Logo de l'épisode #60 : Retail > Comment le luxe s'adapte au digital du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#60 : Retail > Comment le luxe s’adapte au digital

Épisode diffusé le 18 juin 2021 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Le luxe face au digital : comment transformer la contrainte en une opportunité unique

Le monde du luxe a longtemps entretenu une relation complexe, presque paradoxale, avec le digital. Comment concilier l’exclusivité, le service sur-mesure et l’émotion d’une boutique physique avec l’accessibilité quasi universelle d’Internet ? Pendant des années, cette question a freiné les ardeurs des plus grandes maisons, qui voyaient dans le e-commerce un risque de banalisation plus qu’une opportunité. Pour beaucoup, le digital était un simple catalogue en ligne, un complément, mais certainement pas le cœur du réacteur. Le véritable luxe, pensait-on, ne pouvait se vivre que dans des ‘temples’ physiques, des écrins conçus pour magnifier le produit et l’expérience. Je me souviens encore de cette période, au début des années 2000, où les premières initiatives digitales étaient timides, presque à contrecœur.

Pourtant, le monde a changé. Le consommateur a changé. Et une crise sanitaire mondiale est venue dynamiter les dernières certitudes. Du jour au lendemain, ces temples physiques ont fermé leurs portes, coupant les marques de leurs clients. Cette période a agi comme un électrochoc, un révélateur brutal mais nécessaire. La digitalisation du luxe n’était plus une option, mais une question de survie. En tant que responsable du développement international pour Tmall, la plateforme B2C leader en Chine, et plus particulièrement de son univers dédié au luxe, le Luxury Pavilion, j’ai vécu cette transformation aux premières loges. J’ai vu des marques, parfois hésitantes, devoir pivoter en quelques semaines, non seulement pour vendre, mais surtout pour maintenir un lien précieux avec leur clientèle.

Cet article n’est pas un simple état des lieux. C’est une immersion dans les coulisses de cette révolution. Nous allons explorer ensemble pourquoi cette mutation, initialement perçue comme une contrainte, est en réalité la plus grande opportunité pour le luxe depuis des décennies. Nous verrons comment le marché chinois, véritable laboratoire du futur, nous enseigne de nouvelles manières d’engager les consommateurs. Nous décortiquerons ce qui fait une expérience client digitale réussie dans le luxe, bien au-delà du simple acte d’achat. Enfin, nous établirons une feuille de route concrète pour toute marque désireuse de naviguer avec succès dans cet univers passionnant, sans jamais perdre son âme ni son exclusivité. Car la vraie question n’est plus ‘faut-il se digitaliser ?’ mais ‘comment se digitaliser pour renforcer son désir et son prestige ?’.

La lente révolution numérique du luxe : d’une prudence historique à une nécessité vitale

L’histoire d’amour entre le luxe et le digital n’a pas commencé par un coup de foudre, loin de là. Ce fut une longue phase d’observation, marquée par la méfiance et une certaine frilosité. Il faut comprendre la psychologie des maisons de luxe : leur valeur repose sur la rareté, l’exclusivité et une maîtrise parfaite de leur image. Le web, avec son caractère ouvert, massif et parfois incontrôlable, semblait être l’antithèse de ces principes. La priorité absolue a toujours été l’expérience en boutique, le fameux ‘retail physique’. Les marques ont investi des fortunes pour créer ce que j’appelle de ‘véritables temples du luxe’, des lieux où le client est immergé dans l’univers de la marque, où chaque détail, de l’architecture à l’accueil, est pensé pour créer un moment inoubliable. Le digital, dans ce contexte, était perçu comme un canal froid, impersonnel, incapable de répliquer cette magie.

Les premiers pas hésitants sur le web

Les premières incursions, au début des années 2000, étaient donc très prudentes. Comme je le mentionnais, ‘Hermès et Gucci qui ont créé leur premier site marchand’ ont été des pionniers, mais ces plateformes étaient souvent de simples vitrines. On y trouvait un ‘listing de produits à la revente’, mais l’expérience client était quasi inexistante. Il s’agissait de répondre à une demande fonctionnelle, pas de créer une relation émotionnelle. Pour de nombreuses maisons, l’idée de rendre leurs produits accessibles en quelques clics était anxiogène, car elle semblait menacer le sentiment de privilège et d’effort qui entoure l’acquisition d’un objet de luxe. Le digital était vu comme un canal de commodité, un mot presque tabou dans cet univers. La stratégie était donc claire : concentrer les efforts et les investissements sur le réseau de boutiques physiques, car c’est là que la ‘brand equity’ se construisait et se protégeait. Le web était le cadet des soucis, un projet secondaire géré avec des ressources limitées.

Le point de bascule : quand la pandémie a forcé la main des maisons

Et puis, 2020 est arrivé. La pandémie a été le cygne noir que personne n’avait anticipé. La fermeture mondiale et quasi simultanée de tous ces ‘points de vente physiques’ a créé une situation inédite et dramatique pour l’industrie. Soudain, le seul lien possible avec les consommateurs était digital. Ce qui était secondaire est devenu vital. Ce fut un réveil brutal. Je l’ai observé au quotidien : ‘cette fermeture de tous ces points de vente physique évidemment a entraîné un changement, je dirais de stratégie assez complet, nécessaire, même vital pour que l’industrie puisse survivre’. Les marques ont dû accélérer en quelques mois une transformation qui aurait probablement pris dix ans. Il ne s’agissait plus de savoir si on pouvait acheter un parfum Chanel en ligne – ce qui, comme le soulignait Laurent, surprend encore certains – mais de comment recréer en ligne l’engagement, le conseil et l’émotion d’une visite en boutique. Cette crise a forcé les maisons à regarder le digital non plus comme un simple canal de vente, mais comme un véritable écosystème relationnel. C’est à ce moment précis que la perception a basculé : le digital n’était plus une menace pour l’expérience client, mais la seule façon de la préserver et de la réinventer.

Cette accélération forcée, si elle a été douloureuse pour certains, a ouvert un champ des possibles immense. Elle a poussé les marques à innover, à tester de nouveaux formats et à placer enfin le client au centre de leur réflexion digitale. Mais pour comprendre où cette révolution nous mène, il faut tourner notre regard vers un marché qui vivait déjà dans ce futur depuis plusieurs années : la Chine.

La Chine, laboratoire et moteur du luxe digital mondial

Lorsqu’on parle de la digitalisation du luxe, il est impossible de ne pas consacrer un chapitre entier à la Chine. Ce marché n’est pas simplement ‘un marché de plus’, il est à la fois le principal moteur de croissance et le laboratoire d’innovation le plus avancé au monde. Les chiffres sont vertigineux et donnent le ton. Comme je l’expliquais, le consommateur chinois est déjà ‘le premier consommateur de luxe au monde et en 2025, il représentera 50 % des achats globaux totaux de l’industrie du luxe’. C’est un changement de paradigme complet. Pendant longtemps, les marques se sont concentrées sur le ‘voyageur chinois’ qui achetait massivement à Paris, Milan ou New York. La pandémie a tout changé. En bloquant les voyages, elle a provoqué un phénomène massif de ‘rapatriation’ de la consommation. Les Chinois achètent désormais en Chine, et principalement via des canaux digitaux.

Pourquoi le marché chinois est-il si différent et si crucial ?

La principale différence réside dans la nature même du consommateur et de l’écosystème digital. Le consommateur chinois est ultra-connecté, mobile-first, et bien plus jeune que ses homologues occidentaux. Il n’a pas connu la transition progressive du desktop au mobile ; il est né avec un smartphone à la main. Pour lui, la frontière entre le monde physique et le monde digital est extrêmement poreuse, voire inexistante. L’achat en ligne n’est pas une alternative, c’est la norme. Cette maturité digitale du consommateur a forcé les plateformes et les marques à développer un écosystème d’une sophistication sans équivalent. En Chine, le digital n’est pas juste un canal de vente, c’est un univers social, de divertissement et de commerce totalement intégré. On y découvre une marque via un live stream, on interagit avec elle sur un réseau social, on essaie virtuellement le produit via la réalité augmentée, et on paye en un clic via une super-app. C’est ce qui explique pourquoi ‘des marques réalisent presque déjà 50 % de leur chiffre d’affaires sur le digital’ en Chine, alors que la moyenne mondiale peinait à dépasser les 23% même après l’accélération de 2020.

Le ‘New Retail’ : plus qu’un concept, une révolution de l’expérience

Cette fusion totale entre le online et le offline porte un nom, un concept initié par notre groupe, Alibaba : le ‘New Retail’. Il est essentiel de comprendre que ce n’est pas juste un autre mot pour ‘omnicanalité’. Alors qu’en Europe, ‘on parle d’omnicanalité’, qui consiste souvent à faire communiquer des canaux encore distincts (le site web, la boutique, l’application), le New Retail est bien plus intégré. Je le définis comme une ‘intégration entre le online et le offline beaucoup plus puissante et réelle’. L’objectif est de créer un parcours client unique et fluide, où le digital enrichit l’expérience physique et vice-versa. Imaginez : vous assistez à un défilé de mode en live streaming sur Tmall. Vous pouvez cliquer sur une tenue, voir les détails en 3D, et la réserver. L’application vous propose alors de venir l’essayer dans la boutique la plus proche. Lorsque vous arrivez, le vendeur, déjà prévenu, vous accueille avec la sélection et peut, grâce à votre historique d’achat, vous proposer des articles complémentaires. L’essayage peut se faire devant un miroir intelligent qui vous suggère d’autres couleurs ou accessoires. C’est ça, le New Retail. Le smartphone est la télécommande de la vie du consommateur, et le commerce s’adapte à lui, et non l’inverse. C’est cette vision qui guide notre développement sur Tmall et qui inspire aujourd’hui les stratégies des plus grandes maisons de luxe bien au-delà des frontières chinoises.

Cette approche, centrée non plus sur le canal mais sur le client, nous amène naturellement à la question suivante : comment, concrètement, réinventer l’expérience client dans ce nouvel environnement digital pour qu’elle soit à la hauteur des standards du luxe ?

Réinventer l’expérience client : le luxe à l’ère de l’immersion

Le passage au digital a forcé les marques de luxe à répondre à une question fondamentale : comment transposer l’émotion, le service et l’exclusivité d’une expérience physique dans un environnement numérique ? La réponse ne se trouve pas dans une simple réplication. Il s’agit d’une réinvention complète, en utilisant les outils digitaux non pas comme des substituts, mais comme des amplificateurs d’expérience. La clé du succès, et c’est un point sur lequel j’insiste constamment, est de passer d’une logique transactionnelle à une logique expérientielle. Il ne suffit plus d’avoir un beau site web avec de belles photos de produits. Le consommateur de luxe d’aujourd’hui, qu’il soit en Europe ou en Asie, recherche une connexion, une histoire, une immersion. C’est la raison pour laquelle ‘depuis quelques années que les maisons de luxe véritablement commencent à s’intéresser au digital d’un point de vue consommateur, c’est pour ça qu’on parle souvent de consumer centric et pas seulement du transactionnel’.

Au-delà de la transaction : créer des moments mémorables en ligne

Créer des moments mémorables en ligne signifie investir massivement dans le contenu et le storytelling. Le site ou la page d’une marque sur une plateforme comme Tmall doit devenir une destination en soi, un lieu de découverte et d’inspiration. Au lieu de simplement lister les caractéristiques d’un sac, il faut raconter son histoire : montrer les artisans au travail dans des vidéos de haute qualité, expliquer le choix des matériaux, plonger le client dans l’héritage de la maison. L’objectif est de faire en sorte que l’expérience en ligne devienne ‘immersive et pas seulement informative’. C’est ce mélange subtil entre la mise en avant du ‘savoir-faire’ et de ‘l’héritage’ d’un côté, et l’utilisation de ‘l’innovation et du digital’ de l’autre, qui crée la magie. Le digital permet de lever le voile sur les coulisses de la création d’une manière qui était impossible auparavant, et de toucher une audience mondiale, notamment les plus jeunes générations qui sont très sensibles à l’authenticité et à la transparence.

Les outils de l’engagement : live shopping, AR et personnalisation

Pour donner vie à cette vision expérientielle, les marques disposent aujourd’hui d’une palette d’outils technologiques fascinants. Le ‘live shopping’ en est un excellent exemple. En Europe, on l’associe souvent à une forme de télé-achat moderne et agressif. Mais dans le luxe, et particulièrement en Chine, son utilisation est beaucoup plus sophistiquée. Il ne s’agit pas uniquement de vendre des produits, mais de vendre des ‘expériences’. Une maison peut organiser un live depuis ses ateliers, interviewer son directeur artistique, présenter une nouvelle collection sous forme de mini-défilé interactif. C’est un formidable ‘outil d’engagement consommateur’ qui permet de créer un événement et de fédérer une communauté. D’autres technologies sont également cruciales. Je pense notamment à ‘la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les technologies holographiques qui placent le consommateur vraiment au cœur de la stratégie’. L’essayage virtuel d’une montre ou d’une paire de lunettes, la visualisation d’un meuble design dans son propre salon grâce à l’AR, ou la visite virtuelle d’une boutique flagship à l’autre bout du monde sont des applications qui lèvent les freins à l’achat en ligne et renforcent le lien avec la marque. Ces outils, combinés à une personnalisation poussée grâce à la data, permettent de recréer en ligne le sentiment d’un service unique et attentionné, qui est l’essence même du luxe.

Cependant, cette course à l’innovation et à l’accessibilité soulève une inquiétude légitime et fondamentale pour toute maison de luxe : comment déployer ces stratégies sur des plateformes de masse sans diluer son image et perdre ce qui fait sa valeur ? C’est le défi de l’équilibre, un véritable exercice de funambule.

Le fil du rasoir : digitaliser sans banaliser l’exclusivité

C’est sans doute la question la plus cruciale et la plus complexe pour une marque de luxe qui aborde le virage digital. Comment s’ouvrir au plus grand nombre via Internet tout en préservant son aura d’exclusivité et de désirabilité ? Le risque est réel : une mauvaise stratégie digitale peut rapidement faire basculer une marque du statut d’icône à celui de produit de consommation courant. C’est ce que l’animateur du podcast a très bien résumé en parlant du risque de devenir ‘banal’. La réponse à ce défi tient en deux mots : contrôle et contenu. Sans une maîtrise absolue de ces deux piliers, toute stratégie est vouée à l’échec. La digitalisation ne signifie pas l’abandon de ses principes, mais leur réaffirmation à travers de nouveaux outils. C’est un exercice délicat qui demande une vision très claire et une exécution sans faille.

Le contrôle absolu : le choix stratégique de la plateforme

Le premier rempart contre la banalisation est le choix de l’environnement digital. Une marque de luxe ne peut pas se permettre d’être vendue n’importe où, à côté de n’importe quoi. C’est pourquoi le ‘choix des plateformes’ est absolument essentiel. Il faut privilégier des environnements qui garantissent un contrôle total. C’est précisément la philosophie derrière la création de Tmall Luxury Pavilion. Nous offrons aux marques la possibilité d’ouvrir leur ‘propre flagship digital’. Concrètement, cela signifie qu’elles peuvent ‘entièrement contrôler leur environnement’, que ce soit ‘leur contenu, leur distribution, leur prix, leur logistique, leur communication’. C’est l’équivalent numérique de leur boutique sur les Champs-Élysées ou la Cinquième Avenue. Elles décident de l’agencement, de l’assortiment, de l’expérience proposée, des données clients qu’elles collectent. Ce contrôle est la condition sine qua non pour protéger ce qu’on appelle la ‘brand equity’, c’est-à-dire la valeur de la marque. Se lancer sur des marketplaces généralistes ou des canaux non maîtrisés, c’est prendre le risque de voir ses produits bradés, sa communication déformée et son image dégradée. Le choix de la plateforme n’est donc pas une décision technique, c’est la décision stratégique la plus importante.

Le contenu comme gardien du temple : savoir-faire et héritage à l’honneur

Une fois l’environnement maîtrisé, le second pilier est le contenu. C’est lui qui va faire la différence entre une expérience de luxe et une simple transaction. Pour préserver son statut, une marque doit proposer un ‘contenu qualitatif et engageant’. Le digital ne doit pas être une excuse pour simplifier le message, bien au contraire. C’est une opportunité unique de raconter des histoires plus riches et plus profondes. L’accent doit être mis sur ce qui rend la marque unique : son histoire, ses valeurs, son processus de création. Il faut ‘mettre également en avant les valeurs de la marque qui sont extrêmement importantes, son savoir-faire et son héritage’. Des vidéos immersives dans les ateliers, des interviews d’artisans, des articles de fond sur l’histoire d’un produit iconique… ce type de contenu élève le débat et justifie le positionnement premium de la marque. Il ne s’agit pas seulement de montrer un produit, mais de prouver sa valeur et de créer une connexion émotionnelle durable. C’est ce contenu riche qui permet de ‘rester connectée avec son consommateur en protégeant sa brand equity’. En somme, le digital devient une scène mondiale pour exprimer son unicité, à condition d’en être le metteur en scène et le scénariste.

Fort de ces principes – le contrôle de l’environnement et l’excellence du contenu – une marque peut alors bâtir une stratégie digitale solide. Voyons maintenant comment la décliner en une feuille de route concrète.

Feuille de route pour une stratégie digitale de luxe réussie

Se lancer ou accélérer sa présence dans l’univers digital du luxe ne s’improvise pas. C’est un projet stratégique qui demande de la préparation, des ressources et une vision claire. S’appuyant sur mon expérience d’accompagnement de nombreuses maisons, j’ai pu identifier plusieurs étapes incontournables pour maximiser ses chances de succès. Je les résumerais en trois grands axes : maîtriser l’écosystème et ses partenaires, connaître intimement ses consommateurs, et enfin, déployer un contenu à la hauteur de ses ambitions. C’est un triptyque fondamental. Pour réussir, il faut une ‘stratégie très claire, avoir une équipe évidemment forte sur le sujet et enfin avoir des partenaires’ qui sont les bons relais sur des marchés spécifiques.

Étape 1 : Maîtriser l’écosystème et choisir ses partenaires

La première étape, avant même de penser au contenu ou au marketing, est de comprendre en profondeur le ou les écosystèmes digitaux que vous visez. Chaque marché a ses spécificités, ses plateformes dominantes, ses usages. L’écosystème chinois, par exemple, est radicalement différent de l’écosystème européen ou américain. Il est donc crucial de ‘connaître les écosystèmes’. Ce travail d’analyse doit aboutir à un choix stratégique : sur quelles plateformes allez-vous être présent ? Ce choix déterminera en grande partie votre capacité à engager les consommateurs et à contrôler votre image. Pour un marché comme la Chine, opérer seul est quasi impossible. Vous avez besoin d’un ‘partenaire aussi opérationnel pour pouvoir justement travailler sur une plateforme telle que Tmall’. Ce partenaire, souvent appelé ‘TP’ (Tmall Partner), est essentiel car il possède non seulement la connaissance du marché mais aussi l’expertise technique et opérationnelle pour gérer votre flagship digital au quotidien. Le choix de ce partenaire est ‘décisif dans la réussite, le succès d’un projet’.

Étape 2 : Connaître son consommateur sur le bout des doigts

Une fois l’environnement et les partenaires choisis, le cœur de votre stratégie doit être le consommateur. Il faut savoir précisément à qui vous vous adressez. Trop de marques se lancent avec un message générique, ce qui est une erreur fatale sur des marchés ultra-compétitifs. Vous devez ‘connaître vos consommateurs’. Le digital offre un avantage immense pour cela : l’accès à la data. Grâce aux outils d’analyse des plateformes, vous pouvez obtenir des informations très fines sur les profils démographiques, les centres d’intérêt et les comportements d’achat de vos clients. Cette connaissance doit nourrir votre stratégie. ‘Il faut savoir à quelles audiences vous allez justement communiquer et engager’. Si vous n’avez pas cette ‘stratégie d’audience clairement définie’, vos efforts marketing se perdront dans le bruit ambiant. La digitalisation vous donne les moyens d’affiner cette connaissance en continu et de personnaliser vos actions pour être toujours plus pertinent.

Étape 3 : Déployer un contenu riche, varié et authentique

Enfin, le dernier pilier est le contenu, le carburant de votre présence digitale. J’en ai beaucoup parlé, mais c’est un point capital. Le contenu que vous allez déployer doit être à la fois qualitatif, pour respecter vos standards de marque, et varié pour capter l’attention des différentes cibles. La vidéo est aujourd’hui incontournable. Il faut proposer ‘beaucoup de contenus vidéos parce qu’il faut parler aux plus jeunes’. Les ‘Gen Z adorent le contenu vidéo mais également les Millennials’. Mais au-delà du format, c’est l’authenticité qui prime. Votre contenu doit toujours être le reflet de vos valeurs. Il faut ‘toujours penser à la marque, aux valeurs de la marque. Ne jamais oublier ce que vous êtes, ce que vous représentez’. C’est ce fil rouge, cette cohérence entre votre héritage, votre savoir-faire et vos innovations digitales, qui vous permettra de vous démarquer et de construire une relation de confiance durable avec vos clients, sans jamais ‘se perdre dans la masse’.

Conclusion : le digital, nouvel artisan du désir

La traversée du luxe dans le monde digital a été un long voyage, partant d’une méfiance prudente pour arriver à une adoption pleine et entière, catalysée par les événements mondiaux. Ce que nous avons découvert en chemin, c’est que le digital n’est pas l’ennemi de l’exclusivité. Au contraire, lorsqu’il est maîtrisé avec intelligence et créativité, il devient un outil formidable pour amplifier le récit d’une marque, pour toucher de nouvelles générations et pour tisser des liens plus profonds et plus personnalisés avec sa clientèle. L’ère du e-commerce transactionnel et impersonnel est révolue pour le luxe. Nous sommes entrés dans l’ère de l’e-expérience, où la technologie se met au service de l’émotion et du storytelling.

Les clés du succès, nous l’avons vu, résident dans une stratégie claire : un contrôle absolu de son environnement de marque, une connaissance fine et data-driven de ses consommateurs, et la création de contenus authentiques qui célèbrent l’héritage tout en embrassant l’innovation. Des marchés pionniers comme la Chine nous montrent la voie avec le ‘New Retail’, cette fusion parfaite entre le online et le offline, qui redéfinit les standards de l’expérience client. C’est un appel à l’action pour toutes les maisons : il est temps de cesser de voir le digital comme un simple canal de vente et de le considérer comme le plus grand atelier de création du 21ème siècle. C’est ici que se façonne aujourd’hui le désir. C’est ici que se construit l’avenir du luxe, un avenir où la technologie, loin de déshumaniser, permet de magnifier ce qui a toujours fait l’essence de cet univers : le rêve, le savoir-faire et une relation unique avec chaque client.


Foire Aux Questions (FAQ) sur la digitalisation du luxe

Pourquoi les marques de luxe ont-elles mis tant de temps à adopter le digital ?

Les marques de luxe ont longtemps été réticentes par crainte de diluer leur image et de perdre le contrôle de leur distribution. Leur stratégie était historiquement centrée sur l’expérience en boutique physique, considérée comme le seul lieu capable de transmettre l’exclusivité et l’émotion de la marque. Le digital était perçu comme un canal de masse, impersonnel et transactionnel, à l’opposé de leurs valeurs. La priorité était de créer de véritables ‘temples du luxe’ où l’expérience client était parfaitement maîtrisée, reléguant le e-commerce à un rôle secondaire, voire inexistant pour certaines maisons.

‘Pour la plupart des marques, le retail physique est longtemps resté la la priorité, je dirais. Donc en fait, l’évolution digitale, elle était finalement elle s’est faite à petit pas (…) les points de vente physiques finalement étaient je dirais primordial pour les marques et les marques se sont concentrées sur l’expérience client d’ailleurs à l’intérieur de ses points de vente.’

En quoi le marché chinois du luxe digital est-il un modèle pour le reste du monde ?

Le marché chinois est un modèle car il est le plus grand, le plus jeune et le plus mature digitalement au monde. Le consommateur chinois est ‘mobile-first’ et vit une fusion totale entre le commerce, le social et le divertissement. Cela a poussé les marques et les plateformes à innover constamment, créant un écosystème bien plus avancé qu’en Occident. Des concepts comme le ‘New Retail’, le live shopping expérientiel ou l’intégration poussée de l’AR y sont la norme. La Chine n’est plus seulement un marché de consommation, mais un véritable laboratoire qui dicte les tendances mondiales de la digitalisation du luxe.

‘Le consommateur chinois, c’est déjà le premier consommateur de luxe au monde et en 2025, il représentera 50 % des achats globaux (…) aujourd’hui, ça devient le premier marché du luxe au monde (…) et le digital aussi s’est accéléré parce que c’est le premier marché digital y compris au sein de l’industrie du luxe.’

Qu’est-ce que le ‘New Retail’ et en quoi est-ce différent de l’omnicanalité ?

Le ‘New Retail’ est un concept développé par Alibaba qui décrit l’intégration complète et fluide entre le commerce en ligne (‘online’) et le commerce physique (‘offline’). Alors que l’omnicanalité, telle qu’on la conçoit souvent en Europe, vise à faire communiquer des canaux qui restent distincts, le New Retail les fusionne en un seul parcours client. Le smartphone devient une télécommande qui enrichit l’expérience en magasin (paiement, information produit, etc.) tandis que le magasin devient une extension de l’expérience en ligne (essayage, événement, point de service). L’intégration est plus profonde et centrée sur le consommateur.

‘Alors on parle d’omnicanalité ici plutôt en Europe aux États-Unis, en Chine on parle de new retail où l’intégration entre le online et le offline était beaucoup plus puissante et réelle parce que le marché est un marché mobile Omni et donc du coup le consommateur est habitué à faire des transactions via mobile.’

Comment une marque de luxe peut-elle se digitaliser sans perdre son exclusivité et sa ‘brand equity’ ?

Pour se digitaliser sans se banaliser, une marque de luxe doit se concentrer sur deux piliers : le contrôle et le contenu. Premièrement, elle doit choisir des plateformes qui lui permettent un contrôle total sur son environnement : prix, distribution, communication et data, à l’image d’un ‘flagship digital’. Deuxièmement, elle doit produire un contenu de très haute qualité, immersif et engageant, qui met en valeur son héritage, son savoir-faire et ses valeurs. Le but n’est pas seulement d’informer, mais d’éduquer et d’inspirer, renforçant ainsi la désirabilité et la valeur perçue de la marque.

‘Je pense que les marques se doivent de choisir des plateformes qui leur permettent d’entièrement contrôler leur environnement (…) pour protéger cette brand equity, et là aussi on il faut vraiment avoir un niveau de contenu, proposer en tout cas un contenu qualitatif et engageant. C’est ce qui va faire en sorte aussi que l’expérience en ligne va devenir immersive et pas seulement informative.’

Le live shopping est-il vraiment adapté aux marques de luxe ?

Oui, le live shopping est parfaitement adapté au luxe, à condition de l’utiliser de manière stratégique et non purement transactionnelle. Pour une marque de luxe, le live shopping est moins un outil de promotion agressive qu’une plateforme d’engagement et de branding. Il permet de créer des événements exclusifs, de présenter des collections en direct, de donner la parole à des créateurs ou des artisans, et de raconter l’histoire de la marque de manière interactive. En Chine, on ne vend pas que des produits via le live shopping, on vend aussi des ‘expériences’, ce qui est au cœur de la stratégie du luxe.

‘Le live shopping qu’on voit ici en Europe, c’est vrai que c’est plutôt lié à une tendance de la recherche du chiffre d’affaires (…) en Chine, n’entend pas que des produits. On peut aussi vendre si je peux me permettre des expériences. (…) c’est un outil d’engagement consommateur également pour promouvoir que ce soit évidemment des produits ou pour du branding.’

Quels sont les 3 piliers d’une stratégie digitale réussie pour une marque de luxe aujourd’hui ?

Une stratégie digitale de luxe réussie repose sur trois piliers interdépendants. Premièrement, une connaissance parfaite des écosystèmes digitaux ciblés et le choix judicieux de partenaires locaux et opérationnels, surtout sur des marchés complexes comme la Chine. Deuxièmement, une compréhension intime des consommateurs, alimentée par la data, pour définir des stratégies d’audience précises et personnaliser la communication. Troisièmement, la création et le déploiement d’un contenu riche, varié (notamment vidéo) et authentique, qui reflète constamment les valeurs, le savoir-faire et l’héritage de la marque pour ne pas se perdre dans la masse.

‘1, je dirais, pour avoir une certaine réussite, il faut d’abord connaître les écosystèmes (…) le choix des partenaires. (…) Ensuite, je dirais connaître vos consommateurs. Parce que du coup votre stratégie, elle dépend clairement de la connaissance que vous allez avoir (…) Et enfin dernier point, le contenu.’

Quel rôle joue la data et la connaissance client dans le luxe digital ?

La data et la connaissance client jouent un rôle central et absolument fondamental. Le digital permet aux marques de luxe de collecter des données précises sur les préférences et les comportements de leurs clients, ce qu’il était beaucoup plus difficile de faire dans le retail physique. Cette connaissance permet de passer d’une communication de masse à une approche personnalisée et ‘consumer-centric’. En sachant précisément à quelles audiences s’adresser, les marques peuvent créer des expériences plus pertinentes, anticiper les désirs et, in fine, construire une relation beaucoup plus forte et durable avec leur clientèle, ce qui est l’essence même du luxe.

‘La digitalisation va vous permettre d’accélérer cette connaissance, d’améliorer cette connaissance (…) connaître ses consommateurs, ça fait partie de cette stratégie et donc il faut savoir à quelles audiences vous allez justement communiquer et engager et si vous ne connaissez pas déjà vous n’avez pas cette stratégie d’audience clairement définie, ça va être très compliqué.’

Quelles technologies sont les plus prometteuses pour l’avenir de l’expérience client dans le luxe ?

Les technologies les plus prometteuses sont celles qui rendent l’expérience digitale plus immersive, sensorielle et personnalisée, comblant ainsi l’écart avec l’expérience physique. La réalité augmentée (AR) pour l’essayage virtuel de produits (maquillage, montres, lunettes) et la réalité virtuelle (VR) pour des visites immersives de boutiques ou d’expositions sont en première ligne. Les technologies holographiques pourraient également offrir de nouvelles formes d’interaction. Ces outils ne sont pas des gadgets ; ils placent véritablement le consommateur au cœur de l’expérience, en lui offrant des interactions innovantes et mémorables qui renforcent l’engagement et le désir pour la marque.

‘On a aussi des technologies qu’on utilise de plus en plus la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les technologies holographiques qui place le consommateur vraiment au cœur de la stratégie de digitalisation des marques. Et c’est ce besoin d’expérience 360 qui crée justement ces nouvelles options d’engagement consommateur.’


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