L’ère du Cookieless : plus qu’une transition, une révolution en marche
Chaque année, le monde du marketing digital a son marronnier. Pendant longtemps, la blague récurrente était de dire : ‘Cette année, c’est l’année du mobile’. Une prophétie auto-réalisatrice qui a fini par devenir une évidence. Aujourd’hui, cette phrase a été remplacée par une autre, bien plus anxiogène pour l’écosystème : ‘Cette année, c’est la fin du cookie tiers’. On en parle depuis si longtemps que cela pourrait sembler être un bruit de fond, une menace lointaine. Pourtant, la réalité est tout autre. Nous n’assistons plus aux prémices d’un changement ; nous sommes en plein cœur de la révolution. La fin du cookie tiers n’est pas pour demain, elle est déjà là, et ses effets se font sentir de manière brutale et concrète. Le monde de la publicité digitale, qui a bâti son empire sur ce petit fichier texte, est contraint de se réinventer dans la douleur et l’incertitude.
Le débat n’est plus de savoir ‘si’ il faut s’adapter, mais ‘comment’ survivre et prospérer dans ce nouveau paradigme. Les alternatives fleurissent, les acronymes se multiplient, et au milieu de ce tumulte, Google avance sa solution maison : la Privacy Sandbox. Présentée comme le sauveur qui réconciliera performance publicitaire et respect de la vie privée, elle est aujourd’hui au centre de toutes les critiques. Des études récentes, notamment de Criteo et d’Index Exchange, jettent un pavé dans la mare, révélant des failles béantes qui menacent non seulement les revenus des annonceurs et des éditeurs, mais aussi l’équilibre même de l’Open Web. C’est dans ce contexte complexe et passionnant que nous devons naviguer. Il est temps de dépasser les annonces et de plonger dans la réalité du terrain pour comprendre les véritables enjeux. Que se passe-t-il vraiment derrière les rideaux techniques ? Quelles sont les solutions qui fonctionnent, celles qui déçoivent, et surtout, quel avenir se dessine pour notre industrie ? C’est ce que nous allons décrypter ensemble.
L’état des lieux du Cookieless en 2024 : la fin de partie a déjà commencé
Pour bien saisir l’urgence de la situation, il faut commencer par regarder les chiffres. Et ils sont sans appel. Quand on parle de la fin des cookies, on pense souvent à l’échéance de Google Chrome, repoussée à début 2025. Mais c’est une vision parcellaire de la réalité. L’environnement Cookieless est déjà notre quotidien. Comme je l’expliquais, il est crucial de quantifier ce dont nous parlons :
‘Aujourd’hui, nous avons entre Safari et Firefox pour des raisons techniques à peu près 40 % des inventaires publicitaires qui n’ont plus de cookies sur ces deux navigateurs là. Et à cela, on ajoute entre 20 et 30 % d’inventaire supplémentaire sans consentement donc consentless qui sont sur Chrome. Donc si on fait bien le compte, il ne reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaire publicitaire qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers.’
Ce chiffre est absolument fondamental. Il signifie que plus de la moitié du terrain de jeu de la publicité digitale est déjà inaccessible aux stratégies qui reposent exclusivement sur le cookie tiers. Il y a quelques années à peine, nous pouvions encore compter sur 50 à 60% du marché pour faire tourner nos campagnes, ce qui permettait de masquer les difficultés. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Ignorer les alternatives n’est plus une option, c’est un suicide commercial. Cet état de fait nous oblige à considérer les solutions comme la Privacy Sandbox, le ciblage contextuel et les identifiants universels non plus comme des ‘tests’ ou des ‘projets pilotes’, mais comme les piliers de nos futures stratégies. Le changement n’a pas été progressif ; il s’est accéléré brutalement, et de nombreux acteurs, par manque de temps, de ressources ou de prise de conscience, se retrouvent au pied du mur. La question n’est plus de se préparer au futur, mais de rattraper un présent qui nous a déjà dépassés.
La Privacy Sandbox de Google : une promesse empoisonnée pour l’Open Web ?
Face à ce chaos, Google a proposé sa grande solution : la Privacy Sandbox. Sur le papier, l’idée est séduisante. Remplacer le suivi individuel par des cohortes d’utilisateurs (les ‘Topics’) et des enchères sécurisées dans le navigateur (‘Protected Audience API’, anciennement FLEDGE) pour protéger la vie privée tout en permettant la publicité ciblée. Le projet est ambitieux, et après des années de développement, il est enfin entré en phase de test sur 1% des utilisateurs de Chrome. On est passé de la théorie à la pratique. Cependant, les premiers retours du terrain sont loin d’être élogieux. Ils dessinent le portrait d’une technologie immature, complexe, et potentiellement dangereuse pour l’équilibre de l’écosystème.
Les latences : le péché capital du monde programmatique
Le premier point de friction, et peut-être le plus critique, est la question de la latence. Le monde de la publicité programmatique est une mécanique d’horlogerie qui se joue en millisecondes. Une enchère publicitaire complète, de la visite de l’internaute à l’affichage de la bannière, doit se faire en moins de 50 millisecondes. C’est plus rapide qu’un clignement d’œil. Or, les tests menés par des acteurs majeurs comme Criteo et Index Exchange ont révélé des latences catastrophiques induites par la Privacy Sandbox. Criteo a observé une augmentation de plus de 100%, tandis qu’Index Exchange a constaté plus de 30% de délai supplémentaire. Ces chiffres ne sont pas de simples détails techniques.
‘Ce qu’on appelle une latence, c’est la lenteur d’affichage d’une publicité qui pourrait entraîner des lenteurs d’affichage de la page elle-même […] ça peut aller même parfois jusqu’à bloquer le site publicitaire de l’éditeur.’
Concrètement, cela signifie une expérience utilisateur dégradée, des pages qui chargent lentement, et pour l’éditeur, des espaces publicitaires qui restent vides car la publicité n’a pas eu le temps d’arriver. C’est une perte sèche de revenus qui vient s’ajouter à une situation économique déjà tendue pour la presse et les créateurs de contenu.
La chute des revenus : une menace existentielle pour les éditeurs
La conséquence directe de ces problèmes techniques est une chute dramatique des revenus pour les éditeurs. Les chiffres rapportés sont alarmants : une perte estimée entre 30% (selon Index Exchange) et jusqu’à 60% (selon Criteo). Imaginez un média en ligne, qui se bat déjà pour sa survie, perdre subitement plus de la moitié de ses revenus publicitaires. C’est tout simplement insoutenable. Cette perte de valeur n’est pas uniquement due aux latences. Elle vient aussi d’un système d’enchères qui, en l’état, semble moins efficace pour valoriser l’inventaire des éditeurs. La complexité de la Privacy Sandbox crée une barrière à l’entrée et semble réduire la compétition entre les acheteurs, tirant mécaniquement les prix vers le bas. C’est ici que l’enjeu dépasse la simple querelle technologique.
‘On joue aujourd’hui, je pense la survie de l’Open Web tel qu’on le connaît aujourd’hui et la question c’est est-ce qu’il va continuer à exister demain.’
Un Open Web sans éditeurs financièrement viables n’est plus un Open Web. C’est un espace dominé par quelques plateformes fermées, les fameux ‘Walled Gardens’, où la diversité de l’information et de la création est menacée.
Gouvernance et favoritisme : quand Google devient juge et partie
Le dernier point, et non le moindre, est celui de la gouvernance. Google, acteur dominant de la publicité en ligne, propose et contrôle les nouvelles règles du jeu. Cette position de juge et partie soulève d’énormes inquiétudes, notamment auprès des autorités de la concurrence comme la CMA (Competition and Markets Authority) britannique, qui surveille le projet de très près. L’un des constats les plus troublants de l’étude Criteo est le suivant : sans la Privacy Sandbox, 23% des impressions publicitaires proviennent de l’ad exchange de Google (GAM). Avec la Privacy Sandbox activée, ce chiffre bondit à 83%. Même si Google conteste ces chiffres, un tel décalage, même moins prononcé, suggère un favoritisme flagrant pour son propre écosystème.
‘On est en présence d’un acteur qui crée des règles de marché. Donc à quel point effectivement le favoritisme ici peut être géré et surtout sur le long terme.’
La question de la gouvernance future est cruciale. Google a pris des engagements auprès de la CMA, mais que se passera-t-il une fois la surveillance levée ? Qui garantira que les règles n’évolueront pas pour servir les intérêts de Google au détriment de l’ensemble du marché ? C’est un risque systémique pour toute l’industrie.
Au-delà de la Sandbox : explorer les alternatives qui façonnent l’avenir
Face à un tableau aussi sombre pour la Privacy Sandbox, il est tentant de céder au pessimisme. Heureusement, l’écosystème publicitaire est résilient et innovant. L’industrie ne reste pas les bras croisés à attendre la solution de Google. D’autres voies, plus ouvertes et collaboratives, se développent à grande vitesse et montrent déjà des résultats prometteurs. Ces alternatives ne sont pas exclusives ; le futur se dessinera probablement autour d’un mix intelligent de plusieurs d’entre elles, en fonction des objectifs et des contextes de chaque campagne.
Le grand retour du ciblage contextuel, boosté à l’IA générative
Le ciblage contextuel n’est pas nouveau. Il consiste à afficher une publicité en fonction du contenu de la page où elle apparaît (une publicité pour des chaussures de sport sur un article parlant de course à pied). Longtemps considéré comme une solution basique, il connaît une véritable renaissance grâce aux avancées de l’intelligence artificielle. Nous sommes passés d’un ciblage par mots-clés à une analyse sémantique profonde, capable de comprendre les nuances, le sentiment et le contexte réel d’un article. Et aujourd’hui, une nouvelle révolution est en marche avec l’IA générative. Elle permet de franchir un cap en termes de précision et de granularité.
‘Maintenant, au lieu d’indiquer aux algorithmes des expressions ou des mots clés, on leur indique carrément des phrases entières en leur disant : ‘Je recherche les personnes qui ou les familles avec deux enfants qui ont tendance à acheter plus d’autant de fois tel produit’. Et donc à partir de là, les algorithmes vont aller chercher les bonnes pages qui parlent de ces sujets-là.’
L’avantage majeur du contextuel est son ‘reach’ : il fonctionne sur 100% de l’inventaire (Chrome, Safari, Firefox, avec ou sans consentement) car il ne dépend d’aucune information sur l’utilisateur. C’est une solution respectueuse de la vie privée par nature, et qui, grâce à l’IA, devient de plus en plus performante.
Les identifiants universels : la quête d’une monnaie d’échange commune
L’autre grande famille d’alternatives, ce sont les identifiants universels. L’idée est de remplacer le cookie tiers, qui appartient à un domaine spécifique, par un identifiant partagé et sécurisé par plusieurs acteurs de l’écosystème. Historiquement, beaucoup de ces solutions se basaient sur des adresses e-mail cryptées, ce qui nécessitait que l’utilisateur soit connecté. Mais le paysage s’enrichit considérablement.
‘Aujourd’hui on a l’arrivée d’Utick avec les données Telco, l’arrivée très fulgurante de First ID basée sur les First Party Cookie et donc en fait les ID continuent de s’étoffer pour représenter une partie importante du marché.’
Ces nouvelles approches sont intéressantes. Les données Telco (issues des opérateurs téléphoniques) offrent une grande fiabilité et une large couverture, tandis que les solutions basées sur les cookies first-party (ceux déposés par le site que l’on visite) permettent de créer des ponts entre les éditeurs sans dépendre d’une donnée personnelle comme l’e-mail. Aucun ID universel ne dominera probablement le marché à lui seul. La clé sera l’interopérabilité et la capacité des annonceurs à travailler avec plusieurs de ces solutions pour maximiser leur couverture.
Le défi oublié : comment réinventer la mesure de la performance ?
Si le ciblage est au cœur de toutes les discussions, il y a un sujet encore plus complexe et peut-être plus impactant : la mesure. Le cookie tiers était la pierre angulaire de notre capacité à mesurer la performance publicitaire. Il nous permettait de suivre le parcours d’un utilisateur, de l’exposition à une publicité jusqu’à la conversion finale sur un site. Cette vision unifiée, bien qu’imparfaite, nous a habitués à une granularité et à une réactivité en temps réel. Avec sa disparition, c’est tout notre système de mesure qui s’effondre. Les solutions de ciblage sont diverses, mais les solutions de mesure post-cookie sont encore balbutiantes et posent un défi immense à toute l’industrie.
La fin du temps réel et le retour de la modélisation
Il faut se faire à l’idée : l’ère du suivi de l’utilisateur à la seconde près est révolue. Le coût par acquisition (CPA) à la minute, le retour sur investissement publicitaire (ROAS) calculé en temps réel, tout cela appartient au passé. Nous entrons dans une ère où les données seront plus agrégées, plus probabilistes et moins instantanées. Cela nous force à redécouvrir et à moderniser des techniques plus anciennes, comme le Marketing Mix Modeling (MMM). Le MMM est une approche statistique qui analyse l’impact de différents canaux marketing sur les ventes globales, sur une période donnée.
‘Le fait de devoir reprendre du MMM probablement qui devrait permettre de prendre des décisions non plus une fois ou deux fois par an mais tous les mois et trouver cette ce temps réel qu’on avait aujourd’hui, qu’on a plus demain.’
Le défi est de rendre ces modèles plus agiles, plus rapides à mettre à jour, pour passer d’une analyse stratégique annuelle à un outil d’optimisation tactique mensuel, voire hebdomadaire. C’est un changement culturel profond pour les équipes marketing, habituées à piloter leurs campagnes le nez dans le guidon de dashboards temps réel.
Quels seront les KPI du futur ?
Cette transformation des outils de mesure implique une transformation des indicateurs de performance (KPI). Si nous ne pouvons plus suivre un utilisateur de A à Z, nous devons apprendre à piloter avec des signaux différents. Il faudra combiner des données issues de sources hétérogènes : des données de panel, des études de ‘brand lift’ pour mesurer l’impact sur la notoriété, des analyses de cohortes, et des données de conversion agrégées et anonymisées fournies par les plateformes.
‘Il ne sera plus possible d’aller chercher le coût d’acquisition à la seconde, à la minute, le coup par lead, le coup par vente […] il va falloir réfléchir tout ça différemment.’
Les annonceurs devront développer une nouvelle culture de la performance, moins axée sur l’attribution du dernier clic et plus sur la contribution globale de chaque levier à l’écosystème marketing. Cela demande plus de confiance, plus d’analyse et une acceptation de l’incertitude. Ce n’est pas un retour en arrière, mais une évolution vers une vision plus holistique et, finalement, plus stratégique du marketing.
Conclusion : un appel à l’action pour un écosystème responsable
La fin du cookie tiers n’est pas simplement une mise à jour technique. C’est un bouleversement qui redessine les rapports de force, remet en question des décennies de pratiques et nous force à nous interroger sur l’avenir que nous voulons pour la publicité digitale. D’un côté, nous avons la voie tracée par Google avec une Privacy Sandbox qui, en l’état, apparaît comme une solution centralisatrice, techniquement imparfaite et potentiellement destructrice de valeur pour l’Open Web. De l’autre, un foisonnement d’alternatives plus ouvertes, du contextuel intelligent aux identifiants universels, qui dessinent un futur plus décentralisé mais aussi plus complexe à assembler.
Le plus grand danger serait l’attentisme et la passivité. Il est révolu le temps où les annonceurs pouvaient déléguer entièrement ces sujets techniques à leurs agences ou à leurs partenaires technologiques. La complexité est telle que chacun doit monter en compétence pour comprendre les enjeux et faire des choix éclairés.
‘C’est aussi à eux de mettre les mains un petit peu dans le Cambouis. […] Il faut qu’ils arrivent à comprendre ce qui se cache et à poser des questions. Qu’est-ce qui se passe derrière cette techno ? Comment ça fonctionne ?’
C’est un effort, certes, mais un effort indispensable pour la santé de l’écosystème et pour la performance future des marques. L’heure est aux tests, à l’expérimentation, à la construction de son propre ‘mix’ de solutions Cookieless, tant pour le ciblage que pour la mesure. C’est en agissant maintenant, en s’éduquant et en challengeant le statu quo que nous pourrons collectivement construire un avenir publicitaire qui soit à la fois performant, respectueux de la vie privée et garant de la pluralité d’un Open Web dynamique et libre.
Questions fréquentes sur l’ère Cookieless
Qu’est-ce que le monde ‘Cookieless’ concrètement en 2024 ?
L’ère Cookieless est une réalité bien installée en 2024, et non une perspective future. Concrètement, cela signifie que la majorité de l’inventaire publicitaire sur le web n’est déjà plus accessible via les cookies tiers, qui permettaient le suivi des utilisateurs entre les sites. Cette situation résulte de la suppression des cookies sur des navigateurs comme Safari et Firefox, ainsi que du nombre croissant d’utilisateurs sur Chrome qui naviguent sans donner leur consentement. Il est donc devenu impossible de s’appuyer uniquement sur les anciennes méthodes pour le ciblage et la mesure publicitaire.
‘Si on fait bien le compte, il ne reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaire publicitaire qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers. D’accord. Donc ça, ça a été changé par rapport à la dernière fois où on s’est parlé où à l’époque, on était sur 50 60 % de cookie tiers sur le marché.’
Pourquoi la Privacy Sandbox de Google est-elle si critiquée ?
La Privacy Sandbox est critiquée sur trois fronts majeurs. Premièrement, elle engendre des latences techniques importantes, c’est-à-dire des lenteurs qui dégradent l’expérience utilisateur et empêchent l’affichage des publicités. Deuxièmement, les premiers tests montrent une chute drastique des revenus publicitaires pour les éditeurs, allant de 30% à 60%, menaçant leur viabilité économique. Enfin, elle pose un grave problème de gouvernance et de concurrence, car Google, en contrôlant les règles, est suspecté de favoriser son propre écosystème publicitaire au détriment de l’Open Web.
‘Nos tests internes chez Weborama ont prouvé la même chose, c’est que la Privacy Sandbox en l’état n’est pas prête à être lancée sur 100 % du marché avec zéro cookie tiers.’
Quelles sont les principales alternatives aux cookies tiers aujourd’hui ?
Il existe trois grandes familles d’alternatives aux cookies tiers. La première est la Privacy Sandbox de Google, qui reste une option sur Chrome malgré ses défauts. La deuxième, en pleine expansion, est le ciblage contextuel, qui analyse le contenu des pages web pour y afficher des publicités pertinentes. La troisième est constituée par les identifiants universels, qui visent à créer un identifiant partagé et anonymisé pour un utilisateur à travers différents sites, en se basant sur des données comme l’e-mail crypté, des données télécoms ou des cookies first-party.
‘On est toujours sur la Privacy Sandbox, le contextuel et et les identifiants universels. Les technologies ont un petit peu avancé quand même.’
Comment l’IA générative améliore-t-elle le ciblage contextuel ?
L’IA générative révolutionne le ciblage contextuel en le rendant beaucoup plus précis et intelligent. Au lieu de se baser sur de simples mots-clés présents dans une page, les algorithmes peuvent désormais comprendre des concepts, des intentions et des contextes complexes. Un annonceur peut formuler une demande en langage naturel, comme ‘cibler les pages qui parlent de vacances en famille éco-responsables pour des parents de jeunes enfants’, et l’IA ira chercher les contenus qui correspondent à cette intention précise, même si les mots-clés exacts ne sont pas présents. Cela affine considérablement la pertinence du ciblage.
‘Maintenant au lieu d’indiquer aux algorithmes des expressions ou des mots clés, on leur indique carrément des phrases entières en leur disant ‘Je recherche les personnes qui ou les familles avec deux enfants qui ont tendance à acheter plus d’autant de fois tel produit’. ‘
La mesure de la performance publicitaire est-elle encore possible sans cookies ?
Oui, la mesure reste possible, mais elle doit radicalement changer. Il faut abandonner l’idée d’un suivi individuel et en temps réel. Le futur de la mesure reposera sur la combinaison de plusieurs approches : la modélisation statistique comme le Marketing Mix Modeling (MMM) pour évaluer l’impact global des canaux, les études de notoriété (‘brand lift’), l’analyse de cohortes d’utilisateurs et l’utilisation de données de conversion agrégées et anonymisées. La mesure devient moins granulaire mais plus stratégique, exigeant une nouvelle culture de l’analyse de données.
‘Il va falloir réfléchir à comment adopter nos KPI à cette situation là. Il ne sera plus possible d’aller chercher le coût d’acquisition à la seconde, à la minute, le coup par lead, le coup par vente.’
Quel est le risque principal pour l’Open Web avec la fin des cookies ?
Le risque principal est une centralisation du pouvoir et des revenus au profit des grandes plateformes fermées (Walled Gardens) comme Google, Amazon ou Meta. Si les solutions comme la Privacy Sandbox ne permettent pas aux éditeurs indépendants (médias, blogs, etc.) de monétiser correctement leur contenu, beaucoup risquent de disparaître. Cela entraînerait une perte de diversité de l’information et de la création sur internet, et renforcerait la dépendance des annonceurs envers un petit nombre d’acteurs dominants. La survie économique des éditeurs est l’enjeu central.
‘On joue aujourd’hui, je pense la survie de l’Open Web tel qu’on le connaît aujourd’hui et la question c’est est-ce qu’il va continuer à exister demain.’
Qu’en est-il du monde applicatif mobile dans cette transition Cookieless ?
Le monde applicatif mobile a été jusqu’ici un peu laissé de côté dans cette transition. Alors que le web desktop est au cœur des débats, la solution équivalente pour Android, la ‘Privacy Sandbox for Android’, a été mise en pause par Google et son développement n’est pas aussi avancé. On parle d’une mise en œuvre potentielle en 2026, mais sans certitude. C’est un point d’inquiétude majeur, car une part croissante de l’inventaire publicitaire (jusqu’à 50-60% pour certains éditeurs) est mobile et de plus en plus ‘in-app’, un univers qui reste pour l’instant dans un flou réglementaire et technique.
‘Le monde applicatif dans tout ça, il a été un peu laissé de côté. […] On a Privacy Sandbox pour Android qui malheureusement a été mise en stand by, n’a pas été lancée, n’a pas été développée jusqu’au bout.’




