Logo de l'épisode #93 : Savoir Vendre > Comment bien négocier ? du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#93 : Savoir Vendre > Comment bien négocier ?

Épisode diffusé le 1 mars 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

Écouter l'épisode :

Démystifier la négociation commerciale : plus qu’un simple rapport de force

La simple évocation du mot « négociation » suffit souvent à crisper les commerciaux les plus aguerris. C’est une phase qui fait peur, une étape symbolisée dans le CRM par un statut qui sonne comme un avertissement. Pourtant, cette perception est une erreur fondamentale. Comme le souligne Eric Mabillon, Head of Sales chez Enricher, il est temps de démystifier cette notion. « En fait, la négociation, on peut revenir à l’étymologie du mot, c’est comment trouver un agrément qui soit à bénéfice mutuel. »

Loin d’être un combat ou un bras de fer, la négociation commerciale est en réalité une phase très positive. Elle témoigne de la volonté commune des deux parties d’avancer ensemble vers la réalisation d’un projet. C’est le moment où l’intérêt mutuel se concrétise. Il existe bien sûr différentes approches, de la recherche du terrain d’entente à tout prix à des postures plus virulentes, mais l’essentiel n’est pas de choisir un camp. L’essentiel, c’est de se préparer.

La préparation, clé de voûte d’une négociation commerciale réussie

« Avant même de les catégoriser, ce qui importe c’est surtout de préparer », insiste Eric. C’est cette préparation qui permet d’éviter la panique et la vision simpliste d’une négociation forcément difficile où le client demandera toujours plus. Une bonne préparation change radicalement la perspective et le déroulement de l’échange. Le travail préparatoire est le socle sur lequel repose toute votre stratégie.

La méthode des deux feuilles : votre plan de bataille

Pour organiser cette préparation de manière concrète, Eric Mabillon propose une méthode simple mais redoutablement efficace : celle des deux feuilles A4.

La première feuille : le contexte de l’entreprise et la valeur créée.

Cette feuille se concentre sur les éléments factuels liés à votre prospect. Elle répond à la question : « Quelle est la situation à date ? ».

  1. L’actualité de l’entreprise : « On va sur Google, je tape le nom de la société, je clique sur l’onglet actualité, c’est très bien fait. » Cette recherche simple permet de comprendre les enjeux récents, les succès, mais aussi les éventuelles tensions qui pourraient être utilisées dans la discussion.
  2. L’historique des interactions : En consultant votre CRM, vous devez lister toutes les interactions passées. Avec quels départements avez-vous échangé ? Quels points de valeur avez-vous réussi à mettre en avant ? « Est-ce que j’ai senti que j’avais créé de la valeur ? Est-ce qu’ils ont senti que j’ai créé de la valeur ? Et ça, on doit le lister », explique Eric. Cette valeur perçue est votre principal argument face à la discussion sur le prix.

L’objectif n’est pas d’écrire un roman, mais de rassembler des faits tangibles qui justifient votre proposition et qui rappellent à votre interlocuteur pourquoi il est prêt à payer pour votre solution.

La deuxième feuille : la dimension humaine et relationnelle.

Ici, on passe du factuel à l’humain. « La deuxième feuille c’est avec qui je parle ? » C’est une analyse de vos alliés et de vos interlocuteurs au sein de l’entreprise.

  1. Cartographier vos contacts : Avez-vous parlé à une seule personne ? Si oui, attention danger. Eric utilise une expression parlante : « Spook is a spook, c’est Single Point of Contact. Si vous avez qu’un seul contact, c’est un fantôme, ça marchera pas. » Il est crucial d’avoir plusieurs points d’appui.
  2. Identifier vos champions : Listez les personnes avec qui le courant est bien passé, celles qui ont montré un intérêt particulier, qui ont posé plus de questions. « Potentiellement ces gens-là, ça va être des gens qu’on va pouvoir utiliser, capitaliser dessus au moment de pouvoir avancer dans cette phase de négociation. »

L’importance de la préparation mentale et de la posture

Au-delà des informations collectées sur ces deux feuilles, le plus grand bénéfice de cette préparation est psychologique. Le fait d’avoir réalisé ce travail vous rassure sur la légitimité de votre offre et la valeur que vous apportez. Vous n’arrivez plus à la table des négociations en position de faiblesse, mais avec une conviction solide.

« Le fait d’avoir fait ce travail là, ça permet mentalement d’arriver en confiance », affirme Eric. Cette confiance se traduit dans votre posture, votre tonalité, votre attitude générale. Vous ne subissez plus la négociation, vous la pilotez. Vous savez que vous avez déjà démontré votre valeur, et cela change tout dans la dynamique de l’échange.

Naviguer dans les méandres de la négociation : stratégies et attitudes

Une fois préparé, comment aborder concrètement le rendez-vous ? L’approche doit être flexible et s’adapter au contexte du cycle de vente.

Comment aborder le rendez-vous de négociation ?

Parfois, la meilleure négociation est celle qui n’a pas lieu, du moins pas de manière formelle. Si vous avez bâti une solide relation de confiance, il est pertinent de poser des questions sur les processus internes avant même d’entrer dans le dur. « C’est quoi le process de décision chez vous ? C’est un comité collégial, c’est une affectation de budget ? »

Comprendre ces mécanismes peut ouvrir des portes inattendues. Si les seuils de validation sont, par exemple, à 20 000 €, il est peut-être possible de scinder la prestation pour éviter un processus de validation contraignant. La souplesse est essentielle. « Le fait que la phase de négociation existe comme étape dans le CRM ne signifie pas qu’elle doit être en permanence marquée, symbolisée aussi face au client », conseille Eric.

Que faire quand la négociation commerciale se tend ?

Le scénario redouté : tout se passait bien, et à la réception du devis, votre interlocuteur change d’attitude ou, pire, un nouvel acteur entre en scène. « D’un seul coup, on découvre qu’après le devis, il y a un nouvel interlocuteur qui apparaît. ‘Non non non, c’est plus moi qui m’en occupe, c’est un tel qui valide’. »

Face à cette situation, il ne faut surtout pas se laisser isoler. L’acheteur a pour objectif de vous déconnecter de la valeur que vous avez créée pour ne parler que de prix. La réaction doit être immédiate : recontacter votre contact initial, votre « champion ». Il faut lui expliquer la situation : « Vous vous rendez compte que là, vous venez de donner à une personne chez vous juste un prix, il a aucune notion de la valeur. Forcément qu’il va être agressif. » Il est crucial de demander son soutien et de s’assurer qu’il défend le projet en interne, qu’il est de votre côté de la table, et non en face.

Le pouvoir du « non » et l’importance de définir son prix plancher

Une négociation, c’est trouver un accord mutuellement bénéfique. Si les sacrifices demandés sont trop importants, si l’engagement n’est pas à la hauteur, il faut avoir le courage de refuser. « Parfois c’est préférable de savoir dire non », même si cela peut paraître contre-intuitif.

Cette capacité à dire non vient d’une étape de préparation cruciale : la définition de votre seuil, de votre prix plancher. Savoir en dessous de quel montant vous ne descendrez pas est un élément structurant de votre posture. Cela vous évite de conclure un accord que vous regretterez, un deal qui vous laissera un sentiment amer. « Vous allez juste vous taper dans la main avec déjà le sentiment de dire ‘c’est gâché' », prévient Eric.

L’art de la contrepartie : transformer une baisse de prix en opportunité

Accepter une baisse de prix sans rien demander en retour est souvent une erreur. C’est là qu’intervient ce qu’Eric appelle la « troisième page » de la préparation : la liste des contreparties.

Au-delà du prix : quelles contreparties négocier ?

Si vous devez faire un geste commercial, que pouvez-vous obtenir en échange ? Pour une jeune entreprise, la réputation est aussi précieuse que le chiffre d’affaires. C’est l’occasion de négocier des actifs de grande valeur.

  • Un cas client commun : « On va faire un deal de marketing ensemble, on va se faire un vrai communiqué de presse. »
  • Des mises en relation : « On va se faire un petit dîner avec des copains clients, vos copains, parce que ça fonctionne aussi beaucoup par réseaux. »
  • Un statut d’ambassadeur : Transformer un client satisfait en promoteur actif de votre solution.

« Ça, ça vaut, surtout quand tu es une petite boîte, incroyablement cher en fait », conclut Eric. C’est une manière intelligente de transformer une concession en un investissement pour l’avenir.

Formaliser l’accord : ne laissez rien au hasard

Une promesse orale a peu de valeur. Il est impératif d’acter par écrit ces contreparties. « Ah ouais ouais, j’ai donné 10 points mais il m’a dit qu’il parlerait de moi. Non, oui c’est ce qui t’a dit, ça a autant de valeur que le papier sur lequel c’est écrit. »

Le fait de présenter des options alternatives et de les formaliser montre votre professionnalisme. Cela rassure le prospect en lui montrant que vous avez une vision à long terme et que vous anticipez déjà la suite de la collaboration, bien au-delà de la simple signature du contrat.

La routine pré-rendez-vous pour créer du lien

Enfin, comment créer ce climat de confiance indispensable dès les premières minutes d’un échange ? La petite routine d’Eric est simple et terriblement humaine. Avant chaque rendez-vous, il prend le temps de s’intéresser à la personne qu’il va rencontrer. « Ce qui est génial aujourd’hui avec internet, c’est que vous pouvez voir sur LinkedIn, les gens publient énormément de choses. »

Trouver un centre d’intérêt commun, une publication intéressante, un sujet qui vous interpelle authentiquement permet de démarrer la conversation sur une note personnelle et sincère. Ce n’est pas une technique de manipulation, mais une véritable démarche pour créer une connexion. « Si vous êtes authentique dans cette démarche, ce n’est pas forcé. Ça crée un climat de confiance et ce climat de confiance, il va être bénéfique. » Ce sont ces petites attentions qui construisent les bases d’une relation solide, sur laquelle vous pourrez capitaliser au moment de discuter du prix.

En conclusion, la négociation commerciale est un art qui repose bien moins sur des tactiques de confrontation que sur une préparation rigoureuse et une intelligence relationnelle. En démystifiant cette étape, en la préparant méthodiquement et en se concentrant sur la création d’un accord gagnant-gagnant, on transforme une source de stress en une opportunité de renforcer la relation client.

FAQ sur la négociation commerciale

Quelle est la première étape pour bien préparer une négociation commerciale ?

La première étape consiste à mener une préparation factuelle et humaine. Utilisez la méthode des deux feuilles : la première pour analyser le contexte de l’entreprise cliente (actualités, valeur créée), la seconde pour cartographier vos interlocuteurs et identifier vos alliés internes (vos ‘champions’).

« J’ai même deux feuilles à quatre. La première feuille à quatre, c’est quelle est la situation à date ? […] Et là on commence la deuxième feuille. La deuxième feuille c’est avec qui je parle ? » – Eric Mabillon

Comment gérer un interlocuteur qui devient soudainement difficile sur le prix ?

Si un nouvel interlocuteur (souvent un acheteur) apparaît et se focalise uniquement sur le prix, il ne faut pas se laisser isoler. Reprenez immédiatement contact avec votre contact initial (‘champion’) pour lui demander son soutien et lui rappeler la valeur globale du projet qui dépasse la simple ligne tarifaire.

« Il faut absolument rappeler, surtout ne pas en fait se laisser enfermer dans le process achat du client parce que justement lui son enjeu c’est de vous isoler pour pouvoir obtenir le meilleur tarif. Donc vite vite vite rappeler le champion. » – Eric Mabillon

Est-il acceptable de refuser une vente lors d’une négociation ?

Oui, et c’est même une force. Savoir dire ‘non’ est essentiel si les concessions demandées sont trop importantes et que l’accord n’est plus mutuellement bénéfique. Cela nécessite d’avoir défini en amont un prix plancher en dessous duquel vous n’êtes pas prêt à descendre.

« Parfois c’est préférable de savoir dire non. […] Une négociation, c’est trouver un agrément qui soit au bénéfice des deux parties. Si les sacrifices qu’on vous demande sont trop grands ou s’il y a pas d’engagement derrière, ça ne sert à rien. » – Eric Mabillon

Que faire si un client demande une baisse de prix importante ?

Ne cédez jamais sur le prix sans obtenir une contrepartie. Préparez une liste d’alternatives de valeur que vous pouvez demander en échange d’un geste commercial : un communiqué de presse commun, une étude de cas, des mises en relation, une participation à un événement, etc.

« C’est en fait la liste des contreparties sur contre ce que je cède. […] Tu fais un geste sur le prix […] OK, on peut s’arranger comme ci comme ça. Mais de donner des alternatives, des alternatives contre des gestes. » – Eric Mabillon

Comment la préparation mentale influence-t-elle une négociation ?

La préparation mentale est cruciale car elle nourrit la confiance en soi. En arrivant préparé, avec une vision claire de la valeur que vous apportez, votre posture, votre ton et votre attitude sont plus assurés. Vous passez d’une position passive où vous subissez la négociation à une position active où vous la pilotez.

« Le fait de venir préparer, le fait d’avoir ces deux feuilles là, prépare vous prépare mentalement et du coup vous met en confiance. […] Dans ma tonalité, dans mon attitude, dans ma posture, je suis en confiance parce que je sais qu’on va arriver sur un bon deal. » – Eric Mabillon

C’est quoi un ‘champion’ dans le cycle de vente ?

Un ‘champion’ est votre sponsor au sein de l’entreprise cliente. C’est la personne qui croit en votre solution, qui a perçu sa valeur et qui est prête à la défendre en interne. C’est votre allié le plus précieux, surtout lors de la phase de négociation.

« Un champion en fait, c’est quelqu’un qui vous apprécie déjà humainement […] qui surtout a vu à travers vous un prestataire de confiance qui vient avec quelque chose qui fait sens pour son métier. » – Eric Mabillon

Comment démystifier la peur de la négociation commerciale ?

Pour démystifier cette peur, il faut changer de perspective. La négociation n’est pas un combat mais une discussion positive visant un accord bénéfique pour les deux parties. Revenir à son étymologie, ‘trouver un agrément’, aide à la voir comme une étape constructive et non une confrontation.

« Très souvent c’est un terme qui fait peur. […] En fait non, il faut la démystifier. En fait la négociation, […] c’est comment trouver un agrément qui soit à bénéfice mutuel. Donc c’est une phase qui est très positive. » – Eric Mabillon

Faut-il formaliser les contreparties acceptées lors d’une négociation ?

Absolument. Une promesse orale n’a que peu de valeur. Toute contrepartie (cas client, communiqué de presse, etc.) obtenue en échange d’une concession doit être clairement stipulée par écrit dans l’accord final. C’est une marque de professionnalisme qui sécurise l’engagement des deux parties.

« Il m’a dit qu’il parlerait de moi. J’ai dit non, oui c’est ce qui t’a dit, ça a autant de valeur que le papier sur lequel c’est écrit. Ah bah justement, oui, bon voilà, pas de valeur. Encore une fois, c’est une marque de professionnalisme. » – Eric Mabillon


Épisodes similaires