TV Segmentée : La Révolution Silencieuse du Petit Écran Décryptée
La publicité télévisée a longtemps été l’artillerie lourde du marketing : puissante, massive, mais terriblement imprécise. Combien de fois vous êtes-vous retrouvé devant un spot pour des voitures de sport alors que vous êtes un citadin adepte du vélo, ou une publicité pour des couches pour bébé alors que vos enfants ont quitté la maison depuis dix ans ? Cette ère du ‘matraquage’ indifférencié touche à sa fin. Une révolution, plus silencieuse mais tout aussi profonde que celle du digital, est en marche : la TV segmentée. Imaginez pouvoir diffuser votre message uniquement aux foyers qui vous intéressent, dans une zone géographique précise, en fonction de leurs centres d’intérêt réels. Ce n’est plus de la science-fiction, c’est une réalité technique et commerciale qui redessine les contours du média roi. Mais comment cela fonctionne-t-il vraiment ? Quelle est la finesse de ce ciblage ? Peut-on enfin rêver de retargeter un visiteur de son site web directement sur son canapé ? Pour répondre à ces questions, et bien d’autres, nous avons eu la chance d’échanger avec Vincent Gessien, un expert qui a travaillé au cœur du réacteur, chez des acteurs majeurs comme Canal+ et Molotov. Dans cet article, nous allons décortiquer, point par point, les mécanismes, les promesses et les limites de cette technologie fascinante. Vous découvrirez que derrière la magie d’une publicité qui semble vous parler personnellement se cache un écosystème de données complexe et des défis techniques passionnants. Préparez-vous à voir votre télévision d’un tout nouvel œil.
La Data : Le Carburant Nucléaire de la TV Segmentée
Le principe même de la TV segmentée repose sur une promesse : remplacer un spot publicitaire national par un spot ciblé, et ce, uniquement pour une partie de l’audience. Pour que cette substitution soit pertinente, il faut une connaissance fine des foyers exposés. C’est ici que la data entre en jeu, non pas comme un simple adjuvant, mais comme le véritable cœur du système. Contrairement au monde digital où la collecte de données peut être fragmentée, la TV segmentée bénéficie d’une source d’information centralisée et de grande valeur : les opérateurs télécoms. Ce sont eux qui, par leur positionnement unique, détiennent les clés du ciblage. Explorons ensemble les différentes couches de données qui permettent cette personnalisation à grande échelle.
Les données socio-démographiques : la fondation du ciblage
La première strate de données, la plus évidente, est celle que vous fournissez directement à votre opérateur lors de la souscription : les données socio-démographiques. Comme le souligne Vincent, il s’agit d’informations CRM assez classiques.
‘Les premières data, ça va être de la du CRM assez classique. Donc ça va être de la socio démo. Donc est-ce que c’est un homme, une femme et cetera ou les tranches d’âge.’
Ces informations, bien que basiques, sont d’une fiabilité redoutable. Elles permettent de construire les segments traditionnels du monde de la publicité, comme la fameuse ‘ménagère de moins de 50 ans’, ici traduite en ‘femme de 25-49 ans’. Cependant, cette apparente simplicité cache une limite structurelle majeure : toutes ces données sont rattachées à une seule personne, le porteur du contrat. Vincent met en lumière ce point crucial :
‘Toutes ces données-là sont relatives au porteur du contrat. Donc bien évidemment avec un foyer où il y a un homme, une femme et trois enfants, ce sera les données du porteur du contrat.’
Concrètement, si Madame a souscrit à l’abonnement, toute la consommation du foyer, y compris celle de Monsieur regardant un match de foot ou des adolescents regardant une série, sera étiquetée sous son profil. C’est un biais important que les annonceurs doivent garder à l’esprit. Il ne s’agit pas de cibler un individu, mais un foyer, caractérisé par les informations de son représentant légal auprès de l’opérateur.
Le ciblage par consommation : au-delà de qui vous êtes, ce que vous regardez
Pour affiner ce portrait-robot du foyer, les opérateurs analysent également les habitudes de consommation de contenus. Cette deuxième couche de données est comportementale et donc bien plus riche. Il ne s’agit plus de savoir si le foyer est représenté par un homme de 40 ans, mais de savoir si ce foyer est un grand consommateur de sport, d’actualités, de documentaires ou d’émissions culinaires. Vincent explique la méthode de classification :
‘Ces données-là elles sont splittées, on va dire en en plusieurs catégories, le P, le M, le G, donc pour des petits consommateurs, des moyens consommateurs et des grands consommateurs.’
Cette segmentation par affinité ouvre des perspectives beaucoup plus fines pour les marques. Un annonceur comme Andros, mentionné par Vincent, peut ainsi décider de concentrer son investissement publicitaire sur les ‘grands consommateurs d’émissions culinaires’, maximisant ainsi la pertinence de son message. De la même manière, une marque d’équipement sportif pourra cibler les foyers qui regardent massivement les chaînes sportives, ou un éditeur de livres pourra viser les amateurs de programmes littéraires. Cette approche permet de passer d’un ciblage déclaratif (qui vous êtes) à un ciblage basé sur les centres d’intérêt réels et observés, une avancée significative dans le monde de la publicité télévisée.
La géolocalisation : la puissance du national au service du local
L’un des atouts les plus spectaculaires de la TV segmentée est sans doute sa capacité à géolocaliser le ciblage. Historiquement, la TV était un média national par excellence, inaccessible pour les commerces de proximité ou les réseaux de franchises souhaitant communiquer localement. Aujourd’hui, cette barrière est tombée. Il est possible de diffuser un spot publicitaire uniquement dans une région, un département, voire une ville spécifique. Un concessionnaire automobile national peut désormais décliner sa campagne en mentionnant l’adresse de la concession la plus proche pour les habitants de Bordeaux, et une autre pour ceux de Lille. Une enseigne de la grande distribution peut promouvoir une offre spéciale valable uniquement dans les magasins d’une région donnée. Cette granularité géographique transforme la TV en un outil de ‘drive-to-store’ potentiel, créant une passerelle inédite entre le média le plus puissant et les enjeux commerciaux locaux. La précision peut être ajustée en fonction des besoins de la campagne, offrant une flexibilité jusqu’alors réservée au marketing digital.
L’or noir des données tierces et du retail media
La dernière frontière, et peut-être la plus prometteuse, est l’intégration de données tierces. Ici, on sort du périmètre des informations détenues par l’opérateur pour s’ouvrir à des partenaires externes. C’est la convergence entre le monde de la télévision et la tendance de fond du retail media. Vincent explique ce mécanisme :
‘C’est pas de la data qui vient de l’opérateur mais qui vient de de source tierce […] Carrefour qui va avoir bah la vision sur tous […] les gens qui viennent acheter bah des produits chez eux grâce aux cartes fidélité.’
Le principe repose sur le ‘matching’ de bases de données. Un opérateur peut rapprocher, de manière sécurisée et anonymisée, sa base d’abonnés avec la base de clients d’un grand distributeur. Le résultat ? La création de segments ultra-précis basés sur des comportements d’achat réels : ‘acheteurs de shampoing bio’, ‘acheteurs de yaourts à la fraise’, ‘possesseurs de tel modèle de voiture’. Pour un annonceur, la valeur est immense. Il ne s’agit plus de supposer qu’un spectateur d’émission culinaire est un acheteur potentiel, mais de cibler directement les acheteurs avérés de sa catégorie de produits. C’est l’arrivée de la ‘data shopper’ dans le monde de la TV, une petite révolution qui permet de boucler la boucle entre l’exposition publicitaire et l’acte d’achat.
Après avoir exploré la richesse des données qui alimentent la TV segmentée, une question brûle les lèvres de tous les marketeurs digitaux : si l’on peut cibler avec autant de précision, peut-on enfin faire du retargeting, cette technique reine du web, sur le plus grand écran du foyer ? La réponse est plus nuancée qu’il n’y paraît.
Le Retargeting TV : Entre Rêve Digital et Réalité HERTZIENNE
Le retargeting, ou reciblage publicitaire, est la pierre angulaire de la performance dans l’écosystème digital. L’idée de pouvoir ré-exposer un individu ayant montré un intérêt pour une marque est d’une efficacité redoutable. Transposer ce concept à la télévision est le fantasme de nombreux annonceurs. Peut-on réellement retoucher un téléspectateur qui a vu une première publicité ? Peut-on aller plus loin et cibler sur la TV un visiteur de son site web ? Vincent nous aide à distinguer ce qui est déjà une réalité de ce qui relève encore de l’expérimentation.
Le retargeting intra-TV : une boucle déjà opérationnelle
La première forme de retargeting, celle qui se déroule entièrement au sein de l’écosystème télévisuel, est non seulement possible, mais déjà pratiquée. Le mécanisme est logique et s’appuie sur la capacité de l’opérateur à suivre la consommation. Vincent le décrit clairement :
‘Si c’est retargeter des gens qui ont vu une campagne télé en télé segmentée, bah ça existe déjà pour le coup. […] L’opérateur donc va pouvoir avoir cette information là, créer justement un segment ad hoc pour dire bah voilà, je vais vous faire un segment avec tous les gens qui ont vu cette pub IKEA pour après les retoucher.’
Concrètement, un annonceur peut construire un scénario publicitaire. La première publicité (le ‘spot A’) est diffusée à une large audience ciblée. L’opérateur identifie précisément les foyers qui ont été exposés à ce spot A. Ces foyers constituent alors un nouveau segment : les ‘vus spot A’. L’annonceur peut alors diffuser un second message (le ‘spot B’), plus promotionnel ou avec un angle différent, uniquement à ce segment. On peut imaginer une marque automobile qui montre un spot de notoriété sur son nouveau SUV, puis qui retargete les spectateurs avec une offre de ‘leasing’ sur ce même modèle. C’est une approche puissante pour augmenter la répétition sur une cible qualifiée et la faire avancer dans le tunnel de conversion.
Le grand défi : le retargeting du digital vers la TV
La véritable attente des spécialistes du marketing digital est ailleurs : pouvoir retargeter en TV une personne qui a visité leur site web, mis un produit au panier, ou interagi avec leur application. C’est le pont ultime entre les deux mondes. Sur ce point, la réponse de Vincent est prudente :
‘Dans l’absolu oui, mais personne ne le fait. […] Le taux de match va être pas forcément très fort.’
La difficulté est technique et réside dans la réconciliation des identités. D’un côté, nous avons un identifiant web (un cookie, un email de login sur un site). De l’autre, nous avons un abonné chez un opérateur, identifié par ses coordonnées contractuelles. Faire le pont entre les deux est un véritable casse-tête. Même si les plateformes de replay des grandes chaînes (MyTF1, 6play, etc.) sont ‘loguées’, l’email utilisé pour s’inscrire n’est pas forcément le même que celui fourni à l’opérateur. La qualité et la fiabilité de ces données ne sont pas les mêmes. En conséquence, le ‘taux de match’, c’est-à-dire le pourcentage d’utilisateurs que l’on arrive à réconcilier entre les deux univers, est souvent trop faible pour justifier des campagnes à grande échelle. C’est donc techniquement envisageable, mais aujourd’hui, ce n’est ni simple, ni efficace au point de devenir une pratique courante.
Maintenant que nous comprenons mieux les données et les stratégies de ciblage, il est temps de soulever le capot. Comment cette magie opère-t-elle techniquement sans perturber notre soirée télé ? Et comment, en tant qu’annonceur, peut-on espérer mesurer l’impact direct de ces campagnes si sophistiquées ?
Sous le Capot : Technique, Latence et Mesure de l’Impact
La promesse de la TV segmentée est belle, mais sa mise en œuvre est un défi technique considérable. Il s’agit de remplacer, en temps réel, un flux vidéo par un autre pour des millions de foyers simultanément, le tout sans que le téléspectateur ne s’aperçoive de rien. Cette orchestration complexe soulève des questions sur la latence, l’expérience utilisateur et, in fine, sur la capacité à mesurer la performance, notamment via des call-to-action directs.
Latence et insertion : la magie d’une expérience sans couture
La première crainte que l’on pourrait avoir est celle d’une expérience dégradée : un écran noir, un décalage, un ‘bug’ au moment de la substitution du spot publicitaire. Vincent est formel sur ce point, l’expérience est la priorité absolue.
‘L’expérience utilisateur qui elle est totalement seamless. Donc l’utilisateur, il va pas voir si c’est une pub segmentée ou une pub classique.’
Toute la complexité est donc cachée, gérée en amont par les opérateurs. Ces derniers imposent des contraintes techniques, notamment des délais de préparation avant la diffusion, pour garantir une transition parfaite. Cette ‘latence’ n’est pas une latence visible par l’utilisateur, mais un délai nécessaire aux systèmes pour préparer l’opération. Si aujourd’hui, ces contraintes peuvent limiter les scénarios publicitaires ultra-réactifs (par exemple, déclencher un spot en fonction d’un but dans un match), la tendance est à la réduction de ces délais. On peut imaginer qu’à l’avenir, des cas d’usage quasi-live deviendront possibles. Cependant, il est juste de se demander, comme le fait Vincent, si une réactivité à la seconde est toujours nécessaire. Pour une campagne basée sur la météo, savoir qu’il va pleuvoir une demi-heure à l’avance est amplement suffisant pour déclencher le bon spot.
Le casse-tête du Call-to-Action : le QR code est-il l’avenir ?
Une fois le spot diffusé, l’annonceur veut mesurer son efficacité. Dans le digital, un clic est un indicateur simple et direct. Comment répliquer cela en TV ? L’idée du QR code affiché à l’écran revient souvent. Techniquement, c’est simple à mettre en place. Mais est-ce efficace ? Vincent exprime un scepticisme partagé par beaucoup.
‘Techniquement c’est possible dans l’effet, je suis pas très convaincu que ce soit vraiment vraiment faisable. […] Quand on est devant sa télé, est-ce qu’on va vraiment sortir son téléphone, viser sa télé qui est peut-être à 4-5 m […] il y a de bonnes chances que le QR code il soit parti.’
L’effort demandé à l’utilisateur est considérable et le temps d’exposition du spot est court. Si quelques marques de la vente à distance, comme Comme J’aime ou Leclerc, s’y essaient, son usage reste marginal. Le véritable avenir de l’interactivité se trouve peut-être ailleurs, dans des écosystèmes plus intégrés. Vincent cite l’exemple de YouTube sur les télévisions connectées (CTV), où l’on peut envoyer une publicité de sa TV vers son mobile d’un simple clic de télécommande. Certains opérateurs, qui maîtrisent à la fois la box TV et l’écosystème mobile de leurs abonnés, pourraient développer des solutions similaires. Pour l’heure, la mesure de l’efficacité de la TV segmentée repose davantage sur des analyses post-campagne (mesure de l’impact sur les ventes en magasin, sur le trafic web, etc.) que sur une mesure directe et instantanée.
Cet écosystème technologique, bien que complexe, est en train de se stabiliser. Mais au même moment, de nouveaux acteurs, natifs du digital et dotés d’une puissance de frappe colossale, entrent dans l’arène publicitaire. Netflix et Disney+ sont en train de rebattre les cartes, posant un nouveau défi à la télévision traditionnelle.
L’Arène des Géants : La TV Segmentée Face à la Concurrence du Streaming
Le paysage audiovisuel est en pleine effervescence. Alors que la télévision linéaire apprend à maîtriser la data et la personnalisation, les géants du streaming, qui ont bâti leur succès sur un modèle sans publicité, font une entrée fracassante sur ce marché. Netflix, suivi de près par Disney+, propose désormais des abonnements moins chers avec des pages de publicité. Cette nouvelle concurrence change radicalement la donne, car ces acteurs disposent d’avantages structurels considérables.
Netflix et Disney+ : les atouts des écosystèmes intégrés
Pour un acteur comme Netflix, insérer de la publicité ciblée est, paradoxalement, beaucoup plus simple que pour une chaîne de télévision historique. La raison ? Ils maîtrisent toute la chaîne de valeur. Vincent le résume parfaitement :
‘Pour le coup pour eux c’est beaucoup plus facile parce que ils maîtrisent tout. […] C’est des players OTT, ils ont leur appli, ils ont vraiment tout.’
Netflix connaît précisément qui regarde (grâce aux profils), ce qu’il regarde, quand, et sur quel appareil. Il n’y a pas d’intermédiaire. La data est propriétaire, exhaustive et unifiée. Ils n’ont pas besoin de s’appuyer sur les données d’un opérateur télécom pour segmenter leur audience. Ils peuvent créer leurs propres segments avec une finesse inégalée. Leurs volumes sont peut-être plus faibles au départ, mais la qualité du ciblage est potentiellement bien supérieure, ce qui leur permet de valoriser très cher leurs espaces publicitaires. C’est un modèle ‘walled garden’ (jardin fermé) appliqué au streaming vidéo, redoutablement efficace.
Le défi de la mesure : l’intégration dans un standard de marché
Si ces plateformes ont un avantage technique, elles font face à un défi d’un autre ordre : celui de la mesure et de la comparaison. En France, comme dans de nombreux pays, le marché publicitaire est structuré autour d’un tiers de confiance qui mesure les audiences : Médiamétrie. Pour qu’un annonceur puisse comparer l’efficacité d’un investissement sur TF1, M6 ou Netflix, il a besoin d’indicateurs standardisés (GRP, coût par contact, etc.). Or, les géants du streaming arrivent avec leurs propres outils de mesure, créant un silo. Leur principal enjeu, comme le note Vincent, est de s’intégrer à cet écosystème existant :
‘La seule contrainte qu’ils vont avoir bah c’est la mesure. Comment ils vont arriver du coup à se faire une place dans un univers assez fermé par médiamétrie où la mesure est reine.’
Des discussions sont en cours entre Médiamétrie et ces nouveaux acteurs pour trouver un terrain d’entente. Mais le chemin est complexe. Tant que cette standardisation ne sera pas effective, ils resteront, pour les grands annonceurs et les agences médias, des investissements plus difficiles à planifier et à évaluer par rapport à la télévision linéaire, même segmentée.
Conclusion : La Télévision Réinventée
Au terme de cette exploration, le constat est clair : la télévision n’est plus le monolithe un peu archaïque que l’on pouvait imaginer. La TV segmentée la propulse de plain-pied dans l’ère de la data et de la personnalisation. Nous avons vu que grâce aux données des opérateurs, elle permet désormais une granularité de ciblage impressionnante, allant de la socio-démographie à l’analyse des comportements d’achat réels, en passant par une géolocalisation précise. Le retargeting, bien qu’encore limité dans sa connexion avec le monde digital, est déjà une réalité au sein même de l’écosystème TV, offrant de nouvelles possibilités de scénarisation publicitaire. Sur le plan technique, la complexité de l’insertion publicitaire est totalement masquée pour garantir une expérience utilisateur fluide, même si cela impose encore quelques contraintes de réactivité. La mesure de l’impact direct reste un défi, mais l’écosystème évolue pour trouver des alternatives aux clics du web. Enfin, l’arrivée des géants du streaming comme Netflix ne sonne pas le glas de la télévision, mais la pousse à accélérer sa mue. La bataille pour capter l’attention des téléspectateurs et les budgets des annonceurs se jouera désormais sur le terrain de la qualité des données et de la pertinence du ciblage. Pour les marques, c’est une opportunité historique : celle de pouvoir enfin allier la puissance de frappe inégalée de l’écran de télévision à l’intelligence du marketing digital. La révolution est en marche, et elle est passionnante.
Foire Aux Questions sur la TV Segmentée
1. Qu’est-ce que la TV segmentée, concrètement ?
La TV segmentée, ou publicité adressable, est une technologie qui permet de remplacer, au sein d’un même écran publicitaire, un spot diffusé nationalement par un spot différent, spécifiquement destiné à un foyer ou à un groupe de foyers. Au lieu que tout le monde voie la même publicité, les annonceurs peuvent choisir de ne s’adresser qu’à une audience précise (par exemple, les familles avec enfants dans la région de Lyon) grâce aux données fournies par les opérateurs internet. Pour le téléspectateur, la transition est totalement invisible.
‘La télévision segmentée (ou “targeted TV”) est une technique de diffusion de contenu télévisé ciblée qui permet aux annonceurs de diffuser leurs messages publicitaires à un public spécifique, plutôt qu’à l’ensemble des téléspectateurs d’une chaîne ou d’un programme.’
2. Quelles sont les principales sources de données utilisées en TV segmentée ?
Il existe quatre grandes catégories de données. D’abord, les données socio-démographiques issues du contrat de l’abonné (âge, sexe). Ensuite, les données de consommation, qui analysent les types de programmes regardés par le foyer (sport, actualités, cuisine…). Troisièmement, la géolocalisation, qui permet de cibler des régions, départements ou villes. Enfin, et c’est le plus innovant, les données tierces, notamment issues du retail media, qui permettent de cibler des foyers en fonction de leurs achats réels en magasin.
‘Il y a plusieurs types de data. Donc les premières data, ça va être de la du CRM assez classique. […] Il y a aussi du coup des datas qui vont plutôt être sur la consommation. […] Il y a bien sûr la data de géoloc. […] Et enfin […] ça va être de la data tierce.’
3. La TV segmentée ne cible-t-elle que le titulaire du contrat internet ?
C’est l’une des limites principales du système actuel. Les données socio-démographiques (âge, sexe) utilisées pour le ciblage sont exclusivement celles de la personne qui a signé le contrat avec l’opérateur (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free). Ainsi, dans un foyer composé de plusieurs personnes, toute la consommation sera attribuée au profil de ce titulaire unique. Un annonceur doit donc comprendre qu’il cible un foyer caractérisé par son souscripteur, et non un individu spécifique au sein de ce foyer.
‘Toutes ces données-là sont relatives au porteur du contrat. Donc bien évidemment avec un foyer où il y a un homme, une femme et trois enfants, ce sera les données du porteur du contrat. Si c’est la femme qui a signé le contrat, bah voilà, toutes les personnes dans le foyer seront des femmes de l’âge de la personne.’
4. Peut-on vraiment faire du retargeting de son site web vers la télévision ?
C’est le Saint Graal pour beaucoup de marketeurs, mais ce n’est pas encore une pratique courante et efficace. Techniquement, c’est possible en théorie, mais cela se heurte à un problème majeur de réconciliation des identités entre l’univers web (cookie, email de login) et l’univers TV (contrat opérateur). Les taux de ‘match’ entre ces deux bases de données sont aujourd’hui trop faibles pour lancer des campagnes à grande échelle. En revanche, le retargeting au sein de la TV (cibler des gens qui ont vu un premier spot) est tout à fait possible.
‘Dans l’absolu oui, mais personne ne le fait. […] Le taux de match va être pas forcément très fort parce que il y a d’un côté un porteur de contrat où là pour le coup les données elles sont vraiment accute […] De l’autre un service où voilà, il faut juste se loguer.’
5. L’expérience utilisateur est-elle dégradée par la publicité segmentée ?
Absolument pas. C’est une priorité pour tout l’écosystème. La substitution du spot publicitaire est conçue pour être totalement transparente et fluide (‘seamless’) pour le téléspectateur. Il n’y a ni écran noir, ni coupure, ni décalage. L’utilisateur ne peut pas faire la différence entre une publicité classique diffusée à tout le monde et une publicité segmentée qui lui est spécifiquement adressée. Toute la complexité technique est gérée en amont par les opérateurs pour garantir une expérience de visionnage parfaite.
‘L’expérience utilisateur qui elle est totalement seamless. Donc l’utilisateur, il va pas voir si c’est une pub segmentée ou une pub classique et après tout le cheminement technique pour que justement ce remplacement soit seamless.’
6. Comment peut-on mesurer l’efficacité d’une campagne de TV segmentée ?
La mesure de l’impact direct reste un défi. L’utilisation de QR codes à l’écran est techniquement faisable mais leur adoption par les utilisateurs est très faible en raison de la contrainte (sortir son téléphone, viser, etc.). Les solutions les plus prometteuses pourraient venir d’écosystèmes intégrés (comme YouTube sur TV connectée) permettant une interaction via la télécommande. Actuellement, la performance est surtout mesurée via des études post-campagne, en comparant l’évolution des ventes ou du trafic web entre un groupe exposé à la publicité et un groupe témoin.
‘Techniquement c’est faisable, vu qu’on on peut se rapprocher d’une mécanique de clic. […] Après là où c’est plus compliqué, c’est est-ce que les gens vont vraiment faire ça. […] Il y a de bonnes chances que le QR code il soit parti.’
7. Quelle est la différence entre la publicité sur Netflix et la TV segmentée traditionnelle ?
La différence majeure réside dans la maîtrise de l’écosystème. Les acteurs de la TV segmentée traditionnelle (chaînes, opérateurs) collaborent pour assembler des données et diffuser des publicités. Netflix, en tant que plateforme OTT, maîtrise tout de bout en bout : l’application, le contenu, les profils utilisateurs et donc les données de consommation. Leur capacité de ciblage est nativement plus simple et potentiellement plus fine. Leur principal défi n’est pas technique, mais celui de s’intégrer aux standards de mesure du marché publicitaire comme Médiamétrie.
‘Pour le coup pour eux c’est beaucoup plus facile parce que ils maîtrisent tout. C’est des players OTT, ils ont leur appli, ils ont vraiment tout. Donc après la seule contrainte qu’ils vont avoir bah c’est la mesure.’
8. La publicité TV géolocalisée est-elle vraiment précise ?
Oui, la géolocalisation est l’un des points forts de la TV segmentée. La précision peut varier en fonction des besoins de l’annonceur et des capacités des opérateurs. Il est tout à fait possible de cibler à des échelles très larges comme la région, mais aussi de descendre à des niveaux bien plus fins comme le département ou même la ville. Cela ouvre la porte à des stratégies de communication locales pour des réseaux de franchises, des concessionnaires ou la grande distribution, ce qui était impossible avec la télévision traditionnelle.
‘La géoloc après peut être soit très granulaire, soit très généraliste. Donc on peut aller sur des régions, des départements ou des villes.’




