Facebook Ads en 2021 : autopsie d’une année de changements sismiques
L’année 2021 restera dans les annales du marketing digital comme une année charnière, une période de turbulence et de réinvention forcée, particulièrement pour l’écosystème publicitaire de Facebook. Si vous êtes annonceur, entrepreneur ou simplement passionné de marketing, vous avez sans doute senti le sol trembler sous vos pieds. Ce n’était pas une simple secousse, mais un véritable séisme qui a redéfini les règles du jeu. Comme je le disais dans mon podcast, ‘ça a été une année assez compliquée pour Facebook’, non pas sur le plan financier, car les bénéfices ont continué de croître, mais sur le front de sa plateforme publicitaire. Celle-ci a dû subir une métamorphose profonde pour survivre et s’adapter à des changements d’une envergure inédite.
Cette année-là, nous avons tous été confrontés à une nouvelle réalité. Les certitudes d’hier se sont évaporées, remplacées par des questions angoissantes : mes campagnes sont-elles encore rentables ? Puis-je encore faire confiance aux chiffres que je vois dans mon gestionnaire de publicités ? Comment toucher ma cible avec la même précision qu’auparavant ? Ces interrogations étaient sur toutes les lèvres. La machine publicitaire si bien huilée de Facebook, qui reposait sur une connaissance quasi parfaite du comportement des utilisateurs, a commencé à tousser. Le carburant principal de ce moteur – la donnée – est devenu plus rare, plus difficile à collecter et à interpréter.
Dans cet article, nous allons disséquer ensemble les sept changements majeurs qui ont secoué l’univers de la publicité Facebook en 2021. Il ne s’agit pas simplement d’une liste, mais d’une analyse en profondeur pour comprendre non seulement le ‘quoi’, mais surtout le ‘pourquoi’ et le ‘comment’. Nous verrons comment le tsunami déclenché par Apple avec iOS 14 a provoqué des répliques en chaîne, forçant Facebook à repenser son système d’attribution, ses outils de ciblage et même son identité. Nous explorerons les nouvelles opportunités qui ont émergé de ce chaos, comme les Reels Ads, et nous nous projetterons dans le futur avec la vision audacieuse de Meta et de son métaverse. Accrochez-vous, car comprendre 2021, c’est détenir les clés pour réussir sur la plateforme publicitaire de Meta pour les années à venir.
1. Le tsunami iOS 14 : la fin de l’âge d’or du tracking
Le premier et sans conteste le plus impactant des changements de 2021 fut la mise à jour d’iOS 14, déployée le 26 avril. Ce n’était pas une simple mise à jour technique ; c’était une déclaration de guerre à un certain modèle de publicité en ligne. Apple a introduit ce qu’ils ont appelé l’‘App Tracking Transparency’ (ATT). Ce protocole a fondamentalement changé la manière dont les applications peuvent collecter des données sur les utilisateurs d’iPhone et d’iPad. L’impact a été immédiat, brutal et a laissé de nombreux annonceurs dans un brouillard épais, incapables de mesurer précisément l’efficacité de leurs actions.
L’App Tracking Transparency (ATT) : le pop-up qui a tout changé
Concrètement, l’ATT a forcé toutes les applications, y compris les géants comme Facebook et Instagram, à demander explicitement le consentement de l’utilisateur pour le suivre à travers d’autres applications et sites web. Cette demande se matérialisait par une fenêtre pop-up au message sans équivoque. Comme je l’expliquais,
‘c’est évidemment un message qui est très qui donne pas vraiment envie, en tout cas ça donne pas vraiment envie de dire oui.’
La formulation demandait si l’on acceptait que l’application suive nos activités ‘sur les apps et sites web d’autres entreprises’ pour nous proposer des publicités personnalisées. Face à une telle question, la réaction de la majorité des utilisateurs a été un refus catégorique. Les taux d’opt-in (le pourcentage de gens disant ‘oui’) se sont effondrés, avec un taux de refus estimé à plus de 85 %. Pour la machine publicitaire de Facebook, c’était comme si on venait de couper une artère vitale.
Les conséquences en cascade pour les annonceurs
Ce refus massif a eu des répercussions dramatiques et multiples. Premièrement, une perte colossale de signaux de conversion. Chaque achat, chaque ajout au panier, chaque inscription qui provenait d’un utilisateur iOS ayant refusé le tracking devenait invisible pour Facebook. On ne parle pas de quelques données, mais de ‘milliards de signaux qui ont disparu’. L’algorithme, qui se nourrissait de ces signaux pour optimiser la diffusion des publicités, s’est retrouvé affamé, moins performant, moins précis. Deuxièmement, la taille des audiences personnalisées a fondu. Ces audiences, notamment celles de retargeting basées sur les visiteurs d’un site web, sont devenues beaucoup plus petites, car une grande partie des visiteurs iOS n’y étaient plus inclus. Le retargeting, l’une des stratégies les plus rentables, a perdu une grande partie de son efficacité. Enfin, les rapports de performance sont devenus aveugles. Les annonceurs ont perdu la capacité de ventiler leurs résultats par âge, sexe, ou région. C’était une perte immense pour comprendre qui étaient réellement nos clients et pour affiner nos stratégies. On naviguait à vue.
La riposte de Facebook : modélisation et avenir sur la plateforme
Face à ce mur, Facebook n’est pas resté inactif. La plateforme a dû se réinventer en urgence. Sa principale réponse a été la modélisation statistique. Puisqu’elle ne pouvait plus observer directement toutes les conversions, elle a commencé à les ‘estimer’ en se basant sur des modèles mathématiques et les données partielles qu’elle recevait encore. Cela a introduit des délais et un certain degré d’incertitude dans le reporting, rendant l’analyse en temps réel beaucoup plus complexe. Mais au-delà de cette solution technique, Facebook a amorcé un virage stratégique de fond. Conscient que la collecte de données hors de son écosystème devenait un champ de mines, l’entreprise a accéléré ses efforts pour garder les utilisateurs et les transactions à l’intérieur de ses propres murs. L’objectif est clair :
‘Facebook aujourd’hui veut favoriser l’achat d’un produit ou d’un service sur sa plateforme.’
L’avenir passera par des ‘Instant Experiences’ et des boutiques intégrées où l’achat se fait sans jamais quitter l’application. De cette manière, toute la donnée reste chez Facebook, le tracking redevient parfait, et la machine peut se remettre à tourner à plein régime.
Le tsunami iOS 14 a été un choc violent, mais il a aussi agi comme un catalyseur, forçant l’écosystème à mûrir. Il a marqué la fin d’une ère de tracking absolu et le début d’une nouvelle ère, celle de la publicité probabiliste, de l’importance accrue de la créativité et des stratégies visant à construire des écosystèmes de données propriétaires. Ce bouleversement majeur a directement entraîné un autre changement technique aux conséquences tout aussi profondes : la révision du système d’attribution.
2. La fin d’une ère : la disparition de l’attribution à 28 jours
Dans le sillage du chaos provoqué par iOS 14, Facebook a pris une décision qui a semblé technique à première vue, mais qui a eu un impact stratégique majeur pour de nombreux annonceurs : l’abandon de la fenêtre d’attribution par défaut ‘clic à 28 jours’. Pendant des années, ce paramètre était la norme, le pilier sur lequel reposait l’évaluation de la performance des campagnes. Son remplacement par une fenêtre beaucoup plus courte a rendu l’analyse plus ardue et a, pour beaucoup, donné l’impression que leurs publicités étaient soudainement moins efficaces.
Comprendre l’attribution : qu’avons-nous vraiment perdu ?
Pour bien saisir l’ampleur du changement, il faut revenir à la base. La fenêtre d’attribution est la période pendant laquelle Facebook s’attribue une conversion (un achat, un lead) après qu’un utilisateur a interagi avec une publicité. Pendant des années, le standard était ’28 jours après le clic et 1 jour après la vue’. Cela signifiait que si quelqu’un cliquait sur votre publicité le 1er du mois et achetait votre produit le 25, cette vente était créditée à votre campagne. Ce système était particulièrement adapté aux parcours clients qui demandent de la réflexion. Avec la mise à jour,
‘le paramètre d’attribution par défaut est devenu le 7 jours clic et 1 jour vue.’
En reprenant notre exemple, si l’achat a lieu le 25, soit 24 jours après le clic, il n’est plus du tout comptabilisé dans le gestionnaire de publicités. La vente a bien eu lieu, votre publicité y a probablement contribué, mais pour Facebook, elle n’existe plus. On comprend vite que ‘beaucoup de ventes qui n’étaient plus attribuées à nos campagnes’ ont disparu des radars, donnant l’illusion d’une performance en chute libre.
L’impact sur les business à cycle d’achat long
Ce changement n’a pas affecté tous les annonceurs de la même manière. Pour ceux qui vendent des produits d’impulsion à bas prix, l’impact a été minime. Mais pour une large part de l’économie, ce fut un véritable casse-tête. Pensez aux entreprises qui vendent des produits plus chers : des meubles, des formations en ligne, des logiciels, des voitures. Le temps de réflexion est naturellement plus long et dépasse très souvent les 7 jours. Pour ces annonceurs, une grande partie de leur retour sur investissement est devenue invisible. Leurs campagnes, qui prenaient peut-être 15 ou 20 jours pour devenir rentables, semblaient soudainement déficitaires après une semaine. Cela a créé un dilemme : fallait-il couper des campagnes qui étaient en réalité performantes sur le long terme ? La mesure du succès est devenue plus complexe, nécessitant de croiser les données de Facebook avec d’autres sources analytiques pour avoir une vision juste de la réalité.
Le casse-tête des campagnes de préchauffage et de génération de leads
Deux types de stratégies ont été particulièrement pénalisés : les campagnes de préchauffage et celles de génération de leads. J’ai souvent utilisé l’exemple du Black Friday : on lance des campagnes de notoriété et d’engagement pendant 15 jours avant l’événement pour ‘chauffer’ l’audience. Le jour J, les gens achètent en masse. Auparavant, une bonne partie de ces ventes était attribuée aux campagnes de préchauffage initiales, prouvant leur efficacité. Avec la fenêtre à 7 jours, ce lien est brisé.
‘toutes les ventes n’allaient pas forcément être attribuées aux campagnes de préchauffage.’
Le même problème se pose pour la génération de leads en B2B ou pour des services complexes. Un prospect peut remplir un formulaire aujourd’hui, mais la conversion finale (la signature d’un contrat) peut n’intervenir que 14, 30 ou 60 jours plus tard. La donnée de cette vente ne remontera jamais dans la campagne qui a généré le lead initialement, rendant son calcul de rentabilité impossible au sein de la plateforme. Les annonceurs ont dû apprendre à ‘s’y faire’, en développant des modèles de suivi internes et en faisant preuve de plus de patience dans l’analyse de leurs résultats.
Alors que Facebook resserrait les boulons sur le tracking et l’attribution, la plateforme cherchait parallèlement de nouvelles sources de revenus et de nouveaux espaces pour diffuser des publicités. C’est ainsi qu’en parallèle de ces restrictions, l’année 2021 a aussi vu l’émergence de nouveaux terrains de jeu pour les annonceurs.
3. Nouveaux terrains de jeu : l’expansion des emplacements publicitaires
Face à la saturation progressive des fils d’actualité traditionnels de Facebook et Instagram, la quête de nouveaux espaces pour monétiser l’attention des utilisateurs est une priorité constante pour Meta. L’année 2021 n’a pas fait exception et a vu l’arrivée de trois nouveaux emplacements publicitaires stratégiques. Chacun d’entre eux représente une opportunité unique de toucher les audiences dans des contextes différents, à condition d’adapter son approche créative. Les petits nouveaux de l’année furent ‘la boutique Instagram, le feed d’actualité des groupes Facebook et l’onglet des réels sur Instagram.’
Instagram Shop : le commerce au cœur de l’expérience
L’intégration de publicités dans l’onglet ‘Boutique’ d’Instagram est une évolution logique de la transformation de la plateforme en une destination de shopping à part entière. Cet emplacement est particulièrement puissant car il permet de toucher les utilisateurs à un moment où leur intention d’achat est à son apogée. Ils ne sont pas là pour consulter les photos de leurs amis, mais bien pour découvrir et acheter des produits. Les publicités dans Instagram Shop prennent généralement la forme de fiches produits sponsorisées ou de visuels inspirants qui s’intègrent nativement au flux de découverte. Pour les marques e-commerce, c’est une occasion en or de présenter leurs produits à une audience qualifiée et déjà en mode ‘lèche-vitrine numérique’. Le succès sur cet emplacement repose sur des visuels de haute qualité, des informations produits claires et une expérience d’achat fluide, idéalement via le checkout directement sur Instagram.
Les Groupes Facebook : toucher des communautés ultra-ciblées
Les groupes Facebook sont des microcosmes où se rassemblent des passionnés autour de centres d’intérêt extrêmement spécifiques. L’arrivée de la publicité dans les fils d’actualité de ces groupes ouvre des perspectives de ciblage contextuel très intéressantes. Imaginez pouvoir diffuser une publicité pour un nouvel accessoire de randonnée directement dans un groupe de passionnés de trekking, ou promouvoir un logiciel de design graphique dans une communauté de freelances. La pertinence peut être maximale. Cependant, cet emplacement est à manier avec précaution. Les membres de groupes sont souvent très protecteurs de leur communauté et peuvent percevoir la publicité comme une intrusion si elle est agressive ou décalée. La clé est de proposer un contenu qui apporte de la valeur, qui résonne avec les codes et le langage du groupe, et qui s’apparente plus à une recommandation utile qu’à un matraquage publicitaire. L’approche doit être subtile et respectueuse de l’esprit communautaire.
L’onglet Reels : surfer sur la vague du contenu vertical court
C’est sans doute l’ajout le plus significatif. Les Reels ont connu une croissance explosive en 2021, devenant le principal moteur d’engagement sur Instagram et la réponse directe de Meta à la domination de TikTok. L’introduction de la publicité dans cet onglet était inévitable. Cet emplacement, situé ‘au tout milieu de l’application, tout en bas’, est devenu un carrefour d’audience majeur, en particulier pour les jeunes générations. La publicité dans les Reels impose un format bien précis : des vidéos verticales, plein écran, immersives et sonores. Pour qu’une publicité fonctionne ici, elle doit se fondre dans le décor. Elle ne doit pas ressembler à une publicité traditionnelle, mais plutôt à un Reel organique, créatif, amusant ou éducatif. C’est un changement de paradigme qui pousse les marques à abandonner les visuels statiques et les messages corporate au profit de l’authenticité et du divertissement, un sujet si important qu’il mérite son propre chapitre.
L’exploration de ces nouveaux emplacements a forcé les annonceurs à diversifier leurs créations. Mais les changements de 2021 ne se sont pas limités à l’endroit où les publicités apparaissent ; ils ont aussi profondément modifié la manière dont on définit à qui elles sont montrées. C’est là qu’intervient une autre révolution, plus silencieuse mais tout aussi structurante : l’hégémonie du ciblage large.
4. Cibler large : la révolution silencieuse de l’extension du ciblage avancé
L’un des changements les plus controversés de 2021, et qui m’a personnellement ‘un peu déplu sur le coup’, fut la manière dont Facebook a imposé l’extension du ciblage avancé comme une option par défaut pour les campagnes de conversion. Cette décision n’est pas anodine : elle traduit un changement philosophique profond dans l’approche du ciblage. Facebook nous dit, en substance : ‘Donnez-moi un point de départ, mais ensuite, laissez mon algorithme faire le travail. Je sais mieux que vous qui sont vos clients potentiels.’ C’est une invitation à lâcher prise qui a dérouté de nombreux annonceurs habitués à un contrôle granulaire de leurs audiences.
Qu’est-ce que l’extension du ciblage avancé ?
Pour faire simple, l’extension du ciblage avancé est une option qui autorise l’algorithme de Facebook à diffuser vos publicités au-delà des critères de ciblage que vous avez définis (comme les centres d’intérêt ou les comportements). Si Facebook ‘estime que cela peut améliorer votre coût par conversion’, il va de lui-même chercher des poches d’audience que vous n’aviez pas ciblées.
‘Facebook va non seulement cibler ces personnes-là, mais également des personnes qui pourraient avoir des intérêts similaires ou des comportements similaires à tout ce qui concerne l’entrepreneuriat.’
Il élargit donc artificiellement votre audience en se basant sur les signaux de conversion en temps réel. Il est crucial de noter, pour rassurer, que cette extension ne s’affranchit jamais des critères de base que sont l’âge, le sexe, la localisation et la langue. Votre publicité pour un public féminin en France ne sera jamais montrée à des hommes en Allemagne.
Le débat : faut-il faire confiance à l’algorithme ?
Cette option, devenue quasi-obligatoire, a alimenté de vifs débats. D’un côté, il y a la position de Facebook, étayée par ses données internes. La plateforme explique que les annonceurs utilisant cette fonctionnalité voient en moyenne une ‘diminution de 37 %’ de leur coût par conversion incrémentale médian. Pour Facebook, c’est une évidence : plus l’algorithme a de liberté, meilleurs sont les résultats. C’est particulièrement vrai pour les annonceurs avec des audiences de niche. Si votre ciblage initial ne représente que 300 000 personnes, activer l’extension permet à l’algorithme de trouver des clients rentables en dehors de ce petit périmètre. De l’autre côté, il y a la frustration de l’annonceur qui perd le contrôle. Si vous avez passé des années à affiner votre persona client et que vous ciblez une audience de plusieurs millions de personnes, vous n’avez ‘pas forcément envie de l’élargir’. Vous voulez que votre budget soit dépensé sur les segments que vous avez identifiés comme étant les plus pertinents. Cette automatisation forcée peut donner l’impression de jeter de l’argent par les fenêtres, même si les données de Facebook suggèrent le contraire.
Pourquoi cette transition vers le ‘Broad Targeting’ ?
Cette évolution n’est pas un hasard. Elle est la conséquence directe de la perte de données due à iOS 14. Avec moins de signaux disponibles, le ciblage par centres d’intérêt est devenu moins fiable. L’algorithme a besoin de plus de données et de plus de flexibilité pour fonctionner correctement. En forçant un ciblage plus large, Facebook s’assure que son système dispose d’un terrain de jeu suffisamment vaste pour identifier les schémas de conversion et optimiser la diffusion. C’est un pari sur la puissance de l’intelligence artificielle pour compenser la raréfaction de la donnée tierce. Pour les annonceurs, cela implique un changement de mentalité : le travail se déplace du micro-ciblage d’audiences vers la production de créatifs publicitaires percutants. Le nouveau credo est : ‘Ciblez large et laissez vos publicités faire le tri’. Votre créatif devient votre meilleur outil de ciblage. Et parmi les formats créatifs qui ont explosé en 2021, les Reels Ads tiennent une place de choix.
5. Les Reels Ads : la publicité réinventée au format vertical
L’arrivée de la publicité dans les Reels n’est pas qu’un simple ajout d’emplacement. C’est la consécration d’un format qui a redéfini les codes de la consommation de contenu sur les réseaux sociaux. En 2021, les Reels sont passés du statut de clone de TikTok à celui de fonctionnalité centrale d’Instagram, un format ‘qui plaît beaucoup à la génération Z et aux millennials’. Pour les annonceurs, ignorer les Reels Ads, c’est se couper d’une part massive et croissante de l’attention de l’audience. J’attendais personnellement cette nouveauté avec beaucoup d’impatience, car elle ouvre un champ des possibles créatif immense.
Le format roi de l’authenticité et de l’engagement
Les Reels Ads possèdent des caractéristiques techniques bien précises : ce sont des ‘formats verticales plein écran’ qui peuvent durer jusqu’à 30 secondes (cette durée a depuis évolué) et qui intègrent souvent ‘une musique de fond’. Mais au-delà de la technique, c’est la philosophie du format qui est révolutionnaire pour la publicité. Un Reel performant est rarement léché ou produit de manière hollywoodienne. Il est souvent authentique, spontané, divertissant ou éducatif. Il utilise les tendances, les musiques populaires et les effets créatifs de la plateforme. Pour une marque, cela signifie qu’une publicité efficace dans les Reels ne doit pas ressembler à une publicité. Elle doit s’intégrer si parfaitement dans le flux de l’utilisateur que celui-ci la consomme comme n’importe quel autre Reel, avant de réaliser qu’il s’agit d’un contenu sponsorisé. C’est le triomphe de la publicité native.
Stratégies créatives pour des publicités natives et performantes
Le potentiel créatif est quasi-infini. J’imaginais déjà à l’époque une multitude de formats que les marques pourraient exploiter, et qui sont aujourd’hui devenus des standards. On peut citer par exemple :
- Les tutoriels rapides : ‘X étapes pour nettoyer votre visage’, ‘3 façons de porter notre nouvelle robe’. C’est un format qui apporte une valeur immédiate à l’utilisateur.
- Les ‘unboxing’ et démonstrations produit : Montrer le produit en action de manière dynamique et engageante est bien plus puissant qu’une simple photo sur fond blanc.
- Les classements et ‘Top X’ : ‘Notre top 3 des produits pour l’été’. Ce format est très populaire sur les réseaux sociaux et se prête parfaitement à la mise en avant d’une gamme de produits.
- Les avant/après : Particulièrement efficaces dans les secteurs de la beauté, du sport ou de la décoration, ils offrent une preuve visuelle immédiate du bénéfice produit.
- Les compilations de contenus générés par les utilisateurs (UGC) : ‘un enchaînement du GC dans une seule vidéo’. C’est la forme de preuve sociale la plus puissante, car elle montre de vrais clients utilisant et appréciant vos produits.
L’arrivée des Reels Ads a marqué un tournant, obligeant les annonceurs à penser ‘contenu’ avant de penser ‘publicité’. Les équipes marketing ont dû intégrer des compétences de création vidéo courte, de veille des tendances et de storytelling rapide. Pendant que les créatifs s’adaptaient à ce nouveau format, les analystes, eux, devaient composer avec une autre nouveauté, plus subtile, dans la manière dont Facebook présentait les données d’audience.
6. Des chiffres et des tranches : la nouvelle estimation des tailles d’audience
Parmi les changements de 2021, celui-ci est sans doute le plus discret, mais il est révélateur de l’état d’esprit de Facebook dans un monde post-iOS 14. La plateforme a modifié la façon dont elle présente la taille potentielle d’une audience. Auparavant, lorsque vous définissiez vos critères de ciblage, le gestionnaire de publicités vous donnait un chiffre précis pour la ‘couverture potentielle’, par exemple ‘1 000 000 de personnes’. En 2021, ce système a été remplacé. ‘Facebook propose désormais de travailler avec des estimations de taille d’audience, donc des tranches.’
De la précision à l’estimation : un changement subtil mais significatif
Concrètement, au lieu d’un chiffre unique, Facebook a commencé à afficher une fourchette. Par exemple, ‘l’audience fait entre 1 million et 1 million 2 de personnes’. Comme je le précisais dans le podcast, d’un point de vue purement opérationnel, ‘ça change strictement rien à vos campagnes’ et à leur diffusion. L’algorithme va toujours travailler sur la base de l’audience réelle qu’il peut atteindre. Alors, pourquoi ce changement ? Ce n’est pas anodin. C’est une manière pour Facebook de reconnaître et de communiquer l’incertitude inhérente à la mesure d’audience dans le nouvel environnement data. La perte de signaux en provenance d’iOS, les fluctuations naturelles des comportements en ligne et les limites de la modélisation rendent l’idée d’un chiffre ‘exact’ illusoire. Présenter une fourchette est tout simplement plus honnête et plus réaliste.
Gérer les attentes et s’habituer à l’incertitude
Ce passage à une estimation par tranche a une conséquence psychologique importante pour les annonceurs et les gestionnaires de campagnes. Il nous force à abandonner l’illusion de la certitude absolue et à adopter un raisonnement plus probabiliste. Le marketing digital n’a jamais été une science exacte, et ce changement dans l’interface en est le reflet. Il nous apprend à travailler avec des ordres de grandeur plutôt qu’avec des chiffres gravés dans le marbre. Cela encourage une approche plus flexible et plus itérative de la construction d’audience. Plutôt que de passer des heures à affiner une audience pour atteindre un chiffre précis, l’important est de définir une direction stratégique cohérente et de laisser l’algorithme explorer la fourchette d’audience pour trouver les meilleures opportunités. C’est un petit changement d’interface, mais une grande leçon sur l’humilité nécessaire pour naviguer dans le paysage médiatique complexe de 2021. Et en parlant de paysage complexe, le dernier changement de l’année n’était rien de moins qu’une redéfinition complète de l’identité et de la vision de l’entreprise elle-même.
7. Au-delà de Facebook : la naissance de Meta et la vision du Métaverse
Le 28 octobre 2021, Mark Zuckerberg a annoncé un changement qui a dépassé de loin le simple cadre de la plateforme publicitaire : le ‘rebranding de Facebook. Donc Facebook devient Meta’. Ce n’était pas un simple coup de peinture ou une tentative de faire oublier les controverses. C’était l’annonce d’un pivot stratégique monumental, une déclaration d’intention pour la prochaine décennie. Meta est devenu le nom de la société mère, englobant toutes ses applications : ‘Facebook, donc l’application, Messenger, Instagram, WhatsApp, Oculus et Portal’. Ce changement de nom était le symbole d’une ambition démesurée : construire la prochaine plateforme informatique majeure, le métaverse.
Meta : plus qu’un changement de nom, un changement de dimension
Le nouveau nom, ‘Meta’, et son logo, ‘à mi-chemin entre le symbole infini et la forme des casques de réalité virtuelle’, sont chargés de sens. Ils signalent que l’avenir de l’entreprise ne se situe plus seulement dans les applications 2D de nos téléphones, mais dans des expériences immersives en 3D. Pour Mark Zuckerberg, le métaverse est la succession logique de l’internet mobile. C’est une vision d’un monde virtuel persistant où nous pourrons nous socialiser, travailler, jouer et commercer. Comme il l’a défini lui-même,
‘le métaverse c’est un internet incarné où vous êtes dans l’expérience et pas seulement en train de la regarder.’
L’idée est de passer d’un internet que l’on observe à travers un écran à un internet dans lequel on ‘rentre’, que l’on habite via des avatars ou des hologrammes. ‘Vous ne rêvez pas’, c’est bien la promesse folle d’un monde virtuel interconnecté.
Le Métaverse : l’internet de demain ?
La vision est à la fois fascinante et vertigineuse. Imaginez pouvoir assister à un concert, visiter une boutique, collaborer avec des collègues ou retrouver des amis qui sont à l’autre bout du monde, non pas via un appel vidéo, mais en partageant le même espace virtuel. ‘Même si moi je suis à Rio et vous vous êtes à Paris, et bien on pourra se voir dans le Metaverse et communiquer.’ Dans ce monde, notre identité numérique, notre avatar, deviendra une extension de nous-mêmes. On pourra ‘s’acheter des vêtements, s’acheter une maison’ virtuelles, créant ainsi une économie entièrement nouvelle. Bien que cette vision puisse sembler lointaine, Meta y investit des dizaines de milliards de dollars, signalant que ce n’est pas de la science-fiction, mais bien sa feuille de route pour les 5 à 10 prochaines années.
Quelles implications pour les annonceurs du futur ?
Pour nous, marketeurs et annonceurs, cette annonce est un signal faible qu’il faut écouter très attentivement. Si le métaverse devient la prochaine grande plateforme, alors la publicité y trouvera naturellement sa place. On peut imaginer des panneaux publicitaires virtuels dans des villes numériques, des expériences de marque immersives (visiter une concession automobile virtuelle), du sponsoring d’événements virtuels ou encore des produits numériques (les ‘skins’ ou vêtements pour avatars). ‘Des marques vont se créer dans le métaverse.’ Ce sera un ‘beau monde virtuel’ avec ses propres règles, ses propres codes et ses propres opportunités. Le rebranding en Meta en 2021 était donc bien plus qu’une anecdote. C’était le coup d’envoi officiel de la course à la construction de la prochaine frontière du digital, une frontière où la publicité devra, une fois de plus, se réinventer complètement.
Conclusion : 2021, l’année où tout a basculé
En regardant dans le rétroviseur, 2021 apparaît clairement comme une année de rupture. Le ‘tsunami’ iOS 14 a agi comme un puissant accélérateur de tendances, forçant une maturation rapide de l’écosystème publicitaire de Meta. Nous sommes passés d’un monde de certitudes basées sur un tracking quasi parfait à une ère d’incertitude, de modélisation et de probabilités. La perte de données, la réduction de la fenêtre d’attribution et la poussée vers un ciblage large ont profondément modifié le quotidien des annonceurs. Le message de Meta est clair : la performance ne réside plus dans le micro-ciblage chirurgical, mais dans la synergie entre un algorithme puissant et des créatifs publicitaires exceptionnels.
Parallèlement à ces contraintes, de nouvelles opportunités ont vu le jour. L’explosion des Reels a ouvert un nouveau terrain de jeu créatif, privilégiant l’authenticité et le divertissement. Les nouveaux emplacements publicitaires nous ont invités à penser de manière plus contextuelle. Et enfin, le passage à Meta nous a offert une vision vertigineuse mais excitante de l’avenir, un futur où les frontières entre le réel et le virtuel s’estomperont, créant de nouvelles manières de se connecter et de communiquer.
Pour les annonceurs, le bilan de 2021 est un appel à l’action. Il est temps de développer de nouvelles compétences : la production de contenu vidéo court et natif, l’analyse de données provenant de sources multiples, et surtout, une agilité stratégique pour s’adapter en permanence. L’année 2021 a peut-être été difficile, mais elle nous a rendus plus résilients, plus créatifs et mieux préparés pour l’avenir. Le jeu a changé, les règles sont différentes, mais pour ceux qui sont prêts à apprendre, à tester et à innover, l’opportunité de créer des connexions significatives avec leur audience sur les plateformes de Meta reste plus grande que jamais.
Foire aux questions (FAQ) sur les changements de Facebook Ads en 2021
1. Quelles ont été les conséquences concrètes de la mise à jour iOS 14 pour les publicités Facebook ?
La mise à jour iOS 14 a eu des conséquences multiples et profondes. La principale a été une perte massive de données (tracking) pour les utilisateurs d’iPhone ayant refusé le suivi. Cela a entraîné une diminution de la taille des audiences de retargeting, une difficulté accrue pour l’algorithme à optimiser les campagnes par manque de ‘signaux’ de conversion, et des rapports de performance devenus moins précis et souvent retardés. Les annonceurs ont constaté une baisse apparente du retour sur investissement publicitaire, car de nombreuses conversions n’étaient plus correctement attribuées à leurs campagnes. En bref, la mesure et l’optimisation sont devenues beaucoup plus complexes.
‘La perte de certains signaux comme je le disais, des signaux comme l’achat, comme les ajouts au panier, comme la visite sur votre site. Donc tous ces des tout ça c’est des signaux qui ont disparu de la plateforme, mais on parle pas de quelques centaines de signaux, on parle de milliards de signaux qui ont disparu.’
2. Pourquoi Facebook a-t-il abandonné l’attribution au clic à 28 jours ?
Facebook a remplacé la fenêtre d’attribution par défaut ‘clic à 28 jours’ par ‘clic à 7 jours’ principalement en réponse aux nouvelles contraintes techniques imposées par Apple avec iOS 14. La collecte de données sur de longues périodes devenant plus difficile et moins fiable, maintenir une fenêtre aussi longue n’était plus tenable. Cette réduction a permis à Facebook de travailler avec des données plus fraîches et plus certaines. Cependant, cela a directement pénalisé les entreprises dont le cycle de vente est supérieur à 7 jours, car les conversions intervenant après cette période n’étaient plus créditées aux campagnes, donnant l’impression d’une performance moindre.
‘Toutes les ventes qui se produisaient après 7 jours entre le 7e et le 28e jour après le clic, eh bien vous n’avez plus ces ventes là qui étaient attribuées à vos campagnes. Donc vous comprenez bien que pour des annonceurs, ça a été beaucoup de ventes qui n’étaient plus attribuées à nos campagnes.’
3. L’extension du ciblage avancé sur Facebook est-elle une bonne chose pour mes campagnes ?
L’extension du ciblage avancé peut être très bénéfique, mais cela dépend de votre stratégie. C’est une excellente option si votre audience de base est relativement petite, car elle permet à l’algorithme de Facebook de découvrir de nouvelles poches de clients potentiels que vous n’auriez pas identifiés, souvent à un coût par conversion plus bas. Cependant, si vous avez déjà une audience très large (plusieurs millions de personnes) et que vous souhaitez garder un contrôle strict sur votre ciblage, le fait que cette option soit activée par défaut peut être frustrant. La tendance de fond est de faire de plus en plus confiance à l’algorithme et de se concentrer sur la qualité du créatif publicitaire pour attirer les bons clients.
‘C’est bien d’utiliser si votre audience est de base peu large avec les critères que vous avez identifié. […] Par contre, l’extension du ciblage avancé n’est pas forcément nécessaire si vous avez déjà plusieurs millions de personnes dans votre audience en ciblant avec un intérêt.’
4. Comment créer des publicités efficaces pour les Reels Instagram ?
Pour être efficace, une publicité dans les Reels doit avant tout ne pas ressembler à une publicité. Elle doit adopter les codes du format : être verticale, plein écran, utiliser du son (musiques tendances, voix-off) et être authentique. Les formats qui fonctionnent le mieux sont les contenus à valeur ajoutée comme les mini-tutoriels, les démonstrations de produit créatives (‘unboxing’), les transformations ‘avant/après’, les classements de produits (‘Top 3…’) ou les compilations de contenus générés par les utilisateurs (UGC). L’objectif est de capter l’attention dans les premières secondes et de proposer un contenu divertissant ou utile qui s’intègre naturellement dans le flux de Reels de l’utilisateur.
‘Moi j’imagine déjà pas mal de publicité native qu’on va pouvoir publier en en format réel, donc comme des unboxing, des tutoriels, […] les classements, […] on pourra également tester des avant après et des enchaînements du GC dans une seule vidéo.’
5. Le rebranding de Facebook en Meta a-t-il un impact sur la publicité aujourd’hui ?
À court terme, en 2021, le changement de nom de Facebook en Meta n’a eu aucun impact direct sur le fonctionnement quotidien du gestionnaire de publicités. Les outils, les interfaces et les principes de campagne sont restés les mêmes. Cependant, ce rebranding est un signal stratégique extrêmement fort sur la vision à long terme de l’entreprise. Il indique que l’avenir se jouera dans des expériences immersives en 3D (le métaverse). Pour les annonceurs, c’est une invitation à commencer à réfléchir à ce que pourrait être la publicité dans ces nouveaux mondes virtuels et à suivre de près les développements des technologies de réalité augmentée et virtuelle.
‘C’est pas juste le nouveau nom, c’est qu’en fait Facebook change un peu de dimension. Ils nous ont quand même fait comprendre ben que leur gros enjeu dans les 5 à 10 ans, c’est de créer une sorte d’expérience immersive dans un environnement virtuel en 3D qu’on va appeler le Metaverse.’
6. Qu’est-ce que la modélisation des ventes et pourquoi Facebook l’utilise-t-il ?
La modélisation des ventes est une technique statistique que Facebook utilise pour estimer le nombre de conversions générées par les publicités lorsqu’il ne peut plus les observer directement. Suite à la mise à jour iOS 14, de nombreuses conversions sont devenues invisibles pour Facebook. La plateforme utilise donc les données qu’elle peut encore collecter (sur les utilisateurs Android, sur le web, etc.) pour créer des modèles mathématiques qui vont ‘prédire’ le nombre de conversions manquantes chez les utilisateurs iOS. C’est une solution pour combler les trous dans les données, mais elle introduit des délais et un certain degré d’imprécision dans les rapports.
‘Facebook a commencé à modéliser, donc estimer les ventes qui sont qui ne sont plus attribuées aux publicités des personnes qui ont vu ou cliqué sur la pub mais qui n’ont pas accepté le tracking iOS. Donc ça devient un peu complexe mais rendez-vous compte que Facebook commence à modéliser les ventes.’
7. La taille de mes audiences personnalisées a baissé, que puis-je faire ?
La baisse de la taille des audiences personnalisées (notamment celles basées sur les visiteurs de votre site web) est une conséquence directe du refus du tracking par les utilisateurs iOS. Pour contrer cela, plusieurs stratégies sont possibles. D’abord, travaillez à collecter de la donnée ‘first-party’ : encouragez les inscriptions à votre newsletter pour créer des audiences basées sur des listes de clients, qui sont plus fiables. Ensuite, utilisez les outils d’engagement directement sur les plateformes Meta (vues de vidéo, interactions avec une page Instagram, leads via formulaires natifs) pour créer des audiences de retargeting qui ne dépendent pas du tracking sur votre site. Enfin, travaillez davantage vos audiences similaires (lookalike) basées sur vos meilleures sources de données (comme votre liste de clients) pour trouver de nouveaux prospects.
‘Les annonceurs ont vu la taille de leur audience personnaliser en baisse, c’est-à-dire que les personnes qui visitaient votre site auparavant, ben la plupart de ces personnes-là vous allez vous aviez la possibilité de les recibler via la publicité […] et maintenant vos audiences personnalisées ont baissé en taille.’




