner l’importance du sujet et la dérive que j’analyse.
Les questions orientées : guider la réponse sans en avoir l’air
La troisième technique est celle des questions orientées. Au lieu de poser une question ouverte, on formule la question de manière à suggérer la réponse souhaitée. Dans la vidéo analysée, on entend par exemple : ‘Le Lama Fâché, il est chez Talent Web, c’est bien ça ?’ au lieu de ‘Chez quel label se trouve le Lama Fâché ?’
L’arme du journaliste et de l’enquêteur
Cette technique est un classique des interrogatoires et de certaines interviews journalistiques. Les fausses confessions, par exemple, sont souvent le résultat d’heures de pression psychologique suivies de questions orientées qui permettent aux enquêteurs d’entendre ce qu’ils veulent. Une interview célèbre entre la journaliste Cathy Newman et le psychologue Jordan Peterson en est une parfaite illustration. Elle reformulait constamment ses propos en commençant par ‘Donc, vous dites que…’. C’est une technique redoutable car la personne interviewée est piégée : soit elle nuance et semble acquiescer à la reformulation scandaleuse, soit elle dément et paraît défensive.
Le biais de confirmation : quand le marketeur se manipule lui-même
Le plus grand danger des questions orientées n’est pas de manipuler les autres, mais de se biaiser soi-même. Un entrepreneur qui veut valider son idée va souvent poser des questions comme : ‘Voilà mon idée, j’y travaille depuis longtemps, j’en suis super fier, qu’est-ce que tu en penses ?’ La réponse sera presque toujours positive par politesse. On obtient une fausse validation. Une question bien moins orientée serait : ‘Voilà ce que fait mon produit et combien il coûte. Est-ce que tu veux l’acheter ?’ Là, on obtient une vraie information.
Une autre approche consiste à demander : ‘Qu’est-ce qui te ferait hésiter à acheter ce produit aujourd’hui ?’ Cette question invite à la critique constructive et fournit des informations précieuses. Le principe psychologique sous-jacent est le fameux biais de confirmation. Nous avons une tendance naturelle à chercher et interpréter les informations qui confirment ce que nous pensons déjà. Pour le contrer, il faut se forcer à chercher activement des informations qui contredisent nos idées.
La sélection des informations : une forme de question orientée
Dans mes propres vidéos, suis-je coupable d’utiliser cette technique ? En un sens, oui, à travers ce que l’on pourrait appeler des ‘citations orientées’. Quand j’analyse une vidéo, je sélectionne les extraits qui illustrent mon propos. C’est un biais de sélection inévitable. Si je montrais l’intégralité de la vidéo source, mon analyse serait illisible. C’est un des biais les plus puissants et les plus invisibles. On peut condamner quelqu’un par ses propres mots, simplement en sélectionnant soigneusement les extraits et en les sortant de leur contexte. C’est pourquoi je pars du principe que mon spectateur a vu ou ira voir la vidéo que j’analyse, afin qu’il puisse se faire sa propre idée et corriger ce biais inhérent à mon format.
FAQ : Vos questions sur les techniques de manipulation
Qu’est-ce qu’une démonstration spectaculaire en marketing ?
Une démonstration spectaculaire est une action ou une image forte et mémorable qui prouve l’efficacité d’un produit ou la validité d’une idée de manière viscérale, plutôt que par une explication rationnelle. Elle est conçue pour marquer l’esprit du prospect et surmonter ses doutes.
« Maintenant, vous êtes vendeur d’aspirateur en porte à porte, comment est-ce que vous allez démontrer ça ? Vous pouvez pas l’expliquer. La seule manière de le faire, c’est d’arriver avec un sac de poussière, de verser le sac de poussière sur la moquette de la personne à qui vous allez vendre, […] de sortir l’aspirateur et de nettoyer. »
Comment le cadrage émotionnel peut-il influencer la perception d’un prix ?
Le cadrage émotionnel influence la perception d’un prix en le présentant après avoir détaillé toute la valeur et les bénéfices du produit. En contrastant le coût avec les gains potentiels, le prix semble plus petit et plus justifié, transformant une ‘dépense’ en ‘investissement’.
« Vous allez commencer par cadrer non seulement tous les bénéfices, tous les gains émotionnels et ensuite, vous allez donner le prix. Donc le prix, en contraste avec tous ces gains que la personne va pouvoir avoir, va sembler beaucoup plus raisonnable. »
Quelle est la technique pour « empoisonner le puits » ?
‘Empoisonner le puits’ est une technique de cadrage émotionnel qui consiste à donner une information négative sur une personne avant qu’elle ne s’exprime. Cela crée un filtre négatif dans l’esprit de l’audience, qui discréditera d’avance tout ce que la personne dira par la suite.
« Quand vous empoisonnez le puits, ça veut dire que vous allez donner des informations négatives sur un individu avant de le laisser s’exprimer, de manière à ce que la personne qui vous écoute se dise directement, OK, cette personne est un pourri, donc je vais discréditer ce qu’elle va dire juste ensuite. »
Pourquoi les questions orientées sont-elles une forme de manipulation ?
Les questions orientées sont une forme de manipulation car elles ne cherchent pas une information neutre, mais guident subtilement l’interlocuteur vers une réponse pré-déterminée. Elles intègrent une supposition ou un jugement dans leur formulation pour influencer la réponse.
« Au lieu de demander chez quel label, est-ce que le Lama Fâché se trouve, elle va dire, le Lama Fâché, il est chez Talent Web, c’est bien ça. Elle va vraiment insister sur là-dessus, on va pas jamais poser une question totalement ouverte. […] On va comme ça, susciter la réponse qu’on cherche. »
Qu’est-ce que le biais de confirmation et comment l’éviter ?
Le biais de confirmation est notre tendance naturelle à rechercher, interpréter et mémoriser les informations qui confirment nos croyances existantes. Pour l’éviter, il faut consciemment et activement chercher des informations qui contredisent notre point de vue initial.
« Si vous voulez contrecarrer ce biais de confirmation qui est une tendance naturelle et universelle de l’esprit humain, une bonne pratique, c’est d’aller spécifiquement chercher des informations qui sont contraires à notre idée de départ, parce que les informations qui confirment ce que vous pensez déjà, vous allez les trouver naturellement. »
Comment le storytelling personnel peut-il aider à surmonter les croyances limitantes ?
Le storytelling personnel agit comme une ‘démonstration spectaculaire’ qui détourne l’attention de l’auditeur de ses propres problèmes et croyances ancrées. En s’identifiant à votre histoire, il devient momentanément plus réceptif à de nouvelles idées qu’il aurait rejetées si elles avaient été présentées de front.
« Ce que vous devez faire, c’est avoir un élément spectaculaire qui va détourner leur attention de leur histoire personnelle […] et attirer leur attention sur autre chose. […] Et quand vous racontez votre histoire, […] ce qui va se passer, c’est que pendant un instant, pendant quelques minutes, ils vont oublier leurs propres problèmes et ils vont penser à vous. »
Quelle est la différence entre une analyse marketing horizontale et verticale ?
Une analyse horizontale prend un concept (ex: la preuve sociale) et montre de multiples exemples de son application dans différents contextes. Une analyse verticale prend un seul exemple (ex: une vidéo) et y décortique les différents concepts psychologiques qui s’y combinent.
« Il y a des analyses horizontales où je prends un concept, une idée, […] et je vais vous expliquer 10 manières dont [il] s’applique […]. Deuxième manière de faire une analyse marketing, c’est de faire une analyse verticale, où on prend un exemple et on montre les différents concepts psychologiques qui se combinent dans cet exemple. »
Les techniques de manipulation sont-elles toujours contraires à l’éthique ?
Non, les techniques de manipulation psychologique ne sont pas intrinsèquement bonnes ou mauvaises. Leur caractère éthique dépend de l’intention de celui qui les utilise et du but visé. Elles peuvent être utilisées pour éduquer et aider, ou pour tromper et nuire.
« Il faut comprendre que dans la vidéo, j’ai jamais critiqué l’utilisation des techniques en soi, c’est-à-dire que les techniques en soi ne sont ni bonnes ni mauvaises. Ce que je critiquais, c’était l’idée de se dire […] je vais accuser un mec. »