De l’idée à 4 000 points de vente : les coulisses de notre stratégie pour imposer une marque solidaire dans le retail
Je m’appelle Luc-Olivier, et je suis le co-fondateur de Ramdam Social. Si vous m’aviez dit il y a deux ans que nous serions présents dans près de 4 000 points de vente à travers la France, j’aurais probablement souri avec un mélange d’espoir et de scepticisme. Pourtant, c’est la réalité que nous vivons aujourd’hui. Notre mission, depuis le premier jour, est simple mais ambitieuse : faire de tout achat un acte solidaire. Cette idée est née d’un constat frappant, presque un paradoxe de notre société : d’un côté, une étude révélait que 67 % des Français souhaitent s’engager via leur consommation, donner plus de sens à leurs achats. De l’autre, la dure réalité d’un tiers des Français qui peinent à remplir leur assiette et à s’offrir trois repas par jour. Il nous semblait évident qu’un pont devait être créé entre ces deux réalités. Un pont simple, concret et accessible à tous.
Ce n’était pas mon premier projet entrepreneurial. J’avais précédemment lancé un réseau d’épiceries sans emballage, une aventure qui m’a beaucoup appris, notamment sur le timing. Arrivés un an avant la crise du Covid, nous n’avons pas eu le temps de bâtir la communauté nécessaire à la survie d’un commerce de proximité. La décision d’arrêter a été difficile, mais rétrospectivement, c’était la bonne. C’est une leçon que tout entrepreneur doit intégrer : parfois, la meilleure stratégie n’est pas l’obstination, mais la capacité à pivoter et à reconstruire. C’est après cette expérience et un passage formateur de plus de deux ans chez Too Good To Go que l’idée de Ramdam Social a véritablement germé. Avec mon associée Julie, nous partagions une vision claire et une ambition commune. Nous voulions créer un projet à impact massif, un projet qui ne demande pas au consommateur de faire des compromis. C’est sur cette base que nous avons tout construit.
Dans cet article, je souhaite partager avec vous, en toute transparence, les étapes, les stratégies et les réflexions qui nous ont permis de déployer Ramdam Social à une vitesse fulgurante. Comment avons-nous bâti un modèle économique où la solidarité n’est pas une option, mais le cœur du réacteur ? Comment avons-nous convaincu les géants de la distribution de nous faire une place dans leurs rayons déjà surchargés ? Et comment avons-nous réussi à faire connaître notre marque avec des moyens limités, en misant sur la créativité plutôt que sur des budgets publicitaires colossaux ? Je vais vous ouvrir les portes de notre aventure, des premières ébauches du projet à notre déploiement national, en espérant que notre parcours puisse en inspirer d’autres.
Bâtir un modèle économique où l’impact n’est pas une charge, mais un moteur
Le point de départ de Ramdam Social n’était pas un produit, mais une mécanique. Une mécanique vertueuse que nous voulions la plus simple possible pour le consommateur. Le concept est limpide : chaque fois que quelqu’un achète un de nos produits, il cofinance une action solidaire concrète. Nous ne parlons pas d’un pourcentage abstrait reversé un jour peut-être. Nous parlons d’un lien de cause à effet direct et tangible. Comme je l’expliquais, ‘chaque fois que quelqu’un achète un produit alimentaire de Ramdam social, il va cofinancer un repas pour une personne dans le besoin’. Par exemple, l’achat d’un de nos plats cuisinés finance 250g de fruits et légumes pour un étudiant via notre partenaire, l’association Linkee. Cette clarté est, je pense, la clé de notre adoption. Le consommateur sait exactement à quoi il sert, son geste d’achat prend une dimension supplémentaire, sans effort ni surcoût.
L’équation financière de l’impact : comment nous finançons la solidarité
La question qui vient immédiatement est : ‘Mais comment faites-vous ? Où trouvez-vous l’argent ?’. La réponse réside dans une refonte complète de la chaîne de valeur traditionnelle de l’agroalimentaire. Avec Julie, nos douze années d’expérience dans ce secteur nous ont permis d’identifier précisément les postes de coûts que nous pouvions optimiser, voire supprimer, pour financer notre mission. Nous avons identifié qu’entre 7 et 12 % du chiffre d’affaires d’un produit classique pouvaient être réalloués. Le levier le plus important de cette équation est notre décision radicale de ne faire aucune R&D (Recherche et Développement) sur des innovations de rupture. Je le dis souvent pour illustrer notre propos : ‘On lance pas le nouveau produit qui va révolutionner le marché de la chips. On fait pas des chips avec du Yuzu et de la confiture intérieure. On fait des très bonnes chips de pommes de terre.’
Ce choix stratégique a deux conséquences majeures. Premièrement, il nous permet d’économiser entre 6 et 8 % de notre chiffre d’affaires, une somme colossale que nous réinvestissons directement dans notre impact social. Deuxièmement, en nous concentrant sur des produits consensuels et de grande consommation (chips, biscuits, jus), nous visons le volume. Et le volume est le nerf de la guerre pour notre modèle. Plus nous vendons, plus notre impact est grand, et plus nos coûts fixes unitaires, notamment logistiques, diminuent drastiquement. C’est un cercle vertueux : le volume génère de l’impact et des économies d’échelle, qui nous permettent de maintenir des prix compétitifs et donc de générer encore plus de volume. Nous avons simplement déplacé la valeur : au lieu de l’investir dans la création de la prochaine saveur éphémère, nous l’investissons dans la solidarité.
La simplicité comme levier d’adoption massif
Notre modèle repose sur trois piliers : être concret, massif et simple. La simplicité est peut-être le plus sous-estimé des trois. Dans un monde où le consommateur est bombardé d’informations, de labels, de promesses, nous avons pris le parti de la clarté absolue. Pas besoin de lire des rapports complexes pour comprendre notre action. Le message est sur le packaging, il est dans le nom de la marque, il est dans chaque communication. Cette simplicité s’applique aussi à notre offre produit. En proposant des produits du quotidien, nous nous intégrons naturellement dans les habitudes de consommation. Le consommateur n’a pas à changer radicalement son comportement. Il remplace simplement ses chips habituelles par les nôtres, au même prix, avec la même qualité, mais avec un bénéfice social en plus. C’est cette friction minimale qui permet une adoption à grande échelle. Nous ne demandons pas un sacrifice, nous proposons une amélioration. Cette approche a été fondamentale pour convaincre non seulement les consommateurs, mais aussi nos partenaires distributeurs, qui ont rapidement compris que notre projet répondait à une attente de fond sans complexifier leur propre gestion.
Cette obsession de la simplicité nous a guidés dans chaque décision. Du choix des associations partenaires, sélectionnées pour la tangibilité de leurs actions, à notre communication, qui vise toujours à rendre l’impact compréhensible en une phrase. C’est ce qui transforme une bonne idée en un projet capable de scaler. Car pour avoir un impact réel sur des problématiques aussi vastes que la précarité alimentaire, il faut penser ‘masse’. Et la masse ne s’atteint qu’avec une proposition de valeur que tout le monde peut comprendre et s’approprier instantanément.
La stratégie de conquête du retail : notre méthode pour pénétrer un marché saturé
Lancer une marque dans la grande distribution française est souvent comparé à l’ascension de l’Everest. Les places sont chères, la concurrence est féroce, et les barrières à l’entrée sont nombreuses. Notre approche a été méthodique, presque chirurgicale. Nous savions que nous n’aurions pas deux chances de faire une bonne première impression. Tout a commencé par une phase de préparation intensive de quatre mois, que j’appelle la création du ‘paquet ficelé’. C’est le moment où, avec Julie, nous avons transformé notre vision en une offre tangible et irrésistible pour un acheteur de la grande distribution.
Préparer le ‘paquet ficelé’ : l’offre irrésistible pour les distributeurs
Cette phase s’est articulée autour de deux axes de travail parallèles. Le premier était le produit lui-même. Nous avons constitué un catalogue potentiel d’une centaine de produits et, pour chacun, nous avons mené un sourcing rigoureux. ‘On a sourcé pour chaque produit deux, trois, quatre, cinq producteurs pour trouver le bon produit au bon prix avec la bonne matière première et la bonne production’. Nos critères étaient non négociables : fabrication française, sourcing local autant que possible, absence d’additifs et, bien sûr, un goût irréprochable. Le deuxième axe, tout aussi crucial, était la mécanique sociale. Nous avons rencontré de nombreuses associations pour définir précisément l’impact que nous pouvions générer. Il était hors de question de rester vagues. Nous voulions pouvoir dire : ‘ce produit finance très exactement cela’. C’est ce travail en amont qui nous a permis de bâtir une offre solide et crédible.
Une fois ces deux briques assemblées, nous avons passé un mois à tout mettre en forme : le packaging, la direction artistique, les axes de communication. Nous avons anticipé toutes les questions qu’un distributeur pourrait se poser. Quand nous sommes allés les voir, nous n’avions pas juste une belle histoire à raconter. Nous avions un projet clé en main, avec des produits de qualité, un modèle économique solide, une mission claire et un plan de communication défini. Nous leur disions : ‘Écoutez voilà, nous on est prêt, on va se lancer et on aimerait que ce soit le plus largement possible avec vous.’ Cette préparation a été déterminante. Elle a montré notre professionnalisme et a permis de rassurer nos interlocuteurs sur notre capacité à exécuter.
L’effet boule de neige : de Carrefour à 4 000 points de vente en un an
Le premier ‘oui’ est toujours le plus difficile à obtenir. Vous êtes un inconnu, vous n’avez fait aucune vente, et vous demandez à un géant de prendre la place d’une marque qui, elle, génère déjà du chiffre d’affaires. Notre premier partenaire a été Carrefour. Ils ont cru au projet et nous ont fait confiance. Ce premier référencement a tout changé. Il a servi de preuve de concept. Très vite, les résultats ont suivi. ‘Tout le monde a vu que bah les rotations elles étaient là, que l’impact en terme d’engagement consommateur, il était là que donc ça crée du CA pour le magasin mais aussi de l’impact pour les assos.’
À partir de là, un véritable effet boule de neige s’est enclenché. Chaque mois, nous lancions un nouveau distributeur. C’était une période incroyablement intense. Nous avons signé avec Carrefour en février de l’année dernière. Puis Monoprix en mars, Franprix en avril, Intermarché en mai… Le rythme était effréné. Le lancement avec Intermarché représentait à lui seul 1 200 magasins d’un coup. Cela pose des défis logistiques et de production immenses. Il faut être capable de produire les volumes nécessaires, de financer le stock – sachant qu’on est payé à 60 jours par les enseignes alors qu’on paie nos producteurs à 30 jours – et de livrer partout en France via des plateformes régionales. C’est d’ailleurs ce besoin en fonds de roulement qui nous a poussés à lever des fonds très tôt. Sans cet argent, le projet n’aurait tout simplement pas pu exister. Cette croissance rapide n’était pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’une offre qui faisait sens pour tout l’écosystème : les consommateurs, les associations et, crucialement, les distributeurs eux-mêmes, qui y voyaient une manière de développer leur propre utilité sociale.
Un marketing authentique et ingénieux : créer du bruit sans budget pharaonique
Quand on lance une startup avec des moyens limités, chaque euro compte. Nous n’avions pas les budgets des grands groupes pour inonder les écrans de publicité. Nous avons donc dû être plus malins, plus créatifs. Notre stratégie marketing s’est construite sur une conviction forte : notre meilleur média, c’est le terrain, et notre meilleure publicité, c’est l’authenticité de notre démarche. Nous avons concentré nos efforts sur trois grands axes : une présence massive en point de vente, des coups de communication et de relations presse marquants, et des collaborations inattendues pour porter notre message.
Le point de vente, notre premier média
Pour une marque comme la nôtre, qui se vend principalement en supermarché, le moment de vérité a lieu dans le rayon. C’est là que le choix se fait. Il est donc essentiel d’être présent, physiquement. ‘C’est vraiment une spécificité du retail, c’est que tu dois être présent sur le carrelage dans le magasin pour parler aux consommateurs, pour parler au magasin pour faire en sorte que ton produit soit au bon endroit.’ Dès le début, même quand nous n’étions que quatre, nous passions nos week-ends en magasin à faire des animations, des dégustations. Aujourd’hui, à seize, nous le faisons encore tous. C’est un principe fondamental. Cela nous permet de raconter notre histoire directement, de faire goûter nos produits – qui sont, je le dis en toute subjectivité, excellents – et de créer un lien direct. En trois phrases, on peut expliquer le concept, la qualité, le prix et l’impact. Cette connexion humaine est irremplaçable et crée une fidélité bien plus forte qu’une simple publicité. Nous investissons donc dans des dispositifs en magasin, comme des box événementielles, pour maximiser notre visibilité à différents endroits et moments du parcours client.
Relations presse et coups de com’ : la créativité comme levier de visibilité
Notre deuxième levier a été de créer des événements qui font parler de nous, sans dépenser des fortunes. L’exemple le plus parlant est notre opération avec Franprix. Nous leur avons demandé s’ils accepteraient de nous ‘prêter’ les vitrines de certains de leurs magasins. Ils ont dit oui. Nous avons alors entièrement recouvert les façades d’affiches, au point qu’on ne voyait plus à l’intérieur. ‘On a collé je crois que c’était 300 affiches qu’on a collé nous-même donc ton opération elle te coûte quasiment rien.’ L’impact a été énorme. Les passants s’arrêtaient, les journalistes sont venus (France Inter, Le Parisien, Les Echos…). Cela a généré une couverture médiatique que nous n’aurions jamais pu nous offrir. C’est la preuve qu’une bonne idée, bien exécutée et en partenariat avec un distributeur, peut avoir une portée immense. Dans la même veine, notre passage dans ‘Qui veut être mon associé’ a été une plateforme de visibilité incroyable. Pendant 20 minutes, en prime time, plus de 2 millions de personnes ont découvert notre histoire, nos produits, notre mission. L’impact sur la notoriété et même sur les ventes en ligne, bien que ce ne soit pas notre canal principal, a été immédiat et très significatif.
Le pouvoir du rire pour sensibiliser : notre collaboration avec les humoristes
Cette stratégie est peut-être la plus singulière et celle qui s’est construite le plus organiquement. Au départ, nous envoyions simplement des colis à des personnalités qui nous semblaient alignées avec nos valeurs. Puis, lors d’un festival d’humour à Bordeaux, nous avons proposé de déposer nos produits dans les loges des artistes. Le ‘match’ a été immédiat. ‘On s’est rendu compte que c’est un milieu qui est extrêmement proche de Ramdam parce que ils sont plutôt […] assez sensibles aux grandes causes sociales’. Contrairement à d’autres milieux, nous avons trouvé des personnes accessibles, authentiques, avec qui une vraie relation humaine s’est nouée. Plusieurs d’entre eux, touchés par notre projet, ont commencé à en parler spontanément sur leurs réseaux. Cette relation s’est approfondie avec le temps, autour d’un café ou d’un repas. Aujourd’hui, quatre ou cinq humoristes parlent régulièrement de nous, sans aucune rémunération. C’est magnifique pour nous, car leur voix porte loin et différemment. L’humour a cette capacité unique de pouvoir aborder des sujets graves comme la précarité avec légèreté et intelligence, de sensibiliser sans être moralisateur. C’est une alliance de cœur qui correspond parfaitement à notre volonté d’avoir une prise de parole positive et qui fait sourire.
Conclusion : L’impact comme boussole de croissance
Le parcours de Ramdam Social, de sa conception à son déploiement dans 4 000 points de vente, est l’histoire d’une conviction : celle qu’il est possible d’aligner performance économique et impact social positif. Notre croissance n’est pas une fin en soi, mais le moyen d’accomplir notre mission à plus grande échelle. Chaque nouveau magasin référencé, chaque paquet de chips vendu, est une victoire contre la précarité alimentaire. Pour y parvenir, nous nous sommes appuyés sur des piliers fondamentaux que tout entrepreneur peut, je crois, s’approprier. D’abord, un modèle économique pensé dès l’origine pour l’impact, où la solidarité n’est pas une rustine mais le cœur du système, financée par des choix stratégiques forts comme l’absence de R&D. Ensuite, une stratégie de conquête du retail rigoureuse, basée sur une préparation minutieuse et l’obtention d’une première preuve de concept pour créer un effet d’entraînement. Enfin, un marketing de la débrouille et de l’authenticité, qui privilégie la connexion humaine sur le terrain, la créativité des opérations et la force des relations sincères pour se faire entendre.
Si je devais laisser un dernier message, ce serait celui-ci : n’ayez pas peur de réinventer les règles. Le monde de la consommation est en pleine mutation, les citoyens-consommateurs attendent des marques plus qu’un simple produit ; ils attendent de l’engagement, de la transparence, du sens. Il existe une opportunité immense pour les entrepreneurs qui oseront intégrer une mission sociale ou environnementale forte au cœur de leur business. Notre aventure prouve que ce n’est pas une utopie. C’est un chemin exigeant, qui demande de la résilience et de l’ingéniosité, mais c’est un chemin porteur d’une immense satisfaction. Celle de construire une entreprise qui non seulement prospère, mais qui contribue, à son échelle, à rendre le monde un peu meilleur, un achat à la fois.
Questions fréquentes sur la stratégie de Ramdam Social
Comment avez-vous convaincu le premier grand distributeur comme Carrefour ?
Convaincre notre premier grand partenaire, Carrefour, a reposé sur une préparation extrêmement rigoureuse. Nous ne sommes pas arrivés avec une simple idée, mais avec un ‘paquet ficelé’ : une offre complète et professionnelle. Cela incluait des produits de haute qualité déjà sourcés, un packaging finalisé, un business model solide, et surtout, une mécanique sociale claire et tangible. Nous avons démontré que notre projet répondait à une attente forte des consommateurs pour des achats porteurs de sens, et que cela pouvait générer du chiffre d’affaires additionnel pour le magasin tout en renforçant son image et son utilité sociale. Notre professionnalisme et la clarté de notre proposition de valeur ont été clés pour dé-risquer le partenariat à leurs yeux et les convaincre de sauter le pas avec nous, alors que nous étions encore inconnus.
‘Et en fait quand tu as ton paquet un peu ficelé, tu vas les voir en leur disant bah écoutez voilà, nous on est prêt, on va se lancer et on aimerait que ce soit le plus largement possible avec vous. Et là vient la discussion de est-ce que on est aligné avec la cible, les prix, les produits et les nécessités de leur référencement chez eux.’
Quel est le plus grand défi logistique quand on passe à 4 000 points de vente ?
Le principal défi est double : la production et le financement. Passer à une échelle de plusieurs milliers de magasins, comme lors de notre lancement avec 1 200 Intermarché, exige une capacité de production massive et immédiate. Il faut anticiper et s’assurer que nos partenaires producteurs peuvent suivre la cadence. Le second défi est financier et concerne le besoin en fonds de roulement (BFR). Dans la grande distribution, on paie ses fournisseurs (producteurs, logisticiens) à 30 jours, mais on est payé par les enseignes à 60 jours, voire plus. Ce décalage de trésorerie de près de 75 jours doit être financé. Pour une première commande massive, cela peut représenter plusieurs centaines de milliers d’euros à avancer, ce qui est impossible sans une levée de fonds préalable.
‘Il faut que tu sois prêt à produire pour 1200 Intermarché, il faut que tu sois capable de livrer partout en France 1200 Intermarché. […] Tu as quasiment 75 jours entre le moment où toi tu as payé et le moment où tu es payé. Donc donc il faut financer ça.’
Votre modèle économique sans R&D est-il viable à long terme ?
Absolument, et c’est même un pilier de notre stratégie. Notre choix de ne pas faire de R&D pour créer des produits de rupture nous permet d’économiser entre 6 et 8% de notre chiffre d’affaires, que nous réinvestissons dans notre mission sociale. Cette approche est viable car nous nous concentrons sur des produits de base, des ‘classiques’ (chips, biscuits, etc.), dont la demande est stable et volumique. Le marché n’a pas besoin d’une nouvelle saveur de chips chaque mois. Il a besoin de bons produits, bien faits et accessibles. En nous focalisant sur la qualité de l’existant plutôt que sur l’innovation à tout prix, nous maximisons les volumes de vente, ce qui augmente notre impact et fait baisser nos coûts fixes. C’est une stratégie de fond qui priorise l’impact massif sur la nouveauté éphémère.
‘On fait des très bonnes chips de pommes de terre. Pour deux raisons, un parce que ça nous permet d’économiser entre 6 et 8 % de notre chiffre d’affaires. Et deux parce que ça nous permet de faire du volume. Et en fait plus on fait du volume, plus on a de l’impact.’
Comment mesurez-vous concrètement votre impact social ?
La mesure concrète de l’impact est au cœur de notre modèle. Nous avons banni le flou. Chaque produit est lié à une action quantifiable et précise, définie en amont avec nos associations partenaires. Par exemple, nous ne disons pas simplement ‘nous aidons les étudiants’, nous disons ‘l’achat de ce plat cuisiné finance 250g de fruits et légumes pour un étudiant via l’association Linkee’. Cette précision est essentielle pour le consommateur, qui doit savoir exactement à quoi sert son achat. C’est ce côté tangible qui crée l’engagement. L’impact total est ensuite une simple multiplication : le nombre de produits vendus multiplié par l’action solidaire correspondante. C’est cette clarté qui transforme un achat quotidien en un geste solidaire puissant et compréhensible par tous.
‘On essaie d’être vraiment extrêmement concret pour le consommateur pour qu’il sache à quoi il sert lorsqu’il fait un achat et en effet, ça correspond entre 7 et 12 % du chiffre d’affaires donc du prix d’un produit.’
Quel a été l’impact réel de votre passage dans ‘Qui veut être mon associé’ ?
L’impact a été massif et immédiat, principalement en termes de visibilité et de notoriété. L’émission nous a offert une plateforme exceptionnelle, touchant plus de 2 millions de téléspectateurs en prime time. Pendant 20 minutes, nous avons pu expliquer en détail notre mission, notre mécanique solidaire et présenter nos produits. Cela a généré un pic de trafic sur notre site et une augmentation de nos ventes en ligne, même si ce n’est pas notre canal principal. Plus important encore, cela a ancré la marque Ramdam Social dans l’esprit d’un public très large, ce qui a indéniablement facilité les conversations avec de futurs partenaires et renforcé notre crédibilité. C’est une accélération de notoriété que nous n’aurions jamais pu obtenir avec nos budgets marketing traditionnels.
‘Qui veut être mon associé, je crois que c’était 2 millions de personnes qui nous ont vu pendant 20 minutes en prime time sur exactement ce qu’on faisait notre mécanique, nos produits, le test de nos produits et cetera.’
Comment collaborez-vous avec des humoristes sans les rémunérer ?
Notre collaboration avec les humoristes est basée sur une relation authentique et un alignement de valeurs, pas sur une transaction financière. Tout a commencé de manière organique, en leur proposant de découvrir nos produits. Le contact a été très simple et humain. Ils ont été sensibles à notre cause et à notre démarche. La relation s’est ensuite construite dans le temps, autour d’échanges, de rencontres. Ils parlent de nous parce qu’ils croient au projet et qu’ils aiment ce que nous faisons. Nous ne leur demandons rien, leur soutien est spontané. C’est cette authenticité qui rend leur parole si puissante. Ils nous offrent une visibilité incroyable et nous les remercions chaleureusement pour ce soutien qui n’a pas de prix. C’est une alliance de cœur, pas un partenariat commercial.
‘Et en fait, la relation elle elle s’est pas arrêté là. On les a revu, on a mangé ensemble, on a bu un café. Et en fait, ils ont refait une vidéo derrière parce qu’ils aimaient bien. […] Nous on les rémunère pas donc on les remercie tout le temps de le faire.’
Pourquoi avoir privilégié le retail physique plutôt que l’e-commerce ?
Notre choix s’explique par la nature de nos produits et notre objectif d’impact massif. Nous vendons des produits de consommation courante comme des chips ou des biscuits. Ce sont des achats d’impulsion ou des compléments de courses que les gens achètent très majoritairement dans leur magasin de proximité. Le réflexe d’aller en ligne pour acheter un paquet de chips est encore très faible. Pour toucher le plus grand nombre et générer un volume de ventes suffisant pour avoir un impact significatif, la présence en magasin est indispensable. Notre site e-commerce existe, il a d’ailleurs connu un pic après notre passage à la télévision, mais il reste un canal de vente marginal. Notre mission est d’intégrer la solidarité dans le quotidien de tous les Français, et ce quotidien, pour les courses alimentaires, se passe encore massivement dans les supermarchés.
‘Tu as pas forcément vocation à acheter sur internet des paquets de chips, des paquets de biscuits apéro, c’est plutôt des produits que tu vas acheter quand tu en as besoin dans ton magasin de proximité.’




