Et si tout ce que vous pensiez savoir sur le marketing était faux ?
Je m’appelle Antoine Susini et je suis le directeur marketing d’Heineken en France. Depuis plus de vingt ans, je navigue dans cet univers fascinant, et comme beaucoup, j’ai été formé avec certains dogmes : la différenciation est vitale, fidéliser un client coûte cinq fois moins cher qu’en acquérir un nouveau, la loi de Pareto des 80/20… Ces phrases, nous les avons tous entendues. Elles sont le socle sur lequel reposent d’innombrables stratégies. Mais que se passerait-il si ces piliers n’étaient en fait que du sable ? Si ces théories, autrefois valables, étaient aujourd’hui obsolètes ou, pire, fondamentalement erronées ?
Cette question, qui peut sembler iconoclaste, est au cœur de notre approche chez Heineken. Lors d’une discussion récente avec mon amie de longue date, Estelle Ballot, pour son ‘Podcast du Marketing’, nous avons mis le doigt sur une divergence fondamentale. Je lui expliquais que notre stratégie ne reposait pas sur ces grands principes. Que nous avions, depuis plusieurs années, fait voler en éclats un bon nombre de ces croyances. Sa réaction, un mélange de surprise et de curiosité, m’a conforté dans l’idée qu’il fallait partager cette vision. Une vision qui peut paraître à contre-courant, mais qui, je peux vous l’assurer, fonctionne.
Cette révolution intellectuelle a un nom : Byron Sharp. Un professeur australien dont le livre, ‘How Brands Grow’, a profondément infusé notre manière de penser le marketing. Son approche, étayée par des décennies de données, prend le marketing à revers et nous force à une humilité salutaire. Dans les lignes qui suivent, je vais vous emmener dans les coulisses de la stratégie d’Heineken. Je vais déconstruire avec vous trois grands mythes marketing et vous montrer comment, en les remplaçant par des principes basés sur le comportement réel des consommateurs, nous construisons une croissance durable. Préparez-vous à challenger vos certitudes.
Chapitre 1 : Le mythe de la fidélité absolue et la découverte de Byron Sharp
Le point de départ de toute notre réflexion est un constat simple mais brutal : l’immense majorité des marketeurs se trompe. C’est en tout cas la thèse provocatrice de Byron Sharp. Quand Estelle et moi avons réalisé que nous avions tous les deux croisé son chemin – elle comme son élève en Australie il y a 20 ans, moi à travers ses écrits qui façonnent notre stratégie chez Heineken – nous avons su que nous tenions un sujet essentiel. Il fallait expliquer pourquoi cette pensée, qui semble dynamiter les fondations de notre métier, est en réalité un guide incroyablement pragmatique et efficace pour faire grandir une marque aujourd’hui.
La conversation qui remet tout en question
Tout a commencé simplement. Estelle me demandait ce qu’il y avait d’original dans notre approche marketing chez Heineken. Je lui ai répondu : ‘en fait, il y a nous on est on a été un peu biberonné à l’école de ce mec là Byron Sharp’. Cette phrase a été le déclencheur. Elle a ouvert la porte sur une discussion passionnante concernant la remise en cause des principes que l’on nous a enseignés. En école de commerce, on nous apprend à segmenter, cibler, positionner. On nous parle de créer des relations profondes avec nos clients, de les chouchouter pour en faire des ambassadeurs loyaux. L’idée est séduisante, presque romantique. Mais dans le monde réel de la grande consommation (FMCG), un secteur ultra-compétitif où le consommateur fait ses choix en quelques secondes devant un rayon surchargé, cette vision est-elle encore pertinente ? Chez Heineken, l’expérience et les données nous ont montré que la réalité était bien plus complexe et, disons-le, moins sentimentale. Nous avons dû admettre que se concentrer uniquement sur la fidélisation d’un noyau dur de clients était une stratégie de stagnation, pas de croissance.
Byron Sharp, le provocateur qui a changé notre vision du marketing
Pour comprendre notre démarche, il faut comprendre qui est Byron Sharp. Ce n’est pas juste un théoricien de plus. C’est un scientifique du marketing. Son livre, au sous-titre audacieux ‘What Marketers Don’t Know’ (‘Ce que les marketeurs ne savent pas’), n’est pas une collection d’opinions, mais une synthèse de recherches empiriques sur des décennies et des centaines de marques. Il ne demande pas de le croire sur parole ; il présente des lois, des schémas récurrents dans le comportement d’achat, qui se vérifient quelle que soit la catégorie de produit.
C’est un sujet effectivement qui est qui est qui est intéressant parce que Byron Sharp il prend un petit peu le marketing à revers. […] il va même assez loin dans son bouquin […] en gros, il dit très clairement dès le dès l’introduction l’immense majorité des marketers se plante complètement.
Ce qui nous a séduits chez Heineken, c’est cette approche factuelle. Au lieu de partir de ce que nous *voulions* que les consommateurs fassent (être fidèles, aimer notre marque passionnément), nous avons commencé à regarder ce qu’ils *faisaient* réellement. Et ce que nous avons découvert, grâce à Sharp, a tout changé. Nous avons arrêté de nous battre contre la nature humaine pour apprendre à travailler avec elle. Cela implique d’accepter des vérités parfois difficiles, mais qui, une fois comprises, ouvrent un champ de possibilités stratégiques bien plus puissant.
Cette remise en question est la première étape, essentielle, avant de pouvoir bâtir quoi que ce soit de solide. Il faut accepter de déconstruire pour mieux reconstruire. C’est précisément ce que nous avons fait en nous penchant sur le concept le plus fondamental de Sharp : l’infidélité naturelle du consommateur.
Chapitre 2 : Le consommateur est infidèle par nature, le principe fondateur de notre stratégie
Le premier dogme que Byron Sharp fait voler en éclats, et le plus important, est celui de la loyauté. L’idée que nous devons construire notre business sur la rétention de clients fidèles est, selon lui, une erreur fondamentale. Sa thèse, qui est le pilier de notre stratégie chez Heineken, est simple et décapante : les consommateurs sont, par nature, infidèles. Cette affirmation n’est pas une opinion, mais un fait observable et mesurable, qui change absolument toute la perspective.
Le concept du ‘Leaky Bucket’ (le seau percé) : la course sans fin de l’acquisition
Pour illustrer ce principe, Sharp utilise une métaphore très parlante : le ‘Leaky Bucket’, ou le seau percé. Imaginez que votre base de clients est contenue dans un seau. Ce que la plupart des marketeurs ignorent, c’est que ce seau est percé de milliers de petits trous. En permanence, des clients s’échappent. Votre premier travail n’est donc pas d’ajouter de l’eau, mais de compenser la fuite constante, simplement pour maintenir le niveau.
Les chiffres sont vertigineux et nous les vérifions chaque année sur nos propres marques. Ils sont un rappel constant à l’humilité.
Une grande marque leader, c’est une marque qui à peu près perd 50 % de ses consommateurs chaque année qui donc en fait ne serait-ce que pour maintenir sa stabilité en terme de nombre de consommateurs doit doit reconquérir la moitié de ses consommateurs chaque année.
Pensez-y une seconde. 50% ! Pour une marque comme Heineken, qui a une pénétration d’environ 20% des foyers français, cela signifie que chaque année, nous perdons 10% de pénétration. Nous devons donc reconquérir des millions de foyers juste pour ne pas décliner. C’est un effort d’acquisition colossal et permanent. Et pour les marques plus petites, le phénomène est encore plus violent : le taux de perte peut monter à 75 ou 80%. Face à cette réalité, l’idée de se concentrer principalement sur la fidélisation des 50% restants semble soudainement dérisoire. La véritable source de croissance, la seule, est la capacité à recruter constamment de nouveaux acheteurs.
Le raisonnement en ‘répertoire’ : la fin du client exclusif
Pourquoi cette fuite permanente ? Parce que les consommateurs ne sont pas ‘mariés’ à une marque. Ils raisonnent en ‘répertoire’. Pour un besoin donné – disons, ‘boire une bière blonde’ – ils n’ont pas une seule réponse, mais un panier de 2, 3 ou 4 marques qu’ils considèrent acceptables. Ils naviguent entre ces marques en fonction de la situation, de la disponibilité, d’une promotion ou simplement de l’habitude.
Les consommateurs raisonnent en répertoire, c’est-à-dire qu’en fait ils en fait un consommateur qui a un besoin X ou Y sur telle ou telle catégorie, il ne va pas par définition sauf très rares exceptions […] être fidèle à une marque en tant que tel, il va être il va avoir un besoin en fait.
Le consommateur est fondamentalement paresseux. Il cherche à satisfaire son besoin de la manière la plus simple et la moins risquée possible. Notre objectif n’est donc pas de créer un amour exclusif et passionné, mais de devenir le choix le plus évident, le plus facile, le plus fréquent au sein de ce répertoire. Pour gagner, il ne faut pas être radicalement différent, il faut être mentalement et physiquement plus disponible que les autres. C’est un changement de paradigme complet. On ne cherche plus la préférence passionnée, on cherche la facilité d’accès mentale et physique. Et cela nous amène directement à la manière dont on doit construire la marque dans l’esprit des gens.
Chapitre 3 : De la différenciation à la distinctivité, comment imprimer sa marque dans l’esprit du consommateur
Si les consommateurs sont infidèles et choisissent par facilité, comment émerger ? La réponse traditionnelle serait : par la différenciation. Avoir un ‘Unique Selling Proposition’ (USP), un message que personne d’autre ne peut revendiquer. Byron Sharp, et nous avec lui, pensons que c’est une quête souvent vaine. Dans des marchés matures, les produits sont très similaires. La véritable bataille ne se joue pas sur la différence, mais sur la ‘distinctivité’. Il ne s’agit pas d’être différent, il s’agit d’être reconnaissable entre tous, instantanément.
La puissance de la disponibilité mentale : créer des autoroutes dans le cerveau
L’objectif ultime de la marque est de créer un raccourci mental. Quand un consommateur a un besoin, notre marque doit lui venir à l’esprit comme la solution la plus évidente. C’est ce que Sharp appelle la ‘disponibilité mentale’. Pour y parvenir, il faut créer des associations fortes et uniques dans la mémoire des gens. Ce sont les ‘assets’ de la marque : une couleur (le vert Heineken), un symbole (l’étoile rouge), une forme de bouteille, un slogan, un jingle. Ces éléments n’ont pas besoin de communiquer une ‘différence’ fonctionnelle. Leur seule fonction est de dire ‘C’est moi !’ de la manière la plus rapide et efficace possible.
Comme Estelle le rappelait très justement, le cerveau humain est programmé pour économiser de l’énergie. Il fuit la complexité et privilégie ce qu’il connaît déjà. Chaque décision, même minime comme choisir une bière, consomme de l’énergie. Une marque distinctive, cohérente et familière simplifie cette décision. Elle ne demande pas de réflexion. Le choix devient un réflexe.
Celle qui va s’en sortir, c’est celle qui va créer le cheminement le plus direct entre un besoin et la solution au besoin. Et ça ne passe pas que par de la communication puisque ça passe évidemment par de la présence effective […] le fait d’être là, d’être présent, d’être disponible.
Cette disponibilité est double : mentale (venir à l’esprit) et physique (être facile à trouver et à acheter en rayon). Les deux sont indissociables. Être la marque la plus mémorable ne sert à rien si le client ne vous trouve pas en magasin. C’est pourquoi le packaging, le design, la visibilité en rayon sont des éléments marketing aussi cruciaux que la publicité.
L’obsession de la simplicité et de la répétition
Pour construire ces raccourcis mentaux, deux choses sont non négociables : la simplicité et la répétition. En tant que marketeurs, nous avons souvent tendance à la complexité. Nous voulons tout dire dans nos campagnes : parler aux nouveaux clients, aux anciens, promouvoir une innovation, renforcer l’image… Le résultat est souvent un message brouillé et inefficace. La réalité du terrain est brutale : nous n’avons que quelques secondes, voire une fraction de seconde, pour capter l’attention.
Moi je fais des panneaux d’affichage si dans le panneau d’affichage en une demi seconde le mec il a pas compris de quoi je je lui parlais, il a autre chose à foutre que de lire mon panneau d’affichage et de et de le décoder en fait.
Cette règle de la demi-seconde est notre guide. Est-ce qu’on comprend immédiatement qui parle et de quoi on parle ? Si la réponse est non, c’est un échec. Cela nous oblige à être d’une clarté absolue, à nous concentrer sur un seul message et à le répéter, encore et encore, à travers tous nos points de contact, de manière cohérente. La cohérence n’est pas l’ennemie de la créativité ; elle en est le cadre. C’est grâce à cette répétition acharnée que l’on finit par imprimer la marque dans la mémoire à long terme du consommateur. Et cette approche a des conséquences directes sur la manière dont nous planifions nos communications.
Chapitre 4 : Repenser la communication, l’ère de la présence continue
Puisque les consommateurs nous oublient en permanence (le seau percé) et que notre but est de construire des schémas mentaux par la répétition, notre façon de communiquer doit radicalement changer. Le vieux modèle des grandes campagnes ponctuelles, très intenses puis suivies de longs silences, est devenu obsolète. Pour être mentalement disponible, il faut être présent en continu.
‘Always On’ vs ‘Burst’ : pourquoi il vaut mieux être toujours là
Autrefois, avec des médias comme la télévision ou l’affichage, la logique était de concentrer tous les investissements sur une courte période pour maximiser l’impact. On créait un ‘burst’ de communication pendant deux ou trois semaines, puis plus rien pendant des mois. Le problème de cette approche est évident à la lumière de ce que nous venons de voir : pendant les longues périodes de silence, les consommateurs vous oublient. Les raccourcis mentaux que vous avez péniblement construits s’effacent.
Byron Sharp préconise exactement l’inverse. Il vaut mieux répartir son budget pour maintenir une présence constante, même à plus faible intensité, tout au long de l’année.
En fait lui il dit précisément le contraire. C’est il dit en fait la la la la réalité, c’est qu’en fait comme les consommateurs vous oublient en permanence, il vaut mieux être là tout le temps un peu plutôt que de faire des espèces de grandes burst et qu’ensuite les consommateurs vont vous oublier pendant 6 ou 8 mois.
Heureusement, les médias digitaux rendent cette stratégie ‘always on’ beaucoup plus accessible et abordable qu’auparavant. Le social media, la publicité programmatique, le contenu de marque nous permettent de maintenir un contact permanent avec notre audience, de renforcer constamment nos ‘assets’ distinctifs et de rappeler notre existence au moment où le besoin peut survenir. Il ne s’agit pas de marteler le même message publicitaire en permanence, mais d’orchestrer une présence continue et cohérente sur tous les canaux.
Acquisition et fidélisation : les deux faces de la même pièce
J’en viens maintenant à l’objection la plus fréquente, celle qu’Estelle a soulevée : ‘Mais Antoine, on nous a toujours dit que fidéliser un client coûtait 5 à 6 fois moins cher que d’en acquérir un nouveau ! En vous concentrant sur l’acquisition, ne jetez-vous pas l’argent par les fenêtres ?’ C’est une question légitime, qui mérite une réponse nuancée. La réalité, c’est que cette dichotomie entre acquisition et fidélisation est en grande partie artificielle. Dans notre modèle, les actions que nous menons pour acquérir de nouveaux clients sont les mêmes que celles qui fidélisent les clients existants.
J’aime beaucoup le parallèle avec la vie amoureuse :
Il vaut mieux chercher à séduire en permanence plutôt que de plutôt que d’essayer de de vivre sur ses acquis. En gros, il y a quelque chose de cet ordre là.
En travaillant à être une marque désirable, visible, facile à trouver et claire dans ce qu’elle propose pour attirer de nouvelles personnes, vous rappelez simultanément à vos clients actuels pourquoi ils vous ont choisi. Vous entretenez la flamme. Une marque qui n’attire plus de nouveaux clients est une marque qui devient vieillissante et moins désirable, y compris pour ses fidèles. La meilleure stratégie de rétention est donc une stratégie d’acquisition agressive et permanente. Elle assure que la marque reste vivante, pertinente et toujours présente à l’esprit, pour tout le monde.
Conclusion : Osez l’humilité pour mieux grandir
Si je devais résumer en quelques mots la révolution que la pensée de Byron Sharp a provoquée chez nous, je dirais qu’elle nous a appris l’humilité. L’humilité de reconnaître que nos consommateurs ont autre chose à faire que de penser à nos marques. L’humilité d’accepter qu’ils sont infidèles et que nous devons regagner leur préférence à chaque occasion. L’humilité, enfin, de comprendre que notre rôle n’est pas de créer des messages complexes et intelligents pour nous faire plaisir, mais de simplifier leur vie en étant une évidence.
Les grands principes à retenir sont donc d’une clarté limpide. Premièrement, acceptez que votre croissance viendra majoritairement de l’acquisition de nouveaux clients, et surtout des acheteurs occasionnels. Deuxièmement, cessez de vous battre pour une différenciation compliquée et concentrez-vous sur une distinctivité implacable : soyez reconnaissable au premier coup d’œil. Troisièmement, construisez la disponibilité mentale de votre marque par la simplicité et la répétition continue, en étant ‘always on’. Enfin, n’opposez plus acquisition et fidélisation ; comprenez qu’en cherchant à séduire en permanence, vous fidéliserez naturellement.
Je vous invite à faire l’exercice. Regardez vos propres marques, vos propres stratégies. Sont-elles basées sur le comportement réel de vos clients ou sur des mythes marketing ? Cette remise en question est peut-être inconfortable au début, mais elle est incroyablement libératrice. Elle permet de concentrer ses efforts et ses ressources sur ce qui compte vraiment pour la croissance. C’est un chemin exigeant, mais c’est, j’en suis convaincu, le chemin le plus sûr pour construire des marques fortes et durables.
Questions fréquentes sur la stratégie marketing inspirée de Byron Sharp
1. Quelle est la principale leçon de Byron Sharp appliquée par Heineken ?
La leçon la plus fondamentale que nous avons tirée de Byron Sharp est d’accepter une vérité dérangeante : les consommateurs sont par nature infidèles. Ils ne sont pas engagés dans une relation exclusive avec une marque. Ils opèrent au sein d’un ‘répertoire’ de choix acceptables pour un besoin donné. Notre stratégie ne vise donc pas à créer une loyauté absolue, mais à maximiser notre présence et notre pertinence au sein de ce répertoire pour être choisi le plus souvent possible. Cela nous force à être constamment sur le qui-vive pour attirer et ré-attirer les consommateurs.
Le principal enseignement de Byron Sharp, en gros, si je dois résumer son truc […] C’est de te dire les consommateurs sont par nature infidèles. Donc en fait la notion de loyauté dans la construction de son business en fait, selon lui est totalement surestimé par les par les marketers.
2. Pourquoi la stratégie d’Heineken privilégie-t-elle l’acquisition à la fidélisation ?
Nous privilégions l’acquisition car les données prouvent que c’est le principal moteur de croissance. C’est une conséquence directe du phénomène du ‘seau percé’ (‘leaky bucket’) : chaque année, une marque comme la nôtre perd naturellement près de 50% de sa base de consommateurs. L’effort pour simplement maintenir notre position est colossal. Se concentrer uniquement sur les clients restants serait une stratégie de déclin. La croissance vient mathématiquement de notre capacité à recruter plus de nouveaux acheteurs que nous n’en perdons. L’acquisition n’est donc pas un choix, c’est une nécessité vitale pour la survie et le développement de la marque.
Chaque année les marques doivent reconstituer leur leur cœur de consommateurs avant même de penser à à fidéliser ou recruter puisque les grandes marques perdent une grande partie de leurs consommateurs d’une année sur l’autre.
3. Qu’est-ce que la ‘distinctivité’ d’une marque et pourquoi est-ce si important ?
La ‘distinctivité’ est la capacité d’une marque à être reconnue facilement et rapidement par les consommateurs, sans confusion possible. Elle repose sur des éléments sensoriels cohérents : un logo, des couleurs, une forme de packaging, un jingle, un slogan. C’est plus important que la ‘différenciation’ (le fait d’avoir un message unique) car le cerveau du consommateur, paresseux, choisit ce qu’il identifie le plus vite. Être distinctif, c’est créer un raccourci mental qui facilite le choix en rayon. C’est s’assurer que lorsque le client cherche une bière, nos codes (le vert, l’étoile rouge) lui sautent aux yeux et déclenchent un réflexe d’achat.
Ce qu’il appelle la distinctiveness, c’est-à-dire de se dire que à un moment donné ta marque, elle doit être suffisamment forte sur son répertoire pour imprimer la tête de l’esprit de tes consommateurs avec ses spécificités de manière extrêmement claire.
4. En quoi consiste le principe du ‘seau percé’ (leaky bucket) en marketing ?
Le principe du ‘seau percé’ est une métaphore pour décrire l’érosion naturelle et continue de la base de clients d’une marque. Chaque année, un pourcentage significatif de vos acheteurs ne rachètera pas votre produit, non pas par insatisfaction, mais simplement parce qu’ils essaient autre chose, qu’ils n’ont pas trouvé le produit, ou qu’une autre marque était plus visible. Pour les grandes marques, cette perte peut atteindre 50% par an, et pour les plus petites, jusqu’à 80%. Cela signifie que le premier travail du marketing est de ‘colmater’ cette fuite en recrutant constamment de nouveaux clients, juste pour rester stable.
Il il il parle d’un truc qui s’appelle le Liquid bucket, c’est-à-dire le fait que il y a une espèce de saut percé en fait et que les consommateurs d’une marque sont dans un saut percé, c’est-à-dire qu’ils s’échappent en permanence.
5. Comment Heineken a-t-il changé son approche de la communication publicitaire ?
Nous sommes passés d’un modèle de campagnes en ‘bursts’ à une approche ‘always on’. Auparavant, nous concentrions nos investissements sur de courtes périodes très intenses, suivies de longs mois de silence radio. En réalisant que les consommateurs nous oublient constamment, nous avons compris qu’il était plus efficace de lisser nos investissements pour maintenir une présence continue tout au long de l’année. Grâce aux médias digitaux, nous pouvons être présents en permanence à un coût maîtrisé, afin de renforcer sans cesse nos schémas mentaux et d’être là quand le besoin se manifeste, plutôt que de tout miser sur quelques semaines par an.
Il vaut mieux être là tout le temps un peu plutôt que de faire des espèces de grandes burst et qu’ensuite les consommateurs vont vous oublier pendant 6 ou 8 mois.
6. Le coût d’acquisition n’est-il pas plus élevé que celui de la rétention ?
Si l’on regarde le coût unitaire, c’est souvent vrai. Cependant, cette vision est trompeuse car elle oppose deux choses qui, dans notre stratégie, sont liées. Les actions que nous menons pour être attractifs auprès de nouveaux consommateurs (communication claire, produits de qualité, bonne visibilité) sont exactement les mêmes qui renforcent le choix de nos clients existants. En cherchant à séduire de nouveaux publics, nous restons pertinents et désirables pour tout le monde. C’est comme dans un couple : l’effort de séduction permanent bénéficie autant à la conquête qu’à la solidité de la relation existante. Se focaliser uniquement sur le coût de rétention, c’est prendre le risque de vivre sur ses acquis et de devenir invisible.
La réalité des choses, c’est que c’est vrai que qu’on qu’un nouveau client, c’est ça coûte plus cher que de le que d’essayer de de le garder. Lui ce qu’il dit, c’est que comme les consommateurs sont par nature infidèles, de toute façon, ça sert pas à grand-chose d’aller garder.
7. Comment créer des ‘schémas mentaux’ efficaces chez les consommateurs ?
Pour créer un schéma mental, ou un raccourci, il faut viser la simplicité et la cohérence. Premièrement, le message doit être limpide. Le consommateur doit comprendre en une fraction de seconde qui parle et ce que la marque propose. Deuxièmement, il faut marteler ce message et les codes de la marque (couleurs, logo, etc.) de manière obsessionnellement cohérente sur tous les points de contact et dans la durée. C’est cette répétition qui ancre la marque dans la mémoire à long terme. Le but est que le besoin déclenche automatiquement la pensée de la marque comme solution, sans effort cognitif de la part du client.
Votre premier objectif c’est de recruter des nouveaux consommateurs et pour recruter des nouveaux consommateurs, il faut imprimer un schéma mental. Voilà point barre.


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