Logo de l'épisode #39 : Dans la tête d'un Growth Hacker du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#39 : Dans la tête d’un Growth Hacker

Épisode diffusé le 8 mai 2020 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

Écouter l'épisode :

Dans la tête d’un Growth Hacker : bien plus qu’un buzzword, une discipline

Bonjour, je m’appelle Medy et je suis Growth Hacker. Ce titre, vous l’avez probablement entendu des centaines de fois, souvent associé à des startups de la Silicon Valley, à des ‘bidouilles’ miraculeuses et à une croissance fulgurante. Mais derrière le jargon et les fantasmes se cache une réalité bien plus structurée, une discipline à part entière. On m’a souvent posé la question, parfois avec un brin de scepticisme : le Growth Hacking, est-ce que ce n’est pas un peu ‘bullshit’ ? Juste un nouveau nom pour des compétences marketing qui existent depuis toujours ? C’est une question légitime, et l’objectif de cet article est d’y répondre sans détour, en vous ouvrant les portes de ma manière de penser et d’agir. Car être Growth Hacker, ce n’est pas seulement maîtriser des outils, c’est avant tout un état d’esprit, une obsession pour la croissance à chaque étape du parcours client.

Ce métier est né d’un besoin spécifique, celui des startups qui n’avaient ni les moyens ni le temps de suivre les schémas du marketing traditionnel. Elles avaient besoin de profils hybrides, capables de comprendre le produit, d’analyser la donnée, de coder des scripts simples et de penser des stratégies marketing audacieuses, tout ça en même temps. Comme je l’explique souvent, Sean Ellis, en cherchant son remplaçant chez Dropbox, ne trouvait personne avec cette polyvalence. Il a donc décidé d’inventer un métier. Il a dit :

‘Je vais inventer un métier et il a inventé le métier de gros sacur. Bidouilleur de croissance.’

C’est de là que tout part. Oubliez l’image du magicien qui sort un lapin de son chapeau. Je vais vous montrer que le Growth Hacking est avant tout un processus rigoureux, une méthode scientifique appliquée au marketing, où chaque action est une expérience mesurée visant un seul et unique objectif : la croissance durable et exponentielle.

Au fil de cet article, nous allons décortiquer ensemble ce qui se passe réellement ‘dans la tête d’un Growth Hacker’. Nous définirons clairement ce qu’est le Growth Hacking et ce qui le différencie du marketing digital classique. Nous plongerons au cœur de sa méthodologie avec le fameux framework AARRR, la boussole qui guide chacune de nos décisions. Nous verrons comment cette discipline est perçue et appliquée différemment en Europe et aux États-Unis, et pourquoi cette distinction est cruciale. Enfin, nous passerons de la théorie à la pratique avec des exemples de hacks légendaires et des cas concrets tirés de mes propres missions. Préparez-vous, nous allons bien au-delà de la simple acquisition de trafic.

Le Growth Hacking décodé : aux origines d’une révolution marketing

Pour bien comprendre l’essence du Growth Hacking, il faut remonter à ses origines et saisir le contexte de sa naissance. Ce n’est pas simplement une nouvelle branche du marketing, mais une réponse à une mutation profonde de l’écosystème digital. Le marketing traditionnel, avec ses longs cycles de planification et ses budgets colossaux, n’était plus adapté à la vitesse et à l’incertitude des startups. Il fallait une approche plus agile, plus mesurable et infiniment plus intégrée au produit lui-même. C’est cette nécessité qui a donné naissance à une nouvelle race de professionnels, les Growth Hackers, et à une nouvelle façon de penser la croissance.

Définition et origines : la naissance du ‘bidouilleur de croissance’

La définition la plus simple et la plus efficace reste celle des origines. Comme je le mentionnais, le terme a été popularisé par Sean Ellis en 2010. Alors CMO de Dropbox, il cherchait un successeur, mais les profils de marketeurs traditionnels ne correspondaient pas. Ils étaient excellents pour gérer des budgets, des agences, des campagnes de communication, mais ils n’avaient pas cette obsession du produit, cette capacité à analyser les données d’utilisation pour trouver des leviers de croissance. Un Growth Hacker, dans sa vision, est une personne dont le ‘vrai nord’ est la croissance. Chaque décision, chaque stratégie, chaque ligne de code est évaluée à l’aune de son impact potentiel sur la croissance. On pourrait reprendre la définition de Wikipédia qui est assez juste :

‘un ensemble de techniques de marketing qui va vous permettre en fin de compte de développer la croissance de votre entreprise exponentiellement.’

Mais cette définition ne capture pas l’aspect process et l’état d’esprit. Il ne s’agit pas d’une boîte à outils de ‘hacks’, mais d’une méthode itérative : analyse, idéation, priorisation, test. C’est une démarche scientifique où l’on pose des hypothèses, on les teste à petite échelle, et si elles sont validées, on les déploie massivement. C’est là toute la puissance du modèle.

Growth Hacking vs. Growth Marketing : ne tombons pas dans le piège de la simplification

C’est une confusion très fréquente, et pourtant la distinction est fondamentale. Le Growth Marketing est une composante du Growth Hacking, mais il n’en est pas le tout. Le Growth Hacking a un périmètre beaucoup plus large. Il faut imaginer un grand cercle, le Growth Hacking, qui englobe plusieurs disciplines.

‘Le gros marketing est une partie du gros hacking. Le gros hacking, dites-vous que c’est un des scopes les plus larges du digital. Donc ça englobe le gros marketing, le data driven marketing, mais aussi tout ce qui est analyse de données, aussi tout ce qui est design thinking donc UX… Ça prend aussi en compte tout ce qui est développement de script.’

En clair, un Growth Marketer va utiliser des techniques de marketing digital (SEO, SEA, content, social media) en les appliquant à l’ensemble du funnel AARRR, avec un focus sur l’expérimentation et la data. Le Growth Hacker va plus loin : il peut être amené à modifier le produit lui-même pour améliorer l’activation ou la rétention, à automatiser des processus avec des scripts, à analyser des bases de données complexes pour identifier des schémas de comportement, ou à repenser l’expérience utilisateur (UX/UI) pour fluidifier le parcours. La frontière est poreuse, mais le Growth Hacker a une palette de compétences techniques et une implication produit souvent plus profondes.

L’évolution du profil : du développeur-marketeur au profil ‘M-Shaped’

Le profil du Growth Hacker a lui-même beaucoup évolué. Au tout début, entre 2010 et 2012, les pionniers étaient souvent des développeurs avec un intérêt pour le marketing. Ils avaient la capacité technique de ‘bidouiller’, de se connecter à des API, de créer des outils sur mesure pour accélérer la croissance. C’est cette origine qui a créé le mythe selon lequel ‘il faut savoir coder pour être Growth Hacker’.

‘La première typologie du gros hacking, ça partait du développement de développeurs qui avaient une appétence en marketing. OK ? Donc ils pouvaient développer des petits scripts.’

Mais très vite, la demande a explosé et le vivier de ces profils hybrides s’est tari. Les startups de la Silicon Valley se sont alors tournées vers des jeunes diplômés en marketing ou en design, et leur ont appris les bases techniques : l’automatisation, l’analyse de données, un peu de code. C’est ce qui explique la diversité des profils aujourd’hui. Si vous mettez 100 Growth Hackers dans une pièce, vous aurez 100 parcours et 100 spécialités différentes. On ne parle plus de profil en ‘T’ (une expertise profonde et des connaissances larges), mais de profil en ‘M’, avec plusieurs expertises profondes, par exemple en SEO, en automatisation et en analyse de data, complétées par des connaissances solides dans d’autres domaines.

Maintenant que nous avons posé les bases et clarifié les définitions, plongeons au cœur de la machine. Qu’est-ce qui différencie fondamentalement l’approche d’un Growth Hacker d’un marketeur traditionnel au quotidien ? La réponse tient en un acronyme devenu célèbre, qui est bien plus qu’un simple modèle, c’est une véritable philosophie de travail : AARRR.

Le Framework AARRR : la boussole de tout Growth Hacker

Si le Growth Hacking était une religion, le framework AARRR en serait le texte sacré. Cet acronyme, souvent appelé ‘Pirate Funnel’ (en raison de sa prononciation ‘AARRR’ qui évoque le cri du pirate), est le modèle mental que j’utilise pour analyser n’importe quel business. Il décompose le parcours client en cinq étapes clés et mesurables. Là où le marketing traditionnel se focalise souvent sur le haut de l’entonnoir, le Growth Hacker, lui, est obsédé par l’optimisation de chaque étape, car il sait que la croissance durable se niche souvent dans les détails de l’expérience post-acquisition. C’est ce qui change absolument tout.

Awareness & Acquisition : attirer l’attention ne suffit pas

Ces deux premières étapes sont les plus connues. L’Awareness (la notoriété), c’est faire savoir que vous existez. L’Acquisition, c’est transformer cette notoriété en trafic, en visiteurs sur votre site ou votre application. Ce sont les domaines de prédilection du marketing digital classique.

‘Le web marketer se concentre souvent sur le awareness et l’acquisition. Donc sur les deux premières étapes du pirate funnel. Le trafic manager se concentre souvent sur l’acquisition et l’activation.’

Les canaux sont multiples : SEO, SEA, réseaux sociaux, relations presse, marketing de contenu… Le Growth Hacker maîtrise évidemment ces leviers, mais son approche est différente. Il ne cherche pas le trafic pour le trafic. Chaque visiteur doit être qualifié et chaque canal d’acquisition est mesuré non seulement à son coût (CAC – Coût d’Acquisition Client), mais aussi à la valeur qu’il apporte sur le long terme (LTV – Lifetime Value). L’objectif n’est pas de remplir un stade, mais d’attirer les bonnes personnes, celles qui ont le plus de potentiel pour passer aux étapes suivantes.

Activation & Rétention : le véritable champ de bataille de la croissance

C’est ici que le travail du Growth Hacker prend toute sa dimension. L’Activation, c’est le moment où un simple visiteur vit sa première expérience de valeur. C’est le ‘Aha! moment’, l’instant où il comprend la promesse de votre produit et en tire un premier bénéfice. Cela peut être de créer son premier design sur Canva, d’écouter sa première chanson sur Spotify ou de suivre 20 comptes intéressants sur Twitter. L’enjeu est de réduire les frictions au maximum pour que cette première expérience soit fluide et positive. Ensuite vient la Rétention, le pilier de la croissance.

‘Le gros hacker se concentre sur toutes les étapes du funnel mais il se concentre plus particulièrement sur la rétention et c’est ce qui fait sa spécificité.’

Attirer des milliers d’utilisateurs ne sert à rien s’ils repartent aussi vite qu’ils sont venus. La rétention, c’est faire en sorte que les utilisateurs reviennent. C’est là qu’interviennent des stratégies comme le community building, l’emailing de nurturing, l’amélioration continue du produit basée sur les retours utilisateurs. Un bon taux de rétention est le signe d’un produit qui a trouvé son marché. C’est le moteur qui alimente toutes les autres étapes du funnel.

Referral & Revenue : transformer les clients en ambassadeurs et monétiser durablement

L’avant-dernière étape, le Referral (la recommandation), est la conséquence directe d’une bonne rétention. Un utilisateur satisfait et fidèle devient naturellement un ambassadeur. Le rôle du Growth Hacker est de faciliter et d’amplifier ce bouche-à-oreille. Comment ? En créant des programmes de parrainage, des fonctionnalités de partage intégrées, en encourageant les avis clients… C’est le marketing le plus puissant et le moins cher qui soit. Dropbox est devenu un géant en offrant de l’espace de stockage supplémentaire à chaque parrainage réussi, un exemple classique de boucle virale intégrée au produit. Enfin, le Revenue (le revenu). C’est l’étape de la monétisation. Comment transformer l’usage en chiffre d’affaires ? Là encore, le Growth Hacker ne se contente pas de fixer un prix. Il va tester différents modèles (abonnement, freemium, paiement à l’usage), optimiser les pages de paiement pour réduire les abandons, et chercher des opportunités d’upsell ou de cross-sell pour augmenter la valeur vie de chaque client. Le but n’est pas de maximiser le profit sur une seule transaction, mais de construire un modèle économique rentable et scalable sur le long terme.

Ce framework AARRR est universel, mais son application, elle, varie radicalement selon la maturité de l’entreprise et la culture business. C’est là qu’on observe un fossé fascinant, une véritable différence de philosophie dans la manière d’utiliser le Growth Hacking, notamment entre l’Europe et son modèle historique, les États-Unis.

Deux continents, deux visions : le Growth Hacker, couteau suisse ou scalpel chirurgical ?

L’un des aspects les plus intéressants de mon métier est de constater à quel point la perception et l’utilisation du Growth Hacking peuvent différer. Bien que les principes de base soient universels, le rôle assigné au Growth Hacker en Europe, et particulièrement en France, est souvent très éloigné de celui qu’on lui confie aux États-Unis, là où la discipline est née. Cette différence n’est pas anecdotique, elle révèle deux approches distinctes de la croissance, de l’investissement et de la structuration d’une entreprise technologique.

Le modèle européen : le Growth Hacker comme solution économique en ‘early stage’

En Europe, il faut être honnête, le Growth Hacker est très souvent perçu comme un ‘couteau suisse’. Les startups en phase de démarrage (‘early stage’), avec des moyens financiers limités, voient en lui une opportunité d’internaliser plusieurs compétences en une seule personne. C’est le fameux mouton à cinq pattes. On attend de lui qu’il fasse du SEO, gère les réseaux sociaux, lance des campagnes de pub, optimise le site, envoie des newsletters et, si possible, qu’il fasse le café. La réalité est à peine caricaturale.

‘En Europe, on utilise les gros sacurs au tout départ, c’est-à-dire quand une start-up est en early stage ou en série A. Elle a même pas les moyens de payer en fin de compte le gros sacur. OK, la plupart du temps et elle utilise le gros sacur comme une sorte de couteau Suisse justement qui réunit quatre jobs ou cinq jobs en un et qu’on paye pour un job.’

Cette approche, que l’on pourrait qualifier de ‘mode économie’, est compréhensible mais elle a ses limites. Elle met une pression énorme sur une seule personne, qui doit obtenir des résultats avec des budgets quasi inexistants. C’est un peu le cliché du Growth Hacker en France :

‘On va essayer de faire des miracles avec 3 francs 6 sous.’

Si cette polyvalence est une force, elle peut aussi empêcher le Growth Hacker de se concentrer sur des leviers à fort impact et de mettre en place des processus de fond, qui demandent du temps et des ressources.

Le modèle américain : la ‘Growth Team’, une machine à scaler post-Product-Market Fit

Aux États-Unis, la philosophie est radicalement différente. Le Growth Hacking n’est pas une solution pour entreprises fauchées, mais un investissement stratégique pour les entreprises qui ont déjà validé leur ‘Product-Market Fit’, c’est-à-dire le moment où leur produit a trouvé son marché et répond à un besoin fort. Une fois cette étape cruciale atteinte, l’objectif n’est plus de survivre, mais de ‘scaler’, d’accélérer pour atteindre une croissance exponentielle. C’est là qu’interviennent non pas un seul Growth Hacker, mais des ‘Growth Teams’ entières.

‘Aux États-Unis ça a rien à voir, c’est on prend les gros sacurs, on prend des équipes de gross au moment où on a notre product market fit et boom, on fait une croissance exponentielle avec eux.’

Une Growth Team est une équipe pluridisciplinaire dédiée à l’expérimentation et à l’optimisation de la croissance. Comme je l’expliquais, elle est généralement composée d’un ‘Gross Marketer’, d’un ‘Gross Designer’ (spécialiste UX/UI), d’un ‘Gross Engineer’ (un développeur), d’un analyste de données, et le tout est piloté par un ‘Head of Growth’. Chaque membre apporte son expertise pour identifier des opportunités, lancer des tests et mesurer les résultats. C’est une véritable machine de guerre, dotée de moyens, qui opère avec une rigueur scientifique pour démultiplier la croissance d’un business déjà solide. C’est dans ce contexte que le Growth Hacking révèle son plein potentiel.

La théorie c’est bien, mais ce qui a rendu le Growth Hacking célèbre, ce sont ses coups d’éclat. Ces ‘hacks’ légendaires qui ont transformé des startups en géants, souvent en détournant les règles du jeu ou en faisant preuve d’une créativité déconcertante. Analysons ensemble quelques-uns des plus emblématiques pour comprendre la mécanique derrière la magie.

Dans les coulisses des hacks légendaires : créativité, data et une touche d’audace

Parler de Growth Hacking sans évoquer les exemples qui ont forgé sa légende serait une erreur. Ces histoires, au-delà de leur aspect spectaculaire, sont de formidables leçons de marketing, de psychologie et de stratégie. Elles nous montrent qu’avec une bonne idée, une compréhension fine de son audience et une exécution intelligente, il est possible de générer une croissance massive sans dépenser des fortunes en publicité. Elles illustrent parfaitement cet état d’esprit qui consiste à chercher des leviers de croissance là où personne d’autre ne pense à regarder.

Hotmail et le ‘P.S. I Love You’ : la naissance du marketing viral

C’est sans doute le premier Growth Hack documenté de l’histoire, bien avant que le terme n’existe. En 1996, Hotmail est l’un des premiers services de messagerie web gratuits. Pour se faire connaître, au lieu d’acheter de la publicité, ses fondateurs ont eu une idée aussi simple que géniale. Ils ont ajouté automatiquement une petite phrase à la fin de chaque email envoyé par leurs utilisateurs : ‘P.S. I love you. Get your free email at Hotmail’.

‘Ils ont mis en place un petit mot PS I love you qu’ils ont intégré dans tous les messages envoyés par des boîtes mail Hotmail.’

Chaque email envoyé devenait un panneau publicitaire. L’effet a été explosif. Les destinataires voyaient le message, étaient intrigués et cliquaient pour créer leur propre compte gratuit. En quelques mois, Hotmail a attiré des millions d’utilisateurs.

‘En 1 an et demi ils ont ils ont réussi à générer plusieurs millions d’utilisateurs et ils ont revendu leur boîte à Microsoft pour plusieurs millions de dollars.’

Cette stratégie a transformé chaque utilisateur en VRP involontaire, créant une boucle virale parfaite. La leçon : le meilleur canal de distribution est parfois votre propre produit.

Airbnb vs. Craigslist : le ‘Black Hat’ qui a bâti un empire

Celui-ci est plus controversé, car il se situe à la frontière de la légalité, ce qu’on appelle un ‘Black Growth Hack’. Au début d’Airbnb, le défi était double : attirer des gens prêts à louer leur appartement (l’offre) et des voyageurs pour les occuper (la demande). Où se trouvaient ces deux populations ? Sur Craigslist, l’équivalent américain du Bon Coin. Airbnb a alors développé un bot qui permettait aux personnes déposant une annonce sur Airbnb de la publier en un clic également sur Craigslist.

‘Il y avait une petite case à cocher un optine… vous cliquiez et en fait ça envoyait directement l’annonce sur Creglist.’

Le coup de génie, c’est que lorsque quelqu’un sur Craigslist voulait réserver, le lien ne menait pas vers une page Craigslist mais renvoyait directement vers l’annonce sur Airbnb pour finaliser la transaction.

‘Le paiement ne se faisait pas sur Creglist, le paiement se faisait sur Airbnb.’

Airbnb a ainsi siphonné massivement le trafic et les utilisateurs de son énorme concurrent. Craigslist a mis des mois à s’en rendre compte et à bloquer le processus, mais le mal était fait. Airbnb avait atteint la masse critique qui lui a permis de décoller. C’est un exemple extrême, mais il montre l’importance d’aller chercher ses utilisateurs là où ils se trouvent déjà.

Twitter et la règle des 20 follows : un hack basé sur la data pour garantir la rétention

Ce dernier exemple est fascinant car il n’est pas basé sur une ‘astuce’ mais sur une analyse profonde des données. L’équipe de Growth de Twitter s’est rendu compte d’une chose : les utilisateurs qui abandonnaient le service peu après leur inscription avaient un point commun, ils suivaient très peu de comptes. Leur fil d’actualité était vide, l’expérience était pauvre. À l’inverse, les utilisateurs qui devenaient actifs et fidèles suivaient en moyenne au moins 20 comptes dès le début.

‘Ils ont remarqué que tous les utilisateurs actifs de Twitter, followers à leur inscription, au moins 20 comptes. Tous ceux qui suivaient moins de 20 comptes à leur inscription en fin de compte devenaient utilisateurs inactifs.’

La solution ? Ils ont rendu obligatoire le fait de suivre au moins 20 comptes lors du processus d’inscription. En forçant cette action, ils garantissaient que chaque nouvel utilisateur ait une expérience initiale positive et un fil d’actualité pertinent, augmentant drastiquement leur taux de rétention. C’est un hack brillant car il agit directement sur l’étape d’Activation pour résoudre un problème de Rétention. C’est du pur Growth Hacking, basé sur la data et l’amélioration de l’expérience utilisateur.

Ces exemples peuvent sembler lointains, réservés à des géants de la tech, mais les principes qui les sous-tendent sont applicables à toutes les échelles. Comment passer de cette théorie inspirante à une pratique concrète pour son propre projet ? Laissez-moi vous partager une expérience plus personnelle, un cas pratique qui illustre comment ces stratégies peuvent être adaptées à des contextes plus modestes.

De la théorie à la pratique : retour sur quelques missions concrètes

Les histoires de la Silicon Valley sont inspirantes, mais elles peuvent aussi sembler intimidantes. On peut se dire : ‘Je n’ai ni les moyens de Google, ni le trafic de Craigslist’. C’est vrai. Mais l’esprit du Growth Hacking, c’est justement de s’adapter aux contraintes et de trouver des solutions créatives, quel que soit le contexte. En tant que consultant indépendant, je travaille pour des TPE/PME et des startups qui n’ont pas de ‘Growth Team’ ni de budgets illimités. C’est là que les principes doivent être appliqués avec encore plus d’ingéniosité. Voici deux exemples concrets tirés de mes missions récentes.

Cas pratique n°1 : lancer une marketplace sans marketplace (la puissance de la communauté)

Il y a quelques années, j’ai accompagné un projet de plateforme de mise en relation entre freelances et entreprises, une sorte de Malt. Le problème ? Le développement de la marketplace technique était complexe et coûteux, et les fondateurs n’avaient pas encore les moyens de la financer. Le risque était de passer des mois à développer un produit pour le lancer devant une audience de zéro personne. Nous avons pris le problème à l’envers. Au lieu de commencer par le produit, nous avons commencé par la communauté.

‘Ce qu’on s’est dit, on va commencer par créer une communauté.’

Concrètement, nous avons créé un blog avec du contenu à forte valeur ajoutée pour les freelances (conseils pour trouver des clients, gérer son statut, etc.), entièrement optimisé pour le SEO. En parallèle, nous avons créé et animé des groupes sur les réseaux sociaux. Pendant des mois, nous avons bâti une audience qualifiée et engagée, bien avant que la première ligne de code de la marketplace ne soit écrite.

‘Dès qu’on a créé le site internet, c’était même pas encore la marketplace, on avait déjà des milliers d’utilisateurs.’

Le jour où la plateforme a été lancée, nous n’avions pas zéro utilisateur, mais des milliers de freelances qui attendaient déjà. Cela a permis d’avoir immédiatement du feedback pour améliorer le produit (l’UX/UI) et d’attirer plus facilement les entreprises, rassurées par la présence d’une communauté active. La leçon est simple, mais puissante :

‘Finalement la promotion de ton service, elle a commencé bien avant la mise en place du service en réalité quoi.’

C’est une stratégie qui dé-risque totalement un lancement.

Cas pratique n°2 : conquérir un marché concurrentiel avec des budgets publicitaires optimisés

Plus récemment, j’ai travaillé avec la première école de formation d’agents de joueurs de football en France. Un marché de niche, mais avec des concurrents bien installés qui dépensaient des sommes considérables en publicité en ligne, notamment sur Google Ads. Tenter de rivaliser frontalement sur les enchères aurait été un suicide financier. Nous avons donc adopté une approche de ‘Test and Learn’.

‘Le petit hack c’est d’avoir mis des petits budgets au départ pour tester les mots clés, tester les pubs, faire du test and learn tout simplement et ensuite pouvoir optimiser au fur et à mesure.’

Au lieu de lancer une grosse campagne, nous avons alloué de multiples petits budgets sur différentes annonces, différents mots-clés, et différentes cibles. Nous avons tout mesuré : le taux de clic, le coût par lead, et surtout le taux de conversion final en vente. Progressivement, nous avons identifié les combinaisons les plus rentables et nous avons réalloué le budget sur ce qui fonctionnait, coupant tout ce qui ne performait pas. En quelques mois, avec un budget total bien inférieur à celui de nos concurrents, nous avons réussi à nous positionner au même niveau d’enchères sur les mots-clés stratégiques et à devenir leader en termes de visibilité et de ventes.

‘Avec un petit budget on a réussi à mettre les concurrents sur orbite, c’est-à-dire il y a quasiment plus de concurrence.’

Cette mission illustre parfaitement comment le Growth Hacking, en se basant sur la donnée et l’itération, permet d’optimiser chaque euro dépensé et de surperformer des concurrents plus riches mais moins agiles.

Conclusion : le Growth Hacking, un état d’esprit avant tout

Au terme de cette plongée ‘dans la tête d’un Growth Hacker’, j’espère avoir réussi à démystifier cette discipline. Non, le Growth Hacking n’est pas une formule magique ni une collection de ‘tips’ obscurs. C’est avant tout un état d’esprit, une approche systémique et rigoureuse de la croissance, applicable à n’importe quelle entreprise, de la startup naissante au grand groupe. C’est la fusion de la créativité du marketeur, de la rigueur de l’analyste de données et de l’agilité de l’ingénieur, le tout au service d’un seul objectif : une croissance mesurable et durable.

Nous avons vu que son cœur est le framework AARRR, qui nous force à penser au-delà de l’acquisition pour nous concentrer sur l’ensemble du cycle de vie du client, avec la rétention comme véritable moteur. Nous avons compris que sa mise en pratique diffère, passant du ‘couteau suisse’ européen à la ‘Growth Team’ américaine, mais que son potentiel reste immense. Les exemples légendaires comme Hotmail ou Airbnb, tout comme les cas plus modestes que j’ai pu piloter, nous rappellent que les meilleures stratégies naissent souvent d’une observation fine, d’une hypothèse audacieuse et d’une expérimentation rapide.

Mon propre parcours, des études de lettres au journalisme, en passant par le code à l’école 42 et l’entrepreneuriat, est la preuve que le Growth Hacker n’est pas le fruit d’une filière unique. C’est la curiosité, la capacité à apprendre constamment et à connecter des disciplines différentes qui forgent ce profil. Si je devais vous laisser avec un dernier conseil, ce serait celui-ci : commencez à penser comme un Growth Hacker dès aujourd’hui. Questionnez tout. Mesurez tout. Testez tout. Soyez obsédé par la valeur que vous apportez à vos utilisateurs. Car la croissance la plus saine et la plus exponentielle est toujours la conséquence d’une expérience client exceptionnelle. Le reste, ce ne sont que des outils pour y parvenir.

Foire aux questions sur le Growth Hacking

Quelle est la principale différence entre le Growth Hacking et le marketing traditionnel ?

La différence fondamentale réside dans le périmètre d’action et la méthodologie. Le marketing traditionnel se concentre majoritairement sur le haut de l’entonnoir de conversion, c’est-à-dire la notoriété (Awareness) et l’acquisition de nouveaux clients. Le Growth Hacking, lui, s’intéresse à l’intégralité du parcours client via le framework AARRR (Acquisition, Activation, Rétention, Recommandation, Revenu). Il met un accent crucial sur la rétention, considérant qu’un client fidèle est le meilleur levier de croissance. De plus, sa méthode est basée sur l’expérimentation rapide, l’analyse de données et une approche très intégrée au produit, pouvant aller jusqu’à modifier des fonctionnalités pour améliorer une métrique précise.

‘Le web marketer se concentre souvent sur le awareness et l’acquisition… Le gros hacker se concentre sur toutes les étapes du funnel mais il se concentre plus particulièrement sur la rétention et c’est ce qui fait sa spécificité.’

Faut-il être développeur pour devenir un bon Growth Hacker ?

Non, ce n’est plus une obligation, même si c’était souvent le cas au début. Les premiers Growth Hackers étaient effectivement des développeurs avec une forte appétence marketing car ils pouvaient créer leurs propres outils et scripts. Cependant, le métier a évolué. Aujourd’hui, un bon Growth Hacker est avant tout un profil polyvalent, un ‘M-shaped’, qui possède plusieurs expertises. Il peut venir du marketing, du design ou de la data et acquérir les compétences techniques nécessaires (automatisation, analyse de données) par la suite. La curiosité technique et la capacité à apprendre vite sont plus importantes que le diplôme d’ingénieur initial.

‘Beaucoup pensent que pour devenir gros sacur, il faut être développeur parce que la première typologie du gros sacur, c’était un développeur qui avait une appétence en marketing… les start-up de la Silicon Valley ont commencé à se diriger tout simplement vers les jeunes diplômés en marketing, les jeunes diplômés en design et ils leur ont appris justement à développer des petits bouts de script.’

Qu’est-ce que le framework AARRR et à quoi sert-il ?

Le framework AARRR, aussi appelé ‘Pirate Funnel’, est la feuille de route stratégique de tout Growth Hacker. C’est un modèle qui décompose le parcours client en cinq étapes clés et mesurables : Acquisition (comment les utilisateurs vous trouvent), Activation (ont-ils une première expérience positive ?), Rétention (reviennent-ils ?), Referral (recommandent-ils votre produit ?), et Revenue (comment générez-vous du chiffre d’affaires ?). Cet entonnoir permet de diagnostiquer un business en identifiant les points de friction et les étapes qui sous-performent. Plutôt que de se concentrer uniquement sur l’acquisition, il force à optimiser chaque étape pour construire une croissance saine et durable.

‘On utilise un process. On en utilise plusieurs, mais le process principal, c’est la méthode A. Donc awareness… Acquisition… Activation… Ensuite, on a ce qu’on appelle la rétention… Ensuite, on a la recommandation, le referral… Et ensuite, on a revenus.’

Le Growth Hacking est-il réservé aux startups ?

Absolument pas. Si la discipline est née au sein des startups pour répondre à leurs contraintes de budget et de vitesse, ses principes sont aujourd’hui appliqués par des entreprises de toutes tailles, y compris les grands groupes et les licornes. Des entreprises comme Google, Uber ou Blablacar ont toutes des ‘Growth Teams’ dédiées. La différence est que les startups en ‘early stage’ utilisent souvent le Growth Hacking pour trouver leur ‘Product-Market Fit’ avec des moyens limités, tandis que les entreprises plus matures l’utilisent comme un levier surpuissant pour accélérer leur croissance de manière exponentielle une fois que leur modèle est déjà validé.

‘Énormément d’entreprise de grands groupes, vous savez toutes les start-up, toutes les licornes, donc tous les Google, Uber et cetera, même blablacar hein, ont tous des grosses teams, des équipes de growth. Il y a bien une raison. Pourtant eux ils arrivent bien à utiliser le gros saking pour faire de la croissance exponentielle.’

Qu’est-ce qu’un ‘Black Hat’ Growth Hack et est-ce légal ?

Un ‘Black Hat’ Growth Hack est une technique de croissance qui est éthiquement discutable ou carrément illégale. Tout comme dans le monde du hacking informatique, il existe un spectre de pratiques. Les ‘White Hat’ hacks sont parfaitement légaux et éthiques (ex: optimiser son SEO). Les ‘Gray Hat’ se situent dans des vides juridiques ou à la limite des conditions d’utilisation d’une plateforme. Les ‘Black Hat’ enfreignent clairement la loi ou les conditions de service. L’exemple du hack d’Airbnb sur Craigslist est souvent cité comme un ‘Black Hat’ car il exploitait le site de Craigslist sans autorisation pour en siphonner le trafic. C’est une pratique risquée qui peut entraîner des poursuites judiciaires et nuire à la réputation d’une marque.

‘Il faut faire attention, c’est un black gros hack. Donc c’est-à-dire que comme dans le hacking, il y a des black hack, des gray hack, et des white hack. Donc tout simplement les grais, c’est dans des vides juridiques, les blacks, c’est illégal et les white c’est totalement légal.’

Comment commencer à se former au Growth Hacking ?

La formation en Growth Hacking est souvent un mélange d’apprentissage théorique et de beaucoup de pratique. Il existe de nombreuses ressources pour débuter. On peut suivre des blogs de référence comme ceux de Neil Patel, Seth Godin ou Brian Balfour. Des plateformes comme YouTube (chaînes de The Family, Startup Food) offrent beaucoup de contenu gratuit. Il est aussi essentiel de lire des livres fondateurs comme ‘Hacking Growth’. Enfin, le plus important est de mettre les mains dans le cambouis : lancez un side project, un blog, une petite boutique en ligne, et appliquez les principes que vous apprenez. C’est en testant, en échouant et en itérant que l’on devient réellement un Growth Hacker.

‘En terme de sources Vous pouvez aller sur YouTube, il y a la chaîne Startup Food de The Family qui est très bien… Il y a le blog de Seth Godin… n’hésitez pas à suivre aussi Neil Patel sur LinkedIn… après vous avez énormément énormément de livres à lire aussi hein. Vous avez Hacking Growth.’


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