Logo de l'épisode #73 : Content > La "PASSION ECONOMY" vraie révolution ou simple mirage ? du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#73 : Content > La « PASSION ECONOMY » vraie révolution ou simple mirage ?

Épisode diffusé le 17 octobre 2022 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Qu’est-ce que la passion economy et comment transforme-t-elle la création de contenu ?

De OnlyFan à Substack, de la photo personnelle payante à la newsletter ultra-spécialisée, un nouveau terme émerge : la Passion Economy. Mais qu’est-ce qui se cache réellement derrière cette notion ? Est-ce une véritable révolution pour les créateurs ou un simple mirage ? Pour faire le point, nous avons échangé avec Alexa Lefèvre, Directrice Communication et RSE chez AssurOne, qui a exploré ce signal faible pour nous aider à comprendre ses implications.

L’idée est de décortiquer ces sujets émergents, de mettre des mots dessus et de voir s’ils sont destinés à devenir des signaux forts ou à rester de simples tendances de niche. Comme le dit Alexa, l’objectif est de « voir jusqu’où on peut arriver à théoriser un peu la chose ou tout simplement, au moins, dire ça existe ».

Définir l’économie de la passion

Avant toute chose, il est essentiel de comprendre ce qu’est exactement la Passion Economy. Alexa Lefèvre nous éclaire : « Ce sujet en fait, il a été théorisé en 2020 dans un livre qui s’appelle The Passion Economy par Adam Davidson. L’idée est très simple, c’est de dire : c’est l’économie de la passion et donc comment j’arrive moi, en tant que personne, quelle que soit ma culture, quel que soit mon milieu, quelles que soient mes connaissances, à partir de ma passion à en vivre et à monétiser du contenu. »

Cette approche permet à quiconque de transformer une passion profonde, qu’il s’agisse d’astronomie, de jardinage ou d’analyse financière, en une source de revenus viable. Le principe est de partager un savoir unique et personnalisé avec une communauté qui paie pour y accéder, que ce soit via des droits d’entrée ou un abonnement.

La différence fondamentale avec la gig economy

Pour bien saisir la portée de la Passion Economy, il faut l’opposer à un autre modèle bien connu : la Gig Economy. « Il faut l’opposer, et ça c’est hyper important pour aider un peu à comprendre, à la Gig Economy », insiste Alexa. Alors, qu’est-ce que la Gig Economy ? « C’est littéralement l’économie des petits boulots. Des plateformes qui l’illustrent parfaitement bien, c’est Uber, c’est Deliveroo. Où là, en fait, je monétise non pas ma passion, mais mon temps. »

Dans la Gig Economy, le revenu est directement corrélé à la productivité et au temps passé à travailler. Plus vous travaillez, plus vous gagnez. La Passion Economy, elle, s’inscrit dans une logique de « slow content » : « Je prends le temps de partager avec une communauté à laquelle je fais payer l’accès à une information unique, personnalisée et de qualité justement parce que ces personnes-là potentiellement partagent la même passion. » Il ne s’agit plus de quantité, mais de la valeur et de l’exclusivité du contenu partagé.

Comment évaluer la qualité du contenu dans un modèle décentralisé ?

Si n’importe qui peut devenir créateur, une question cruciale se pose : comment juger de la qualité du contenu en ligne ? Comment s’assurer que l’information partagée est fiable, surtout lorsque les créateurs ne sont pas des journalistes ou des universitaires de formation ?

La modération par la communauté : un garde-fou ?

Selon Alexa Lefèvre, la première ligne de défense est la communauté elle-même. « C’est ce que je vais appeler la modération par la communauté. Plus il va y avoir de personnes exposées à ce contenu, plus derrière ces personnes vont pouvoir vérifier ou infirmer une information. » Ce processus de validation sociale est visible lorsque des fake news circulent : des experts ou des membres avertis de la communauté se positionnent pour alerter et corriger. On peut penser aux « debunkers » qui utilisent des méthodes scientifiques pour vérifier des faits, mais aussi à une forme de vigilance collective où le simple fait d’émettre un doute pousse à la vérification.

La notion d’expert à l’ère de la passion economy

Ce nouveau paradigme vient bousculer la notion traditionnelle d’expert. Historiquement, l’expert était celui qui possédait un diplôme, un titre, une reconnaissance institutionnelle. Aujourd’hui, la donne change. « Ça vient questionner la notion d’expert », explique Alexa. On voit de plus en plus de journalistes de formation investir ces plateformes, apportant avec eux une méthodologie de vérification des sources. Adam Davidson, qui a théorisé le concept, est lui-même journaliste économique.

Mais la grande nouveauté, c’est l’émergence d’une nouvelle forme d’expertise. « Je ne suis plus expert au sens « c’est mon métier ». C’est : je suis expert au sens « c’est tellement ma passion que justement, je suis capable avec tout ce que j’ai appris de vous synthétiser le tout ». » Cette expertise naît de la passion, de la recherche intensive et de la capacité à rendre accessible un sujet complexe. L’expertise devient donc contextuelle et validée par une communauté qui reconnaît la valeur du partage.

Le risque de l’effet gourou : optimisme contre pessimisme

Cette régulation par la communauté, si elle semble vertueuse sur le papier, peut aussi avoir un revers. C’est là qu’intervient le risque de l’effet gourou, où une communauté se ferme sur elle-même et prend pour argent comptant tout ce que dit son créateur favori. Comment éviter cette dérive ?

L’animateur Laurent soulève ce point avec une vision plus pessimiste : « On pourrait le voir de l’autre côté de l’œilton. » Il exprime sa crainte que n’importe qui puisse se revendiquer expert, glisser des liens d’affiliation pour « gagner deux trois billets », et que l’auditoire ne sache plus distinguer un créateur passionné d’un influenceur opportuniste.

Créateur de contenu vs influenceur : une différence de porte d’entrée

Alexa propose une distinction clé pour nuancer ce risque : « Moi la notion de gourou justement, elle est assez liée à influenceur, plus que une personne qui a une passion. » Pour elle, la différence réside dans la porte d’entrée. « Sur l’influence, il y a quand même un marketing d’endorsement. C’est moi en tant que personne qui te parle d’un sujet et donc avant tout, tu rentres par la porte du contenu via moi. Là, l’idée c’est que ce soit l’inverse. »

Dans la Passion Economy, l’utilisateur cherche d’abord une information sur un sujet qui le passionne, comme « les loutres du Brésil », et découvre ensuite le créateur. « Ma porte d’entrée n’est plus qui parle, mais de quoi cette personne parle. » Le contenu prime sur la personnalité, ce qui, en théorie, limite le culte de la personnalité associé à l’effet gourou.

Un nouveau modèle économique pour les créateurs

La Passion Economy ne change pas seulement le rapport au contenu, elle redéfinit aussi le modèle économique des créateurs. Il s’agit de reprendre le pouvoir sur la monétisation en se détachant des grandes plateformes et de leur modèle publicitaire.

Reprendre le contrôle face aux plateformes et aux marques

Le sponsoring traditionnel peut être une source de revenus, mais il pose la question de la liberté de parole. La nouvelle approche consiste à se financer directement auprès de sa communauté. « Je pense qu’il y a un positionnement aujourd’hui qui est de dire : je reprends le pouvoir, je reprends le contrôle en faisant en sorte que ce soit des gens, des particuliers qui me donnent de l’argent et plus les marques », analyse Alexa. C’est un changement de paradigme résumé par un crédo fort : « Je préfère avoir 100 ou 1000 abonnés qui me donnent 5 € par mois plutôt que d’avoir 100 000 vues sur mes vidéos qui me rapportent quelques centimes. »

Des plateformes comme Substack incarnent cette révolution. Elles permettent aux créateurs de s’affranchir des algorithmes opaques d’Instagram ou TikTok et de construire un business model plus transparent et respectueux, basé sur la valeur directe du contenu.

Les Français sont-ils prêts à payer pour du contenu de qualité ?

Ce modèle repose sur une condition : que le public accepte de payer. Or, une différence culturelle notable existe. « Les Américains n’ont aucun problème à payer pour du contenu parce que justement ils ont cette hyper spécialisation », observe Alexa. En France, la culture de l’abonnement pour de l’information est moins ancrée.

Cependant, des solutions émergent, notamment le modèle freemium. En s’abonnant à une newsletter sur les finances personnelles, par exemple, on peut souvent accéder à une partie du contenu gratuitement. « Je veux d’abord regarder avant de payer pour quelque chose », explique Alexa. Ce système permet de tester la qualité avant de s’engager. Avec des abonnements à faible coût (5 ou 10 € par mois), la barrière à l’entrée est réduite. L’idée est que, face à la masse de contenus de qualité variable sur YouTube et consorts, le paiement devienne un gage de qualité, un peu comme l’était l’Encyclopædia Universalis à son époque.

Passion economy : une révolution durable ou un simple mirage ?

Alors, faut-il croire à une transformation profonde ou s’agit-il d’une bulle spéculative ? Pour Alexa, la réponse se trouvera dans la durée. « Comme pour beaucoup de personnes qui veulent devenir influenceurs ou comédiens, beaucoup d’appelés, peu d’élus. »

L’épreuve du temps et l’intelligence collective

La technologie et la mondialisation, autrefois accusées de détruire des emplois, permettent aujourd’hui à des passions de niche de trouver un public mondial. Un créateur authentique, dont la passion est « chevillée au corps », tiendra sur la durée. Sa communauté, par son engagement et ses questions, le poussera à s’améliorer continuellement. En revanche, « les 10 heures de bonne aventure, les gens qui se sont dit « Oh punaise, il y a un petit coup à jouer là », je pense que les gens ne vont plus supporter. » L’exemple des podcasts est parlant : beaucoup se lancent, mais peu survivent, souvent par manque de persévérance ou à cause d’un modèle économique mal compris.

Vers une nouvelle relation avec les marques

Enfin, ce modèle redéfinit la collaboration avec les marques. Le sponsoring de masse, où l’on vend « tout et n’importe quoi », est de moins en moins accepté par des communautés d’experts. En revanche, une recommandation authentique a une valeur immense. « Si je suis passionnée et que tu me proposes cette marque là, là pour moi, il y a un super coup à jouer parce que justement, je me dis « Ah, cette marque a été testée, retestée, validée par la Fedé. J’ai tout intérêt à y aller ». » La relation devient plus personnalisée, plus qualitative, mais aussi plus exigeante pour les marques qui cherchent de la quantité. La Passion Economy pourrait bien être le catalyseur d’un marketing d’influence plus authentique et respectueux.

FAQ sur la Passion Economy

Qu’est-ce que la Passion Economy exactement ?

La Passion Economy est un modèle économique où des individus monétisent leur passion, leur expertise ou leurs compétences uniques en créant du contenu de qualité pour une communauté spécifique. Contrairement à un emploi traditionnel, le revenu est généré directement par une audience qui paie pour accéder à ce contenu exclusif, via des abonnements ou des achats directs.

« C’est l’économie de la passion et donc comment j’arrive moi en tant que personne, quelle que soit ma culture, quel que soit mon milieu, quelles que soient mes connaissances, à partir de ma passion à en vivre et à monétiser du contenu. » – Alexa Lefèvre

Quelle est la différence entre la Passion Economy et la Gig Economy ?

La différence fondamentale réside dans ce qui est monétisé. La Gig Economy (ex: Uber, Deliveroo) monétise le temps et la productivité pour des tâches standardisées. La Passion Economy monétise un savoir-faire unique, une expertise ou une créativité, en privilégiant la qualité et la relation avec une communauté sur la quantité de travail fourni.

« La Gig Economy, c’est littéralement l’économie des petits boulots. […] Où là en fait, je monétise non pas ma passion, mais mon temps. Plus je vais travailler, plus je vais potentiellement gagner d’argent. » – Alexa Lefèvre

Comment la qualité du contenu est-elle garantie dans ce modèle ?

La qualité est principalement régulée par la communauté elle-même. Un contenu de mauvaise qualité ou faux est rapidement infirmé ou critiqué par les membres engagés. De plus, le modèle payant crée une exigence de qualité : si le contenu n’est pas à la hauteur, les abonnés se désengagent, ce qui impacte directement le créateur.

« Plus il va y avoir de personnes exposées à ce contenu, plus derrière ces personnes vont pouvoir vérifier ou infirmer une information. […] S’il n’est pas de qualité ou s’il est infirmé par des experts ou des journalistes ou des scientifiques ou la communauté, le business model il va commencer à couiner un petit peu. » – Alexa Lefèvre

Un créateur de contenu peut-il être considéré comme un expert ?

Oui, mais la notion d’expert évolue. Il ne s’agit plus seulement de l’expert institutionnel (diplômé, certifié), mais aussi de l’expert-passionné. C’est une personne qui a tellement approfondi un sujet par passion qu’elle est capable de synthétiser, d’analyser et de partager des connaissances de grande valeur, reconnues comme telles par sa communauté.

« Je ne suis plus expert au sens c’est mon métier. C’est je suis expert au sens c’est tellement ma passion que justement, je suis capable avec tout ce que j’ai appris de vous synthétiser le tout. » – Alexa Lefèvre

Comment des plateformes comme Substack changent-elles la donne pour les créateurs ?

Des plateformes comme Substack permettent aux créateurs de s’affranchir des grands réseaux sociaux et de leur modèle publicitaire. Elles offrent des outils pour créer une newsletter payante et gérer une communauté, donnant au créateur une indépendance économique et un lien direct avec son audience, sans dépendre d’algorithmes opaques.

« Toi à la fin, tu sais pas trop combien tu gagnes […] pour aller sur des plateformes officiellement beaucoup plus proches et en tout cas beaucoup plus respectueuses du business model de ces gens en disant le contenu d’abord, nous nous ne sommes qu’une plateforme et typiquement tu citais Substack, pour moi c’en est un très très bon exemple. » – Alexa Lefèvre

Quels sont les risques de l’effet « gourou » pour les créateurs ?

L’effet « gourou » survient lorsque la personnalité du créateur devient plus importante que le contenu lui-même, menant à une communauté qui le suit aveuglément. Le risque est de perdre tout esprit critique et de tomber dans la désinformation ou la manipulation. La Passion Economy tente de contrer cela en centrant l’intérêt sur le sujet plutôt que sur l’individu.

« Sur l’influence, il y a quand même un marketing d’endorsement, donc vraiment c’est moi en tant que personne qui te parle d’un sujet […]. Là, l’idée c’est que ce soit l’inverse. J’ai envie de m’intéresser à un sujet. » – Alexa Lefèvre

Les Français sont-ils prêts à payer pour du contenu de qualité en ligne ?

Culturellement, les Français sont moins enclins à payer pour de l’information en ligne que les Américains. Cependant, les mentalités évoluent, notamment grâce à des modèles « freemium » qui permettent de tester avant d’acheter et à la prise de conscience que le contenu de haute qualité a une valeur et mérite d’être rémunéré pour garantir son indépendance et sa pérennité.

« En France, clairement, on n’a pas la culture du paiement ou de l’abonnement pour une information. Le premium peut-être une solution. […] Je veux d’abord regarder et ensuite, je vais voir. » – Alexa Lefèvre

La Passion Economy est-elle une solution durable pour les créateurs de contenu ?

Elle peut l’être pour les créateurs authentiques et persévérants. Le succès sur le long terme dépend de la capacité à maintenir une haute qualité de contenu et à construire une relation de confiance avec sa communauté. Les opportunistes cherchant un gain rapide seront probablement éliminés par la communauté elle-même, qui valorise l’authenticité.

« Je pense que c’est sur la durée qu’on va être capable de voir si c’est véritablement un mirage ou s’il y a un vrai sujet. […] Les gens qui ont cette passion là, la bonne nouvelle c’est que si c’est une passion qui est un peu chevillée au corps, ils vont tenir sur la durée. » – Alexa Lefèvre


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