De l’idée à 2700 précommandes : les coulisses de mon lancement 100 % organique
Bonjour, je m’appelle Laure Babin et je suis la fondatrice de Zèta. Il y a quelques années, j’étais encore étudiante, animée par une passion pour la mode et une conscience écologique grandissante. L’idée de créer ma propre marque de baskets me trottait dans la tête, mais je me heurtais à une réalité intimidante : comment se lancer quand on n’a ni expérience entrepreneuriale, ni réseau, et surtout, quasiment aucun fonds à investir ? Le marketing, on le sait, coûte cher. Le développement produit, encore plus. L’écosystème des startups semble souvent réservé à ceux qui peuvent lever des fonds ou qui disposent d’un capital de départ conséquent. Mon histoire, c’est la preuve que l’on peut contourner ces barrières. C’est le récit d’un lancement construit brique par brique, de manière totalement organique, en s’appuyant sur la force d’une idée, la puissance d’une communauté et un peu d’audace.
Dans cet article, je vais vous ouvrir les portes des débuts de Zèta. Je ne vais pas vous donner une formule magique, mais partager avec une totale transparence le chemin que j’ai parcouru. De l’étincelle initiale, celle d’une basket fabriquée à partir de marc de raisin, au succès retentissant de notre campagne de crowdfunding qui a réuni 2700 précommandes, en passant par les doutes, les stratégies de ’bouts de ficelle’ et les leviers inattendus qui ont tout changé. Mon objectif est simple : vous montrer qu’il est possible de bâtir des fondations solides pour sa marque sans dépenser des fortunes en publicité. Nous verrons comment une différenciation produit forte peut devenir votre meilleur atout marketing, comment aller chercher votre communauté là où elle se trouve, même dans les recoins les plus nichés d’internet, et comment transformer un article de presse locale en une véritable déferlante médiatique. Si vous êtes un jeune entrepreneur, un créateur de marque ou simplement quelqu’un qui pense que son projet est trop ambitieux pour ses moyens, ce qui suit est pour vous. Préparez-vous à découvrir comment nous avons transformé une intuition en une entreprise florissante, en misant tout sur l’organique.
L’étincelle : trouver sa place sur un marché saturé grâce à l’innovation
Tout projet entrepreneurial commence par une idée, mais une idée seule ne suffit pas. Dans un secteur aussi compétitif que celui de la mode et de la chaussure, où des géants établis et une myriade de nouvelles marques se disputent l’attention des consommateurs, la véritable question est : comment exister ? Pour moi, la réponse ne résidait pas dans le fait de faire ‘mieux’ que les autres, mais de faire ‘différemment’. Avant même de dessiner la première esquisse, j’ai passé un temps considérable à analyser le marché, non pas avec les outils d’un consultant, mais avec le regard d’une consommatrice engagée et passionnée. Je voyais bien la montée en puissance de la conscience écologique, mais les alternatives restaient limitées.
‘Sur le marché à ce moment-là quand je sonde un peu le marché sur la basket, il y a assez peu d’alternative finalement écoresponsable. Il y a Veja qui s’est lancé à l’époque 4 ou 5 ans auparavant qui commence à dominer le marché, mais il y a très peu d’alternatives et très peu d’alternatives 100 % recyclées.’
Cette observation a été le véritable point de départ. Le besoin était là : une chaussure qui ne serait pas seulement ‘un peu’ écoresponsable, mais qui pousserait la logique jusqu’au bout, en étant entièrement conçue à partir de matières recyclées. C’était mon axe de différenciation. Pas un simple argument marketing, mais le cœur même du projet.
La découverte du cuir de raisin : quand la matière devient le message
La quête de matières 100 % recyclées m’a menée vers une découverte qui allait tout changer : une matière innovante fabriquée en Italie à partir de marc de raisin, les résidus de la production viticole. Ce n’était plus seulement une basket recyclée, c’était une basket avec une histoire. Une histoire unique, surprenante, presque poétique. Cette matière est devenue bien plus qu’un simple composant ; elle est devenue notre ‘Unique Selling Proposition’. C’est à ce moment précis que le projet a pris une autre dimension. J’ai compris que je tenais quelque chose de fort, quelque chose qui pouvait susciter la curiosité et l’émotion.
‘À partir de ce moment-là quand j’ai expliqué à mes potes étudiants, à mes proches que je voulais lancer des baskets en raisin c’est à ce moment-là que ça a un peu posé des questions et ça a suscité un peu de curiosité.’
Cette curiosité était le premier signe que mon intuition était la bonne. Le produit n’existait pas encore, mais son histoire, elle, existait déjà et elle intriguait. Cela m’a appris une leçon fondamentale : avant de penser au marketing, pensez à votre produit. Une innovation radicale ou une histoire authentique et différenciante est le premier et le plus puissant des leviers marketing. Elle crée de la conversation, elle interpelle, et elle donne aux gens une raison de s’intéresser à vous avant même que vous ne leur demandiez d’acheter quoi que ce soit.
Naviguer entre conviction personnelle et doutes extérieurs
Avoir une idée audacieuse est une chose, la porter seule en est une autre. Le scepticisme de mon entourage était palpable. J’étais étudiante, sans expérience, sans argent. Le tableau n’était pas rassurant.
‘Mes proches étaient assez inquiets. J’avais pas de ressources, pas de pas d’économie. J’avais pas fini mes études, j’avais pas d’expérience… donc tout le monde était assez inquiet finalement.’
Ces doutes, bien que légitimes, auraient pu être un frein. Pourtant, au fond de moi, une conviction profonde m’animait. Ce n’était pas de l’arrogance, mais une intuition, un sentiment puissant que j’étais sur la bonne voie.
‘Mais je sais pas à ce moment-là, j’avais une intuition, je sentais que il fallait il fallait y aller maintenant et que j’avais un axe différenciation suffisant pour pouvoir mener le projet à bien.’
Cette phase est cruciale pour tout entrepreneur. Il faut apprendre à écouter les conseils avisés, mais aussi à se faire confiance et à protéger sa vision. C’est cet équilibre fragile qui permet de garder le cap. Ma conviction n’était pas aveugle ; elle était nourrie par l’analyse du marché et la force de mon concept produit. C’est cette force qui m’a donné le courage de passer à l’étape suivante : transformer le concept en un produit tangible, même si cela signifiait partir seule au Portugal avec mes maigres économies pour trouver des partenaires qui croiraient en mon projet.
Passer de l’idée à la réalité est souvent le premier grand saut dans le vide pour un entrepreneur. Pour Zèta, ce saut a pris la forme d’un voyage initiatique au Portugal, armée de mes dessins et de ma détermination. C’était le moment de vérité : l’idée des baskets en raisin était-elle réalisable à une échelle industrielle ? Allais-je trouver des artisans et des usines prêts à suivre une étudiante inconnue dans une aventure aussi novatrice ? Cette étape de concrétisation a été un mélange d’audace, de rencontres humaines et d’une bonne dose de chance, le tout en pleine période de bouleversement mondial.
La concrétisation : du dessin au prototype, l’aventure portugaise
Une fois le concept solidement ancré, il a fallu lui donner vie. Cela signifiait passer de mes croquis à un véritable prototype. Beaucoup pensent qu’il faut un réseau ou une expérience immense pour cela. J’ai prouvé le contraire. Avec les quelques économies que j’avais mises de côté en travaillant dans un bar, j’ai pris une décision radicale.
‘Je pars au Portugal, je loue une voiture et puis je fais le tour des fournisseurs et des usines en essayant de leur vendre l’idée et en essayant de leur dire bah voilà, j’ai besoin d’une usine pour m’accompagner.’
Cette démarche, un peu folle sur le papier, était en réalité extrêmement pragmatique. Le Portugal est réputé pour son savoir-faire dans la chaussure. Y aller en personne était le seul moyen de créer un lien de confiance, de montrer ma détermination et de trouver des partenaires qui ne verraient pas seulement une jeune étudiante, mais une entrepreneure avec une vision claire. C’est une leçon importante : parfois, l’action la plus directe et la plus humaine est la plus efficace. Un email peut être ignoré, une présence physique et une passion palpable sont beaucoup plus difficiles à écarter. Cette proactivité m’a permis de trouver une usine qui a non seulement cru au projet, mais qui est devenue un véritable partenaire dans la recherche et le sourcing des quinze composants nécessaires, chacun devant respecter notre charte drastique : être recyclé et fabriqué en Europe.
Le prototype ‘miracle’ en plein confinement
Le développement d’un produit est rarement un long fleuve tranquille. Il est fait d’allers-retours, d’ajustements, de déceptions. Pourtant, avec Zèta, nous avons eu une chance incroyable. Le premier prototype que j’ai reçu était presque parfait.
‘Là, je l’ai reçu, il était déjà incroyable. Je pense que l’usine avait très bien perçu voilà les caractéristiques principales, le dessin, le modèle. Donc il était il était déjà génial.’
Ce succès quasi immédiat était le fruit d’une excellente communication avec l’usine, mais il a aussi été un immense soulagement et un gain de temps précieux. D’autant plus que le contexte mondial s’est subitement assombri. Nous étions en février 2020, et le confinement a frappé, fermant les usines. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais c’est sans compter sur l’ingéniosité et l’engagement de nos partenaires portugais.
‘Les usines ont fermé, donc en fait, ils avaient ramené le prototype chez eux à la maison. Certains des artisans, ils avaient continué à travailler à distance, donc c’était assez rigolo.’
Cette anecdote illustre parfaitement l’importance de bien choisir ses partenaires. Au-delà du contrat commercial, c’est une relation humaine qui se noue. Leur résilience et leur implication ont permis de finaliser le prototype malgré les circonstances exceptionnelles. Ce prototype n’était plus seulement un produit ; il était le symbole d’une collaboration réussie et d’une persévérance collective. C’est avec cet objet, chargé de sens et d’histoire, que j’allais pouvoir passer à l’étape suivante : la rencontre avec le marché.
Avoir un produit magnifique est une étape cruciale, mais la plus grande des montagnes restait à gravir : comment le faire connaître ? Sans budget marketing, les options semblaient limitées. J’ai dû faire preuve de créativité et adopter une approche radicalement différente, centrée non pas sur la publicité de masse, mais sur la construction d’une véritable communauté. C’est cette stratégie de ‘go-to-market’ 100% organique qui a posé les fondations du succès de notre campagne de crowdfunding et, par extension, de la marque Zèta toute entière. Une approche patiente, ciblée et profondément humaine.
La stratégie de Go-to-Market organique : construire sa communauté avant son produit
Entre la finalisation du prototype en février 2020 et le lancement de la campagne de crowdfunding en septembre, plusieurs mois se sont écoulés. Cette période n’a pas été un temps mort, bien au contraire. Ce fut le moment le plus stratégique : celui de la construction de notre première communauté. L’erreur que beaucoup de marques commettent est d’attendre d’avoir un produit à vendre pour commencer à communiquer. J’ai adopté l’approche inverse. Mon produit était le prétexte pour rassembler des gens autour de valeurs et d’une histoire communes. J’ai commencé par ce qui était gratuit et accessible : les réseaux sociaux. Mais pas n’importe comment. J’ai mené une véritable enquête pour trouver où se cachait ma cible.
‘Ce que j’ai fait à ce moment-là, c’est que j’ai essayé de benchmarker tous les groupes Facebook qui existait et qui pouvaient avoir une communauté qui pouvait être intéressée dans le projet.’
Cette démarche est fondamentale. Il ne s’agit pas de crier son message sur toutes les places publiques, mais de le murmurer aux oreilles des bonnes personnes, dans des espaces où elles sont déjà réceptives.
Le hacking des groupes Facebook : une approche de niche surpuissante
J’ai identifié des groupes ultra-spécifiques comme ‘Les nanas écolo de Bordeaux’ ou la ‘Communauté Vegan de France’. Dans ces espaces, je n’ai pas fait de publicité. J’ai raconté mon histoire de manière authentique.
‘Tout simplement, j’ai posté une photo du proto et je dis voilà, je suis étudiante, je lance ce projet, j’ai bossé dessus pendant un an. J’adorerais avoir vos retours et si ça vous intéresse, vous pouvez vous inscrire à la landing page.’
L’approche était humble et transparente. Je ne vendais rien, je demandais un avis. La réaction a été immédiate et massive.
‘À ce moment-là, il y a un engouement énorme parce que bah c’était très bien ciblé, c’était exactement la bonne cible.’
En quelques publications, j’ai réussi à récolter plusieurs centaines d’adresses e-mail de personnes non seulement intéressées, mais véritablement investies dans le projet. C’est la puissance du marketing de niche : un message pertinent dans le bon contexte a un impact infiniment plus grand qu’une publicité coûteuse et généraliste. J’avais créé une première base de ‘fans’, des ambassadeurs potentiels, avant même d’avoir vendu une seule paire.
Les micro-influenceurs : l’authenticité comme monnaie d’échange
Parallèlement, j’ai exploré le marketing d’influence, mais avec une contrainte de taille : je n’avais pas de produit à envoyer, ni de budget conséquent. J’ai donc ciblé des micro-influenceurs, ceux qui ont entre 5 000 et 10 000 abonnés, connus pour leur communauté très engagée et leur authenticité. Mon approche a été, là encore, directe et transparente.
‘Je leur ai dit voilà, j’ai pas de produits à vous envoyer. Par contre voilà, je lance cette campagne de Crowdfunding, j’aurais besoin de vous. Si si le produit vous plaît, j’adorerais que vous en parliez… et en échange, je peux vous vous envoyer voilà, une petite compensation financière.’
Avec un budget total de 300 ou 400 euros, j’ai pu activer plusieurs profils pertinents. Le retour sur investissement n’était pas mesurable en ventes directes, mais en construction de communauté.
‘Ça a bien fonctionné parce que je gagnais ouais, je pense 80-100 abonnés à chaque fois. C’était très bien ciblé au niveau de la communauté.’
Cette stratégie m’a permis de faire grandir mon compte Instagram de manière qualitative, en attirant des personnes qui partageaient nos valeurs. C’est une leçon clé : l’influence n’est pas qu’une question de budget. C’est avant tout une question d’alignement et de respect mutuel. En proposant une compensation, même modeste, je reconnaissais la valeur de leur travail, et en retour, ils ont partagé mon histoire avec une sincérité qui a touché leur audience.
Avec une base de plusieurs centaines de leads qualifiés et une communauté Instagram naissante mais engagée, le décor était planté. Le jour J approchait. La campagne de crowdfunding n’allait pas être un saut dans l’inconnu, mais l’aboutissement d’une stratégie mûrement réfléchie. Il était temps de transformer cette attente et cette curiosité en un véritable raz-de-marée de précommandes. Le lancement n’était plus une question de ‘si’, mais de ‘comment’ orchestrer l’explosion.
Le crowdfunding : l’art d’orchestrer un lancement explosif
Le 7 septembre 2020, la campagne Ulule de Zèta a été officiellement lancée. Mais en réalité, le coup d’envoi avait été donné la veille. C’est l’un des secrets les mieux gardés des campagnes de crowdfunding réussies : le pré-lancement. La campagne a été ouverte en avant-première à ce que j’appelle le ‘cercle 1’ : la famille, les amis, et surtout, toutes les personnes qui s’étaient inscrites sur la landing page. L’objectif était double : les récompenser pour leur soutien précoce avec un tarif préférentiel, et surtout, créer une dynamique avant même l’ouverture officielle.
‘Ça permet en fait d’arriver le lundi 7 à 8h à peu près l’ouverture officielle de la campagne avec déjà une centaine de précommandes.’
Notre objectif initial était de 100 précommandes. Nous l’avions donc atteint avant même que le grand public n’ait accès à la page. C’est un levier psychologique extrêmement puissant.
‘Le consommateur doit être beaucoup plus enclin à participer quand il va voir qu’il y a déjà du monde qui qui l’a fait en fait auparavant.’
Cette preuve sociale initiale est cruciale. Personne ne veut être le premier à miser sur un projet inconnu. En voyant que la jauge est déjà bien remplie, les nouveaux visiteurs sont immédiatement rassurés et beaucoup plus susceptibles de participer. La campagne ne partait pas de zéro, elle surfait déjà sur une vague.
L’effet boule de neige inattendu : la presse et LinkedIn
Si la préparation a été la clé du démarrage, deux leviers inattendus ont transformé le succès en triomphe. Le premier a été la presse. J’avais préparé un communiqué, mais je n’ai même pas eu besoin de l’envoyer. Un journaliste de France 3 Région avait repéré le projet grâce à un prix que j’avais gagné avec l’incubateur de mon école.
‘Il y a eu un premier article de presse le jour J qui a été écrit par France 3. Et en fait qui a déclenché tous les autres au niveau local, au niveau national.’
Ce premier article a eu un effet boule de neige spectaculaire. Les médias se surveillent les uns les autres. Un sujet traité par l’un est souvent repris par les autres. Radio, presse écrite… la couverture médiatique a été soudaine et massive, et nous pouvions en voir l’impact direct sur les ventes.
‘On voyait l’impact que ça avait sur la campagne parce que tu vois tu as la courbe de progression des commandes.’
Normalement, une campagne de crowdfunding connaît un pic au début, un creux au milieu, et un autre pic à la fin. La nôtre n’a jamais connu de creux. Chaque article, chaque passage radio relançait la dynamique. C’était une croissance continue et exponentielle. Le deuxième levier a été LinkedIn. Le jour du lancement, j’ai partagé mon histoire, simplement, auprès de mes 400 connexions. La viralité a été fulgurante, bien au-delà de mes attentes. Les gens se sont approprié le projet, l’ont partagé, commenté. Mon réseau a explosé et a drainé un trafic considérable vers la campagne. Ces deux leviers, totalement organiques, ont été les véritables moteurs de la campagne.
Dépasser toutes les attentes : un résultat record
La campagne s’est achevée un mois plus tard sur un résultat qui dépassait mes rêves les plus fous : 2700 paires précommandées. Nous sommes devenus la campagne la plus financée de l’histoire d’Ulule dans la catégorie Mode. Et tout cela avec un investissement publicitaire quasi nul.
‘J’ai mis je dis zéro mais il y a eu 200 € d’investi pour du retargeting la dernière semaine que j’ai essayé de mener une campagne moi-même, c’était hyper dur.’
Cette anecdote montre à quel point le succès était porté par la communauté et l’engouement médiatique. Avec le recul, je me dis que si j’avais eu les compétences et un budget, même modeste, en acquisition payante à ce moment-là, les résultats auraient pu être encore plus démesurés. Mais cette ‘contrainte’ a été une force : elle nous a obligés à être plus malins, plus créatifs, et à construire des bases organiques extrêmement solides. La campagne n’était pas une fin en soi, mais le début d’une nouvelle aventure : celle de passer d’un projet à une véritable entreprise, et de transformer 2700 contributeurs en clients fidèles.
Le succès fulgurant de la campagne de crowdfunding a été à la fois une bénédiction et un défi immense. Du jour au lendemain, je passais du statut d’étudiante-entrepreneure à celui de cheffe d’entreprise avec 2700 clients à livrer et une marque à construire. La période qui a suivi a été tout aussi cruciale que la préparation du lancement. Il fallait transformer l’essai, capitaliser sur cet élan exceptionnel pour bâtir des fondations durables. La transition vers un modèle e-commerce classique, la gestion de la production et de la logistique, et le maintien de l’engagement d’une communauté en attente sont devenus mes nouvelles priorités.
De la campagne à l’e-commerce : construire une marque durable
Une fois l’euphorie de la campagne retombée, la réalité m’a rattrapée. Comment gérer la production et l’expédition de près de 3000 paires de chaussures, tout en étant seule aux commandes ? La première décision sage a été de ne pas céder à la tentation de tout faire moi-même.
‘Très rapidement on s’est rendu compte que 3000 paires à expédier c’était pas possible… tout seul ouais. Donc on a fait appel à un logisticien à ce moment-là.’
Déléguer la logistique a été un choix stratégique qui m’a libéré un temps précieux pour me concentrer sur l’essentiel : la construction de la marque et la préparation du lancement de notre propre site e-commerce. J’ai consacré les mois suivants à créer les maquettes du site, à planifier la production du stock initial post-crowdfunding, et surtout, à maintenir le lien avec notre communauté. C’est un point essentiel : les 2700 personnes qui avaient précommandé n’étaient pas juste des clients, ils étaient nos premiers ambassadeurs. Il fallait les tenir informés, les faire patienter, les inclure dans la suite de l’aventure, même s’il n’y avait pas de nouveau produit à vendre immédiatement. Une communication transparente et régulière sur Instagram et par email a été la clé pour garder la flamme allumée.
L’art de la rareté : un lancement e-commerce sold-out
Le site e-commerce a finalement été lancé en février 2021, plusieurs mois après la fin de la campagne. Ce délai, initialement une contrainte de production, s’est transformé en un formidable atout marketing. L’attente avait créé un désir immense. Les personnes qui avaient raté la campagne Ulule et les nouveaux abonnés qui nous avaient découverts entre-temps étaient dans les starting-blocks. Nous avions communiqué la date et l’heure de l’ouverture du site, créant un véritable rendez-vous. Le résultat a été à la hauteur de l’attente.
‘De la première soirée on a 300-400 paires de vendu en quelques heures quoi. Parce que les gens étaient dans l’attente, ils avaient inscrit, noter dans l’agenda que le site de Zèta ouvrait à ce moment-là.’
Sans le vouloir, nous avions créé un sentiment de rareté et d’urgence. Pendant près de six mois, nos produits étaient constamment en rupture de stock. Cette situation, bien que frustrante d’un point de vue business, a renforcé l’attractivité de la marque. Zèta est devenue cette marque désirable, difficile à obtenir, ce qui n’a fait qu’accroître l’engouement. C’est la preuve qu’on n’a pas besoin de techniques marketing agressives pour créer de l’urgence. Une bonne histoire, un produit de qualité et une gestion intelligente des stocks peuvent suffire à générer un désir puissant et durable.
Conclusion : les leçons d’un lancement contre-intuitif
L’histoire des débuts de Zèta est celle d’un lancement à contre-courant de tous les manuels de marketing. Elle démontre qu’avec une vision claire, un produit authentiquement différenciant et une approche centrée sur la communauté, il est possible de déplacer des montagnes sans budget. La première leçon est la puissance de l’intuition. Mon idée de baskets en raisin a suscité le scepticisme, mais ma conviction profonde m’a guidée à chaque étape. Faites confiance à votre vision, même quand personne d’autre n’y croit. La deuxième leçon est que votre communauté est votre plus grand capital. Avant de penser à la publicité, demandez-vous : où sont les gens qui partageront mes valeurs ? Allez les chercher dans des espaces de niche, parlez-leur avec authenticité, et construisez une relation avant de chercher à vendre. Enfin, la troisième leçon est le pouvoir de l’effet de levier. Un article dans la presse locale, une histoire bien racontée sur LinkedIn, une collaboration avec un micro-influenceur… Identifiez les petits leviers qui peuvent créer de grands effets de boule de neige. Ne sous-estimez jamais la puissance d’une seule action bien ciblée. Zèta a continué de grandir pendant deux ans sans dépenser un euro en acquisition payante, portée par cette vague organique initiale. Alors, si vous portez un projet qui vous passionne, ne laissez pas le manque de moyens vous arrêter. La créativité, l’audace et une connexion humaine sincère sont des ressources bien plus précieuses que n’importe quel budget marketing.
Foire aux questions (FAQ)
Comment lancer une marque de mode sans argent ?
Lancer une marque sans capital initial semble impossible, mais c’est une question de stratégie. La clé est de remplacer l’investissement financier par un investissement en temps et en créativité. La première étape est de développer un produit avec une différenciation extrêmement forte, une histoire unique qui suscitera la curiosité naturellement. Ensuite, il faut construire une communauté avant même d’avoir un produit à vendre, en utilisant des canaux gratuits comme les groupes Facebook de niche ou LinkedIn. Enfin, le crowdfunding est l’outil parfait : il permet de valider le marché, de financer la première production et de générer de la trésorerie sans s’endetter ni diluer son capital. C’est exactement le parcours que j’ai suivi pour Zèta.
‘J’avais pas de ressources, pas d’économie. J’avais pas fini mes études, j’avais pas d’expérience… Mais je sais pas à ce moment-là, j’avais une intuition, je sentais que il fallait y aller maintenant et que j’avais un axe différenciation suffisant pour pouvoir mener le projet à bien.’
Quelle est la matière innovante des baskets Zèta ?
La matière phare qui a défini l’identité de Zèta dès le début est le cuir de raisin. Il s’agit d’une alternative végétale au cuir, fabriquée en Italie à partir du marc de raisin, c’est-à-dire les résidus (peaux, pépins, rafles) issus de la production de vin. Cette innovation a été notre principal argument de différenciation. Elle nous a permis de raconter une histoire unique et de capter l’attention à la fois des consommateurs et des médias. L’idée de ‘marcher sur du raisin’ a immédiatement suscité la curiosité et a parfaitement incarné notre mission de créer des baskets 100% recyclées et sans déchet, en valorisant des matières qui seraient autrement jetées.
‘Ce qui a surtout suscité un peu de curiosité, c’est au moment où j’ai trouvé la première matière qui allait composer les chaussures. C’est une matière à partir de marc de raisin… à partir de ce moment-là quand j’ai expliqué à mes potes… que je voulais lancer des baskets en raisin, c’est à ce moment-là que ça a suscité un peu de curiosité.’
Comment réussir une campagne de crowdfunding sur Ulule ?
Le succès d’une campagne de crowdfunding repose à 80% sur le travail effectué en amont. D’abord, il faut bâtir une audience qualifiée via une landing page et les réseaux sociaux pour avoir une base de lancement. Ensuite, la stratégie du pré-lancement est cruciale : ouvrir la campagne 24h avant à un cercle restreint (proches, inscrits) pour atteindre son premier objectif avant même l’ouverture officielle. Cela crée une preuve sociale énorme. Durant la campagne, il faut l’animer constamment. Pour nous, la presse a été un moteur inattendu, maintenant une dynamique de vente constante et évitant le ‘creux’ de milieu de campagne. Enfin, une offre attractive avec des paliers de prix (early bird) incite à l’action rapide.
‘Ce qui est important, c’est que au lancement ou du moins dans les premiers jours, que ta jauge elle soit déjà que tu aies déjà atteint ton premier palier et même dépassé parce qu’en fait le consommateur va être beaucoup plus enclin à participer quand il va voir qu’il y a déjà du monde qui l’a fait auparavant.’
Quel a été le rôle de la presse dans le succès de Zèta ?
La presse a joué un rôle absolument crucial, agissant comme un accélérateur massif et gratuit pour notre campagne. Tout a commencé avec un article de France 3 le jour du lancement, qui n’a pas été sollicité mais a repéré le projet. Cet article a créé un effet ‘boule de neige’ : d’autres médias locaux, puis nationaux (presse écrite, radios) ont repris le sujet. L’impact était direct et mesurable sur la courbe des précommandes. Chaque nouvelle parution entraînait un pic de ventes, ce qui nous a permis de maintenir une croissance continue pendant tout le mois, sans jamais connaître de ralentissement. C’est la preuve qu’une bonne histoire peut générer une couverture médiatique organique d’une valeur inestimable.
‘Le deuxième levier au-delà de LinkedIn, ça a été la presse qui a joué un rôle crucial dans le projet… il y a eu un premier article de presse le jour J qui a été écrit par France 3. Et en fait qui a déclenché tous les autres au niveau local, au niveau national.’
Comment Zèta a-t-elle utilisé les groupes Facebook pour se lancer ?
Avant le lancement, j’ai identifié et infiltré des groupes Facebook très ciblés où se trouvait mon audience idéale : des communautés de niche comme ‘Les nanas écolo de Bordeaux’ ou ‘La communauté Vegan de France’. Mon approche n’était pas publicitaire mais conversationnelle. Je postais une photo du prototype en expliquant mon projet d’étudiante, en demandant des avis et en invitant les membres intéressés à s’inscrire à une landing page. L’engouement a été immédiat car le message était parfaitement aligné avec les intérêts du groupe. Cette technique m’a permis de collecter des centaines de leads ultra-qualifiés à coût zéro, formant le noyau dur de la communauté qui a soutenu le crowdfunding dès la première heure.
‘J’ai posté une photo du proto et je dis voilà, je suis étudiante, je lance ce projet… J’adorais avoir vos retours et si ça vous intéresse, vous pouvez vous inscrire à la landing page. Et en fait à ce moment-là, il y a un engouement énorme parce que… c’était exactement la bonne cible.’
Pourquoi le Portugal est-il un bon pays pour produire des chaussures ?
J’ai choisi le Portugal pour plusieurs raisons stratégiques. D’abord, le pays est reconnu pour son savoir-faire historique et sa haute qualité de fabrication dans l’industrie de la chaussure. C’est un gage de crédibilité et de durabilité pour le produit. Ensuite, la proximité géographique avec la France facilite la communication, les visites d’usine et la logistique, tout en assurant que la production se fait en Europe, ce qui était un critère non négociable de notre charte éco-responsable. Enfin, malgré la qualité, les coûts de production restent compétitifs. Ma démarche personnelle d’aller sur place pour rencontrer les usines a permis de créer un lien de confiance fort, essentiel pour développer un produit aussi innovant.
‘Je pars au Portugal, je loue une voiture et puis je fais le tour des fournisseurs et des usines en essayant de leur vendre l’idée… beaucoup de marques de prêt-à-porter vont au Portugal parce qu’il y a pas mal de logisticiens, fournisseurs.’
Quelle a été la stratégie de Zèta après le succès du crowdfunding ?
L’après-crowdfunding a été une phase de transition pour transformer un succès d’estime en une entreprise viable. La première étape a été de sécuriser la production et de déléguer la logistique des 2700 commandes à un professionnel pour me libérer du temps. Ensuite, l’objectif principal était de lancer notre propre site e-commerce. Pendant les mois de production, j’ai maintenu l’engagement de la communauté via les réseaux sociaux et l’e-mailing pour faire monter l’attente. Le lancement du site a capitalisé sur la rareté créée par les mois d’attente, provoquant un pic de ventes massif dès la première soirée et installant la marque comme un acteur désirable sur le marché.
‘Le site a été lancé en février… et de la première soirée on a 300-400 paires de vendu en quelques heures quoi. Parce que les gens étaient dans l’attente… il y a ce sentiment un peu d’urgence, de rareté qui se crée avec des produits tout le temps out of stock pendant 6 mois.’




