Tracking Social Ads en 2024 : Le guide complet pour ne plus jamais naviguer à l’aveugle
Le marketing digital ressemble parfois à un château de cartes. Pendant des années, nous avons construit nos stratégies sur des fondations qui nous semblaient solides : les pixels, les cookies, une attribution claire. Mais depuis quelques temps, un vent puissant souffle, faisant vaciller toute la structure. Ce vent, c’est celui de la privacy, des restrictions techniques et des nouvelles réglementations. Pour de nombreux annonceurs, le sentiment dominant est celui de la confusion, voire de l’impuissance. Les coûts d’acquisition grimpent, les performances semblent aléatoires, et les tableaux de bord des plateformes publicitaires renvoient une image de plus en plus floue de la réalité. C’est un véritable enjeu pour les entreprises, comme je le constatais dans l’introduction du podcast : ‘le tracking est un vrai enjeu pour les entreprises depuis je te dirais 2-3 ans avec la RGPD et la mise à jour d’iOS 14’. On se sent perdu dans un brouillard technique d’acronymes : ITP, CAPI, RGPD, server-side… Comment y voir clair ? Comment reprendre le contrôle ?
La bonne nouvelle, c’est que ce chaos apparent est aussi une formidable opportunité. Une opportunité de bâtir des fondations plus solides, plus durables et, in fine, plus performantes. Pour nous guider dans cette refonte, j’ai reçu Romain Trublard, l’une des références françaises en matière de tracking. Loin de se contenter de la surface, Romain plonge au cœur de la machine pour nous en expliquer les rouages. Il ne s’agit plus de simplement ‘installer un pixel’. Il s’agit de comprendre la philosophie derrière chaque outil, les batailles qui se jouent entre les géants de la tech, et comment, à notre échelle, nous pouvons construire un système de tracking intelligent et résilient. Cet article est la retranscription enrichie et approfondie de notre conversation. Nous allons tout dégrossir, des bases fondamentales que tout marketeur doit maîtriser, aux stratégies avancées qui feront la différence en 2024 et au-delà. Préparez-vous à transformer votre frustration en maîtrise, et votre confusion en un plan d’action clair.
Démystifier les bases du tracking : du pixel à l’API de conversion
Avant de pouvoir construire un gratte-ciel, il faut des fondations impeccables. En matière de tracking, c’est la même chose. Pendant des années, le ‘pixel’ a été la pierre angulaire de toute stratégie d’acquisition. Mais aujourd’hui, s’arrêter à ce seul concept, c’est comme essayer de naviguer avec une carte datant du siècle dernier. Pour comprendre les enjeux de 2024, il est crucial de revenir aux fondamentaux et de bien distinguer les outils à notre disposition, leur fonctionnement et leur philosophie. C’est un prérequis non négociable pour quiconque souhaite piloter ses campagnes publicitaires avec précision et efficacité. Mettons donc les choses au clair sur ces termes que l’on entend partout, mais que l’on ne comprend pas toujours en profondeur.
Le pixel : la philosophie du ‘je prends’
Le pixel, c’est ce fameux ‘morceau de code’ que l’on installe sur son site web. Comme le rappelle Romain, sa fonction première est simple en apparence : ‘c’est un morceau de code qui va récupérer des données, qui va charger une librairie type Facebook. Cette librairie elle va exécuter des scripts sur le site et puis elle va prendre des informations dans le navigateur qui vont être nécessaires au bon fonctionnement de de la plateforme en réception’. La philosophie du pixel est celle du ‘je prends’. Une fois installé, il agit comme un collecteur automatique. Il ne vous demande pas la permission pour chaque donnée qu’il récolte ; il est programmé pour prendre tout ce dont la plateforme (Facebook, Google, etc.) estime avoir besoin. Cela inclut l’adresse IP de l’utilisateur, l’URL de la page visitée, les informations sur le navigateur, les identifiants de cookies, et bien plus encore.
Cette approche a été incroyablement puissante. Elle a permis aux plateformes de collecter une quantité massive de données, d’affiner leurs algorithmes de ciblage et de proposer une attribution des conversions relativement fiable. Le problème, c’est que cette collecte massive et parfois opaque est précisément ce qui a conduit aux restrictions actuelles. Le pixel, par sa nature, est dépendant de l’environnement du navigateur de l’utilisateur. S’il y a un ad blocker, si le navigateur bloque certains cookies, ou si les règles de consentement sont strictes, le pixel devient aveugle et sourd. Sa capacité à ‘prendre’ est directement entravée, et la qualité des données envoyées aux plateformes s’effondre.
L’API de conversion : reprendre le contrôle avec la philosophie du ‘je donne’
Face aux limites du pixel, une nouvelle approche a émergé : l’API de Conversion (ou ‘CAPI’ pour Meta). Romain la résume par une analogie très parlante : c’est la philosophie du ‘je donne’. Contrairement au pixel qui opère depuis le navigateur du client (client-side), l’API communique directement entre votre serveur et le serveur de la plateforme publicitaire (server-to-server). La distinction est fondamentale. ‘Quand il y a une autre philosophie en face qui est la pays conversion qui est je donne’, explique Romain. ‘L’API elle se sert pas. c’est toi qui envoie une information au serveur de Facebook.’
Ce changement de paradigme vous redonne le contrôle total sur les informations transmises. Vous décidez précisément de ce que vous envoyez. Romain illustre cela avec un exemple concret : ‘j’ai eu un client une fois qui avait des informations personnelles dans l’URL… Bah quand on met un pixel, Facebook prend automatiquement l’URL… versus avec l’API conversion, on va pouvoir dire bah quand il y a telle information dans l’URL, je la supprime et ensuite, j’envoie l’information’. Ce contrôle permet non seulement d’améliorer la conformité et la sécurité des données, mais aussi d’enrichir les informations transmises. On peut y ajouter des données qui n’existent pas dans le navigateur, comme la marge sur un produit ou un score client issu de son CRM. L’API de conversion n’est donc pas juste un ‘plan B’ pour le pixel ; c’est une méthode de transmission de données plus robuste, plus contrôlée et potentiellement beaucoup plus riche.
Cookies first-party vs third-party : la clé de la discorde
Au cœur de cette révolution du tracking se trouve la notion de ‘cookie’. Pour bien comprendre, il faut distinguer deux types de cookies. Romain le clarifie parfaitement : ‘un cookie first party, c’est un cookie qui est déposé par mon nom de domaine… alors qu’un cookie third party, il est écrit par Facebook’. Le cookie first-party est essentiel au fonctionnement de votre site (retenir un panier, maintenir une connexion, etc.) et il est généralement bien accepté par les navigateurs. Le cookie third-party (ou ‘cookie tiers’), en revanche, est déposé par un domaine différent de celui que vous visitez. C’est lui qui a permis le tracking cross-site : suivre un utilisateur d’un site A à un site B pour lui montrer des publicités pertinentes.
C’est la puissance de ce cookie tiers qui a permis à des plateformes comme Facebook de construire des audiences massives et de comprendre les parcours d’achat sur l’ensemble du web. ‘Je passe d’un site avec pixel Facebook à un autre site avec pixel Facebook et ben le cookie Facebook va perdurer d’un site à un autre. Facebook sait donc que tu es passé de tel site à tel site’, détaille Romain. Mais c’est aussi cette capacité qui est aujourd’hui jugée trop intrusive. Les navigateurs comme Safari et Firefox les bloquent depuis des années, et Google Chrome, le leader du marché, est en train de leur dire adieu. La fin des cookies tiers est un changement tectonique. Cela signifie que la méthode historique de suivi des utilisateurs sur le web est en train de disparaître, forçant tout l’écosystème à se réinventer autour des données first-party (celles que vous collectez directement) et de nouvelles technologies comme le tracking server-side.
Maintenant que ces bases sont posées, nous avons les clés pour comprendre pourquoi l’écosystème a été autant secoué ces dernières années. Le décor est planté, les acteurs (pixels, API, cookies) sont identifiés. Il est temps de se pencher sur les événements qui ont mis le feu aux poudres et redéfini complètement les règles du jeu pour tous les annonceurs.
Les grands bouleversements du tracking : comment iOS 14 et la fin des cookies ont redéfini les règles
L’univers du tracking publicitaire a connu plus de changements ces trois dernières années que lors de la décennie précédente. Ce ne sont pas des évolutions mineures, mais de véritables séismes qui ont forcé chaque annonceur, chaque agence, chaque marketeur à remettre en question ses certitudes. Comprendre ces bouleversements n’est pas une option, c’est une nécessité pour survivre et prospérer dans ce nouvel environnement. De la mise à jour d’Apple qui a fait trembler Meta jusqu’à la disparition annoncée du pilier de la publicité en ligne, le cookie tiers, nous allons décortiquer les événements qui ont redessiné la carte du tracking.
iOS 14.5 : le séisme qui a secoué l’écosystème publicitaire
En avril 2021, Apple a déployé iOS 14.5. Derrière ce nom de code se cachait une bombe pour le monde de la publicité : l’App Tracking Transparency (ATT). Cette fonctionnalité demandait aux utilisateurs de donner leur consentement explicite pour être suivis d’une application à l’autre. Mais l’impact ne s’est pas arrêté là. Comme l’explique Romain, la mise à jour a aussi drastiquement changé la gestion des cookies sur Safari et iOS. ‘Avant iOS 14.5 sur Safari et iOS un cookie, il avait une durée de vie on va dire illimitée… iOS 14.5 arrive et on a une durée de cookie qui est limitée… à un jour si on clique depuis une source publicitaire ou 7 jours si on vient d’une source sans UTM.’
Les conséquences ont été immédiates et brutales pour les annonceurs. Imaginez un e-commerçant dont le cycle d’achat moyen est de 10 jours. Avec une attribution limitée à 24 heures pour une grande partie de son trafic (les utilisateurs iOS cliquant sur une pub), des milliers de ventes n’étaient soudainement plus rattachées à leurs campagnes. Les algorithmes de Facebook, privés d’une partie de leurs données, sont devenus moins performants, les audiences de retargeting ont fondu, et les coûts par acquisition ont explosé. C’était un véritable coup de massue. Face à cela, les plateformes ont dû réagir, notamment en poussant à la collecte de données personnelles (email, téléphone) pour tenter de ‘matcher’ les utilisateurs en dehors de l’écosystème des cookies. C’est à ce moment que l’importance des données first-party est devenue une évidence pour tous.
ITP et Safari : l’avant-garde de la ‘privacy’ d’Apple
Si iOS 14.5 a été le coup de tonnerre, il faut comprendre que la tempête se préparait depuis longtemps. Apple, avec sa technologie ‘Intelligent Tracking Prevention’ (ITP), mène une croisade pour la ‘privacy’ depuis 2017. ITP est l’arsenal technique qu’Apple déploie sur son navigateur Safari pour limiter le tracking. Romain le résume ainsi : ‘ITP c’est intelligent tracking prevention. donc c’est un vaste recueil de règles… qui empêchent le tracking qui veulent bien prévenir le tracking pour faire de Safari et d’iOS à terme un environnement le plus fermé possible.’
Concrètement, ITP a été le premier à s’attaquer frontalement aux cookies tiers, les bloquant par défaut bien avant ses concurrents. Puis, il s’est attaqué aux cookies first-party, en limitant leur durée de vie, comme nous l’avons vu avec iOS 14.5 et les versions ultérieures comme iOS 16.4. Pour l’annonceur, cela signifie que même si un utilisateur vient sur son site via un canal organique, le cookie qui permet de le reconnaître ne vivra que 7 jours. S’il revient au 8ème jour, il sera considéré comme un nouvel utilisateur. Cette perte de vision sur le parcours client complique énormément l’analyse des performances et l’optimisation des stratégies marketing. Safari n’est plus un simple navigateur ; c’est une forteresse qui se referme, et il faut des techniques de plus en plus sophistiquées pour y maintenir une mesure de performance fiable.
La fin programmée des cookies tiers sur Chrome : le coup de grâce ?
Pendant que Safari et Firefox menaient la charge contre les cookies tiers, l’acteur dominant du marché, Google Chrome, restait en retrait. Mais la fête est bientôt finie. Google a entamé le processus de suppression des cookies tiers sur Chrome, avec une extinction prévue pour la fin de l’année 2024. C’est l’acte final de cette saga. Pourquoi est-ce si important ? Parce que Chrome représente plus de 60% des parts de marché des navigateurs dans le monde. La disparition des cookies tiers sur Chrome ne touche pas seulement une partie du trafic, elle touche la grande majorité des internautes.
Cette transition marque la fin d’une ère. Le retargeting classique, les audiences ‘similaires’ basées sur des comportements de navigation sur des sites tiers, tout ce qui reposait sur cette technologie devient obsolète. Google tente de mettre en place des alternatives avec sa ‘Privacy Sandbox’, mais l’incertitude demeure. Pour les annonceurs, l’urgence est maximale. Il n’est plus possible de repousser l’échéance. Adopter une stratégie basée sur les données first-party, maîtriser l’API de conversion et explorer le tracking server-side ne sont plus des options pour ‘early adopters’, mais des impératifs de survie pour 2024.
Les ad blockers, l’ennemi silencieux de la data
En parallèle de ces changements imposés par les géants de la tech, une autre menace, plus discrète mais tout aussi redoutable, grandit : les ad blockers. Leur impact est souvent sous-estimé. On pense qu’ils ne bloquent que les bannières publicitaires, mais leur action va bien plus loin. Romain met en lumière une réalité alarmante : ‘il y a 33 % des utilisateurs français… qui avaient un ad bloqueur… L’utilisateur qui a ces technologies dans son navigateur, il ne charge pas GTM et donc bah forcément pixel Facebook pas charger et cetera.’
Cela signifie qu’un tiers de votre trafic potentiel pourrait être totalement invisible pour vos outils de tracking traditionnels. Les données de ces utilisateurs n’arrivent tout simplement jamais dans vos rapports. C’est une perte sèche, un trou noir dans votre collecte de données qui fausse toutes vos analyses. Si vous constatez un écart important entre les ventes de votre back-office Shopify et celles reportées par Facebook Ads, les ad blockers sont très probablement l’un des principaux coupables. Cette ‘perte de données à la source’ est un argument majeur en faveur de nouvelles approches, comme le tracking server-side, qui peuvent justement contourner ce type de blocage.
Face à ce tableau – des navigateurs qui limitent les cookies, des systèmes d’exploitation qui demandent le consentement pour tout, et des utilisateurs qui bloquent activement le tracking – la question n’est plus de savoir ‘si’ il faut changer, mais ‘comment’. Les anciennes méthodes sont devenues inefficaces. Il est temps de construire un système plus robuste, plus intelligent et plus résilient. C’est là que le tracking server-side entre en jeu.
Construire un tracking robuste en 2024 : l’ère du server-side
Face à la complexification de l’écosystème, une solution technique et stratégique s’impose de plus en plus comme la nouvelle norme pour un tracking de qualité : le tracking server-side. Ce terme, qui peut sembler intimidant, cache en réalité un principe logique et puissant. Il s’agit de déplacer une partie de la collecte et de la distribution des données du navigateur de l’utilisateur (un environnement devenu hostile et incontrôlable) vers votre propre serveur (un environnement que vous maîtrisez). C’est un changement fondamental d’architecture qui répond directement aux défis que nous venons d’évoquer. Loin d’être un simple pansement, c’est une refondation complète de la manière dont nous gérons la data marketing.
Qu’est-ce que le tracking server-side, concrètement ?
Pour beaucoup, ‘server-side’ est synonyme d »API de conversion’. C’est une confusion fréquente mais importante à dissiper. Romain clarifie ce point essentiel : ‘L’API de conversion est un outil du tracking serveur site. Le tracking serveur side, c’est en définition, c’est juste faire du tracking entre un serveur et un serveur.’ Au lieu que le navigateur de votre visiteur envoie directement les informations à 10 plateformes différentes (Facebook, Google, TikTok, etc.), il envoie une seule requête, plus légère et plus propre, à votre propre serveur de tracking (par exemple, un conteneur Google Tag Manager Server-Side).
C’est ensuite ce serveur, que vous contrôlez, qui va prendre le relais. Il reçoit les données brutes, peut les nettoyer, les enrichir, et décide ensuite de les distribuer aux différentes plateformes via leurs API respectives (l’API de conversion de Facebook, l’API de TikTok, etc.). L’idée est de créer un ‘hub’ de données centralisé. ‘Au lieu d’envoyer par exemple une requête Google Analytics depuis le navigateur de l’utilisateur et l’envoyer vers Analytics, à la place on va envoyer vers son serveur de tracking et depuis ton serveur de tracking tu vas envoyer l’API conversion, tu vas envoyer Google Ads côté serveur…’, explique Romain. Vous créez ainsi votre propre plateforme data, un intermédiaire de confiance entre votre site et vos partenaires publicitaires.
Les avantages stratégiques du server-side : au-delà de la simple collecte
Mettre en place une telle architecture n’est pas un simple exercice technique ; c’est une décision stratégique qui apporte des bénéfices concrets et multiples. Premièrement, et c’est un avantage majeur, cela permet de contourner les ad blockers. Ces derniers sont programmés pour bloquer les requêtes vers des domaines connus comme `facebook.com` ou `google-analytics.com`. En revanche, ils ne bloquent pas une requête vers votre propre sous-domaine (ex: `tracking.monsite.com`). Votre serveur reçoit donc l’information, même de la part d’utilisateurs avec un ad blocker, et peut ensuite la transmettre aux plateformes. Cela permet de récupérer entre 6 et 15% de données qui étaient auparavant perdues.
Deuxièmement, le server-side est une arme redoutable contre les restrictions d’ITP sur Safari. Il permet de prolonger la durée de vie des cookies first-party au-delà des limites de 1 ou 7 jours imposées par Apple. En contrôlant le cookie depuis le serveur, on peut le ‘réécrire’ pour maintenir une identification de l’utilisateur sur le long terme, améliorant drastiquement la qualité de l’attribution. Troisièmement, cela améliore la performance web. Moins de scripts JavaScript lourds à charger côté navigateur signifie un site plus rapide, une meilleure expérience utilisateur et un meilleur score SEO. Enfin, et c’est peut-être le point le plus passionnant, le server-side ouvre la porte à l’enrichissement des données en temps réel. Comme le souligne Romain, on peut ‘récupérer des données de sa propre base de données pour enrichir… de données CRM. En fait, on peut centraliser des données de plusieurs sources et ensuite enrichir les algos publicitaires.’ Imaginez envoyer à Facebook non seulement qu’un achat a eu lieu, mais aussi que cet achat a été fait par un client VIP avec une forte valeur vie. La puissance prédictive de l’algorithme s’en trouve décuplée.
Le server-side ne contourne pas le consentement (RGPD) : une mise au point essentielle
Une idée fausse et dangereuse circule sur le tracking server-side : celle qu’il permettrait de contourner le consentement de l’utilisateur et le RGPD. Romain est catégorique sur ce point, et il est crucial de l’entendre : ‘Je vois passer des conneries comme ça parfois sur LinkedIn en disant l’intérêt du serveur side, c’est de récupérer 100 % des data. Non… Parce que si l’utilisateur ne donne pas son consentement tu vas pas envoyer à Facebook que ce soit côté serveur ou côté client, c’est la même chose en fait.’ Le consentement est la première porte d’entrée. Si l’utilisateur la ferme, aucune donnée ne doit être traitée à des fins publicitaires, que la technologie soit client-side ou server-side. Tenter de contourner ce principe n’est pas seulement illégal, c’est aussi une violation de la confiance de l’utilisateur. Le server-side est un outil pour améliorer la qualité et la résilience de la collecte de données *consenties*, pas pour traquer les utilisateurs contre leur gré. C’est une nuance fondamentale qui sépare une utilisation éthique et performante d’une pratique risquée et illégitime.
La théorie est maintenant claire, les bénéfices sont évidents. Mais comment passer de la compréhension à l’action ? Face à un sujet aussi dense, par où commencer ? Heureusement, il existe une méthode, une feuille de route pour aborder cette transition de manière structurée et efficace tout au long de l’année 2024.
Votre plan d’action concret pour 2024 : la roadmap trimestrielle d’un expert
Savoir ‘quoi’ faire est une chose, savoir ‘quand’ et ‘comment’ en est une autre. La transition vers un tracking moderne ne se fait pas en un jour. Elle nécessite une approche méthodique pour ne pas se disperser et s’assurer que les fondations sont solides avant de construire les étages supérieurs. En s’inspirant de la discussion avec Romain sur les challenges à venir, nous pouvons dessiner une feuille de route pragmatique, découpée par trimestre, pour toute entreprise soucieuse de maîtriser sa data en 2024. C’est un plan d’action conçu pour transformer l’urgence en stratégie, et la complexité en avantage concurrentiel.
Trimestre 1 : audit, consolidation et conformité
Le début d’année est le moment idéal pour faire le point et solidifier les bases. La priorité absolue est de s’assurer que l’existant est propre et conforme. La première étape est un audit complet de votre configuration actuelle. Quels sont les pixels en place ? Sont-ils tous nécessaires ? La collecte des événements clés (achat, ajout au panier, lead) est-elle fiable ? Utilisez les outils de diagnostic de Facebook (Test Events) et Google pour identifier les erreurs et les doublons. Parallèlement, la conformité est non négociable. Avec l’entrée en vigueur du Digital Markets Act et les exigences renforcées de Google, la mise en place ou la mise à jour vers Google Consent Mode v2 est un impératif. C’est le socle qui vous permettra de continuer à collecter des données agrégées et modélisées même en cas de refus de consentement, tout en respectant la loi. Enfin, assurez-vous que votre implémentation de base de l’API de conversion via les intégrations natives (Shopify, WordPress) est active. Même si elle n’est pas parfaite, c’est une première étape essentielle avant de passer à une configuration plus avancée.
Trimestre 2 : déploiement de l’architecture server-side
Une fois les bases saines, il est temps de construire l’infrastructure du futur. Le deuxième trimestre doit être dédié au déploiement du tracking server-side. Cela commence par le choix de la technologie : Google Tag Manager Server-Side est aujourd’hui la solution la plus répandue et la plus flexible. Il faudra mettre en place un environnement serveur sur un cloud provider (comme Google Cloud Platform). La première étape technique consiste à faire transiter votre flux de données principal (souvent Google Analytics 4) par ce nouveau serveur. Au lieu que le navigateur envoie les données à GA4, il les enverra à votre serveur, qui les relaiera ensuite à GA4. Une fois ce flux établi, vous pourrez commencer à migrer vos autres tags. La priorité sera de configurer l’API de conversion de Meta et le suivi des conversions de Google Ads en mode server-side. L’objectif à la fin de ce trimestre est d’avoir les principaux flux de données publicitaires qui passent par votre propre serveur, vous donnant déjà plus de résilience face aux ad blockers et à ITP.
Trimestre 3 : enrichissement et optimisation avancée
Avec une architecture server-side fonctionnelle, le troisième trimestre est celui de la création de valeur. C’est ici que vous allez commencer à véritablement creuser l’écart avec vos concurrents. Le mot d’ordre est ‘enrichissement’. C’est le moment de connecter votre serveur de tracking à d’autres sources de données, comme votre CRM ou votre back-office. Vous pourrez alors ajouter des informations précieuses à vos événements. Par exemple, pour chaque événement d’achat, vous pourriez ajouter la marge du produit, la catégorie du client (nouveau vs. fidèle), ou sa valeur vie (LTV). Ces signaux de haute qualité, envoyés aux algorithmes de Facebook et Google, leur permettront d’optimiser vos campagnes de manière beaucoup plus fine, non plus sur le simple volume de conversions, mais sur la rentabilité réelle. C’est aussi le moment d’explorer des cas d’usage plus avancés, comme la gestion des conversions hors ligne ou la synchronisation d’audiences entre votre CRM et les plateformes publicitaires.
Trimestre 4 : analyse, gouvernance et veille
Le dernier trimestre de l’année est consacré à la mesure des résultats, à la consolidation et à la préparation de l’avenir. Avec plusieurs mois de données collectées via votre nouvelle architecture, vous pourrez analyser l’impact réel sur vos performances. Comparez l’attribution, les coûts d’acquisition et la qualité des audiences avant et après la migration. C’est le moment de construire des dashboards unifiés qui centralisent vos données (back-office, Analytics, plateformes) pour avoir une vision unique de la vérité. Mettez en place une gouvernance claire de vos données : qui est responsable ? Comment s’assurer de la qualité sur le long terme ? Enfin, restez en veille active. Comme le dit Romain, le tracking est un ‘jeu de chat et de souris’ perpétuel. De nouvelles mises à jour d’iOS ou de nouvelles réglementations verront le jour. En ayant une architecture flexible et en restant informé, vous ne subirez plus ces changements, vous serez prêts à vous y adapter proactivement.
Conclusion : reprendre le pouvoir sur votre data
Le voyage à travers le paysage du tracking en 2024 peut sembler complexe, voire intimidant. Nous sommes passés de l’ère de la simplicité, où un simple pixel suffisait, à une ère de sophistication stratégique où la maîtrise de la donnée est devenue un art. Le message clé de cette exploration est pourtant empreint d’optimisme : la complexité n’est pas une fatalité, c’est un terrain de jeu pour ceux qui décident de s’en emparer. La fin des cookies tiers, les restrictions d’Apple et la montée des ad blockers ne sont pas la fin de la publicité performante ; ce sont les catalyseurs d’une nouvelle approche plus intelligente, plus respectueuse et, au final, plus efficace.
En comprenant la différence philosophique entre le pixel (‘je prends’) et l’API (‘je donne’), en saisissant les opportunités offertes par le tracking server-side pour enrichir et protéger vos flux de données, et en suivant une feuille de route structurée, vous ne faites pas que vous adapter. Vous construisez un avantage concurrentiel durable. Vous cessez de dépendre passivement des écosystèmes fermés des plateformes pour devenir l’architecte de votre propre infrastructure data. Comme le confiait Romain, ce domaine est ‘excitant’ précisément parce qu’il est en constante évolution. Il nous pousse à apprendre, à innover et à être meilleurs. L’invitation est donc lancée : ne subissez plus le tracking. Prenez-en les rênes, investissez dans la compétence et la technologie, et transformez ce qui était une source d’anxiété en l’un des plus puissants leviers de votre croissance.
FAQ : Vos questions sur le tracking social ads en 2024
Quelle est la principale différence entre un pixel et l’API de conversion ?
La différence fondamentale réside dans leur fonctionnement et leur philosophie. Le pixel est un code qui s’exécute dans le navigateur de l’utilisateur (client-side) et ‘prend’ automatiquement un ensemble de données pour l’envoyer à la plateforme. L’API de conversion, elle, est une communication directe entre votre serveur et celui de la plateforme (server-side). Avec l’API, c’est vous qui ‘donnez’ l’information, ce qui vous offre un contrôle total sur les données envoyées, leur format et leur éventuel enrichissement. Le pixel est plus simple à mettre en place mais plus vulnérable aux blocages (ad blockers, navigateurs), tandis que l’API est plus robuste et puissante.
‘Le pixel c’est une philosophie, je prends. Quand il y a une autre philosophie en face qui est la pays conversion qui est je donne. … L’API elle se sert pas. c’est toi qui envoie une information au serveur de Facebook.’
Le tracking server-side permet-il de contourner le RGPD et le consentement ?
Absolument pas, et c’est un point crucial. Le tracking server-side est une méthode de collecte de données, pas une échappatoire légale. Le consentement de l’utilisateur, recueilli via une bannière de cookies, reste le prérequis indispensable à tout tracking à des fins publicitaires. Si un utilisateur refuse le suivi, vous ne devez envoyer aucune donnée le concernant aux plateformes, que ce soit via le navigateur (client-side) ou via votre serveur (server-side). Le server-side permet de fiabiliser la collecte des données *consenties*, mais ne doit jamais être utilisé pour traquer des utilisateurs contre leur volonté.
‘On récupère pas plus de data sur le serveur side parce qu’on contourne le RGPD. Ça c’est faux. Je vois passer des conneries comme ça parfois sur LinkedIn… si tu as ta plateforme de gestion de consentement qui te permet d’avoir 80 % de tes données… côté serveur au maximum tu récupéreras 80 %.’
Pourquoi le tracking est-il devenu si compliqué avec iOS 14 et Safari ?
Apple a fait de la protection de la vie privée un argument marketing majeur et a implémenté des restrictions techniques très fortes via sa technologie ITP (Intelligent Tracking Prevention). Avec iOS 14.5, Apple a drastiquement réduit la durée de vie des cookies, même les first-party, à seulement 24 heures après un clic publicitaire. Cela a brisé les fenêtres d’attribution traditionnelles et a rendu le suivi des parcours clients sur plusieurs jours très difficile. En bref, Safari et l’écosystème iOS sont devenus des environnements ‘fermés’ qui limitent activement la circulation des données, obligeant les annonceurs à trouver des solutions de contournement techniques, comme le server-side, pour maintenir une mesure de performance fiable.
‘iOS 14.5 arrive et on a une durée de cookie qui est limitée… à un jour si on clique depuis une source publicitaire… Le truc là où ça a tué le marché à ce moment-là, c’est que bah forcément j’ai des clients qui ont 60 % de trafic iOS Safari confondu. Ça veut dire que leur attribution, elle était limitée à un jour.’
Quel est l’impact réel de la fin des cookies tiers pour les annonceurs ?
La fin des cookies tiers, notamment sur Chrome, marque la fin d’une ère pour la publicité en ligne. Son impact principal est la quasi-disparition du tracking cross-site, c’est-à-dire la capacité de suivre un utilisateur d’un site à un autre. Concrètement, cela rend le retargeting classique beaucoup moins efficace et complique la création d’audiences basées sur le comportement de navigation externe. Les annonceurs perdent une source de données majeure pour le ciblage et la mesure. Cela les force à se concentrer sur les données qu’ils collectent directement (données first-party comme les emails) et à utiliser des identifiants plus durables pour ‘matcher’ les utilisateurs avec les plateformes.
‘Les cookies tiers là on est en février 2024, dans quelques mois c’est terminé et donc il y a des alternatives à ça qui sont en train d’être mis en place… Ce qui permet de de survivre à la fin des cookies tiers… c’est d’envoyer les adresses emails, c’est d’envoyer les numéros de téléphone.’
Quels sont les avantages concrets d’un tracking server-side bien configuré ?
Un tracking server-side bien configuré offre quatre avantages majeurs. Premièrement, il améliore la quantité de données collectées en contournant les ad blockers, récupérant ainsi une part significative du trafic auparavant invisible. Deuxièmement, il améliore la qualité de l’attribution en prolongeant la durée de vie des cookies sur les navigateurs restrictifs comme Safari. Troisièmement, il accélère la vitesse de chargement du site en réduisant le nombre de scripts exécutés dans le navigateur. Enfin, et c’est le plus stratégique, il permet d’enrichir les données envoyées aux plateformes avec des informations issues de votre CRM (valeur client, marge, etc.), pour un pilotage des campagnes basé sur la rentabilité réelle.
‘Le serveur side, ça permet de contourner les ad bloqueurs, ça permet de contourner les dispositifs ITP, ça permet d’améliorer la web performance… et on peut aussi récupérer des données de sa propre base de données pour enrichir de données marque… de données CRM.’
Est-ce que les intégrations natives (Shopify, WordPress) suffisent pour un bon tracking ?
Les intégrations natives, comme le canal de vente Facebook sur Shopify, sont un excellent point de départ. Elles permettent de mettre en place facilement une version de base du pixel et de l’API de conversion. Cependant, elles ne sont souvent pas suffisantes pour un tracking avancé et résilient. Elles offrent peu de contrôle sur les données envoyées, ne permettent pas de contourner les ad blockers ou les limitations de Safari de manière aussi efficace qu’une configuration manuelle server-side, et n’offrent aucune possibilité d’enrichissement de données avec des sources externes comme un CRM. Pour les annonceurs qui souhaitent scaler et optimiser finement leurs campagnes, une installation manuelle et une architecture server-side deviennent rapidement indispensables.
‘J’ai demandé à Romain d’expliquer comment on s’y prend pour installer un bon tracking et nous donner les avantages d’une installation manuelle plutôt que de passer par les intégrations comme Shopify ou encore sur WordPress… mais vous allez voir que ce n’est pas forcément suffisant.’



