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Pourquoi vos clients ne font pas ce qu’ils disent – avec Selim Messaï – Episode 222 – on parle de sciences comportementales

Épisode diffusé le 14 mars 2024 par Estelle Ballot

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Pourquoi vos clients disent ‘oui’ mais pensent ‘non’ : révélations des sciences comportementales

Vous avez déjà vécu cette situation, n’est-ce pas ? Ce moment où tout semble parfait. Votre client potentiel hoche la tête, ses yeux brillent. Il vous dit : ‘C’est exactement ce qu’il me faut’, ‘J’adore votre produit, je vais l’acheter’. Vous avez fait votre travail, brillamment. Vous avez argumenté, démontré la valeur, levé les objections. La vente est conclue, pensez-vous. Et puis… rien. Le silence radio. Le contrat n’est jamais signé, le panier reste abandonné. Cette frustration, ce sentiment d’incompréhension, est l’un des plus grands défis du marketing. On se demande ce qu’on a fait de mal, où le processus a déraillé. La vérité, c’est que le problème ne vient peut-être pas de votre argumentaire, mais de la complexité même de la nature humaine.

Ce phénomène porte un nom : le ‘Say versus Do Gap’, l’écart abyssal entre ce que nous disons et ce que nous faisons. C’est un sujet qui me passionne et qui est au cœur de mon métier. Comme je l’expliquais à Estelle Ballot sur le Podcast du Marketing, c’est un domaine étudié très sérieusement par les spécialistes des sciences comportementales, car ses implications sont gigantesques, bien au-delà du marketing. Pensez politique, santé publique, ou écologie. Partout, cet écart entre l’intention et l’action est un obstacle majeur. Et pour nous, marketeurs, il peut rendre tous nos efforts vains.

En marketing, on fait tout ce qu’on peut pour convaincre notre futur client mais si même une fois convaincu alors qu’il pense choisir notre produit, il ne le fait pas. Et ben alors à quoi bon ?

C’est précisément cette question qui nous hante. Heureusement, nous ne sommes pas démunis. En plongeant au cœur des sciences comportementales, nous pouvons non seulement comprendre pourquoi ce fossé existe, mais surtout, apprendre à construire des ponts pour le franchir. Dans cet article, nous allons décortiquer ce mécanisme psychologique, analyser l’un des échecs marketing les plus spectaculaires de l’histoire pour en tirer des leçons, et vous donner des clés concrètes pour transformer les intentions de vos clients en décisions réelles. Préparez-vous à changer votre vision du marketing et du consommateur.

Qu’est-ce que les sciences comportementales et pourquoi sont-elles cruciales en marketing ?

Quand on entend le mot ‘science’, on imagine souvent des équations complexes, des laboratoires, quelque chose de très théorique et peut-être un peu distant de nos réalités de terrain. Pourtant, les sciences comportementales sont tout le contraire : elles sont profondément ancrées dans le concret, dans l’observation de ce que les gens font réellement, et non de ce qu’ils devraient faire ou disent vouloir faire. C’est une discipline fascinante qui a révolutionné notre compréhension de la prise de décision, et qui est devenue, à mon sens, un outil indispensable pour tout marketeur qui souhaite avoir un impact réel.

Au-delà de la rationalité : une nouvelle vision du consommateur

Pendant très longtemps, le marketing et l’économie se sont basés sur l’idée d’un ‘homo economicus’, un individu parfaitement rationnel, qui analyse logiquement chaque option, pèse le pour et le contre, et prend toujours la décision qui maximise son intérêt. Si c’était vrai, notre métier serait bien plus simple ! Mais comme l’a révélé la recherche depuis les années 70, cette vision est une fiction. La réalité est bien plus complexe et intéressante. Comme je le souligne souvent :

Pendant longtemps, on a considéré l’individu comme très rationnel, très logique dans ses décisions. Et dans les années 70, 80, 90 sont arrivés des économistes et des psychologues qui ont commencé à dire que en fait non, en fait les individus sont pas si rationnels que ça.

En vérité, nous sommes des êtres profondément influencés par des forces que nous ne maîtrisons pas consciemment. Nos décisions sont ‘truffées de biais’. Nous sommes des créatures de contexte, nos actions changent radicalement selon l’environnement dans lequel nous nous trouvons. Nous sommes des animaux sociaux, le comportement des autres pèse énormément sur nos propres choix. Et nous sommes des êtres émotionnels, qui justifions souvent a posteriori par la logique des décisions prises sous le coup de l’émotion ou de l’habitude. Comprendre cela, c’est la première étape pour arrêter de vendre à un consommateur imaginaire et commencer à parler au véritable être humain, avec toute sa merveilleuse et prévisible irrationalité.

Un agrégat de disciplines pour décrypter l’humain

Si l’on parle DES sciences comportementales, au pluriel, ce n’est pas un hasard. Il ne s’agit pas d’un champ unique, mais d’un carrefour où plusieurs disciplines se rencontrent pour éclairer le comportement humain sous différents angles. C’est cet agrégat qui en fait la richesse. On y retrouve notamment :

  • La psychologie cognitive : Elle nous aide à comprendre les mécanismes mentaux de la perception, de l’attention, de la mémoire et de la prise de décision. C’est elle qui met en lumière les fameux biais cognitifs.
  • Les neurosciences : Elles nous permettent de regarder ce qui se passe dans le cerveau lorsque nous faisons un choix, en identifiant les circuits de la récompense, de la peur ou de l’effort.
  • L’économie comportementale : C’est la discipline qui a popularisé ces concepts, en montrant comment ces facteurs psychologiques influencent les décisions économiques, souvent de manière contre-intuitive.
  • La psychologie sociale : Elle étudie comment nos pensées, sentiments et comportements sont influencés par la présence, réelle ou imaginaire, des autres.

Mon travail, chez Mutatio, consiste précisément à utiliser cette boîte à outils pour résoudre des problèmes très concrets. Il ne s’agit pas de théories abstraites, mais de leviers d’action. En identifiant si un comportement est freiné par une habitude tenace, une norme sociale contraire, ou une friction dans le parcours, nous pouvons trouver le ‘bon bouton sur lequel appuyer pour changer les comportements’. Pour un marketeur, maîtriser ces concepts, c’est comme passer d’une carte en noir et blanc à une carte en 3D couleur : on voit soudain apparaître tout le relief de la psychologie du consommateur.

Avant de voir comment un géant comme McDonald’s a pu trébucher en ignorant ces principes, il est essentiel de bien comprendre le cœur du problème : ce fameux ‘Say versus Do Gap’ qui nous donne tant de fil à retordre.

Le ‘Say versus Do Gap’ : le gouffre entre l’intention et l’action

Il existe une phrase, un peu provocatrice mais terriblement juste, du grand publicitaire David Ogilvy, que j’aime beaucoup citer car elle résume parfaitement le défi auquel nous sommes confrontés. Elle agit comme une boussole pour quiconque travaille dans le marketing ou les études. Cette phrase, c’est celle-ci :

Les consommateurs ne pensent pas ce qu’ils ressentent. Ils ne disent pas ce qu’ils pensent et bien souvent ils font pas ce qu’ils disent.

Cette citation met le doigt sur une vérité fondamentale : il y a plusieurs couches de déconnexion entre le ressenti profond d’un individu et son action finale. C’est entre la dernière partie de cette phrase – ‘ils ne font pas ce qu’ils disent’ – que se niche le ‘Say versus Do Gap’. C’est un phénomène universel. Demandez à n’importe qui s’il est pour la protection de l’environnement, et il vous répondra ‘oui’ avec conviction. Pourtant, ses actions quotidiennes ne reflètent pas toujours cette conviction. Ce n’est pas de l’hypocrisie, mais la simple expression de la complexité humaine. Et c’est précisément ce qui se passe quand un client vous assure de son intention d’achat, mais ne passe jamais à l’acte.

Pourquoi ne faisons-nous pas ce que nous disons ? Les forces invisibles qui dictent nos actions

Comprendre ce qui crée ce fossé est la clé pour le combler. Plusieurs forces puissantes, souvent inconscientes, entrent en jeu entre le moment où l’on formule une intention et celui où l’on agit. Ces forces sont comme des courants sous-marins qui dévient notre trajectoire. Les identifier, c’est déjà commencer à reprendre le contrôle.

Le premier obstacle, et le plus massif, est le poids de la récurrence des comportements. Nos cerveaux sont des machines à optimiser l’énergie. Pour ce faire, ils créent des autoroutes neuronales : les habitudes. Changer une habitude, même petite, demande un effort cognitif considérable. Si votre produit demande à un client de modifier une routine bien ancrée depuis des années, vous ne lui demandez pas juste d’acheter quelque chose de nouveau, vous lui demandez de déconstruire une autoroute et de bâtir une nouvelle route à la pioche. Comme je l’évoquais, ‘le fait d’avoir pendant 30 ans fait d’une certaine façon va être un obstacle au fait d’adopter un nouveau geste’.

Le deuxième facteur est la dimension sociale. Nous sommes câblés pour nous conformer au groupe. C’est un mécanisme de survie ancestral. Si personne autour de moi n’utilise votre service, ou pire, s’ils utilisent celui de votre concurrent, l’adopter me demande de m’opposer inconsciemment à la norme sociale. C’est ce qu’on appelle le ‘biais de conformité’. Cela crée une friction psychologique énorme, même si votre produit est objectivement meilleur. Le client se demande : ‘Pourquoi serais-je le seul à faire ça ?’.

Enfin, il y a ce que j’appelle la tyrannie de la facilité. Notre cerveau fonctionne à l’économie d’énergie. Face à deux options, il choisira quasi systématiquement celle qui demande le moins d’effort, le moins de ‘friction’. Ces frictions peuvent être minimes : un formulaire un peu trop long, une étape de plus dans le processus d’achat, une information manquante qui oblige à réfléchir… Chacune de ces micro-difficultés est un obstacle qui élargit le ‘Say versus Do Gap’. On peut avoir la meilleure intention du monde, mais si le chemin vers l’action est semé d’embûches, même petites, l’énergie initiale s’épuise et l’abandon devient l’option la plus facile.

Ces trois forces – l’habitude, la conformité et la facilité – sont les véritables gardiennes de l’inaction. Votre produit peut avoir convaincu l’esprit rationnel de votre client, mais si vous n’avez pas de stratégie pour déjouer ces gardiennes, il y a de fortes chances que son intention reste lettre morte. L’histoire qui suit, celle d’un des plus grands échecs de l’histoire du marketing, en est une illustration parfaite et douloureuse.

L’échec retentissant du Arch Deluxe : quand McDonald’s a ignoré le contexte humain

Parler d’échec est toujours instructif, mais lorsque l’échec concerne un géant comme McDonald’s et qu’il implique des centaines de millions de dollars, la leçon devient magistrale. C’est le cas du Arch Deluxe, un burger lancé en grande pompe dans les années 90, qui reste aujourd’hui un cas d’école dans l’univers des sciences comportementales. Cette histoire illustre à la perfection les dangers de se fier au déclaratif et d’ignorer le contexte réel dans lequel les consommateurs prennent leurs décisions.

300 millions de dollars d’investissement pour un fiasco : une leçon d’humilité

Imaginez la scène. Nous sommes au milieu des années 90. McDonald’s est au sommet, mais sent le besoin de se réinventer, de toucher une cible plus adulte et sophistiquée. L’idée émerge : créer un burger ‘pour les adultes’. Le projet est colossal. L’entreprise investit des sommes astronomiques pour l’époque : ‘200 millions d’euros en promotion et en publicité et un peu plus de 100 millions en études et en R&D’. Au total, plus de 300 millions de dollars. C’est l’un des plus gros lancements de l’histoire de la marque. On ne parle pas ici d’une intuition lancée au hasard. Des armées de chercheurs, de marketeurs, ont travaillé sur le projet. Ils ont fait des tests, des sondages, des focus groups. Tout l’attirail y est passé. Et pourtant, le résultat fut un fiasco total, rapide et sans appel. Le Arch Deluxe a été retiré des menus en un temps record, laissant derrière lui une perte financière abyssale et une grande question : comment a-t-on pu se tromper à ce point avec autant de moyens ?

Les erreurs d’analyse fatales : quand les études décontextualisées mènent au désastre

La réponse se trouve précisément dans le ‘Say versus Do Gap’. Les équipes de McDonald’s ont commis l’erreur classique : elles ont pris pour argent comptant ce que les gens disaient dans un environnement de test stérile, sans comprendre ce qu’ils feraient réellement dans le contexte d’un restaurant McDonald’s. Leurs études étaient massivement basées sur des questions d’intention d’achat. On présentait le concept, une belle photo du burger, un argumentaire léché sur le ‘goût pour adultes’, et on demandait aux gens : ‘Avez-vous l’intention de l’acheter à 4 dollars ?’. Sur le papier, les réponses étaient positives. L’idée semblait séduisante. Mais c’était une illusion, pour plusieurs raisons fondamentales.

Premièrement, répondre à un sondage est ce que j’appelle une ‘free option’, une option gratuite. Dire ‘oui, j’achèterai’ ne coûte rien. Il n’y a aucun effort, aucun sacrifice financier. L’acte réel d’achat, lui, implique de sortir son portefeuille. C’est un coût, une perte que le cerveau n’aime pas. En ne simulant pas ce coût, les études passaient à côté de la psychologie réelle de la transaction.

Deuxièmement, et c’est le point le plus crucial, elles ont totalement ignoré le contexte. On n’entre pas chez McDonald’s comme on entre dans un bistro gastronomique. On va chez McDo pour une expérience spécifique, profondément ancrée dans nos mémoires, souvent liées à l’enfance. C’est une marque associée au plaisir simple, rapide, régressif. Le branding, l’odeur des frites, le goût du cheddar… tout cela forme une expérience cohérente. Le Arch Deluxe, avec sa promesse de sophistication, était en dissonance cognitive totale avec cette expérience. Les gens pouvaient dire en sondage qu’un ‘burger pour adultes’ était une bonne idée, mais une fois la porte du restaurant poussée, leur cerveau, conditionné par des années d’habitude et d’attentes, cherchait autre chose. Il cherchait le réconfort du Big Mac, pas une nouvelle expérience gustative complexe. Les études ont décontextualisé le produit de la marque et de l’environnement, et c’est ce qui a causé leur perte. L’échec du Arch Deluxe n’est pas l’échec d’un produit, c’est l’échec d’une méthode qui a oublié que nous sommes avant tout des ‘êtres de contexte’.

Cette histoire, bien que douloureuse pour McDonald’s, est une formidable opportunité pour nous tous d’apprendre. Elle nous force à nous poser la bonne question : comment faire pour ne pas tomber dans les mêmes pièges ?

Comment éviter le piège du ‘Say versus Do Gap’ dans votre stratégie

L’histoire du Arch Deluxe peut sembler intimidante. Si un mastodonte avec des moyens quasi illimités peut se tromper à ce point, quelles sont nos chances ? Rassurez-vous, la solution ne réside pas dans le budget, mais dans la méthode et l’état d’esprit. En intégrant quelques principes clés des sciences comportementales dans votre approche, vous pouvez considérablement réduire le risque et construire des stratégies marketing beaucoup plus robustes et efficaces.

Le premier pas : prendre conscience de son propre biais d’optimisme

Avant même de penser à vos clients, le premier travail doit se faire sur vous-même et vos équipes. Le plus grand ennemi de l’innovation et du marketing efficace est ce qu’on appelle le ‘biais d’optimisme’. C’est cette tendance naturelle que nous avons tous à être follement amoureux de notre propre idée, de notre produit, de notre service. Nous sommes convaincus de sa supériorité, de sa pertinence. Et c’est une bonne chose, il faut cette conviction pour avancer ! Mais le danger, c’est que ce biais nous rend aveugles. Il nous pousse à ‘sous-estimer toutes ces petites frictions et tous ces efforts qu’on va demander à la personne’ en face. On est tellement persuadé du ‘bien-fondé de ce qu’on fait’ qu’on oublie la réalité de l’autre. La première étape est donc une prise de conscience : je suis biaisé. Mon produit n’est pas le centre du monde de mon client. Pour lui, l’adopter représente un effort, un changement, un risque. Rien que le fait de se poser systématiquement la question ‘Quel est le coût réel (en temps, en argent, en effort cognitif, en changement d’habitude) pour mon client ?’ change radicalement la perspective.

Mettre le consommateur en situation réelle : l’antidote aux déclarations ‘gratuites’

Puisque nous avons vu que les intentions déclarées dans un contexte artificiel ne valent pas grand-chose, la solution logique est de se rapprocher le plus possible des conditions réelles. Il faut arrêter de demander aux gens ce qu’ils feraient et observer ce qu’ils font. Comment ? En créant des situations où leur choix a un coût, même minime. Au lieu d’un sondage d’intention d’achat, proposez une précommande avec un petit acompte, même remboursable. L’acte de payer, même une petite somme, change tout psychologiquement. Lancez votre produit en version bêta auprès d’un petit groupe d’utilisateurs. L’effort qu’ils devront fournir pour l’utiliser vous donnera des informations mille fois plus précieuses qu’un questionnaire. Faites des tests A/B sur votre site où vous ne testez pas seulement des couleurs de boutons, mais des propositions de valeur différentes, et mesurez les conversions réelles. L’objectif est de se méfier de tout ce qui est ‘gratuit sans effort pour le répondant’. Il faut créer des tests qui forcent les gens à ‘ouvrir leur portefeuille’ ou à investir de leur temps. C’est la seule façon d’obtenir un signal fiable et de ne pas construire sa stratégie sur un château de cartes de bonnes intentions.

Les ‘Nudges’ : des coups de pouce subtils pour faciliter le passage à l’action

Une fois que vous avez une offre qui a prouvé sa valeur dans un contexte réel, il reste un dernier défi : rendre le passage à l’action le plus simple possible. C’est ici qu’interviennent les ‘nudges’, ces fameux ‘coups de pouce’ issus de l’économie comportementale. Un nudge n’est pas une obligation ou une incitation financière. C’est un aménagement subtil de l’environnement de choix qui incite les gens à adopter un comportement souhaité, sans les contraindre. L’objectif est de réduire la friction au maximum et de jouer sur nos biais naturels. L’exemple que j’aime donner est celui de ce magasin qui a résolu un casse-tête de service client avec une idée géniale :

En entrée du magasin, tu as deux couleurs de panier. Tu as un panier noir. Tu prends un panier noir. Si tu souhaites pas qu’on t’importune […] Et tu as [un autre panier] si tu souhaites être accompagné.

C’est brillant de simplicité. Sans un mot, le client communique son besoin, et le vendeur sait exactement comment se comporter. C’est un nudge parfait. Dans votre contexte, cela peut prendre de multiples formes : pré-remplir les formulaires, proposer une option par défaut qui est la plus avantageuse pour la majorité, afficher des preuves sociales (‘X personnes ont acheté ce produit aujourd’hui’), simplifier radicalement le nombre de choix pour éviter la paralysie décisionnelle. Chaque friction que vous supprimez est un pas de plus qui rapproche votre client de l’action finale. Pensez à votre parcours client comme une rivière : chaque caillou, chaque branche est une friction qui ralentit le courant. Votre rôle est de nettoyer le lit de la rivière pour que l’eau coule sans effort jusqu’à la mer.

Conclusion : De l’intention à l’action, devenez l’architecte du choix

Nous avons parcouru un chemin fascinant, du fonctionnement interne de notre cerveau à l’un des plus grands fiascos de l’histoire du marketing. Le message principal à retenir est à la fois simple et profond : le marketing ne consiste pas seulement à convaincre l’esprit, mais à faciliter l’action du corps. L’être humain n’est pas un ordinateur logique, mais une créature d’habitudes, de contexte et d’émotions. Ignorer cette réalité, c’est se condamner à subir ce fameux ‘Say versus Do Gap’, ce gouffre frustrant entre les promesses et les actes.

Les sciences comportementales nous offrent une nouvelle grille de lecture, bien plus puissante. Elles nous rappellent que pour qu’une personne adopte un nouveau comportement, il ne suffit pas qu’elle soit convaincue ; il faut que le chemin vers ce comportement soit plus simple, plus attractif et socialement plus acceptable que le chemin de l’inaction. Votre rôle de marketeur évolue. Vous n’êtes plus seulement un vendeur, mais un véritable ‘architecte de choix’. Votre mission est de concevoir des environnements, des parcours et des messages qui tiennent compte de la psychologie humaine, qui réduisent les frictions, activent les bons leviers et transforment une intention volatile en un engagement concret.

Alors, la prochaine fois que vous concevrez une campagne, lancerez un produit ou créerez une page de vente, ne vous demandez pas seulement ‘Est-ce que mon argumentaire est convaincant ?’. Demandez-vous surtout : ‘Ai-je rendu l’action irrésistiblement simple ? Ai-je tenu compte des habitudes de mon client ? Ai-je levé les obstacles invisibles qui se dressent entre son désir et son clic ?’. C’est en adoptant cette perspective que vous cesserez de vous battre contre la nature humaine et commencerez à travailler avec elle, pour des résultats bien plus significatifs et durables.


Foire Aux Questions (FAQ)

1. Qu’est-ce que le ‘Say versus Do Gap’ en marketing ?

Le ‘Say versus Do Gap’ est un concept fondamental en sciences comportementales qui désigne l’écart, souvent important, entre ce qu’un consommateur déclare vouloir faire (son intention) et ce qu’il fait réellement (son comportement). En marketing, cela se manifeste typiquement lorsqu’un client exprime un fort intérêt pour un produit ou service, affirme son intention de l’acheter, mais ne finalise jamais la transaction. Ce n’est généralement pas un signe de malhonnêteté, mais le résultat de divers freins psychologiques comme le poids des habitudes, l’effort requis (friction), ou l’influence du contexte social qui surgissent entre le moment de la déclaration et l’opportunité d’agir.

Ça porte un nom, ça s’appelle le Say versus do gap. L’écart entre ce que l’on dit et ce que l’on fait. C’est très sérieux et c’est étudié par les spécialistes des sciences comportementales parce que ça peut avoir des implications très importantes.

2. Concrètement, qu’est-ce que les sciences comportementales ?

Les sciences comportementales ne sont pas une seule discipline, mais un ensemble de domaines scientifiques qui étudient les mécanismes de la décision et de l’action humaine. Elles agrègent des connaissances issues de la psychologie cognitive, des neurosciences, de l’économie comportementale et de la psychologie sociale. L’objectif est double : d’abord, décrypter pourquoi les gens se comportent d’une certaine manière, en reconnaissant qu’ils ne sont pas toujours rationnels ; ensuite, identifier des leviers d’action concrets pour influencer ces comportements. En marketing, elles servent à créer des stratégies plus efficaces car basées sur une compréhension réaliste de la psychologie du consommateur.

On parle des sciences comportementales parce que ça va être un un agrégat de de plusieurs disciplines. On va retrouver notamment la psychologie cognitive, les neurosciences […] l’économie comportementale […] pour décrypter les comportements et ensuite trouver des leviers d’action.

3. Pourquoi les études de marché traditionnelles peuvent-elles être trompeuses ?

Les études de marché traditionnelles, notamment celles basées sur des questionnaires d’intention d’achat, peuvent être très trompeuses car elles mesurent une déclaration dans un contexte artificiel, et non un comportement réel. Lorsqu’une personne répond à un sondage, son choix n’a aucun coût réel (ni financier, ni en effort). Elle donne une ‘option gratuite’. De plus, ces études décontextualisent souvent le produit de son environnement d’achat réel et de la marque. Comme l’a montré l’échec du Arch Deluxe de McDonald’s, une idée peut sembler séduisante sur le papier mais être en totale dissonance avec les attentes et les habitudes des consommateurs en situation réelle.

Le problème là-dedans c’est que quand un individu se prononce sur une intention d’achat, il achète pas. […] C’est ce qu’on appelle ce que les anglo-saxons appellent une free option. Donc c’est une option gratuite. Elle n’a pas de coût réel.

4. Quel est le plus grand piège pour un marketeur lorsqu’il lance un nouveau produit ?

Le plus grand piège est le ‘biais d’optimisme’. C’est la tendance naturelle à être tellement convaincu par la qualité et la pertinence de sa propre offre qu’on en oublie la perspective du client. Ce biais nous amène à sous-estimer considérablement les efforts et les frictions que l’adoption de notre produit représente pour le consommateur : changer une habitude, apprendre à utiliser une nouvelle interface, surmonter l’inertie, etc. On est persuadé que les bénéfices sont si évidents que le client fera l’effort nécessaire, alors qu’en réalité, son cerveau est programmé pour choisir la voie de la moindre résistance. Être conscient de ce biais est la première étape pour concevoir un parcours client réellement efficace.

Le biais d’optimisme, c’est de se dire qu’on a une super idée, qu’on a une super proposition de valeur. […] C’est de sous-estimer toutes ces petites frictions et tous ces efforts qu’on va demander à la personne qui va in fine à laquelle on s’adresse.

5. Comment le contexte influence-t-il la décision d’achat d’un client ?

Le contexte a une influence capitale et souvent sous-estimée sur nos décisions. Nous ne sommes pas la même personne et ne prenons pas les mêmes décisions au bureau, à la maison, ou dans un magasin. Le contexte inclut l’environnement physique (l’agencement d’un magasin, le design d’un site web), l’environnement social (sommes-nous seuls ou avec d’autres ? que font les autres ?), et notre état mental du moment (fatigué, pressé, détendu). L’échec du Arch Deluxe est un exemple parfait : l’idée d’un burger ‘adulte’ était acceptable dans le contexte abstrait d’une étude, mais pas dans le contexte réel d’un restaurant McDonald’s, associé à la simplicité et à l’enfance.

On est des êtres de contexte. Un individu dans un contexte donné va agir, peut agir de façon radicalement différente au contexte […] c’est le même individu, le contexte va le mener à avoir des comportements totalement différents.

6. Qu’est-ce qu’un ‘nudge’ et comment l’utiliser pour augmenter les ventes ?

Un ‘nudge’ est une intervention subtile dans l’environnement de choix qui incite une personne à adopter un comportement spécifique, sans la contraindre ni lui offrir une récompense financière. C’est un ‘coup de pouce’ qui joue sur nos biais cognitifs pour rendre la bonne décision plus facile. En marketing, on peut utiliser les nudges pour réduire les frictions et guider le client vers l’achat. Des exemples incluent le fait de proposer une option par défaut (ex: l’abonnement le plus populaire), d’utiliser la preuve sociale (‘les clients ont aussi acheté…’), de simplifier radicalement un formulaire, ou de rendre le processus plus ludique et gratifiant.

On a des des mécanismes d’incitation qu’on appelle les nudge qui vont être là pour faciliter le passage à l’action. Ces mécanismes, ils jouent beaucoup sur cette dimension de simplification, sur le côté un peu ludique pour rendre l’effort le moins coûteux possible.

7. En quoi l’échec du Arch Deluxe de McDonald’s est-il un cas d’école pour le marketing ?

L’échec du Arch Deluxe est emblématique car il démontre qu’un budget colossal et une multitude d’études de marché ne garantissent pas le succès si la méthode ignore la psychologie humaine fondamentale. Ce cas d’école nous apprend trois leçons cruciales. Premièrement, le déclaratif des consommateurs est peu fiable. Deuxièmement, le contexte de la marque et de l’achat est plus important que les caractéristiques du produit seul. Troisièmement, il est dangereux de déconnecter un produit de l’identité profonde de la marque. Le Arch Deluxe a échoué parce qu’il demandait aux clients de se comporter d’une manière qui était en conflit avec tout ce que McDonald’s représentait pour eux.

C’est de se dire comment on peut se planter parce que ça a été vraiment un échec et un échec rapide […] Comment on peut se tromper avec autant d’investissement et autant d’effort. Et la réponse, elle est dans le fait de ne pas avoir suffisamment intégré le facteur humain.


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