Logo de l'épisode #8 : Bannouze : L'attribution est-elle galvaudée ? du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#8 : Bannouze : L’attribution est-elle galvaudée ?

Épisode diffusé le 23 janvier 2019 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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L’attribution marketing : Le Saint-Graal galvaudé du marketeur digital ?

Chaque directeur marketing connaît cette question lancinante : où chaque euro de mon budget publicitaire est-il le plus efficace ? Dans un écosystème digital de plus en plus fragmenté, où un consommateur est exposé à une dizaine de points de contact avant de convertir, répondre à cette question relève du casse-tête. On parle d’attribution, de contribution, de modèles au dernier clic, de courbes en U… des termes qui, bien souvent, ajoutent une couche de complexité plutôt que de clarté. Le risque ? Tomber dans deux extrêmes : soit s’en tenir au simplisme rassurant mais trompeur du ‘dernier levier payant’, soit se perdre dans la quête d’un ‘modèle parfait’ qui ressemble plus à un Graal inaccessible qu’à un outil de pilotage. Cette complexité a mené beaucoup à se demander si l’attribution marketing n’était pas, finalement, une notion galvaudée, un concept théorique déconnecté des réalités opérationnelles.

Pourtant, ignorer l’attribution, c’est naviguer à vue, c’est prendre des décisions budgétaires basées sur l’intuition plutôt que sur la donnée. C’est potentiellement couper un levier en amont du parcours client, essentiel à la découverte, parce qu’il ne convertit pas directement. C’est, à l’inverse, surinvestir sur un levier de fin de parcours qui ne fait que ‘cueillir’ des conversions déjà initiées par d’autres. Pour nous guider à travers ce labyrinthe, nous avons la chance d’échanger avec Emmanuel Brunet, CEO d’Eulerian, qui a consacré sa carrière à démystifier ces sujets. Son approche est claire : l’attribution n’est pas une fin en soi. Comme il le souligne, ‘l’objectif, ce n’est pas de faire de l’attribution ou de la contribution pour satisfaire un plaisir ou un désir contemplatif. L’objectif, c’est de répondre en fait à une question qui est : quelle est la rentabilité de mon investissement ?’. Cet article, basé sur notre échange, se veut un guide pragmatique pour transformer l’attribution d’un concept intimidant en un allié stratégique puissant pour piloter votre performance digitale.

Attribution vs Contribution : Démystifier les deux piliers de l’analyse de performance

Avant même de songer à optimiser des budgets, il est impératif de maîtriser le vocabulaire. Les termes ‘attribution’ et ‘contribution’ sont souvent utilisés de manière interchangeable, créant une confusion qui vicie toute analyse dès le départ. Comprendre leur distinction n’est pas un simple exercice sémantique ; c’est la clé pour choisir la bonne méthode d’analyse en fonction de la question que l’on se pose. L’un cherche un ‘coupable’ unique pour une conversion, l’autre cherche à comprendre le travail d’équipe qui y a mené. Emmanuel Brunet nous offre une clarification lumineuse pour poser des bases saines.

L’attribution : une logique déterministe pour des réponses directes

L’attribution, dans son sens le plus courant, est une méthode qui cherche à associer une conversion (une vente, un devis rempli) à un unique événement publicitaire. C’est une logique binaire, quasi juridique : on cherche le point de contact qui aura le droit de revendiquer 100% du mérite de la conversion. La méthode la plus connue est celle du ‘dernier clic payant’.

‘Si on a un modèle typiquement dernier clic payant, on va prendre en fait l’historique de chaque conversion et dire : alors avant la vente, il y a eu un clic SEO. OK, la règle c’est dernier clic payant, mon clic SEO, je le prends pas en compte. Avant j’ai eu un clic affiliation. OK, c’est un clic payant. Il rentre dans le cadre de la règle et donc cette vente je l’associe au clic payant qui est l’attribution.’

Cette approche est qualifiée de déterministe car elle suit une règle stricte et préétablie. Si l’événement X correspond à la règle, il obtient 100% du crédit. Sinon, il obtient 0%. L’avantage de cette simplicité est aussi sa plus grande faiblesse. Elle est facile à comprendre et à mettre en œuvre, mais elle ignore la complexité du parcours client. Elle ne voit que le buteur et oublie les passeurs décisifs. Elle est particulièrement utile pour répondre à des questions très opérationnelles et binaires, comme la cannibalisation entre deux campagnes très similaires ou pour détecter des schémas de fraude simples. Cependant, s’appuyer uniquement sur ce type de modèle pour des décisions stratégiques de ventilation budgétaire est extrêmement risqué, car cela revient à ne regarder que la dernière page d’un livre pour en juger la qualité.

La contribution : une vision statistique pour une performance partagée

Si l’attribution cherche un héros solitaire, la contribution, elle, célèbre l’effort collectif. Elle part d’un postulat fondamentalement différent : une conversion est rarement le fruit d’un seul point de contact, mais plutôt l’aboutissement d’une séquence d’interactions. L’objectif n’est plus d’attribuer 100% à un seul levier, mais de répartir le mérite entre tous les événements publicitaires qui ont jalonné le parcours du consommateur.

‘On va essayer à travers la contribution, méthodologie contributive, d’aller donner une forme de pourcentage de contribution ou score de contribution à chacun des événements. Donc pour ça, on va rentrer dans des mécaniques qui sont plus purement déterministes mais qui sont plus statistiques et algorithmiques.’

Ici, on ne suit plus une règle binaire, mais un modèle statistique. Le plus célèbre est le modèle en U (ou U-Shape), qui surpondère le premier point de contact (celui qui a initié la relation) et le dernier (celui qui a conclu la vente), tout en accordant un poids moindre aux interactions intermédiaires. C’est une approche intellectuellement plus satisfaisante car elle reconnaît la valeur des différents leviers à différentes étapes du tunnel de conversion. Elle est indispensable pour les arbitrages budgétaires à long terme, pour comprendre comment les grands équilibres entre les leviers (notoriété, considération, conversion) fonctionnent. Cependant, sa complexité peut être un piège. Construire son propre modèle contributif demande une maturité analytique forte et une compréhension profonde de son business, car comme le souligne Emmanuel, un modèle pertinent pour vendre des voitures (cycle long) sera inefficace pour vendre des souris d’ordinateur (cycle court).

En résumé, la question n’est pas de choisir entre attribution et contribution, mais de savoir quand utiliser l’une ou l’autre. L’attribution pour des questions tactiques rapides, la contribution pour des réflexions stratégiques profondes. C’est en mariant les deux approches que l’on obtient la vision la plus complète et la plus actionnable de sa performance.

De la théorie à la pratique : Comment l’attribution répond-elle VRAIMENT aux questions des annonceurs ?

Une fois la distinction sémantique établie, l’enjeu majeur est de rendre ces concepts opérationnels. Le but n’est pas d’élaborer de savantes théories, mais de prendre de meilleures décisions. L’attribution devient véritablement puissante lorsqu’elle cesse d’être un exercice contemplatif pour devenir un outil d’investigation, capable de challenger les certitudes et de révéler des dynamiques invisibles. Il s’agit de poser des questions concrètes et d’utiliser la flexibilité des modèles pour y répondre. Est-ce que ma campagne de retargeting apporte une réelle valeur ajoutée ou se contente-t-elle de surcibler des utilisateurs déjà convaincus ? Est-ce que mon investissement sur ma propre marque en SEA est rentable ou cannibalise-t-il mon trafic naturel ? C’est ici que l’approche pragmatique prônée par Emmanuel Brunet prend tout son sens.

Challenger les idées reçues : le cas du retargeting et de l’achat de marque

Deux des questions les plus récurrentes chez les annonceurs concernent l’efficacité du retargeting (notamment en post-view) et la pertinence de l’achat de mots-clés liés à sa propre marque. Dans un modèle simpliste au dernier clic, ces deux leviers apparaissent souvent comme extrêmement performants. Mais est-ce réellement le cas ? L’approche empirique consiste à utiliser plusieurs modèles d’attribution comme des angles de vue différents pour éclairer la scène.

Prenons l’exemple de l’achat de marque en SEA. Un modèle ‘dernier clic payant’ va systématiquement attribuer la conversion au clic sur le lien sponsorisé. Pour challenger cela, on peut créer un second modèle qui exclut purement et simplement ces clics ‘marque’. Que se passe-t-il alors ? À quels autres leviers la conversion est-elle attribuée ? On découvre souvent qu’un clic SEO, une visite directe ou un clic depuis un email transactionnel aurait eu lieu juste avant. ‘On va voir quels sont les leviers qui ont été cannibalisés, s’il y avait d’autres leviers derrière et si le fait d’acheter la marque a une réelle contribution’, explique Emmanuel. Cette comparaison entre les deux modèles ne donne pas une réponse définitive, mais elle quantifie le risque de cannibalisation et permet de prendre une décision plus éclairée, par exemple en ne ciblant que les nouveaux utilisateurs avec les annonces sur sa marque.

Le même raisonnement s’applique au post-view en retargeting. Une bannière a été vue, mais pas cliquée, avant une conversion. Faut-il lui accorder du crédit ? En comparant un modèle qui prend en compte le post-view et un autre qui l’ignore, on peut mesurer précisément son impact sur la performance perçue des autres canaux. Cela permet d’ajuster la fenêtre d’attribution post-view (1 jour, 7 jours ?) et de mieux valoriser son apport réel, qui est souvent dans la réassurance et le maintien du lien avec l’utilisateur, plutôt que dans la génération directe de la conversion.

L’approche agnostique : Pourquoi il n’existe pas de modèle d’attribution parfait

Cette démarche de comparaison mène à une conclusion fondamentale : la quête du ‘modèle d’attribution parfait’ est une impasse. Certains acteurs du marché peuvent promettre un modèle algorithmique ‘magique’ qui résout tout, mais la réalité est bien plus nuancée. Le meilleur modèle est celui qui répond à votre question du moment. Cette philosophie, Emmanuel la qualifie d’approche de ‘philosophe des lumières’.

‘Je pense qu’à l’inverse, si on veut être capable de trouver les réponses à ces questions, il faut justement partir d’une approche qui est extrêmement pragmatique, très agnostique et avoir une logique très empirique […] OK, je commence par une règle toute simple. Je regarde, je constate. Je mets une deuxième règle.’

Cette approche itérative est la clé. On ne commence pas par construire une usine à gaz. On part de son modèle historique (souvent le dernier clic) pour avoir un point de comparaison. Puis, on ajoute des règles progressivement pour tester des hypothèses. ‘Et si j’ignorais les clics qui ont lieu pendant la session de conversion ?’ ‘Et si je dépriorisais les sites de couponing ?’ ‘Et si je donnais tout le crédit à un levier dès qu’il apparaît dans le parcours ?’. Chaque nouveau modèle est une expérience qui apporte un éclairage différent. C’est un processus d’apprentissage continu. Le but n’est pas de trouver le modèle qui sera utilisé pour les 5 prochaines années, mais de construire une boîte à outils de modèles que l’on peut mobiliser pour analyser des situations spécifiques. C’est en acceptant cette absence de vérité absolue et en adoptant une posture d’expérimentation constante que l’on tire la plus grande valeur de l’attribution marketing.

Les défis technologiques et humains : Naviguer entre cookies, cross-device et biais d’analyse

L’attribution marketing ne se résume pas à un choix de modèles. Elle repose sur un socle technologique dont la fiabilité est sans cesse remise en question. Entre la disparition annoncée des cookies tiers, la complexité du suivi cross-device et les réglementations comme le RGPD, il est légitime de se demander si les données collectées sont encore assez fiables pour construire une analyse pertinente. Ces défis sont réels, mais ils ne signent pas l’arrêt de mort de l’attribution. Ils exigent simplement une compréhension plus fine des mécanismes de collecte et, surtout, une approche analytique qui intègre et conscientise ces biais. Le plus grand risque n’est pas tant la technologie elle-même que l’interprétation globale et non segmentée des données qu’elle fournit.

Le mythe du cookie mourant : Comprendre les nuances du tracking first-party

L’annonce de la fin des cookies tiers a semé la panique, laissant penser que toute forme de suivi était condamnée. C’est une vision réductrice. Emmanuel Brunet rappelle une distinction cruciale : celle entre les cookies tiers et les cookies ‘première partie’ (first-party).

‘L’idéal, c’est typiquement ce qu’on fait chez Aurian, c’est de lier le cookie au nom de domaine de l’annonceur. Ce qui maximise le nombre d’occasions d’écrire nos cookies. […] Quand on travaille sur des cookies première partie, on a déjà la chance de pouvoir assez librement lire, écrire nos cookies et éviter la majeure partie des ad blocks sur le site de l’annonceur.’

Un cookie first-party est déposé par le site que l’utilisateur visite. Il est donc beaucoup mieux accepté par les navigateurs et les utilisateurs. La collecte de données sur le propre environnement de l’annonceur (site web, application) reste donc très robuste. La principale faiblesse se situe sur la mesure du ‘post-impression’ (le suivi des bannières vues mais non cliquées sur des sites tiers), où les cookies tiers jouaient un rôle majeur. La collecte des clics, elle, reste très largement préservée. Il ne faut donc pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Oui, il y a des biais, notamment sur la vision du haut du funnel publicitaire, mais une grande partie du parcours client reste mesurable avec une grande fiabilité. Le défi est d’être conscient de ces angles morts et de les intégrer dans l’analyse, plutôt que de rejeter en bloc la validité de toute la démarche.

Au-delà des sources de trafic : L’importance cruciale du profil utilisateur

Peut-être le biais le plus dangereux en attribution n’est-il pas technologique, mais intellectuel. Il consiste à analyser la performance des leviers de manière agrégée, en mélangeant tous les types d’utilisateurs. Or, le comportement d’un nouveau prospect est radicalement différent de celui d’un client fidèle qui a déjà acheté dix fois. Appliquer le même modèle d’attribution et tirer les mêmes conclusions pour ces deux populations est une erreur fondamentale.

Pour Emmanuel Brunet, c’est un point essentiel, souvent négligé : ‘On parle beaucoup d’attribution par rapport aux sources de trafic […] on parle jamais d’attribution ou de contribution lié au profil de l’utilisateur. Et pour moi, c’est fondamental d’avoir une démarche où on va segmenter des rapports d’attribution par profil.’. Il ne faut pas se contenter de savoir QUEL levier a converti, mais QUI il a converti. Un levier peut être excellent pour l’acquisition de nouveaux clients mais médiocre pour la réactivation d’anciens, et vice-versa. Un rapport global masquera ces nuances et pourra mener à des décisions absurdes, comme couper un levier vital pour l’acquisition parce que sa performance globale est ‘moyenne’.

L’intégration de données CRM ou de segments comportementaux dans l’outil d’attribution est donc une étape de maturité indispensable. Il faut créer des rapports spécifiques : un pour les nouveaux clients, un pour les clients réguliers, un pour les ‘VIPs’, etc. On se rendra souvent compte que les parcours d’achat et l’efficacité des leviers sont totalement différents d’un segment à l’autre. C’est en descendant à ce niveau de granularité que l’on passe d’une analyse descriptive à une analyse véritablement prescriptive. On ne se contente plus de constater, on comprend les dynamiques propres à chaque cible et on peut affiner sa stratégie marketing avec une précision chirurgicale.

Le plan d’action en 5 étapes pour un projet d’attribution réussi

Se lancer dans un projet d’attribution peut sembler aussi intimidant que de vouloir gravir une montagne. Par où commencer ? Quels sont les pièges à éviter ? Fort de son expérience auprès de centaines d’annonceurs, Emmanuel Brunet distille une feuille de route pragmatique en cinq conseils clés. Ce n’est pas une formule magique, mais une démarche structurée qui place la rigueur, la patience et l’intelligence humaine au cœur du processus. Suivre ces étapes permet de construire un projet sur des fondations solides et de s’assurer que l’outil technologique reste au service de la stratégie, et non l’inverse.

1. Valider la qualité de la donnée : le prérequis non négociable. C’est le point de départ absolu. On ne construit pas une cathédrale sur un marécage. Avant toute analyse, il faut s’assurer de l’exhaustivité et de la fiabilité de la collecte.

‘Le premier point, c’est de vérifier qu’on a un bon tagage, que tout est tagué. On a souvent des cas où on a une version mobile qui a pas été ou un browser qui a pas été tagué […]. On peut avoir les plus beaux dashboards de la planète, si la donnée qui sert à les monter ne marche pas, c’est clairement un problème.’

Il faut auditer son plan de taggage sur tous les environnements (web, mobile, app) et s’assurer que toutes les interactions clés sont correctement mesurées. Cette phase technique est souvent fastidieuse, mais la négliger garantit l’échec du projet.

2. Conserver un maître-étalon : ne pas perdre ses repères. Quand on change de système de mesure, il est crucial de ne pas naviguer à l’aveugle. Il faut conserver son ancien modèle de reporting (souvent le dernier clic payant) comme une référence.

‘Je pense qu’il faut garder une forme de maître-étalon quand on se lance dans un projet de manière à pouvoir ensuite suivre ses résultats dans un contexte qui est celui qui était historiquement celui de la société.’

Cela permet de mesurer l’impact des nouveaux modèles, de comprendre les écarts et d’expliquer les changements aux parties prenantes. Sans ce fil rouge, on risque de se perdre et de ne plus savoir si une évolution de la performance est due à un changement de stratégie ou à un changement de méthode de mesure.

3. Ne pas brûler les étapes : construire sa compréhension. La patience est une vertu cardinale en attribution. Il est tentant de vouloir sauter directement à un modèle de contribution algorithmique complexe. C’est une erreur. Il faut adopter une démarche itérative.

‘Il faut pas brûler les étapes et […] avoir une vraie démarche de construire la compréhension du cycle de ses consommateurs. […] Commencer par l’attribution, tester plusieurs modèles et rentrer dedans au niveau intellectuel. Je pense qu’on ne peut pas faire une croix là-dessus.’

En commençant par des modèles simples et en les complexifiant progressivement, on s’approprie les données, on identifie les biais et on construit une compréhension intime de l’interaction entre ses campagnes et ses consommateurs. C’est ce cheminement intellectuel qui donne de la valeur au projet.

4. Partir de questions concrètes : chercher des bénéfices rapides. Un projet d’attribution ne doit pas être un projet de recherche et développement à l’issue incertaine. Il doit être guidé par des questions business précises et quantifiables.

‘Je pense qu’il faut avoir des questions spécifiques du genre : est-ce que je dois couper ou pas tel ou tel investissement ? […] Il faut commencer petit avec des questions concrètes et se mettre […] des succès en cours de projet.’

Identifier un ou deux sujets à fort enjeu (ex: la performance d’un partenaire coûteux) et se concentrer sur leur résolution permet de démontrer rapidement la valeur du projet, d’obtenir des ‘quick wins’ financiers et de créer une dynamique positive pour la suite.

5. Intégrer le profil utilisateur : le détail qui change tout. C’est le conseil ultime pour passer à un niveau supérieur de maturité. Ne raisonnez pas uniquement en termes de ‘sources de trafic’, mais en termes de ‘personnes’.

‘Le fait de ne pas raisonner uniquement sur une logique de pure source de trafic mais vraiment d’intégrer des données utilisateurs dans l’attribution […] On a tendance à avoir des rapports d’attribution qui sont des formes d’évangile et on oublie que le rapport est construit avec la donnée d’une mère de famille, d’un étudiant et de ma mère de 87 ans.’

Segmenter ses analyses par type de client (nouveau, fidèle, homme, femme, etc.) révèle des insights qu’une vision globale masque complètement. C’est en comparant ces ‘choux et ces carottes’ séparément que l’on comprend enfin les subtilités de son marketing.

Conclusion : L’attribution, un dialogue humain augmenté par la technologie

Au terme de cette exploration, une certitude émerge : l’attribution marketing n’est ni le remède miracle, ni une discipline galvaudée et obsolète. Elle est bien plus un dialogue, une démarche intellectuelle et itérative qui utilise la technologie comme un microscope pour mieux comprendre une réalité profondément humaine : le comportement du consommateur. L’erreur serait de croire que l’on peut déléguer cette compréhension à un algorithme, aussi sophistiqué soit-il. Comme le martèle Emmanuel Brunet, la machine fournit des données, des angles de vue, mais c’est à l’humain de poser les bonnes questions, de formuler des hypothèses et d’interpréter les réponses avec un esprit critique.

Les points clés à retenir sont simples mais puissants. D’abord, la maîtrise du langage est essentielle : ne plus confondre attribution et contribution. Ensuite, adopter une posture d’humilité et de pragmatisme : il n’y a pas de modèle parfait, seulement des outils pour répondre à des questions. La qualité irréprochable de la donnée est le socle de tout l’édifice. Enfin, et c’est peut-être le plus important, il faut toujours ramener l’analyse au niveau de l’utilisateur, en segmentant et en refusant les conclusions hâtives basées sur des moyennes qui ne veulent rien dire. Le véritable objectif n’est pas de produire des rapports, mais de générer des enseignements qui mènent à des actions concrètes et rentables.

Alors, pour vous, marketeur, e-commerçant, responsable d’acquisition, le chemin est clair. N’ayez pas peur de la complexité, mais abordez-la par étapes. Commencez par valider vos fondations de données. Posez-vous une ou deux questions simples mais à fort enjeu. Testez, comparez, apprenez. Faites de l’attribution non pas une finalité, mais un moyen permanent d’affiner votre stratégie et de renforcer la relation que vous construisez avec vos clients. C’est à cette condition que l’attribution cessera d’être un ‘nœud au cerveau’ pour devenir l’un de vos plus puissants leviers de croissance.

FAQ sur l’attribution marketing

Quelle est la différence fondamentale entre l’attribution et la contribution marketing ?

La distinction est essentielle pour choisir le bon outil d’analyse. L’attribution est une méthode déterministe qui cherche à assigner 100% du crédit d’une conversion à un seul et unique point de contact, selon une règle prédéfinie (par exemple, le dernier clic payant). C’est une approche binaire et directe. La contribution, à l’inverse, est une méthode statistique et algorithmique qui part du principe que plusieurs points de contact ont participé à la conversion. Elle répartit donc le mérite entre ces différents événements en leur assignant un score ou un pourcentage de contribution, souvent basé sur un modèle comme une courbe en U.

‘La différence entre l’attribution et la contribution, c’est que l’attribution dans la majeure partie des cas […] va avoir un événement qui est une vente qui va être associé à un événement publicitaire, typiquement un clic, un view ou une ouverture de mail. La contribution, elle, elle a un objectif […] d’aller donner une forme de pourcentage de contribution ou score de contribution à chacun des événements.’

Pourquoi le modèle du ‘dernier clic’ est-il souvent insuffisant ?

Le modèle du ‘dernier clic’ (ou ‘last click’) est insuffisant car il ignore l’intégralité du parcours client qui a précédé la conversion. Il ne crédite que le tout dernier point de contact, donnant une vision très réductrice et souvent trompeuse de la performance. En ne valorisant que les leviers de fin de parcours (comme le SEA sur sa marque ou le retargeting), il pénalise injustement les leviers de découverte et de considération (comme le display, les réseaux sociaux ou le SEO générique) qui sont pourtant essentiels pour initier la relation avec le consommateur. S’appuyer uniquement sur ce modèle conduit à des décisions de budget court-termistes et potentiellement destructrices pour la croissance à long terme.

‘Si on a un modèle typiquement dernier clic payant, on va prendre en fait l’historique de chaque conversion dire alors avant la vente, il y a eu un clic SEO. OK, la règle c’est dernier clic payant, mon clic SEO, je le prends pas en compte. Avant j’ai eu un clic affiliation. OK, c’est un clic payant […] et donc cette vente je l’associe au clic payant.’

Un petit e-commerçant doit-il se lancer dans un projet d’attribution ?

Oui, absolument. L’intérêt de l’attribution n’est pas proportionnel à la taille de l’entreprise. Dès les premiers euros investis en publicité, il est crucial de comprendre ce qui fonctionne pour optimiser sa stratégie. Le principal frein pour un petit acteur n’est pas le manque d’intérêt, mais plutôt le coût d’entrée de la technologie et le temps humain nécessaire. Cependant, même une démarche d’attribution simple, en comparant quelques modèles de base, peut apporter des enseignements précieux et éviter de gaspiller un budget limité. L’idée n’est pas de viser la perfection, mais de mettre en place une logique d’amélioration continue dès le départ.

‘Du jour où tu commences à dépenser 300 €, tu commencerais à faire de l’attribution pour mettre ta stratégie sur les bons rails et identifier les biais de ce que tu fais, tu gagnerais beaucoup de temps. Donc en fait, tu as intérêt à le faire tout de suite.’

Comment le cross-device complique-t-il l’attribution marketing ?

Le cross-device complique l’attribution car un même utilisateur peut interagir avec une marque via plusieurs appareils (mobile, ordinateur, tablette) sans qu’il soit toujours possible de relier ces interactions. Si un utilisateur découvre un produit sur son mobile le matin et finalise son achat sur son ordinateur le soir, un système d’attribution basique verra deux parcours distincts et attribuera la conversion uniquement au parcours sur ordinateur, ignorant totalement le rôle initiateur du mobile. Le défi est de réconcilier ces parcours. La méthode la plus fiable est ‘déterministe’ : elle utilise un identifiant unique (comme une connexion à un compte client ou l’ouverture d’un email) pour lier les appareils à une même personne de manière certaine.

‘Oui, il y a des biais. Après, il faut savoir sur quelle cible […] les biais sont principalement exprimés de manière à être capable aussi de prendre en compte et de savoir quand on lit un rapport d’attribution sur quelle partie du rapport […] il faut être prudent dans les conclusions qu’on va prendre.’

L’attribution marketing peut-elle vraiment fonctionner sans cookies tiers ?

Oui, l’attribution reste tout à fait fonctionnelle, mais son périmètre évolue. La fin des cookies tiers impacte principalement la mesure des impressions publicitaires (post-view) sur des sites externes. Cependant, le suivi des clics et de l’ensemble du parcours sur les propres environnements de l’annonceur (site web, application) repose majoritairement sur des cookies ‘first-party’. Ces cookies, déposés par le domaine visité, sont beaucoup moins affectés par les restrictions des navigateurs. La vision sera donc moins complète sur le haut du funnel, mais le suivi des interactions directes et des parcours de conversion reste très robuste.

‘Quand on travaille sur des cookies première partie, on a déjà la chance de pouvoir assez librement lire, écrire nos cookies et éviter la majeure partie des ad blocks sur le site de l’annonceur pour lequel le tracking et la collecte de data sont réalisés.’

Quel est le premier conseil pour un annonceur qui débute en attribution ?

Le conseil le plus fondamental est de s’assurer de la qualité et de l’exhaustivité de ses données avant toute chose. C’est le socle de tout projet. Lancer des analyses complexes sur des données incomplètes ou erronées ne produira que des conclusions fausses et mènera à de mauvaises décisions. Il faut donc commencer par un audit rigoureux de son plan de taggage sur l’ensemble de ses plateformes (site desktop, site mobile, applications) pour vérifier que toutes les interactions importantes sont correctement collectées. C’est une étape technique et parfois ingrate, mais absolument indispensable.

‘Je pense que le premier point, c’est de vérifier qu’on a un bon tagage, que tout est tagué. […] On peut avoir les plus beaux dashboards de la planète. Si la donnée qui sert à les monter ne marche pas, c’est clairement un problème.’

Pourquoi est-il crucial de segmenter les utilisateurs dans une analyse d’attribution ?

Il est crucial de segmenter car tous les utilisateurs ne se comportent pas de la même manière. Analyser la performance de manière agrégée revient à mélanger des profils très différents (nouveaux prospects, clients fidèles, hommes, femmes, jeunes, seniors…) et à obtenir une moyenne qui ne représente personne. Un levier marketing peut être très efficace pour acquérir de nouveaux clients mais peu pertinent pour fidéliser des clients existants. Un rapport global masquera cette nuance et pourrait conduire à une mauvaise décision, comme couper un budget d’acquisition vital. Segmenter les rapports par profil utilisateur permet de comprendre ces dynamiques fines et d’adapter sa stratégie à chaque cible.

‘Pour moi, c’est fondamental d’avoir une démarche où on va segmenter des rapports d’attribution par profil a minima client prospect, client très régulier. […] on va pas mélanger les performances des campagnes sur des gens qui sont déjà acheteurs 10 fois et plus avec les performances des campagnes en acquisition pure.’


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