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#91 > Voiture électrique : Comment lancer un business de bornes de recharge

Épisode diffusé le 19 janvier 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Voiture électrique : comment construire une stratégie marketing pour un marché qui n’existe pas encore ?

Lancer un business de bornes de recharge pour voiture électrique est un pari sur l’avenir. Le marché est naissant, le plein potentiel n’arrivera que dans 5 à 10 ans, et pourtant, les investissements sont colossaux et immédiats. Comment met-on en place une stratégie marketing pour des projets à si long terme ? Comment adresser un marché qui, en 2030, sera transformé par l’interdiction de vente des voitures thermiques neuves en Europe ?

Pour décrypter ces défis, nous recevons Ivan de Kercize, CRO (Chief Revenue Officer) d’Electra. Sa mission est simple en apparence, mais complexe dans son exécution : « lorsqu’une station Electra sort de terre, comment on fait pour la remplir avec du trafic, avec des voitures électriques. » Il nous dévoile la stratégie mise en place pour faire d’Electra une référence de la recharge rapide en Europe.

Le paradoxe du marché de la recharge : investir aujourd’hui pour les clients de demain

Pour comprendre la stratégie d’Electra, il faut d’abord saisir les dynamiques du marché du véhicule électrique. Comme le rappelle Yvan de Kercize, nous n’en sommes qu’aux prémices. « En France, il y a environ 900 000 véhicules électriques sur la route, c’est environ 2 % des véhicules, c’est le tout début de l’aventure. » Cependant, la dynamique est exponentielle : « si tu regardes le nombre de voitures électriques vendues au mois de septembre, c’est 19 % parmi tous les véhicules […] à comparer aux chiffres de 2022, c’était 13 %. »

Cette accélération rapide crée une tension fondamentale pour un opérateur comme Electra, qui construit une infrastructure pérenne. « Nous quand on installe une station de recharge rapide publique […] on signe des baux de 12 à 20 ans. Donc nous l’infrastructure qu’on construit, elle est pour les 15-20 prochaines années. » L’enjeu est donc de résoudre un dilemme financier majeur : comment justifier des investissements massifs, « entre 400 000 et 800 000 € par station », alors que les taux d’utilisation actuels sont bien inférieurs à ce qu’ils seront dans 5, 10 ou 20 ans ? C’est tout le défi que la stratégie marketing doit adresser.

La double stratégie d’Electra : conquérir le B2B et séduire le B2C

Pour répondre à cette tension, Electra a adopté une approche à deux têtes, en s’attaquant simultanément aux marchés B2B et B2C, mais avec des niveaux d’énergie et des objectifs différents.

Le B2B : la clé pour un démarrage rapide et ciblé

La première cible, la plus stratégique à court terme, est constituée des flottes professionnelles. Yvan de Kercize explique pourquoi : « Il y a beaucoup de flottes professionnelles comme le taxi, les VTC, comme les loueurs de voitures, comme les logisticiens du dernier kilomètre qui vont passer à l’électrique plus rapidement que les particuliers parce que c’est des très gros rouleurs. »

Leur décision est purement économique. En calculant leur « Total Cost of Ownership » (coût total de possession), qui inclut l’achat, la maintenance et l’utilisation, « ils se rendent compte qu’ils font beaucoup d’économie en passant à l’électrique. Donc ils y passent en priorité. » Pour Electra, cela représente une audience captive et à fort volume, essentielle pour rentabiliser les premières stations. L’approche est donc directe, avec des équipes commerciales dédiées qui proposent un produit sur mesure permettant de suivre une flotte en temps réel, les consommations, etc.

Le B2C : construire la marque de demain, dès aujourd’hui

Si le B2B est la priorité pour l’acquisition, le B2C ne doit surtout pas être oublié. « Aujourd’hui, ils représentent plus de 70 % de nos charges. Donc c’est quand même une grosse majorité et c’est le plus gros marché dans le futur », souligne Yvan. L’approche est ici plus fine et progressive, axée sur la construction d’une communauté et d’une notoriété.

Au début, la stratégie était très ciblée. « On allait voir les influenceurs spécialisés dans le véhicule électrique […] pour commencer à faire des partenariats avec eux. On a créé une communauté Facebook privée qui s’appelle l’Electra Lab pour accueillir nos premiers utilisateurs, nos ambassadeurs. » L’objectif était de créer une base solide de « power users » pour ensuite accueillir progressivement les nouveaux conducteurs passant du thermique à l’électrique.

De l’acquisition ciblée à la construction d’une marque forte

Une fois cette première base établie, la stratégie s’est élargie pour toucher un public plus large, avec un objectif clair : faire d’Electra la marque de référence de la recharge.

Les partenariats stratégiques pour capter les nouveaux conducteurs

Pour intercepter les conducteurs au moment clé, Electra noue des alliances avec les constructeurs automobiles. « On fait des partenariats avec Stellantis, MG, Honda qui vendent des véhicules électriques pour en fait pousser l’offre Electra à ce moment-là et permettre à leurs conducteurs de se recharger à un prix réduit chez nous. »

La puissance de la publicité géo-ciblée

Le marketing digital est un outil précieux pour une entreprise avec une contrainte géographique forte. Les stations Electra ne sont pas partout, mais concentrées dans les grandes agglomérations. « À Paris, nous par exemple aujourd’hui, on est un des premiers réseaux de recharge publique […] Si on pousse des publicités dans cette région-là, on sait qu’on a une forte chance qu’une personne ait une station Electra à moins de 5 minutes de chez elle. »

Le pari du rebranding pour créer un lien émotionnel

Dans un marché où aucune marque ne se détache réellement, Electra a fait le choix audacieux d’un rebranding en septembre. L’objectif ? Sortir d’un discours purement fonctionnel. « Si tu vas sur les sites internet des opérateurs de bornes de recharge, il y en a beaucoup qui te disent ‘je suis très rapide, je suis partout’. Mais ça en fait, c’est pas très différenciant parce que dans 2-3 ans, tout le monde sera un peu partout », explique Yvan. L’entreprise a pris le contrepied en se posant une question différente : « Quand tu viens chez Electra, comment tu te sens ? Et la réalité, c’est que quand tu viens chez Electra, tu vas te sentir apaisé, calme et serein. » Créer un lien émotionnel est la clé pour bâtir des barrières à l’entrée durables.

L’expérience client : le véritable champ de bataille de la recharge de voiture électrique

Comment se différencier quand l’énergie est, par définition, une commodité ? Pour Electra, la réponse est sans équivoque : l’expérience client. Cela se traduit par deux piliers fondamentaux.

La fiabilité : le pilier non négociable d’Electra

Le problème numéro un du secteur est le manque de fiabilité. Yvan de Kercize partage un chiffre alarmant : « En France, il y a environ 15 % des sessions de charge qui échouent. » Une situation impensable pour un conducteur. Chez Electra, ce chiffre est radicalement différent : « la première force c’est que c’est pas 15 %, c’est 2 %. »

Ce résultat n’est pas le fruit du hasard, mais d’un choix stratégique majeur : la maîtrise technologique. « On a notre propre logiciel de supervision des bornes qu’on fait en interne, on a notre propre application […] on a plein de briques software qu’on développe en interne qui font qu’on maîtrise en fait tout le parcours utilisateur. » En contrôlant la communication entre la borne et la voiture, Electra résout le problème que Yvan compare à celui de brancher une imprimante sur un ordinateur : « ça marche jamais ».

La simplicité d’usage : vers une recharge aussi simple que brancher son téléphone

Au-delà de la fiabilité, la simplicité est le second levier. L’application Electra intègre des fonctionnalités qui suppriment les points de friction : réserver une borne à l’avance pour éviter le stress, ou encore ouvrir une barrière de parking directement depuis l’application. Mais la véritable innovation est l' »AutoCharge ». Yvan la décrit ainsi : « Une fois que tu as créé ton compte Electra et que tu as fait une première charge, nous dès que tu viens chez nous, on reconnaît ta voiture, on lance la charge et on prélève le paiement automatique. » L’objectif est de rendre l’acte de recharge aussi naturel que de brancher son smartphone le soir, sans avoir à scanner de QR code ou à sortir un badge.

Mesurer le succès : les leviers et KPI d’une stratégie en exploration

Dans ce contexte de construction, comment Electra mesure-t-elle la performance de sa stratégie ? Le KPI numéro un est le revenu, qui dépend du nombre de charges et du prix. Mais les leviers diffèrent grandement entre B2B et B2C.

Le B2B, premier levier de revenus avéré

« Aujourd’hui notre premier levier d’action pour générer des charges, c’est le B2B », affirme Yvan sans détour. La raison est mécanique : « Une fois que tu as signé un partenaire qu’il a un badge Electra dans sa voiture, il vient que chez toi. Il arrête d’hésiter entre une ou deux trois stations. » Cela crée une préférence de fait et un volume de charges prévisible, permettant de scaler l’activité de manière contrôlée.

Le marketing B2C, une phase d’itération continue

Côté B2C, l’entreprise est encore en « phase d’exploration ». L’équipe marketing teste différents canaux : partenariats d’influenceurs, publicité display géo-ciblée, CRM, etc. « La réalité c’est qu’aujourd’hui, on n’a pas un levier où plus tu mets d’argent, plus ça scale », admet Yvan. La mesure se fait notamment via l’attribution, par exemple en suivant l’utilisation de codes promotionnels distribués via différentes campagnes. « Aujourd’hui, on est entre 5 et 15 % [des nouveaux utilisateurs] venus grâce à un code promo. »

Le paradoxe des agrégateurs : partenaires ou concurrents ?

Un autre élément complexe de l’écosystème sont les IMSP, des applications qui agrègent les offres de plusieurs opérateurs de bornes, un peu comme un Booking.com de la recharge. Pour Electra, c’est une relation paradoxale. D’un côté, ce sont des partenaires précieux qui apportent une audience très qualifiée. De l’autre, ils risquent de cannibaliser l’utilisation de l’application Electra en propre.

Le parallèle avec l’industrie du voyage est frappant. Comme un client qui cherche sur Booking avant de réserver en direct sur le site de l’hôtel Accor, le conducteur peut utiliser l’agrégateur pour trouver une borne puis privilégier l’application de l’opérateur pour un meilleur prix ou une meilleure expérience. Le défi pour Electra est de convaincre les utilisateurs de la supériorité de son application directe. « Aucun consommateur ne va avoir 10 apps dans son téléphone pour se recharger », conclut Yvan. L’enjeu est donc de devenir l’une des deux ou trois applications de référence, grâce à la taille du réseau, la qualité de l’expérience, et le prix.

FAQ : Tout savoir sur la stratégie de recharge pour voiture électrique

Quelle est la stratégie marketing d’Electra pour ses bornes de recharge ?

Electra utilise une double stratégie. Une approche B2B avec des équipes commerciales dédiées pour signer des flottes professionnelles (VTC, logistique) qui sont des adopteurs précoces. Et une approche B2C visant à construire une marque forte via des partenariats (constructeurs), de la publicité ciblée et une expérience client supérieure.

« Pour adresser ça, notamment sur le marché français, on a une stratégie avec deux têtes, une tête B2B, une tête B2C. » – Yvan de Kercize

Comment Electra se différencie-t-elle de ses concurrents sur le marché de la recharge ?

Electra se différencie principalement par l’expérience client, qui repose sur deux piliers : la fiabilité (un taux d’échec de 2% contre 15% pour le marché) grâce à une maîtrise logicielle interne, et la simplicité d’usage, incarnée par des fonctionnalités innovantes comme l’AutoCharge qui automatise le paiement.

« L’énergie c’est une commodité. Donc comment tu crées vraiment une préférence […] Très concrètement, ça c’est vraiment l’expérience client qui permet ça. » – Yvan de Kercize

Pourquoi la fiabilité des bornes de recharge est-elle un enjeu majeur ?

La fiabilité est cruciale car le taux d’échec moyen des sessions de charge en France est d’environ 15%. Cela crée une frustration et une anxiété énormes pour les conducteurs. Offrir une expérience fiable est donc un différenciant majeur pour gagner la confiance et la fidélité des utilisateurs.

« En France, il y a environ 15 % des sessions de charge qui échouent. Donc concrètement, tu arrives dans la station, tu as les enfants derrière qui sont fatigués, tu veux te brancher 15 % des fois ça ne marche pas. […] Et donc chez Electra la première force c’est que c’est pas 15 %, c’est 2 %. » – Yvan de Kercize

Qu’est-ce que la fonctionnalité AutoCharge d’Electra ?

AutoCharge est une fonctionnalité qui simplifie radicalement l’expérience de recharge. Après une première charge, le système reconnaît automatiquement le véhicule lors des visites suivantes, lance la charge et gère le paiement sans aucune action de la part du conducteur. L’objectif est de rendre la recharge aussi simple que de brancher son téléphone chez soi.

« Nous dès que tu viens chez nous, on reconnaît ta voiture, on lance la charge et on prélève le paiement automatique. Et donc là, on passe d’un modèle où c’est compliqué à un modèle où c’est comme le soir quand tu es chez toi et que tu branches ton téléphone. » – Yvan de Kercize

Pourquoi Electra se concentre-t-elle d’abord sur les flottes professionnelles (B2B) ?

Les flottes professionnelles (taxis, VTC, logisticiens) passent plus rapidement à l’électrique car, étant de gros rouleurs, le calcul du coût total de possession (TCO) est très avantageux pour eux. Ils représentent donc un volume de charges important et immédiat, essentiel pour rentabiliser les stations.

« Ils se rendent compte qu’ils font beaucoup d’économie en passant à l’électrique. Donc ils y passent en priorité. Et donc déjà là, tu as identifier l’audience en fait qui passe plus vite à l’électrique. » – Yvan de Kercize

Comment Electra attire-t-elle les conducteurs particuliers (B2C) ?

Electra attire les particuliers via une stratégie ciblée : partenariats avec des influenceurs spécialisés, création d’une communauté de ‘power users’ (l’Electra Lab), partenariats avec des constructeurs automobiles pour toucher les acheteurs, et publicité digitale géo-localisée autour de ses stations.

« Au début, on a une stratégie très très ciblée. On allait voir les influenceurs spécialisés dans le véhicule électrique […] On a créé une communauté Facebook privée qui s’appelle l’Electra Lab pour accueillir nos premiers utilisateurs. » – Yvan de Kercize

Quel est le coût d’installation d’une station de recharge électrique rapide ?

L’investissement pour une station de recharge rapide est très significatif. Selon Yvan de Kercize, une station représente un investissement (CAPEX) entièrement porté par Electra, qui se situe entre 400 000 et 800 000 euros.

« Une station, c’est environ entre 400 000 et 800 000 € d’investissement et c’est nous qui le portons. » – Yvan de Kercize

Quel est le rôle des applications agrégatrices (IMSP) dans le secteur de la recharge ?

Les IMSP sont des applications qui regroupent plusieurs réseaux de recharge, agissant comme des marketplaces. Elles sont des partenaires importants pour les opérateurs comme Electra car elles apportent un trafic qualifié. Cependant, elles présentent le risque de capter la relation client et de transformer l’opérateur en simple fournisseur, d’où un équilibre à trouver.

« C’est des applications qui agrègent plein d’opérateurs de bornes comme nous […] c’est un super moyen de cibler une audience très qualifiée pour nous. » – Yvan de Kercize


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