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#63 : Emailing > L’impact des mesures d’Apple sur les campagnes d’emailing

Épisode diffusé le 14 décembre 2021 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Emailing et iOS 15 : comprendre l’impact des mesures d’Apple sur vos campagnes

Le monde du marketing digital est en perpétuelle évolution, souvent bousculé par les décisions des géants de la tech. Après avoir transformé le paysage de la publicité display avec le blocage des cookies tiers, Apple s’attaque désormais à un canal historique et performant : l’emailing. Avec sa mise à jour iOS 15 et l’introduction de la fonctionnalité ‘Mail Privacy Protection’, la firme de Cupertino redéfinit les règles du jeu, rendant l’une des métriques les plus emblématiques, le taux d’ouverture, quasiment obsolète. Comment cette protection fonctionne-t-elle exactement ? Quelles sont les conséquences concrètes pour les marketeurs ? Et surtout, comment adapter sa stratégie pour continuer à performer ?

Pour décrypter ce changement majeur, nous nous appuyons sur l’expertise de Monsef Frigui, Product Manager chez Sendinblue, leader français du marketing digital. Il a été en première ligne pour analyser et contrer les effets de cette mise à jour. Comme il le souligne, l’annonce faite à l’été 2021 a eu des répercussions profondes : « j’ai rejoint Sendinblue presque au moment de l’annonce qui a été faite par Apple au sujet de Mail Privacy Protection. j’ai donc travaillé dessus pour anticiper le potentiel impact et mesures à appliquer ». Plongeons au cœur de cette révolution pour en comprendre les tenants et les aboutissants.

Qu’est-ce que la fonctionnalité mail privacy protection d’Apple ?

Au cœur de la tourmente se trouve une nouvelle option proposée aux utilisateurs des appareils Apple. Monsef Frigui explique clairement le mécanisme : lors de la première ouverture de l’application Mail après la mise à jour vers iOS 15 (ou ses équivalents sur iPad, Mac et Apple Watch), une question est posée à l’utilisateur. « Quand ils vont se connecter sur cette application pour la première fois, ils ont la possibilité de choisir de protéger leurs emails du tracking. »

Un choix qui n’en est pas vraiment un

La formulation utilisée par Apple est particulièrement efficace. Comme le note Laurent, l’animateur du podcast, le terme « protéger » est presque agressif : « finalement qui va pas cliquer sur oui, je protège mes mails ». Les chiffres confirment cette intuition. Monsef partage une statistique édifiante : « il y a seulement 2,6 % des utilisateurs qui ne cochent pas cette option ». Cela signifie que près de 98% des utilisateurs Apple choisissent d’activer cette protection, rendant le phénomène massif et incontournable.

Le fonctionnement technique : le rôle du pixel invisible et des proxys

Pour bien comprendre l’impact, il faut revenir au fonctionnement traditionnel du suivi des ouvertures. Les annonceurs et les plateformes d’emailing comme Sendinblue utilisent ce qu’on appelle un « pixel invisible ». Monsef détaille : « On va utiliser ce qu’on appelle un pixel invisible, transparent dans le mail qui va loader au moment du chargement de l’ouverture d’un mail ». Ce pixel, en se chargeant, ne remonte pas seulement l’information de l’ouverture, mais aussi d’autres données comme « la localisation, l’heure d’ouverture, l’adresse IP de l’utilisateur ».

Avec la nouvelle mesure d’Apple, ce système est complètement faussé. « Le changement avec cette nouvelle fonctionnalité de Apple, c’est-à-dire que Apple va placer déjà des pixels qui vont loader dans tous les cas. C’est-à-dire que le mail soit ouvert ou pas, bah nous on reçoit l’information d’un proxy ». Concrètement, Apple télécharge le contenu de l’email via ses propres serveurs (proxys) au moment de la réception, déclenchant ainsi systématiquement le pixel de suivi. Pour la plateforme d’envoi, tout se passe comme si l’email avait été ouvert, même s’il reste non lu dans la boîte de réception de l’utilisateur. Le résultat est sans appel : il est impossible « de savoir d’une manière certaine si le mail a été ouvert pour de vrai ou pas ».

Les conséquences directes pour les stratégies d’emailing

Cette modification technique, en apparence simple, a des répercussions en cascade sur l’ensemble des stratégies d’emailing. Le taux d’ouverture, longtemps considéré comme un indicateur clé de la performance d’une campagne, perd toute sa fiabilité pour une large partie de l’audience. C’est un changement de paradigme qui rappelle d’autres bouleversements récents.

La fin des triggers basés sur l’ouverture

L’une des premières victimes de cette mise à jour est le marketing automation. De nombreux scénarios automatisés (workflows) sont basés sur le comportement d’ouverture. Par exemple, un email de relance peut être automatiquement envoyé à un contact qui n’a pas ouvert la première communication. Avec les ouvertures artificielles générées par Apple, ces scénarios deviennent inopérants, voire contre-productifs. Monsef explique la mesure radicale prise par Sendinblue : « On a exclu les proxy Apple, donc ces ouvertures qui viennent de l’application mail, des triggers de nos workflow de marketing automation par exemple. On ne se base plus sur les ouvertures venant d’Apple en fait pour créer un trigger ou faire une action. »

Une situation similaire au monde du display

Laurent, l’animateur, fait un parallèle très juste avec son expérience dans la publicité display : « On se retrouve vraiment dans la même situation que nous en display, c’est-à-dire que les audiences Apple, bah finalement même en programmatique, on les mettait dans un bucket. Soit on les vend en low cost soit on s’en occupe pas et on se concentre sur les devices qu’on peut retargeter ». L’emailing, qui semblait jusqu’alors un peu à l’écart de ces problématiques de tracking, rejoint le reste de l’écosystème digital dans la nécessité de s’adapter à un monde avec moins de données de suivi. L’ère du pixel roi est révolue, et cela s’applique désormais aussi à nos boîtes de réception.

Comment les plateformes s’adaptent : le cas de Sendinblue

Face à ce défi, les routeurs d’emails ont dû réagir vite pour ne pas laisser leurs clients face à des statistiques trompeuses. L’enjeu était double : éviter un taux d’ouverture artificiellement gonflé, mais aussi ne pas donner l’impression d’une chute drastique en excluant simplement toutes les données Apple.

Proposer un taux d’ouverture estimé

Sendinblue a développé une approche pragmatique pour fournir un indicateur qui reste pertinent. Monsef explique la logique : « On propose un taux d’ouverture estimé. On part du principe que les habitudes des utilisateurs de cette application mail de Apple ont les mêmes habitudes qu’un autre utilisateur ». La méthode est la suivante :

  1. Mesurer le taux d’ouverture réel sur l’ensemble de la population qui n’utilise pas l’application Mail d’Apple (utilisateurs Android, Gmail sur le web, Outlook, etc.).
  2. Appliquer ce taux d’ouverture observé à la population d’utilisateurs Apple.

« Tu regardes le taux d’ouverture sur tout sauf Apple. Je dis n’importe quoi 15 % et en fait tu appliques ce taux d’ouverture également sur Apple », résume Laurent. Cette estimation permet de lisser l’impact de la mise à jour et d’éviter un « avant et un après » trop brutal dans les reportings. « Ça nous donne un chiffre qui est en fait suffisamment proche de la réalité », confirme Monsef. Cette approche montre que, malgré le flou technique, les comportements humains restent relativement constants d’une plateforme à l’autre dans le monde de l’email.

4 actions concrètes pour adapter votre stratégie emailing post-iOS 15

Le constat est clair : se lamenter sur la perte du taux d’ouverture est inutile. Il est temps de repenser ses pratiques et de se concentrer sur ce qui compte vraiment : l’engagement réel. Monsef propose une feuille de route en quatre étapes pour accompagner ce changement.

1. Analysez votre audience pour mesurer l’impact réel

La première question à se poser est simple : « Est-ce que ces changements ont un impact sur mon business ? ». Il est crucial de connaître son audience. « Faire plus de segmentation, se dire ben non, moi j’ai une audience qui ouvre principalement sur desktop et utilise plutôt Gmail ou donc je suis pas vraiment impacté ». Si votre base de contacts est majoritairement B2B et consulte ses emails sur Outlook depuis un PC Windows, l’impact sera minime. À l’inverse, une marque B2C avec une forte proportion d’utilisateurs d’iPhone devra impérativement revoir sa stratégie.

2. Remplacez les triggers d’ouverture par des triggers de clic

Si vous êtes impacté, l’action la plus urgente est de revoir vos scénarios de marketing automation. Le taux d’ouverture n’étant plus fiable, il faut se tourner vers un indicateur qui l’est toujours. Monsef est formel : « On encourage à changer les triggers qu’on pourrait mettre dans les workflow […], les remplacer par exemple par aller plus vers vraiment des triggers qui concernent le clic ». Le clic dans un email, lui, n’est pas bloqué ni simulé par Apple. C’est un acte volontaire de l’utilisateur, un signal d’engagement bien plus fort qu’une simple ouverture.

3. Travaillez la qualité de votre contenu pour provoquer l’interaction

Cette nouvelle contrainte est en réalité une opportunité. Elle force les marketeurs à être plus créatifs et à se concentrer sur la valeur apportée. « Il va falloir être un peu plus créatif pour se concentrer sur les statistiques qui ont plus de valeur d’un point de vue engagement », affirme Monsef. Le but n’est plus seulement de faire ouvrir, mais de faire agir. « Ouvrir un mail si on ne s’engage pas par la suite, c’est-à-dire si on clique pas sur les liens, si on clique pas sur les call to action, ça ne sert à rien ». Cela passe par un travail approfondi sur les objets, les accroches, la pertinence des offres et la clarté des appels à l’action.

4. Renforcez la culture de l’opt-in et du consentement

Plus que jamais, la base d’un emailing performant est une liste de contacts saine et engagée. Monsef insiste sur ce point fondamental : « C’est vraiment la question de l’opt-in, c’est-à-dire le consentement. Quand on a une audience qui est vraiment intéressée par ce qu’on offre comme service ou comme bien, bah c’est là que ça devient intéressant ». En se concentrant sur l’acquisition de contacts qui ont donné un consentement clair et explicite, on s’assure une base plus réceptive, qui sera naturellement plus encline à interagir avec les contenus et à cliquer, indépendamment des barrières techniques mises en place par les GAFAM.

En résumé, la mise à jour d’Apple n’est pas la fin de l’emailing, mais plutôt un accélérateur de sa transformation. Elle pousse l’ensemble de l’écosystème vers des pratiques plus respectueuses de l’utilisateur et plus axées sur la qualité. En se détournant d’une métrique de vanité comme le taux d’ouverture pour se concentrer sur l’engagement réel, les marketeurs ont l’opportunité de construire une relation plus forte et plus durable avec leur audience.

FAQ sur l’impact d’Apple sur l’emailing

Qu’est-ce que la fonctionnalité Mail Privacy Protection d’Apple ?

C’est une option introduite avec iOS 15 qui, une fois activée, empêche les expéditeurs d’emails de savoir si un utilisateur a ouvert leur message. Elle masque également l’adresse IP de l’utilisateur, rendant sa localisation et son suivi plus difficiles.

« Pour les utilisateurs qui installent la nouvelle mise à jour, quand ils vont se connecter sur cette application [Mail] pour la première fois, ils ont la possibilité de choisir de protéger leurs emails du tracking. » – Monsef Frigui

Comment Apple bloque-t-il le suivi des ouvertures d’emails ?

Apple route le téléchargement des images de l’email, y compris le pixel de suivi invisible, via ses propres serveurs proxy. Ce processus se déclenche que l’utilisateur ouvre réellement l’email ou non, ce qui génère une ‘fausse’ ouverture du point de vue de l’expéditeur.

« Apple va placer déjà des pixels qui vont loader dans tous les cas. C’est-à-dire que le mail soit ouvert ou pas, bah nous on reçoit l’information d’un proxy qui a fait ce chargement et donc ça ça empêche complètement de savoir d’une manière certaine si le mail a été ouvert pour de vrai ou pas. » – Monsef Frigui

Le taux d’ouverture est-il encore une métrique fiable pour l’emailing ?

Non, pour les utilisateurs de l’application Mail d’Apple ayant activé la protection (près de 98% d’entre eux), le taux d’ouverture n’est plus du tout fiable. Il est artificiellement gonflé et ne reflète plus un engagement réel. Il reste cependant pertinent pour les autres clients de messagerie (Gmail, Outlook, etc.).

« Finalement le taux d’ouverture oui, c’est important. […] mais heureusement aujourd’hui il y a il y a pas que ça. Et donc voilà, il faut s’adapter comme toujours. » – Monsef Frigui

Comment Sendinblue gère les ouvertures d’emails provenant d’Apple ?

Sendinblue a deux approches : premièrement, la plateforme exclut les ouvertures détectées comme provenant des proxys Apple des déclencheurs d’automatisation. Deuxièmement, elle calcule un ‘taux d’ouverture estimé’ en appliquant le comportement des utilisateurs non-Apple à la population Apple pour fournir un indicateur de tendance.

« On applique le ce taux d’ouverture sur la population qu’on arrive donc à suivre sur l’ensemble de la population, sur l’ensemble des des emails délivrés. Ça nous donne un chiffre qui est en fait suffisamment proche de la réalité. » – Monsef Frigui

Quelles sont les alternatives au taux d’ouverture pour mesurer l’engagement ?

La principale alternative est le taux de clic. C’est un indicateur d’engagement bien plus fort et fiable, car il nécessite une action volontaire de l’utilisateur. D’autres métriques comme le taux de conversion, le temps passé sur la page de destination ou le nombre de désinscriptions sont également cruciales.

« Il va falloir être un peu plus vraiment dans plus créatif pour se concentrer sur les statistiques qui qui ont plus de valeur d’un point de vue engagement. » – Monsef Frigui

Le clic dans un email est-il aussi bloqué par Apple ?

Non, la fonctionnalité Mail Privacy Protection ne bloque pas et ne simule pas les clics sur les liens contenus dans un email. Le suivi des clics reste donc un indicateur parfaitement fiable de l’intérêt et de l’engagement de l’utilisateur.

« Le clic n’est pas bloqué par Apple. Écoute, merci pour pour ce récapitulatif. Ça force en fait les marketers à avoir vraiment de l’interaction avec ses ses ses user pour pour vraiment créer du lien et faire en sorte que le user clique. » – Laurent & Monsef

Comment adapter ses scénarios de marketing automation à l’iOS 15 ?

Il est impératif de revoir tous les scénarios (workflows) qui utilisent l’ouverture d’un email comme déclencheur. Il faut les remplacer par des déclencheurs basés sur le clic, sur la visite d’une page web, ou sur une période de temps écoulée.

« On encourage à changer par exemple les triggers qu’on pourrait mettre dans les workflow de marketing automation, les changer, les remplacer par exemple par aller plus vers vraiment des triggers qui concerne le clic. » – Monsef Frigui

Quel est le taux d’adoption de la protection de la confidentialité des e-mails d’Apple ?

Le taux d’adoption est extrêmement élevé. Selon les chiffres partagés dans l’épisode, environ 97,4% des utilisateurs qui voient la notification choisissent d’activer la protection de leurs emails, ce qui rend l’impact de cette mesure très significatif.

« Il y a seulement 2,6 % des des des des utilisateurs qui ne cochent pas cette [option]. D’accord donc il y a 98 % quasiment des gens qui cliquent sur oui, je souhaite activer cette feature. Presque oui. Exact. » – Monsef Frigui & Laurent


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