Cookieless : la fin des cookies tiers est un débat d’hier, préparez-vous à la réalité de demain
Dans l’univers du marketing digital, il y a des marronniers, des blagues récurrentes qui rythment nos années. Pendant longtemps, la phrase consacrée était : ‘cette année, c’est l’année du mobile’. Une prophétie auto-réalisatrice qui a fini par devenir une évidence. Aujourd’hui, cette blague a été mise à jour, remplacée par une autre, bien plus anxiogène pour beaucoup : ‘cette année, c’est la fin du cookie third-party’. On parle de l’année de l’ID unique, de l’année du cookieless. Mais au fond, cette annonce, maintes fois repoussée par Google, cache une réalité bien plus profonde et déjà installée. Nous ne sommes pas à l’aube de l’ère cookieless, nous y sommes déjà, et ce depuis un certain temps.
Cette transition, loin d’être un simple changement technique, est un véritable séisme qui redéfinit les règles du jeu pour les annonceurs, les agences, les éditeurs et les entreprises technologiques. Au cœur de cette tempête se trouve la Privacy Sandbox de Google, présentée comme l’arche de Noé qui sauvera l’écosystème publicitaire. Pourtant, les premiers retours du marché, notamment une étude récente de Criteo, jettent un froid glacial sur ces promesses. Perte de revenus massive pour les éditeurs, latences techniques, questions de gouvernance… la solution miracle semble pour l’instant créer plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Pour naviguer dans ce brouillard stratégique, j’ai le plaisir d’échanger avec Margarita Zlatkova, Directrice Data et Programmatique chez Weborama. Son expertise de terrain, à la tête d’un trading desk, nous offre une perspective unique et pragmatique sur les enjeux actuels. Comme elle le dit si bien, il est temps de faire un ‘refresh de l’actualité cookieless sur 2024’. Cet article n’est pas une simple transcription de notre conversation. C’est une plongée en profondeur dans les mécanismes de cette révolution, un guide pour comprendre non seulement ce qui se passe, mais surtout pourquoi, et comment s’y préparer. Nous allons décortiquer l’état réel du marché, analyser sans concession les failles de la Privacy Sandbox, explorer les alternatives qui gagnent en maturité et, surtout, aborder le défi ultime : comment mesurer la performance quand le pilier de notre écosystème s’effondre ? Attachez vos ceintures, le voyage au cœur du monde post-cookie commence maintenant.
L’illusion du temps : pourquoi nous vivons déjà dans un monde cookieless
L’annonce par Google du report de la fin des cookies tiers sur Chrome à début 2025 a pu donner à certains un faux sentiment de répit. Beaucoup d’acteurs du marché se sont dit : ‘Ouf, nous avons encore un peu de temps pour nous préparer’. C’est une erreur fondamentale de perspective. La vérité, c’est que le cookie tiers, tel un empire vieillissant, a déjà perdu la majorité de son territoire. Se focaliser sur l’échéance de Chrome, c’est regarder le doigt quand la lune est déjà bien visible dans le ciel nocturne de la publicité digitale.
Pour comprendre l’urgence, il faut regarder les chiffres, et ceux que partage Margarita Zlatkova sont sans appel. Elle nous rappelle un point crucial :
‘Aujourd’hui, nous avons entre Safari et Firefox pour des raisons techniques à peu près 40 % des inventaires publicitaires qui n’ont plus de cookies sur ces deux navigateurs là.’
Cela fait des années que les écosystèmes Apple et Mozilla ont bloqué les cookies tiers par défaut. 40% du web, c’est une part colossale du marché qui fonctionne déjà en mode cookieless. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. À cela, il faut ajouter une part croissante de l’inventaire sur Chrome lui-même, qui est devenu inexploitable via les cookies tiers pour une autre raison : l’absence de consentement. ‘À cela, on ajoute entre 20 et 30 % d’inventaire supplémentaires sans consentement, donc consentless qui sont sur Chrome’, précise Margarita. Ce chiffre est la conséquence directe du RGPD et des bannières de consentement que les utilisateurs refusent de plus en plus.
Faisons le calcul ensemble. 40% (Safari/Firefox) + 20 à 30% (Chrome sans consentement) = 60 à 70% de l’inventaire total. La conclusion est mathématique et implacable :
‘Si on fait bien le compte, il ne reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaire publicitaire qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers.’
Cette réalité change tout. Nous ne sommes plus dans une phase de préparation à un événement futur. Nous opérons dans un environnement où la majorité des impressions publicitaires sont déjà ‘aveugles’ du point de vue du cookie tiers. Les conséquences sont directes pour les annonceurs : difficultés de ciblage, impossibilité de maîtriser la répétition publicitaire (frequency capping), modèles d’attribution brisés, et une vision de plus en plus parcellaire du parcours client. Le problème n’est pas pour 2025, il est là, aujourd’hui, et il impacte déjà la performance des campagnes. Ignorer cette réalité, c’est piloter un navire en pleine tempête en ne regardant que le radar d’un seul port, celui de Chrome, alors que la majorité de l’océan est déjà déchaînée.
Privacy Sandbox : la solution miracle sous le feu des critiques
Face à cet effondrement programmé, Google, en tant que gardien de l’écosystème Chrome, se devait de proposer une alternative. Cette alternative, c’est la fameuse Privacy Sandbox, un ensemble d’APIs complexes censées réconcilier l’irréconciliable : la publicité ciblée et la protection de la vie privée. Sur le papier, la promesse est belle. En pratique, les premiers tests à grande échelle révèlent un tableau beaucoup plus sombre. Loin d’être le sauveur attendu, la Privacy Sandbox est aujourd’hui la cible de critiques virulentes de la part d’acteurs majeurs du marché et d’organismes de régulation, qui soulèvent des problèmes techniques, économiques et de gouvernance.
Des latences qui paralysent l’écosystème programmatique
Le premier coup de semonce est venu de la technique pure. Le monde de la publicité programmatique est une mécanique d’horlogerie qui fonctionne à la milliseconde. Chaque impression publicitaire déclenche une mise aux enchères quasi instantanée. Dans cet univers, la moindre lenteur a des conséquences désastreuses. C’est ce que Margarita appelle la ‘latence’.
‘Ce qu’on appelle une latence, c’est la lenteur d’affichage d’une publicité qui pourrait entraîner des lenteurs d’affichage de la page elle-même publicitaire, ce qui pour les internautes crée une très mauvaise expérience utilisateur.’
Or, les tests menés par Criteo et Index Exchange sont alarmants. Criteo a enregistré des latences de plus de 100%, et Index Exchange de plus de 30%. Ces chiffres ne sont pas de simples détails techniques. Une latence de 30%, et à plus forte raison de 100%, signifie que l’enchère n’a pas le temps de se faire avant que l’internaute ne soit déjà plus sur la page ou que son attention soit passée à autre chose. Pour l’éditeur, la conséquence est directe et brutale : ‘avoir des espaces publicitaires qui ne sont pas remplis et donc des pertes importantes de revenus’. En voulant protéger la vie privée, la Privacy Sandbox, dans sa version actuelle, casse le moteur même de la monétisation en temps réel qui fait vivre l’Open Web.
Une perte de revenus dramatique pour les éditeurs
La conséquence directe de ces problèmes techniques, et d’autres complexités inhérentes à la Sandbox, est une chute vertigineuse des revenus pour ceux qui créent le contenu : les éditeurs. Les chiffres publiés sont choquants. Criteo parle d’une perte de revenus allant jusqu’à 60%, tandis qu’Index Exchange, tout en étant plus mesuré, confirme une baisse significative d’environ 30%. Imaginez un instant l’impact pour un média en ligne dont le modèle économique repose sur la publicité. Perdre 30%, voire 60% de ses revenus du jour au lendemain n’est pas une simple difficulté, c’est une menace existentielle. Cela signifie moins de journalistes, moins de contenu de qualité, et à terme, un appauvrissement de l’information disponible sur le web ouvert. C’est tout un pan de l’économie numérique qui est fragilisé par une solution qui, en l’état, semble ‘léser’ l’éditeur, comme le souligne Margarita.
Gouvernance et favoritisme : le spectre du monopole
Au-delà des aspects techniques et économiques, la critique la plus fondamentale porte sur la gouvernance de la Privacy Sandbox. Qui définit les règles du jeu ? Google. Qui est à la fois juge et partie ? Google. Cette situation a alerté la Competition and Markets Authority (CMA) britannique, qui surveille de très près le projet pour s’assurer qu’il ne crée pas un avantage concurrentiel déloyal pour l’écosystème de Google. Margarita pose la question qui fâche :
‘Qu’est-ce qui se passe par contre, une fois que la CMA a dit oui, que la privacy Sandbox est lancée et qu’il y a plus d’organisme de contrôle ?’
Les craintes sont alimentées par des données concrètes. L’étude de Criteo a montré que lorsque la Privacy Sandbox est activée, la part des impressions provenant de l’ad server de Google (GAM) passe de 23% à 83%. Même si Google conteste ces chiffres, la tendance est indéniable. Google, via Chrome et la Sandbox, semble renforcer sa position dominante, agissant presque comme un SSP (Supply-Side Platform) intégré, court-circuitant les acteurs historiques de la monétisation. C’est la survie même de l’Open Web, cet espace décentralisé et concurrentiel, qui est en jeu. ‘On joue la survie de l’Open Web tel qu’on le connaît aujourd’hui’, martèle Margarita. La question n’est plus seulement technique, elle est politique et philosophique : voulons-nous d’un web ouvert et diversifié, ou d’un jardin de plus en plus clos contrôlé par un seul acteur ?
Au-delà de Google : l’arsenal des alternatives au cookie tiers
Face à un tableau aussi préoccupant concernant la Privacy Sandbox, il serait facile de sombrer dans le pessimisme. Heureusement, l’écosystème publicitaire est résilient et innovant. Loin de mettre tous leurs œufs dans le panier de Google, les acteurs du marché ont développé et affiné un arsenal de solutions alternatives. Ces approches, qui étaient autrefois considérées comme des compléments, deviennent aujourd’hui les piliers des nouvelles stratégies de ciblage et de mesure. Il ne s’agit plus de trouver UNE solution de remplacement, mais de construire un ‘mix’ intelligent et agile, combinant plusieurs technologies. L’industrie est passée d’une logique de test en 2023 à une phase de construction active en 2024.
Le renouveau du ciblage contextuel dopé à l’intelligence artificielle
Le ciblage contextuel n’est pas nouveau. Il est même le fondement historique de la publicité : placer une annonce pour une voiture dans un magazine automobile. Cependant, la version moderne n’a plus rien à voir avec ses ancêtres. Grâce aux avancées en sémantique et, plus récemment, à l’IA générative, le ciblage contextuel a fait un bond qualitatif spectaculaire. Comme l’explique Margarita, le changement est profond :
‘Maintenant, au lieu d’indiquer aux algorithmes des expressions ou des mots clés, on leur indique carrément des phrases entières en leur disant ‘Je recherche les personnes qui ou les familles avec deux enfants qui ont tendance à acheter plus d’autant de fois tel produit. »
L’algorithme ne se contente plus de chercher des mots-clés sur une page. Il comprend le sens, le sentiment, le contexte global de l’article pour en déduire le profil d’audience le plus probable. C’est une approche qui respecte la vie privée par définition, puisqu’elle se base sur le contenu et non sur l’individu. Son immense avantage, comme le rappelle Margarita, est sa portée : ‘100 % de la population’, car il fonctionne sur tous les navigateurs, avec ou sans consentement. Il offre une base solide et universelle à toute stratégie cookieless.
La montée en puissance des identifiants universels
À l’autre bout du spectre, pour les cas d’usage nécessitant une identification déterministe de l’utilisateur (comme le retargeting ou la mesure fine), les identifiants universels (ou IDs) continuent de s’étoffer. Basés sur des données first-party consenties, comme une adresse e-mail cryptée, ils permettent de recréer un lien entre les différents environnements. Le marché, qui était dominé par des acteurs historiques, voit arriver de nouveaux entrants avec des approches innovantes. Margarita cite deux exemples parlants : ‘l’arrivée d’Utique avec les données Telco, l’arrivée très fulgurante de First ID basé sur les first party cookies’. Ces nouvelles solutions enrichissent la palette disponible pour les annonceurs. L’ID basé sur les données des opérateurs télécoms offre une stabilité et une persistance uniques, tandis que celui basé sur les cookies first-party des éditeurs permet de valoriser directement leur actif le plus précieux : leur audience. Le défi reste la fragmentation (aucun ID n’est vraiment ‘universel’) et le taux de reconnaissance, mais ils constituent une pièce maîtresse du puzzle pour adresser de manière précise une fraction consentante de l’audience.
L’angle mort de l’écosystème : mobile, mesure et nouveaux KPIs
Alors que l’industrie se concentre sur le web desktop et les alternatives aux cookies tiers, deux angles morts majeurs persistent et pourraient bien être les plus grands défis de l’ère cookieless. Le premier est l’écosystème applicatif mobile, un continent immense qui semble pour l’instant laissé en jachère. Le second, encore plus fondamental, est la question de la mesure. Car cibler, c’est bien, mais si l’on ne peut plus mesurer l’efficacité de ses actions, tout l’édifice publicitaire menace de s’effondrer. C’est ici que la révolution est la plus profonde, nous obligeant à abandonner des décennies d’habitudes et à réinventer nos indicateurs de performance.
Le monde applicatif, grand oublié du Cookieless ?
La conversation sur la fin des cookies est très centrée sur le navigateur web. Mais qu’en est-il du monde des applications mobiles, où les utilisateurs passent une part croissante de leur temps ? Margarita met le doigt sur un point sensible :
‘Le monde applicatif dans tout ça, il a été un peu laissé de côté, ouais. Je suis d’accord avec toi.’
La solution de Google, ‘Privacy Sandbox pour Android’, qui devait adresser cet univers, a été ‘mise en standby’. On parle désormais d’un horizon 2026, sans grande certitude. C’est une bombe à retardement. Pour de nombreux éditeurs, l’inventaire in-app représente déjà ‘jusqu’à 50, 60 % de leurs inventaires’. L’incertitude sur la manière dont cet environnement sera adressable et monétisable demain crée un risque systémique énorme. Cette situation explique en partie l’engouement massif pour des environnements fermés mais maîtrisés comme le Retail Media ou la TV Connectée (CTV). Les annonceurs, en quête de stabilité et de données first-party fiables, se réfugient dans ces ‘Walled Gardens’ où les règles sont claires, même si elles sont propriétaires. Ce mouvement, s’il s’accentue, pourrait encore affaiblir l’Open Web au profit de quelques géants.
Repenser la mesure : la fin du suivi à la seconde près
Le véritable changement de paradigme n’est peut-être pas dans le ciblage, mais dans la mesure. Margarita est catégorique : la mesure est ‘encore plus importante et encore plus impactée que le ciblage’. Le cookie tiers nous avait habitués à un luxe incroyable : le ‘suivi du parcours unifié de l’utilisateur’, la capacité de lier une impression publicitaire à une conversion avec une précision quasi chirurgicale et en temps réel. Ce monde est en train de disparaître. Demain, la vision sera fragmentée : des données agrégées et anonymes issues de la Privacy Sandbox, des données déterministes sur une petite partie de l’audience via les IDs, et des données contextuelles sans information sur l’utilisateur. Comment réconcilier ces silos ? La réponse est qu’on ne le pourra probablement pas avec le même niveau de granularité.
‘Je suis persuadée qu’on aura plus ce temps réel qu’on a aujourd’hui avec les cookie tières et qu’il va falloir réfléchir à comment adapter nos KPI à cette situation là.’
Cette phrase est fondamentale. Elle annonce la fin du règne du ‘coût d’acquisition à la seconde’, du ‘ROAS en temps réel’. Les annonceurs vont devoir réapprendre à piloter leurs investissements avec des outils comme le Marketing Mix Modeling (MMM), qui analyse les corrélations à un niveau plus macro. Il faudra accepter une part d’incertitude et se concentrer sur des indicateurs qui mesurent l’impact global plutôt que l’attribution au dernier clic. C’est une révolution culturelle autant que technologique. Les annonceurs et les agences qui réussiront seront ceux qui auront commencé à travailler dès aujourd’hui sur ‘les KPIs du futur’.
Conclusion : Agir maintenant ou subir demain
Le voyage au cœur de l’ère cookieless nous laisse avec un constat clair : l’attentisme n’est plus une option. La fin des cookies tiers n’est pas un événement futur lointain à préparer, mais une réalité déjà bien installée qui affecte plus de la moitié de l’écosystème publicitaire. Le report de l’échéance de Chrome à début 2025 n’est qu’un sursis fragile, et non une solution. S’appuyer uniquement sur la Privacy Sandbox de Google serait une erreur stratégique majeure, tant la solution actuelle présente de failles techniques, économiques et de gouvernance qui menacent l’équilibre de l’Open Web.
La voie à suivre est celle de la diversification et de l’expérimentation. Les alternatives, du ciblage contextuel surpuissant grâce à l’IA aux identifiants universels de nouvelle génération, sont matures et prêtes à être intégrées dans un mix marketing intelligent. Mais le plus grand chantier est culturel : il faut accepter de repenser la mesure de la performance, d’abandonner l’illusion du contrôle total et du temps réel pour adopter des approches plus holistiques et des KPIs adaptés à ce nouvel environnement fragmenté.
L’appel à l’action de Margarita Zlatkova résonne comme une évidence : il est temps pour les annonceurs de ‘mettre les mains un petit peu dans le cambouis’. Cela signifie comprendre les technologies, poser les bonnes questions à ses partenaires, et surtout, tester, mesurer, et construire sa propre stratégie post-cookie. Des ressources existent, comme les excellents panoramas publiés par l’Alliance Digitale, pour guider cette démarche. L’écosystème de demain sera sans doute plus complexe, mais potentiellement plus respectueux de la vie privée et plus résilient. Les gagnants seront ceux qui, dès aujourd’hui, auront cessé de regarder le passé avec nostalgie pour commencer à construire activement leur avenir dans ce nouveau monde.
Questions fréquentes sur l’ère Cookieless
La fin des cookies tiers est-elle vraiment pour début 2025 ?
Oui, la date officielle communiquée par Google pour la dépréciation des cookies tiers sur Chrome est début 2025. Cependant, il est crucial de comprendre que nous sommes déjà dans un environnement majoritairement cookieless. Entre les navigateurs comme Safari et Firefox qui bloquent les cookies tiers depuis des années (environ 40% de l’inventaire) et les utilisateurs de Chrome qui ne donnent pas leur consentement (20-30% supplémentaires), seulement 30 à 40% de l’inventaire web est encore adressable via les cookies tiers. L’échéance de 2025 ne concerne donc que le solde restant sur Chrome et ne doit pas être vue comme le point de départ, mais plutôt comme la fin d’un processus déjà bien avancé.
‘Effectivement Google a encore décalé la fin des cookie tiers pour début 2025. Néanmoins, comme tu lui disais, on est déjà dans l’air cookieless.’
Pourquoi la Privacy Sandbox de Google est-elle si critiquée ?
La Privacy Sandbox est critiquée sur trois fronts principaux. Premièrement, sur le plan technique, les tests ont révélé des latences importantes (jusqu’à +100%) qui nuisent à l’expérience utilisateur et au bon fonctionnement des enchères programmatiques. Deuxièmement, sur le plan économique, ces problèmes techniques entraînent une perte de revenus très significative pour les éditeurs, estimée entre 30% et 60%, menaçant leur modèle économique. Enfin, des questions de gouvernance se posent : Google étant à la fois juge et partie, beaucoup craignent que la Sandbox ne renforce sa position dominante au détriment de l’Open Web, un point surveillé de près par les autorités de la concurrence comme la CMA britannique.
‘La privacy Sandbox en l’état n’est pas prête à être lancée sur 100 % du marché avec zéro cookies tiers.’
Quel est l’impact réel de la fin des cookies sur les revenus des éditeurs ?
L’impact est potentiellement dramatique. L’écosystème cookieless actuel a déjà mis un ‘coup important à la monétisation des éditeurs’. Les tests spécifiques de la Privacy Sandbox, qui est censée être la solution, aggravent la situation. Des études menées par des acteurs comme Criteo et Index Exchange montrent des pertes de revenus pour les éditeurs allant de 30% à 60% lorsqu’ils opèrent via la Sandbox. Ces pertes sont dues à une combinaison de facteurs : latences techniques empêchant les publicités de s’afficher, complexité des nouvelles enchères, et une moindre valorisation d’un inventaire jugé moins performant par les annonceurs. C’est une menace directe pour la survie de nombreux médias en ligne.
‘Cette perte de revenu pour les éditeurs qui entre 30 et 60 % mais 30 % déjà côté Index et 60 côté Criteo, c’est énorme.’
Le ciblage contextuel est-il une alternative viable aux cookies ?
Absolument, et il est même devenu une des pierres angulaires des stratégies cookieless. Le ciblage contextuel moderne a énormément évolué. Il ne se limite plus à des mots-clés, mais utilise la sémantique et l’intelligence artificielle, notamment l’IA générative, pour comprendre le sens et le sentiment d’une page. On peut désormais donner des instructions complexes aux algorithmes. Son grand avantage est sa portée universelle (100% de l’inventaire) puisqu’il ne dépend ni des cookies ni du consentement de l’utilisateur. Il offre une solution à la fois performante, scalable et respectueuse de la vie privée.
‘Le ciblage contextuel a eu quand même un petit peu d’évolution entre-temps… aujourd’hui arrive aussi l’IA générative et les deux couplés ensemble continuent à à faire croître et l’rich et la précision du ciblage contextuel.’
Que sont les identifiants universels et comment fonctionnent-ils ?
Les identifiants universels (ou IDs) sont des alternatives aux cookies tiers qui permettent d’identifier un utilisateur de manière déterministe sur différents sites web, à condition qu’il ait donné son consentement. Ils sont généralement créés à partir d’une information personnelle stable, comme une adresse e-mail ou un numéro de téléphone, qui est ensuite cryptée (hachée) pour la rendre anonyme. L’écosystème des IDs est en pleine expansion, avec l’arrivée de nouveaux acteurs utilisant des données variées comme celles des opérateurs télécoms (Utique) ou les cookies first-party des éditeurs (First ID). Ils sont essentiels pour des cas d’usage comme le retargeting ou la mesure d’attribution cross-site.
‘Les identifiants universels et les nouveautés c’est les nouveaux qui sont arrivés… l’arrivée d’Utique avec les données Telco, l’arrivée très fulgurante de First ID basé sur les first party cookies.’
Comment la mesure de la performance publicitaire va-t-elle évoluer ?
L’évolution de la mesure est le plus grand défi de l’ère cookieless. Il faut faire le deuil du suivi unifié, granulaire et en temps réel que permettait le cookie tiers. La vision de la performance sera désormais fragmentée, issue de différentes sources de données (contextuelles, agrégées, basées sur des IDs). La conséquence est un changement de paradigme : on ne pourra plus suivre le coût par acquisition à la minute près. Il faudra adopter de nouveaux KPIs et se tourner vers des méthodologies plus macro, comme le Marketing Mix Modeling (MMM), pour évaluer l’impact des campagnes. La mesure deviendra moins chirurgicale et en temps réel, mais plus stratégique et axée sur l’impact business global.
‘Je suis persuadée qu’on aura plus ce temps réel qu’on a aujourd’hui avec les cookie tières et qu’il va falloir réfléchir à comment adapter nos KPI à cette situation là.’
Quel est l’avenir de la publicité sur mobile et applications dans un monde sans cookie ?
L’avenir de la publicité sur mobile et in-app est actuellement très incertain, car cet écosystème a été ‘un peu laissé de côté’. La solution de Google, Privacy Sandbox for Android, est en suspens et ne devrait pas être déployée avant 2026. Cette incertitude est un problème majeur, car une part croissante de l’inventaire des éditeurs (jusqu’à 60%) est mobile et in-app. Cette situation risque d’accélérer la migration des budgets publicitaires vers des environnements fermés (‘Walled Gardens’) comme le Retail Media ou la TV Connectée, qui offrent des données first-party fiables et un environnement contrôlé, au détriment potentiel de l’Open Web mobile.
‘On a Privacy Sandbox pour Android qui malheureusement a été mise en standby, n’a pas été lancée, n’a pas été développée jusqu’au bout… On parle plutôt de Android en 2026.’
Que doivent faire les annonceurs concrètement pour se préparer ?
Les annonceurs doivent cesser d’attendre et agir dès maintenant. La première étape est de prendre conscience que l’ère cookieless est déjà là. Ensuite, il faut adopter une approche proactive en construisant un ‘mix’ de solutions. Cela implique de tester activement les différentes alternatives : le ciblage contextuel avancé, les identifiants universels, etc. Il est également crucial de s’acculturer à ces sujets techniques pour pouvoir poser les bonnes questions à ses agences et partenaires technologiques. Enfin, et c’est le plus important, ils doivent commencer à réfléchir à leurs futurs KPIs et à leurs modèles de mesure. S’impliquer, comprendre et tester est la seule façon de ne pas subir les changements à venir.
‘Il faut qu’ils arrivent à comprendre ce qui se cache et à poser des questions. Qu’est-ce qui se passe derrière cette techno ? Comment ça fonctionne et cetera. C’est extrêmement important.’




