Logo de l'épisode #65 : Marketing > DISCUSSION AUTOUR DE LA MESURE & DE L'ATTRIBUTION AVEC MARGARITA ZLATKOVA Head of Programmatic Advertising at Weborama du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#65 : Marketing > DISCUSSION AUTOUR DE LA MESURE & DE L’ATTRIBUTION AVEC MARGARITA ZLATKOVA Head of Programmatic Advertising at Weborama

Épisode diffusé le 20 mai 2022 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Comment mesurer l’impact des campagnes marketing dans un monde sans cookies ?

Le débat sur la mesure et l’attribution est une véritable Arlésienne du marketing digital. C’est le sujet phare, celui qui conditionne la performance et la rentabilité de toutes les actions menées en ligne. Pendant des années, l’écosystème s’est construit autour d’un petit fichier texte : le cookie tiers. Mais cette ère touche à sa fin, soulevant une question fondamentale : comment allons-nous mesurer l’efficacité de nos campagnes demain ?

Pour éclairer ce futur complexe, nous avons échangé avec Margarita Zlatkova, directrice activation et programmatique chez Weborama. Forte de son expérience au cœur de la data, elle nous livre une analyse sans concession des défis et des opportunités qui attendent les marketeurs. Comme elle le rappelle, son rôle chez Weborama lui offre « une belle opportunité de démontrer et découvrir la valeur de la data et la mesure par la même occasion ».

Le panorama actuel de la mesure marketing : un système sous perfusion du cookie tiers

Pour comprendre la révolution à venir, il faut d’abord saisir comment fonctionne le système actuel. La mesure marketing digital et l’attribution sont des sujets vastes, mais Margarita Zlatkova insiste sur un point central : « Les deux sont quand même étroitement liés au cookie tiers. Ça c’est vraiment la première chose qui est importante de souligner parce que ça nous permet aussi d’appréhender le monde de demain ». Grâce à ce cookie, un système homogène s’est mis en place, permettant un suivi quasi parfait.

Les trois piliers de la mesure actuelle

Aujourd’hui, la mesure s’articule autour de trois grands axes qui cohabitent :

  1. La mesure site-centric : Elle se concentre sur ce qui se passe sur le site de l’annonceur. Elle fournit des indications précieuses sur le temps passé, le nombre de pages vues ou les interactions générées suite à une publicité.
  2. La mesure média : C’est le cœur du réacteur pour les campagnes, regroupant les impressions, les clics, les conversions, le taux de visibilité ou encore le taux de complétion des vidéos.
  3. La post-mesure statistique : Moins immédiate, elle s’attache à de plus grosses masses de données pour des analyses approfondies comme l’incrémentalité ou le marketing mix modeling.

L’immense avantage de ce système, c’est sa réactivité. « Aujourd’hui, on lance une campagne digitale, quasiment deux ou trois jours plus tard, on peut savoir si elle fonctionne ou pas », explique Margarita. Cette capacité à prendre des décisions rapides repose entièrement sur la donnée temps réel fournie par nos « copains les third-party cookies ».

Le cookie tiers : la clé de voûte d’un parcours utilisateur unifié

Le cookie tiers a permis de construire une vision 100% user-centric. « Aujourd’hui, on est capable de suivre un internaute quasiment à la trace, d’avoir un parcours utilisateur, de savoir quels sont ses intérêts, de savoir quels sont ses besoins, ce qu’il a vu, ce qu’il a consulté, ce qu’il va consulter dans le futur », détaille Margarita Zlatkova. C’est cette connaissance fine et individuelle qui a alimenté les modèles d’attribution marketing, comme le fameux et controversé last-click. Mais cette vision unifiée est précisément ce qui « n’existera probablement plus demain ».

La fin d’une ère : comment la disparition des cookies tiers redéfinit les règles du jeu

La fin des cookies tiers n’est pas une surprise. Elle est le fruit d’une double pression, à la fois légale et technique, qui contraint tout l’écosystème à se réinventer.

La pression juridique (RGPD) et technique (navigateurs)

Tout a commencé avec les mesures légales comme le RGPD et l’ePrivacy, qui ont conditionné la pose de n’importe quel identifiant au consentement de l’utilisateur. Mais le coup de grâce est venu des navigateurs eux-mêmes. Margarita rappelle la chronologie : « Safari a ouvert quand même le bal en 2019 en complètement interdisant les third-party cookies. Firefox l’a suivi début 2020. Le seul finalement dans le jeu, c’est Google ».

Avec plus de 60% de parts de marché en Europe, Google ne pouvait pas adopter une approche aussi frontale. Ils ont donc choisi de travailler avec le marché pour proposer une alternative : la fameuse Privacy Sandbox Google, une suite d’APIs censée répondre aux différents cas d’usage du marketing.

L’avènement du monde agrégé : de l’individu à la cohorte

Le changement le plus fondamental est un changement de paradigme. « La première chose à laquelle il faut s’y faire dans le futur, c’est qu’on aura plus cette capacité de suivre les internautes comme on le fait aujourd’hui », prévient Margarita. Fini le suivi individualisé. « On va travailler sur des cohortes plutôt ou sur des comportements globaux de groupe et non plus sur des comportements individualisés ». Les données dont nous disposerons seront majoritairement agrégées.

La data first-party : le dernier bastion de la connaissance client ?

Face à cette perte de vision, une question se pose : que pourra-t-on encore savoir sur notre propre site ? Heureusement, « les first-party cookies, c’est-à-dire les cookies déposés par un annonceur ou par un éditeur dans ses propres environnements ne sont pas remis en question ». Les navigateurs considèrent en effet qu’il y a une relation directe entre le visiteur et le site. Un annonceur pourra donc continuer à analyser ce qui se passe sur son domaine, à condition d’obtenir le consentement de l’utilisateur. Le problème, c’est que cette connaissance s’arrête aux frontières du site, rendant l’attribution marketing des campagnes externes extrêmement complexe.

Privacy Sandbox et APIs : quand les navigateurs deviennent les nouveaux arbitres de la mesure

Avec la disparition du cookie tiers, le pouvoir se déplace. La mesure et l’attribution, autrefois gérées par les annonceurs et leurs partenaires technologiques, sont en passe d’être internalisées par les navigateurs eux-mêmes.

La Measurement API : comment l’attribution sera-t-elle calculée demain ?

Au sein de la Privacy Sandbox, une brique est dédiée à la mesure : la Measurement API. Son fonctionnement illustre parfaitement le nouveau monde. « On va déporter la mesure et l’attribution au sein du navigateur », explique Margarita. L’annonceur définira ses règles, mais c’est Chrome qui les appliquera et qui fournira un résultat déjà fini via une API. Ce système se divise en deux :

  • L’Event API : Elle donnera des informations sur les impressions et les clics, mais de manière très limitée.
  • L’Aggregate API : Beaucoup plus détaillée, elle se concentrera exclusivement sur les conversions et la performance.

Le point de rupture est là : « On ne pourra plus lier et créer cette chaîne impression, clic, conversion de manière individualisée ». Pire encore, ces données ne seront plus fournies en temps réel, mais avec un délai allant de 24 heures à 7 jours. C’est une révolution pour les optimisations de campagne.

Un écosystème fragmenté : une attribution par navigateur ?

La complexité ne s’arrête pas là. Chaque navigateur développe sa propre solution. Google a sa Privacy Sandbox, mais Apple a déjà mis en place ses propres outils comme SKAdNetwork pour l’écosystème applicatif iOS. « Aujourd’hui, quand on veut mesurer le nombre d’applications qu’on a généré au travers d’une campagne publicitaire, on va aller demander à Apple », illustre Margarita. On se dirige donc vers un système où il faudra jongler avec un modèle d’attribution pour Chrome, un autre pour l’écosystème Apple, et une absence de solution pour Firefox pour le moment. La réconciliation de ces sources de données deviendra un casse-tête majeur.

Quelles stratégies pour les annonceurs dans ce monde post-cookie ?

Face à ce tableau qui peut sembler sombre, des solutions émergent. Le marketing cookieless ne signifie pas la fin de la mesure, mais il exige un changement profond de mentalité et d’organisation.

Au-delà des navigateurs : le potentiel des identifiants uniques

En parallèle des solutions des navigateurs, d’autres alternatives existent, notamment les identifiants uniques basés sur des données personnelles consenties (email, numéro de téléphone). Ces ID graphs ont un avantage majeur : ils permettent un suivi individuel et cross-device. Cependant, leur portée est bien plus faible que celle du cookie. De plus, le marché est fragmenté avec des dizaines d’acteurs qui ne se parlent pas. Des alliances se forment, comme celle entre The Trade Desk et LiveRamp, pour tenter de créer de la masse et de l’interopérabilité, mais le chemin est encore long.

La réorganisation interne : la compétence clé de demain

Pour Margarita Zlatkova, la priorité pour les annonceurs est claire : « La première chose qu’ils doivent faire, c’est créer des équipes en interne qui vont être capables de jongler avec plusieurs plateformes ». Ces équipes devront aller chercher l’information dans la Privacy Sandbox, la réconcilier avec les données des identifiants uniques et celles des first-party cookies, et surtout, « trouver des moyens en interne de faire du sens de tout ça ». C’est une véritable révolution organisationnelle qui s’annonce.

Repenser les KPIs et la connaissance client

Ce nouveau paradigme technique impose de repenser les indicateurs de performance. Comment évaluer la performance quand on travaille sur des masses agrégées ? « Il y a des solutions », rassure Margarita. Chez Weborama, par exemple, ils travaillent sur « de la connaissance client complètement cookieless basée sur la sémantique et basé sur les comportements que l’on enregistre en terme de lecture de sujets consultés par les internautes ». L’objectif est de continuer à générer de la connaissance, non plus à partir d’un individu traqué, mais à partir de l’analyse de grands ensembles de données comportementales et contextuelles. La mesure de la performance digitale de demain sera différente, moins granulaire, mais peut-être plus respectueuse de la vie privée et tout aussi actionnable si l’on s’en donne les moyens.

FAQ sur la mesure marketing à l’ère post-cookie

Qu’est-ce qui remplace concrètement le cookie tiers pour la mesure ?

Il n’y a pas un seul remplaçant, mais un écosystème de solutions. La principale alternative sera les APIs intégrées aux navigateurs, comme la Privacy Sandbox de Google, qui fourniront des données agrégées. En parallèle, les identifiants uniques basés sur des données consenties (email) et l’analyse de la data first-party joueront un rôle clé.

« Il n’y a pas une seule solution comme pour le ciblage en fait, on n’a pas une seule solution qui va remplacer à 100 % la connaissance que nous avons avec le third-party cookie. Donc vraiment il faut s’y faire à l’idée qu’on aura très peu d’informations individualisées. » – Margarita Zlatkova

La mesure en temps réel des campagnes est-elle terminée ?

Oui, pour une grande partie du web. Les APIs des navigateurs comme la Privacy Sandbox fourniront des données de performance avec un délai allant de 24 heures à 7 jours. Cela met fin à la capacité d’optimiser les campagnes en temps réel comme on le fait aujourd’hui.

« Ces données-là ne seront plus fournies en temps réel. Seront fournies entre 24 heures et 7 jours après l’événement. […] Ce que ça va vouloir dire, c’est que au mieux le lendemain, je vais avoir la donnée de la veille. » – Margarita Zlatkova

Pourrai-je encore lier un clic publicitaire à une vente précise ?

De manière individuelle et certaine, non. Les nouvelles APIs séparent les données. D’un côté, vous aurez des informations sur les impressions et les clics (Event API), et de l’autre, des informations agrégées sur les conversions (Aggregate API). Il ne sera plus possible de relier directement l’individu A qui a cliqué à la conversion qu’il a réalisée.

« On pourra plus lier et créer cette chaîne impression, clic, conversion de manière individualisée. Donc d’un côté, on aura les impressions et les clics, de l’autre, on aura les conversions. […] Et les deux ne pourront pas être liés ensemble. » – Margarita Zlatkova

Quel est le rôle des first-party cookies dans ce nouveau monde ?

Les first-party cookies deviennent cruciaux. Ils permettent à un annonceur de continuer à suivre et analyser le comportement des utilisateurs sur son propre site ou application, sous réserve de consentement. Cependant, leur portée est limitée à cet environnement et ils ne permettent pas de mesurer l’attribution des points de contact en dehors.

« L’annonceur, il continuera en fait de son côté à pouvoir s’appuyer sur sa first-party data, à savoir ce qui se passe sur son site, modulo le consentement. […] mais qui sera limité à leur domaine, effectivement. » – Margarita Zlatkova

Qu’est-ce que la Privacy Sandbox de Google ?

La Privacy Sandbox est la réponse de Google à la fin des cookies tiers. C’est un ensemble d’APIs intégrées au navigateur Chrome, conçues pour répondre aux principaux cas d’usage du marketing (ciblage, retargeting, mesure) tout en protégeant la vie privée des utilisateurs, notamment en ne partageant que des données agrégées.

« La Privacy Sandbox, c’est vraiment la réponse de Google sur la disparition des third-party cookies et ce qui est prévu dedans, c’est une API répondant à chacun des cas d’usage globalement du marché. » – Margarita Zlatkova

Comment les annonceurs doivent-ils se préparer à ce changement ?

La préparation est avant tout organisationnelle. Les annonceurs doivent monter en compétence et créer des équipes internes capables de comprendre et de manipuler plusieurs sources de données (APIs navigateurs, ID uniques, first-party data) pour en extraire du sens. Il ne s’agit plus de s’appuyer sur un seul outil tiers.

« La première chose qu’ils doivent faire, c’est créer des équipes en interne qui vont être capables de jongler avec plusieurs plateformes, qui vont aller regarder ce qui se passe dans la Privacy Sandbox, qui vont regarder ce qui se passe avec les identifiants uniques, avec les first-party cookie. » – Margarita Zlatkova

L’attribution last-click est-elle définitivement morte ?

Le modèle last-click tel qu’on le connaît, basé sur le suivi individuel, est obsolète. Cependant, les navigateurs travaillent à intégrer différents modèles d’attribution, y compris une forme de last-click, mais qui sera calculée par le navigateur sur la base de données agrégées et non plus par les outils de l’annonceur.

« Pour le moment Google a développé la partie mesure last-click, mais il y a effectivement du travail qui est fait en ce moment sur notamment des mesures custom, l’annonceur pourra apporter ses règles dans Chrome et Chrome appliquera ses règles. » – Margarita Zlatkova

Est-ce la fin du marketing basé sur la data (data-driven) ?

Non, c’est l’évolution vers une nouvelle forme de marketing data-driven. Le ‘vrai’ data-driven, comme le souligne Margarita, ne se limitait pas au cookie. Il s’agira désormais de faire du data-driven avec des données agrégées, des cohortes, des analyses sémantiques et des modèles statistiques, ce qui demande de nouvelles compétences.

« On a la particularité chez Weborama d’avoir des data propriétaires et de faire des campagnes et des activations basées 100% sur la data et donc de faire du vrai data-driven, qui est une belle opportunité de démontrer et découvrir la valeur de la data. » – Margarita Zlatkova


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