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#79 : Société : L’impact de la publicité sur l’environnement (ca bouge un peu… ou pas)

Épisode diffusé le 14 février 2023 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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L’impact de la publicité sur l’environnement : entre prise de conscience et transformation profonde

La publicité est partout. Elle façonne nos désirs, influence nos choix et rythme notre quotidien. Mais dans un monde confronté à l’urgence climatique, une question cruciale se pose : quel est le véritable coût environnemental de cette omniprésence ? Loin d’être une simple question technique réservée aux experts, l’impact de la publicité sur notre planète est devenu un sujet de société majeur. C’est un paradoxe fascinant : un secteur conçu pour stimuler la croissance se retrouve aujourd’hui contraint de questionner son propre modèle face aux limites planétaires. Je suis Adeline Gabe, consultante et formatrice spécialisée dans la transition écologique des métiers du marketing digital, et j’ai passé une grande partie de ma carrière, notamment chez Publicis Média, au cœur de cette machine. Aujourd’hui, mon objectif est d’aider l’écosystème à naviguer dans cette complexité.

Trop souvent, lorsque l’on pense à l’impact écologique de la publicité, on s’arrête à la consommation électrique des serveurs qui diffusent nos bannières et nos vidéos. C’est une partie de l’équation, certes, mais c’est aussi la plus visible, et peut-être la moins significative. L’impact réel est bien plus profond, plus systémique. Il s’ancre dans la manière dont nous créons nos messages, dans les chaînes technologiques que nous déployons, et surtout, dans les modes de vie que nous promouvons. Comme je l’expliquais, il y a un peu

‘trois niveaux’

d’impact à considérer, et ignorer l’un d’eux, c’est passer à côté de l’essentiel du problème.

Dans cet article, nous allons plonger au cœur de ce sujet complexe. Nous allons décortiquer ensemble ces différentes strates d’impact, de la production d’un film publicitaire à l’idéologie qu’il véhicule. Nous explorerons les défis immenses que représente la mesure de cette empreinte, un domaine où les initiatives foisonnent mais où la clarté manque encore. Enfin, et c’est le plus important, nous verrons quelles sont les actions concrètes et les changements de paradigme nécessaires pour transformer la publicité d’une partie du problème en un potentiel levier de la solution. Car si la prise de conscience est bien là, le chemin vers un marketing véritablement durable est encore long et semé d’embûches, mais aussi d’opportunités passionnantes.

Les trois visages de l’impact publicitaire : au-delà du carbone de la diffusion

Pour comprendre l’empreinte environnementale de la publicité, il faut adopter une vision à 360 degrés. Se focaliser uniquement sur l’aspect digital de la diffusion serait une erreur, car l’iceberg est bien plus large et profond. Chaque campagne publicitaire, avant même d’atteindre nos écrans, a déjà un lourd passif écologique. Analysons ces trois dimensions pour saisir toute l’ampleur du défi.

La production créative : le coût caché des tournages et shootings

Le premier impact, souvent sous-estimé, est celui de la production des contenus. Un spot télévisé, une campagne d’affichage, une vidéo pour les réseaux sociaux… tout cela ne naît pas de nulle part. Derrière la magie de l’image se cache une logistique bien réelle et gourmande en ressources. Comme je le souligne dans le podcast :

‘avant ça, il faut produire les créations, il faut produire les films publicitaires, faut aller faire des tournages en Afrique du Sud ou ou plus plus proche en France et tout ça bah forcément, c’est des déplacements en avion, de plus ou moins grosses équipes de tournage, c’est de la cantine, c’est c’est du matériel et cetera.’

Chaque décision créative a une conséquence matérielle. Le choix d’un lieu de tournage exotique pour quelques secondes de vidéo implique des vols long-courriers pour des dizaines de personnes. La construction de décors éphémères génère des déchets considérables. L’alimentation des équipes, l’hébergement, le transport du matériel lourd… tout cela s’additionne pour former une empreinte carbone et environnementale non négligeable avant même la diffusion de la première impression. L’éco-production n’est plus une option mais une nécessité. Cela passe par des choix conscients : privilégier des tournages locaux, utiliser la lumière naturelle, recycler les décors, opter pour une restauration végétarienne ou encore, lorsque c’est possible, réutiliser des contenus existants (‘du matériel créatif qui existe déjà’) plutôt que de produire systématiquement du neuf. C’est un changement de mentalité qui doit infuser des agences de création jusqu’aux directions marketing.

La diffusion digitale : une chaîne complexe et énergivore

Le deuxième niveau est celui que l’on évoque le plus souvent : l’impact de la diffusion, en particulier dans le digital. La publicité en ligne repose sur une infrastructure mondiale massive et complexe.

‘Il faut des serveurs, il faut du réseau, il faut des terminaux utilisateurs pour diffuser la publicité. Donc ça ça consomme de l’énergie et et des ressources.’

La complexité du programmatique, avec ses enchères en temps réel, multiplie les acteurs et les appels serveurs pour chaque impression affichée. Chaque bannière, chaque vidéo qui se charge sur nos écrans déclenche une cascade de requêtes entre l’éditeur, l’ad exchange, les DSP, les DMP, les outils de mesure…

‘Évidemment, plus tu as de complexité technologique dans la chaîne et d’intermédiaire, plus ça fait appel à de nombreux serveurs dans tous les sens, des ressources de calcul de tous ces serveurs qui eux même que tu vas convertir en en énergie en fait.’

Le poids de la création publicitaire joue ici un rôle crucial. Une vidéo 4K non optimisée qui se lance automatiquement consommera infiniment plus de données – et donc d’énergie – qu’une bannière statique et légère. La rationalisation de l’écosystème technologique devient un enjeu majeur. Avons-nous réellement besoin de multiplier les outils de mesure qui font souvent la même chose ? Cette ‘débauche énergétique’ peut être contenue par des choix plus sobres et plus pertinents, en se concentrant sur la qualité plutôt que la quantité.

L’impact du message : le véritable moteur de la surconsommation

Enfin, nous arrivons au troisième niveau, le plus important et le plus difficile à quantifier, mais dont l’influence est la plus dévastatrice. C’est l’impact du message publicitaire lui-même.

‘L’impact de la publicité bah c’est l’impact du du du message du fond, c’est-à-dire qu’est-ce que promeut la publicité ? quel mode de vie, quel mode de consommation elle met en scène et puis quels produits et services, elle elle cherche à nous vendre.’

C’est là que réside le cœur du problème. Une campagne publicitaire, même produite et diffusée de la manière la plus éco-responsable possible, qui incite à l’achat d’un SUV polluant, à des voyages en avion pour le week-end ou à la fast fashion, aura un impact final infiniment plus négatif.

La publicité est un formidable levier culturel. Elle ne se contente pas de vendre des produits ; elle normalise des comportements et construit des imaginaires. Pendant des décennies, elle a promu un modèle de consommation basé sur le ‘toujours plus’, le neuf, l’éphémère. Cet impact indirect, en stimulant la production et la consommation de biens et services à forte empreinte environnementale, est le plus grand défi. C’est pourquoi la transition écologique de la publicité ne peut se limiter à des optimisations techniques. Elle doit impérativement interroger le fond du message et la responsabilité des annonceurs dans les choix de société qu’ils encouragent.

Après avoir exploré ces trois dimensions, il devient évident que l’évaluation de l’impact publicitaire est un exercice complexe. Il ne s’agit pas simplement de brancher un wattmètre sur un serveur. Il faut une approche holistique qui intègre des facteurs aussi divers que la logistique d’un tournage, l’architecture d’un ad stack et l’influence sociologique d’un slogan. C’est ce défi de la mesure que nous allons maintenant aborder.

Mesurer l’invisible : le défi de quantifier l’empreinte environnementale

La prise de conscience est là. L’écosystème publicitaire, poussé par la pression citoyenne et réglementaire, a compris qu’il devait agir. Mais pour agir efficacement, il faut d’abord mesurer. Et c’est là que les choses se compliquent. Calculer l’impact environnemental de la publicité est un véritable casse-tête, un domaine où la science des données rencontre les limites de nos connaissances et où les méthodologies se cherchent encore. L’enthousiasme initial pour les ‘calculateurs carbone’ a révélé une réalité plus complexe : l’impact ne se résume pas au CO2.

Pourquoi le simple calcul carbone est terriblement réducteur

Le premier écueil est de réduire l’impact environnemental à sa seule composante carbone. C’est une simplification pratique, mais dangereuse. Comme je le rappelle :

‘il y a pas que que le carbone qui est responsable du bouleversement climatique. L’empreinte environnementale de de la pub ou de la pub digitale, c’est aussi un impact sur la ressource en eau, ça a un impact sur les la consommation de de ressources non renouvelables […] il faut des terres rares, des métaux et cetera.’

La fabrication des terminaux (smartphones, ordinateurs) qui nous permettent de voir les publicités nécessite l’extraction de minéraux dont les conditions sociales et environnementales sont souvent désastreuses. Les data centers, au-delà de leur consommation électrique, ont besoin de quantités astronomiques d’eau pour leur refroidissement. Ces impacts sur la biodiversité, les ressources hydriques ou la pollution des sols sont bien réels mais beaucoup plus difficiles à intégrer dans un simple ‘score carbone’. Une véritable évaluation devrait s’appuyer sur les principes de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), qui prend en compte toutes les étapes, de l’extraction des matières premières à la fin de vie du produit ou service. Malheureusement, appliquer une ACV complète à une campagne digitale complexe relève aujourd’hui de l’exploit.

Les calculateurs : entre initiatives dispersées et besoin urgent d’un standard

Face à cette complexité, le marché a vu fleurir de nombreuses solutions, notamment des calculateurs carbone. C’est un signe positif de la mobilisation du secteur.

‘La France est super en avance en fait par rapport aux autres pays. Et ça c’est c’est vraiment chouette. Et du coup bah il y a pas mal de sociétés qui se sont lancées en fait sur le sujet pour essayer de développer des calculateurs carbone pour les régies, pour les agences médias.’

Cependant, cette effervescence s’est faite en ‘ordre un peu dispersé’.

Le problème est majeur : chaque acteur a développé sa propre méthodologie, en se basant sur des périmètres et des hypothèses différents. Certains mesurent en temps réel, d’autres sur des moyennes. Certains incluent l’impact des terminaux, d’autres non. Le résultat est un brouillard total pour les annonceurs qui cherchent à avoir une vision consolidée.

‘Si un annonceur par exemple veut avoir une vision globale, ça va être compliqué pour lui s’il doit additionner des choux et des carottes.’

Cette situation, qui rappelle les débuts de la mesure de la visibilité ou de la fraude, nuit à la crédibilité de la démarche et empêche une véritable action coordonnée.

C’est pour répondre à ce chaos que des initiatives de standardisation ont vu le jour. Je suis personnellement très impliquée dans ces travaux avec des organismes comme Alliance Digitale (ex-IAB France) et le SRI (Syndicat des Régies Internet). Notre objectif est clair :

‘il faut absolument que on se mette tous sur le même le même standard méthodologique et c’est ce sur quoi on bah je travaille […] essayer de mettre à plat tout ça et de créer un référentiel on espère unique.’

Ce travail de fond est indispensable pour que l’ensemble du marché parle le même langage et que la mesure devienne un outil de pilotage fiable et comparable, et non un simple argument marketing.

La mesure, bien qu’imparfaite, reste la première étape indispensable. Elle permet de matérialiser un impact jusqu’alors invisible et de poser les bases d’une stratégie de réduction. Une fois que l’on commence à comprendre où se situent les principaux postes d’émissions et de consommation de ressources, on peut enfin passer à l’action. C’est ce que nous allons voir maintenant, en explorant les leviers concrets à la disposition des marques.

De la prise de conscience à l’action : conseils pratiques pour un marketing plus sobre

Mesurer, c’est bien. Agir, c’est mieux. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe de nombreux leviers pour réduire l’impact environnemental de la publicité, et beaucoup d’entre eux relèvent du bon sens et des bonnes pratiques marketing. Il ne s’agit pas de tout arrêter, mais de faire mieux avec moins, de viser la sobriété et l’efficacité. Pour un annonceur qui souhaite s’engager, le chantier est vaste mais les premiers pas sont accessibles et souvent bénéfiques pour le business.

Conseil n°1 : La sobriété créative, penser l’éco-production avant tout

Tout commence avant même la diffusion. La phase de production créative est une source d’impacts directs qu’il est possible de maîtriser. La première question à se poser est simple : ai-je vraiment besoin de produire un nouveau contenu ?

‘Est-ce que je fais un tournage spécifique pour de la vidéo ou est-ce que j’essaie de recycler un peu du matériel créatif qui existe déjà ?’

La réutilisation ou l’adaptation de contenus existants (banque d’images, archives de la marque) est le geste d’éco-conception le plus efficace. Si une nouvelle production est inévitable, il faut l’aborder avec une mentalité d’optimisation : privilégier des lieux de tournage accessibles, réduire la taille des équipes, utiliser des équipements moins énergivores, planifier pour maximiser l’utilisation de la lumière naturelle et minimiser les déchets sur le plateau. Ces pratiques, en plus d’être vertueuses, peuvent également générer des économies substantielles.

Conseil n°2 : Lutter contre le gâchis publicitaire, l’efficacité comme premier levier écologique

Le marketing digital, par sa complexité et sa profusion, est un terrain fertile pour le gaspillage. On estime qu’une part non négligeable des impressions publicitaires achetées ne sont jamais vues par un humain (fraude), s’affichent hors de l’écran (visibilité) ou sont diffusées à une audience non pertinente. Chaque impression gaspillée est une consommation inutile de ressources.

‘Le premier truc, ça va être d’essayer de d’être sobre et de limiter le gâchi publicitaire parce que on sait que dans le marketing digital, il y en a beaucoup.’

Lutter contre ce gâchis est un double gain : performance économique et performance écologique. Cela passe par un pilotage rigoureux des campagnes. Au lieu de viser le volume d’impressions à bas coût, il faut se concentrer sur des indicateurs de qualité et d’efficacité réelle. Un ciblage précis, une gestion intelligente de la répétition (capping) pour éviter la surdiffusion, et une analyse fine de l’attribution sont des pratiques fondamentales.

‘Si tu fixes mal ton KPI et si tu comprends pas bien quelle est la contribution de ta publicité à tes ventes, bah tu vas probablement faire du gâchi.’

Par exemple, surinvestir en retargeting sur des clients déjà convaincus est une source énorme d’impressions ‘diffusées à blanc’. La sobriété publicitaire commence par un marketing plus intelligent et moins dispendieux.

Conseil n°3 : Rationaliser l’écosystème technique et choisir ses partenaires

La promesse du ‘tout mesurable’ en digital a conduit à une inflation des outils. Les annonceurs empilent les solutions technologiques (AdTech, MarTech) qui, bien souvent, se chevauchent.

‘On a eu tendance à multiplier les les outils qui font la même chose. Et c’est un peu une débauche c’est une débauche énergétique aussi.’

Faire l’inventaire de son ‘stack’ technique et le rationaliser est une démarche saine. Chaque outil superflu représente des appels serveurs, du stockage de données et donc une consommation d’énergie évitable.

Enfin, il est crucial de responsabiliser l’ensemble de la chaîne de valeur en choisissant et en challengeant ses partenaires.

‘On peut aussi travailler avec ses partenaires pour savoir justement comment eux abordent le sujet de leur responsabilité sociale et environnementale.’

Interrogez vos régies, vos agences, et surtout les géants technologiques comme Google ou Amazon sur leurs politiques énergétiques.

‘Où est-ce que tes données sont sont hébergées ? Est-ce que là où elles sont hébergées, on utilise de l’électricité qui provient du charbon de Pologne ou est-ce que c’est du nucléaire ou du renouvelable ?’

En intégrant des critères RSE dans vos appels d’offres et vos relations contractuelles, vous envoyez un signal fort au marché et contribuez à tirer tout l’écosystème vers le haut.

Ces actions concrètes permettent déjà d’éliminer ‘beaucoup de gras’. Cependant, une fois ces optimisations réalisées, nous nous heurterons inévitablement à des questions plus fondamentales. Si la forme de la publicité peut être rendue plus vertueuse, qu’en est-il du fond ? Peut-on réellement concilier un modèle économique basé sur une croissance continue avec les impératifs de la sobriété écologique ? C’est le débat de fond que nous devons désormais oser avoir.

Au-delà de l’optimisation : faut-il repenser le modèle publicitaire en profondeur ?

Après avoir optimisé les processus, réduit le gaspillage et choisi des partenaires plus vertueux, un annonceur pourrait se dire que le travail est fait. Pourtant, c’est à ce moment précis que les questions les plus difficiles émergent. L’optimisation a ses limites. Si le volume global de la consommation continue d’augmenter, toutes les améliorations à la marge seront balayées. La véritable transition écologique de la publicité nous oblige à questionner non plus seulement le ‘comment’, mais aussi le ‘pourquoi’ et le ‘quoi’. C’est un débat qui dépasse le marketing pour toucher au cœur du modèle économique de nos entreprises et de notre société.

La publicité, vecteur de surconsommation ou levier de transition ?

Le rôle historique de la publicité est de stimuler la demande pour faire vendre plus.

‘La publicité est là pour toujours faire vendre plus de produits. Si tu vends toujours plus de produits, tu rentres dans un cercle où tu émets de plus en plus quoi qu’il arrive.’

C’est le nœud du problème. La publicité est le carburant d’un moteur, celui de la surconsommation, qui nous a menés dans l’impasse écologique actuelle. Elle est donc logiquement ‘vachement pointée du doigt et à raison’. Cependant, ce puissant outil d’influence peut aussi être retourné.

‘C’est aussi un truc, un levier hyper puissant pour faire changer les gens de comportement.’

Les défenseurs de la publicité mettent en avant son potentiel à promouvoir des modes de vie plus durables, des produits éco-conçus ou des services de l’économie circulaire. Le défi est immense : qui financera ces campagnes de ‘transition’ ? Et que faire des entreprises dont le modèle d’affaires repose sur des produits intrinsèquement non durables ? C’est ici que l’on touche à la stratégie même des entreprises. La question n’est plus ‘comment faire de la publicité pour mes produits ?’, mais ‘mes produits ont-ils encore leur place dans un monde en transition, et comment la publicité peut-elle accompagner ma transformation ?’.

Le financement des médias : un équilibre démocratique précaire

Un autre enjeu majeur, souvent oublié par les critiques les plus radicales qui appellent à l’interdiction de la publicité, est son rôle économique et social.

‘Le souci, c’est que effectivement, ils oublient l’autre pan. Le fait que la pub bah ça finance tous nos usages gratuits sur le sur le web et ça finance l’information indépendante aussi.’

La grande majorité des contenus que nous consommons gratuitement en ligne, des articles de presse aux vidéos, en passant par les podcasts, n’existent que grâce aux revenus publicitaires. Supprimer ce modèle de financement reviendrait à ériger un mur payant autour de l’information et de la culture.

‘On serait dans un modèle premium avec un truc un peu inégalitaire parce que seuls les plus riches auraient accès au contenu de qualité.’

Cet argument ne doit pas servir d’excuse à l’inaction, mais il impose de réfléchir à des solutions nuancées. Comment préserver ce financement essentiel tout en orientant les investissements publicitaires vers des supports et des messages plus responsables ? C’est un équilibre délicat à trouver, qui implique une responsabilité partagée entre les annonceurs, les agences, les régies et les médias eux-mêmes.

Le cadre légal : entre encadrement du greenwashing et limites de l’action

Face à ces enjeux systémiques, le législateur a commencé à intervenir, notamment suite à la Convention Citoyenne pour le Climat. Le signal est clair : l’autorégulation ne suffit plus. L’une des avancées les plus notables est la lutte contre le greenwashing. Les marques ne peuvent plus se contenter de vagues promesses écologiques.

‘Il faut savoir que le greenwashing maintenant c’est c’est c’est précisé comme un un délit dans la loi […] on peut plus raconter ce qu’on veut quand on dit que son produit est neutre en carbone, qu’il est meilleur pour la planète.’

Des organismes comme l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) publient des recommandations de plus en plus strictes pour encadrer la communication sur le développement durable. La loi interdit également de ‘promouvoir des comportements qui sont contraires au principe du développement durable’, comme inciter au remplacement d’un produit encore fonctionnel.

Ces avancées sont cruciales pour assainir le discours publicitaire. Néanmoins, la loi ne peut pas tout. Elle encadre la forme et la véracité du message, mais elle peine encore à remettre en cause le volume et la nature des produits promus. La véritable transformation viendra d’une combinaison de réglementations plus ambitieuses, d’une pression citoyenne continue et, surtout, d’une prise de conscience stratégique au sein même des entreprises.

Conclusion : De l’optimisme individuel à la nécessité d’une stratégie collective

Au terme de ce parcours, le constat est double. D’un côté, il y a de véritables raisons d’être optimiste. La prise de conscience au sein de l’écosystème publicitaire est réelle et rapide. Partout, des individus s’emparent du sujet et font bouger les lignes de l’intérieur.

‘Dans les boîtes, c’est au-delà d’un truc porté par la direction, la stratégie d’entreprise, c’est aussi un truc d’individu et tu as plein d’individus un peu partout qui sont vachement préoccupés par ces sujets.’

Des initiatives de standardisation voient le jour, des outils se développent, et la loi commence à poser des garde-fous, notamment contre le greenwashing.

De l’autre côté, il faut rester lucide. Nous avons à peine commencé à gratter la surface du problème. Les optimisations techniques, bien que nécessaires, ne suffiront pas si elles ne s’accompagnent pas d’une remise en question fondamentale de nos modèles d’affaires et de nos imaginaires de consommation. Tant que le succès se mesurera principalement en volume de ventes, la publicité restera, par nature, une incitation à consommer plus.

‘Quant à la remise en cause du du système et des modèles des business models on y est quand même pas tout à fait encore.’

L’appel à l’action est donc clair. Pour chaque professionnel du marketing et de la communication, il s’agit de passer du stade de la préoccupation individuelle à celui de l’action stratégique collective. Cela signifie intégrer les critères environnementaux à chaque étape : dans le brief créatif, dans le choix des partenaires, dans la configuration des campagnes et dans la mesure de la performance. C’est un changement de culture profond qui demande du courage, de la formation et de la collaboration. Le chemin est encore long, mais la direction est tracée. Il ne tient qu’à nous de transformer ce secteur, souvent critiqué, en un puissant moteur de la transition écologique.

Foire aux questions (FAQ)

Quels sont les trois principaux niveaux d’impact environnemental de la publicité ?

L’impact environnemental de la publicité ne se limite pas à la diffusion digitale. Il doit être analysé sur trois niveaux distincts. Le premier est la production des contenus créatifs (tournages, déplacements, matériel). Le deuxième est la diffusion, qui consomme de l’énergie via les serveurs, les réseaux et les terminaux des utilisateurs. Enfin, le troisième niveau, et le plus important, est l’impact du message lui-même, qui promeut des modes de consommation et des produits plus ou moins durables, influençant ainsi la surconsommation.

‘Il y a un peu trois niveaux […] on pense souvent à l’impact de la diffusion […] mais avant ça, il faut produire les créations […] et puis surtout en fait l’impact de la publicité bah c’est l’impact du du du message du fond.’

Pourquoi est-il si compliqué de mesurer l’empreinte carbone d’une campagne publicitaire digitale ?

La mesure est complexe car de nombreuses initiatives ont été lancées en ordre dispersé, sans méthodologie commune. Chaque acteur (régie, agence, AdTech) utilise son propre périmètre et ses propres hypothèses de calcul. Cela rend les résultats difficiles à comparer et à consolider pour un annonceur. Un effort de standardisation, mené par des instances comme Alliance Digitale et le SRI, est en cours pour créer un référentiel unique et fiable, afin que tout l’écosystème puisse ‘additionner des choses comparables’ et non ‘des choux et des carottes’.

‘On s’est aperçu qu’il y avait plein d’initiatives mais que tout le monde était un peu dans le brouillard et surtout tout le monde n’était pas du tout sur le même périmètre, la même la même méthodologie et cetera, ce qui pose un peu des problèmes.’

Quelles sont les actions concrètes qu’un annonceur peut mettre en place pour une publicité plus responsable ?

Un annonceur peut agir sur plusieurs leviers. D’abord, l’éco-production des contenus en recyclant le matériel créatif existant ou en optimisant les tournages. Ensuite, la lutte contre le gâchis publicitaire en se concentrant sur la qualité (visibilité, anti-fraude) plutôt que le volume. Il est aussi crucial de rationaliser son ‘stack’ technologique pour éviter la ‘débauche énergétique’. Enfin, il faut challenger ses partenaires sur leur politique RSE et choisir ceux qui sont les plus engagés, notamment sur l’utilisation d’énergies renouvelables pour leurs data centers.

‘Première chose, c’est déjà la production du contenu […] la deuxième chose, c’est de réfléchir à ses à ses médias […] essayer de d’être sobre et de limiter le gâchi publicitaire […] on peut aussi travailler avec ses partenaires.’

En quoi la lutte contre le gâchis publicitaire est-elle une démarche écologique ?

Le gâchis publicitaire (impressions frauduleuses, non vues, surdiffusion) représente une consommation massive et inutile de ressources énergétiques. Chaque impression publicitaire, même si elle n’atteint pas sa cible ou n’est pas vue, déclenche des appels serveurs, du transit de données et du calcul. Lutter contre ce gaspillage en pilotant mieux ses campagnes (meilleurs KPI, ciblage précis, capping) permet non seulement d’améliorer le retour sur investissement, mais aussi de réduire directement l’empreinte environnementale en éliminant des ‘impressions qui sont diffusées à blanc’.

‘Si tu fixes mal ton KPI […] tu vas probablement faire du du gâchi […] et donc tout ça, c’est en fait des ressources de calcul des des impressions qui sont diffusées à blanc.’

Le greenwashing en publicité est-il désormais sanctionné par la loi ?

Oui, le cadre légal s’est durci. Le greenwashing, qui consiste à communiquer de manière trompeuse sur les vertus écologiques d’un produit ou d’une entreprise, est maintenant explicitement reconnu comme un délit dans la loi française, assimilé à une pratique commerciale trompeuse. Les entreprises ne peuvent plus utiliser des allégations vagues comme ‘bon pour la planète’ ou ‘neutre en carbone’ sans pouvoir le prouver de manière rigoureuse et transparente. Des organismes comme l’ARPP veillent également au respect de règles de plus en plus strictes.

‘Il faut savoir que le greenwashing maintenant c’est c’est c’est précisé comme un un délit dans la loi […] on peut plus raconter ce qu’on veut quand on dit que son produit est neutre en carbone, qu’il est meilleur pour la planète.’

La suppression de la publicité est-elle une solution viable pour l’environnement ?

Bien que radicale, cette solution poserait d’autres problèmes sociétaux majeurs. La publicité est le principal modèle de financement de l’information indépendante et de la majorité des contenus et services gratuits sur le web. La supprimer reviendrait à créer un modèle où seuls ceux qui peuvent payer auraient accès à des contenus de qualité, ce qui créerait une fracture informationnelle et culturelle importante. Le débat est donc plutôt de savoir comment faire évoluer ce modèle de financement pour le rendre plus vertueux, plutôt que de le supprimer entièrement.

‘Le fait que la pub bah ça finance tous nos usages gratuits sur le sur le web et ça finance l’information indépendante aussi. Sinon on serait dans un modèle premium avec un truc un peu inégalitaire.’

Comment puis-je, en tant que professionnel du marketing, trouver des informations fiables sur ce sujet ?

Pour approfondir le sujet, il existe plusieurs ressources de qualité. Les publications officielles de l’ADEME ou de l’Arcep sur le numérique sont des bases solides. Pour une analyse critique et documentée, le blog du chercheur Gauthier Roussilhe est une référence. Côté podcasts, ‘L’Octet Vert’ de Tristan Nitot et ‘Déclics Responsables’ de Perrine Tanguy explorent les enjeux du numérique durable. Il est aussi essentiel de suivre les travaux des instances professionnelles comme Alliance Digitale (ex-IAB France) et le SRI, qui travaillent sur les référentiels de demain.

‘Je vous recommande le blog d’un chercheur consultant qui s’appelle Gauthier Roussilhe […] Après on peut aller écouter le podcast de Tristan Nitot qui qui s’appelle l’Octet vert et un autre podcast qui s’appelle déclic responsable.’


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