Logo de l'épisode #39 : Dans la tête d'un Growth Hacker du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#39 : Dans la tête d’un Growth Hacker

Épisode diffusé le 8 mai 2020 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

Écouter l'épisode :

Dans la tête d’un growth hacker : décryptage d’une discipline clé du digital

Le terme « Growth Hacking » est sur toutes les lèvres dans l’écosystème digital, mais que recouvre-t-il vraiment ? Est-ce un simple buzzword pour désigner des compétences marketing traditionnelles ou une discipline à part entière avec ses propres méthodes et outils ? Pour percer les secrets de cette approche, nous avons invité Medy Naceri Dali, growth hacker pour startups et TPE/PME, mais aussi formateur, à nous éclairer. L’objectif : comprendre la valeur ajoutée de ce métier et ce qui se passe réellement dans la tête d’un growth hacker.

Définition du growth hacking : au-delà du simple marketing

Avant toute chose, il est essentiel de définir ce dont on parle. Mais comme le souligne Medy, la tâche n’est pas si simple : « La définition peut être très vaste et différente selon les growth hackers ». Pour ne choquer personne, il propose de partir de la base : « On va prendre ensemble la définition de Wikipédia : un ensemble de techniques de marketing qui va vous permettre en fin de compte de développer la croissance de votre entreprise exponentiellement. »

L’origine du terme : l’histoire de Sean Ellis et Dropbox

Le concept n’est pas né d’hier. Il a été importé des États-Unis par Sean Ellis en 2010. Medy raconte l’anecdote fondatrice : « C’est un mot qui a été créé par Sean Ellis qui était le CMO de Dropbox à l’époque et qui devait rechercher un autre CMO. Il ne trouvait aucune personne qui avait les mêmes compétences que lui, qui était multi-tâche, qui avait plusieurs expertises et qui travaillait pour des start-ups. Donc il s’est tout simplement dit ‘bah je vais inventer un métier’ et il a inventé le métier de growth hacker. » Le « bidouilleur de croissance » était né.

Growth hacking vs growth marketing : quelle est la vraie différence ?

Une confusion fréquente existe entre le growth hacking et le growth marketing. Medy clarifie ce point crucial : « Le growth marketing est une partie du growth hacking. » Le growth hacking est en réalité bien plus large. « Dites-vous que c’est un des scopes les plus larges du digital. Donc ça englobe le growth marketing, le data driven marketing mais aussi tout ce qui est analyse de données, aussi tout ce qui est design thinking, […] ça prend aussi en compte tout ce qui est développement de script. »

L’histoire de la discipline explique aussi la diversité des profils. Au début, entre 2010 et 2012, le growth hacker était avant tout un développeur avec une appétence marketing. Face à la pénurie de ces profils, les startups de la Silicon Valley se sont tournées vers des diplômés en marketing ou en design, leur apprenant les bases du code et de l’automatisation. C’est pourquoi, comme l’affirme Medy, « si vous avez 100 growth hackers devant vous, bah vous avez 100 growth hackers différents. »

Le framework AARRR : la méthode secrète des « pirates de la croissance »

Alors, si le growth hacking n’est pas un concept « bullshit », qu’est-ce qui le différencie concrètement d’un marketeur classique ? La réponse tient en un mot : le processus. Medy explique que la principale méthode utilisée est le framework AARRR, aussi connu sous le nom de « Pirate Funnel », l’entonnoir de conversion du pirate.

Les six étapes du funnel pirate

Ce framework décompose le parcours client en six étapes clés :

  1. Awareness (Notoriété) : Comment faire connaître sa marque ou son produit.
  2. Acquisition : Comment attirer des visiteurs via tous les canaux possibles, qu’ils soient digitaux ou print.
  3. Activation : Comment s’assurer que l’utilisateur vit une première bonne expérience.
  4. Rétention (Fidélisation) : Comment faire revenir les utilisateurs. C’est l’étape cruciale.
  5. Recommandation (Referral) : Comment transformer ses clients en ambassadeurs pour activer le bouche-à-oreille.
  6. Revenu : Comment monétiser l’ensemble du processus.

Pourquoi la rétention est le terrain de jeu du growth hacker

La distinction fondamentale se situe dans le champ d’action. « Le web marketer se concentre souvent sur l’awareness et l’acquisition. Le trafic manager se concentre souvent sur l’acquisition et l’activation. » Le growth hacker, lui, embrasse l’ensemble du funnel. Mais sa spécificité, insiste Medy, réside dans son focus sur le bas de l’entonnoir : « Il se concentre plus particulièrement sur la rétention et c’est ce qui fait sa spécificité. » Cela se traduit par des actions concrètes comme le community building, la création de communauté, ou le marketing de contenu, dans le cadre d’une stratégie digitale globale.

Le growth hacker : couteau suisse en Europe, spécialiste aux États-Unis ?

Le rôle du growth hacker semble donc particulièrement adapté aux startups, où les profils polyvalents sont recherchés. Mais est-ce une règle absolue ? Pas tout à fait. La perception et l’utilisation de cette compétence varient énormément d’un continent à l’autre.

Le mythe du « web marketer qui n’a pas de budget »

En Europe, et particulièrement en France, le growth hacker est souvent perçu comme un couteau suisse. Medy le confirme : « En Europe, on utilise les growth hackers au tout départ, c’est-à-dire quand une start-up est en early stage. […] Elle utilise le growth hacker comme une sorte de couteau suisse justement qui réunit quatre ou cinq jobs en un et qu’on paye pour un job. » On attend de lui qu’il fasse des miracles avec trois francs six sous, en misant sur sa créativité et sa capacité à automatiser.

La « growth team » : le modèle des licornes comme Google et Uber

Aux États-Unis, la philosophie est radicalement différente. Les entreprises comme Google, Uber ou Blablacar ne font pas appel à des growth hackers au début, mais une fois qu’elles ont trouvé leur « product market fit », c’est-à-dire que leur produit a rencontré son marché. Medy explique : « On prend des équipes de growth au moment où on a notre product market fit et boom, on fait une croissance exponentielle avec eux. »

Ces « growth teams » sont des équipes pluridisciplinaires composées d’un growth marketer, d’un growth designer, d’un growth engineer, d’un growth strategist, le tout orchestré par un Head of Growth. C’est un investissement conséquent pour atteindre un potentiel de croissance maximal.

Exemples de growth hacking qui ont marqué l’histoire

Pour mieux comprendre la puissance du growth hacking, rien de tel que des exemples concrets qui ont permis à des entreprises de décoller.

Hotmail et le fameux « PS I love you »

Le tout premier hack répertorié remonte à 1998 avec Hotmail. Pour générer plus de clients, les fondateurs ont eu une idée simple mais géniale : « Ils ont mis en place un petit mot ‘PS I love you’ qu’ils ont intégré dans tous les messages envoyés par des boîtes mail Hotmail. » L’effet a été viral et a créé d’innombrables histoires. Le résultat ? « Très rapidement, ils se sont fait plus de 3000 utilisateurs en plus par jour. » En un an et demi, ils ont généré plusieurs millions d’utilisateurs avant de revendre leur société à Microsoft.

Twitter et l’astuce des 20 follows à l’inscription

Ce hack démontre que le growth hacking n’est pas un coup d’éclat unique, mais peut être un processus réplicable. L’équipe de Twitter a analysé ses statistiques et a fait une découverte : « Tous les utilisateurs actifs de Twitter followent à leur inscription au moins 20 comptes. Tous ceux qui suivaient moins de 20 comptes devenaient des utilisateurs inactifs. » La solution était évidente : rendre obligatoire le suivi d’au moins 20 comptes lors de l’inscription. Aujourd’hui, « dès qu’ils ouvrent un pays, ils mettent en place cette étape obligatoire et ça leur crée à chaque fois des utilisateurs actifs. »

Le « black hat » d’Airbnb qui a siphonné Craigslist

C’est sans doute le hack le plus célèbre, celui qui a propulsé le growth hacking sur le devant de la scène. Medy précise qu’il s’agit d’un « black growth hack », c’est-à-dire illégal. Airbnb voulait capter les clients de Craigslist, le « Bon Coin » américain. Ils ont mis en place une option sur leur site : une simple case à cocher qui publiait automatiquement une annonce Airbnb sur Craigslist.

Le coup de génie ? « Quand vous arrivez sur Craigslist et vous voyez votre annonce, si vous cliquez sur le bouton ‘je veux louer’, ça vous renvoyait vers Airbnb et donc le paiement se faisait sur Airbnb. » Craigslist a mis des mois à s’en rendre compte, des mois pendant lesquels Airbnb a engrangé des millions de clients. « C’est ce qui a fait que Airbnb est devenue une licorne. », conclut Medy.

Cas pratiques : des stratégies de growth hacking concrètes

Au-delà des exemples célèbres, Medy partage quelques stratégies qu’il a lui-même mises en œuvre pour ses clients, prouvant que ces techniques sont applicables à différentes échelles.

Un hack pour Banouze : utiliser LinkedIn pour générer des leads

Pour augmenter l’audience d’un podcast comme Banouze, Medy suggère une approche pragmatique : « Utiliser un outil de génération de lead type ProspectIn […] pour LinkedIn. Vous allez générer des leads via ces outils et ensuite vous allez soit directement les contacter via LinkedIn, soit leur envoyer un mail via Mailchimp, Sending Blue. Et après vous pouvez même automatiser tout ça. » Envoyer 1000 messages par jour sur LinkedIn peut ainsi rapidement générer de nouveaux auditeurs.

Créer une communauté avant le produit : le cas de la plateforme freelance

Pour un projet de marketplace pour freelances sans les moyens de développer la plateforme immédiatement, la stratégie a été de jouer le temps long. « On va commencer par créer une communauté. On a commencé à créer un blog, on l’a alimenté de contenu SEO. De l’autre côté, on a créé les réseaux sociaux. » Résultat : « Dès qu’on a créé le site internet, on avait déjà des milliers d’utilisateurs. » Cette approche a permis de tester et d’améliorer l’interface directement avec une base d’utilisateurs existante, accélérant ainsi le développement.

Dominer la concurrence avec un budget pub optimisé

Pour une école de formation d’agents de joueurs de football face à des concurrents aux budgets publicitaires colossaux, la méthode a été le « test and learn ». « Le petit hack, c’est d’avoir mis des petits budgets au départ pour tester les mots-clés, tester les pubs, […] et ensuite pouvoir optimiser au fur et à mesure et se mettre au même niveau d’enchère que les concurrents sans exploser le budget. » La stratégie a été progressive : d’abord la notoriété (awareness), puis l’acquisition de trafic, et enfin la conversion pour générer des ventes. « Avec un petit budget, on a réussi à mettre les concurrents sur orbite. », confie-t-il.

Comment devenir growth hacker ? Le parcours et les conseils de Medy

Le parcours pour devenir growth hacker est rarement linéaire, comme en témoigne l’expérience personnelle de Medy.

D’une licence de lettres à l’école 42 : un chemin non conventionnel

Parti d’une licence de lettres modernes et d’un master de journalisme, Medy a connu la « dictature des stages ». Confronté à la discrimination à l’embauche et à la nécessité d’entreprendre avec son père, il s’est auto-formé. Il a développé des logiciels, a fait « la piscine » à l’école 42 (400 heures de code en un mois), puis est passé par HEC et le CELSA pour une thèse professionnelle sur le growth hacking, avant de compléter son parcours à The Family. Il a découvert qu’il faisait du growth hacking pour sa propre entreprise bien avant de connaître le terme. Son parcours illustre parfaitement la nécessité d’être un profil « M-shaped » : avoir plusieurs expertises profondes et des notions dans de nombreuses autres disciplines.

Les formations et ressources pour se lancer dans le growth hacking

Pour ceux qui souhaitent se former, Medy partage une liste de ressources précieuses :

  • Chaînes YouTube : Startup Food de The Family, Coup d’état.
  • Sites web : Webmarketing-com.com, E-marketing.fr, le blog de Seth Godin, Wait But Why.
  • Experts à suivre : Neil Patel sur LinkedIn.
  • Livres : « Start With Why » de Simon Sinek, « Hacking Growth ».

Le growth hacking est donc bien plus qu’une mode. C’est un état d’esprit et une méthodologie rigoureuse qui, en s’appuyant sur la data, la créativité et l’expérimentation, permet de construire des stratégies de croissance puissantes et durables, bien loin de l’image du simple « bidouilleur ».

FAQ sur le growth hacking

Qu’est-ce que le growth hacking concrètement ?

Le growth hacking est un ensemble de techniques marketing centrées sur l’expérimentation rapide à travers tout le parcours client (marketing, produit, data) dans le but de trouver les leviers les plus efficaces pour accélérer la croissance d’une entreprise de manière exponentielle.

« Un ensemble de techniques de marketing qui va vous permettre en fin de compte de développer la croissance de votre entreprise exponentiellement. » – Medy Naceri Dali

Quelle est la différence entre un growth hacker et un web marketer ?

La principale différence réside dans le périmètre d’action. Un web marketer se concentre généralement sur le haut de l’entonnoir de conversion (notoriété, acquisition). Le growth hacker travaille sur l’intégralité du funnel AARRR, avec un focus particulier sur la rétention et l’optimisation du produit pour la croissance.

« Le web marketer se concentre souvent sur l’awareness et l’acquisition. […] Le gross hacker se concentre sur toutes les étapes du funnel mais il se concentre plus particulièrement sur la rétention et c’est ce qui fait sa spécificité. » – Medy Naceri Dali

Faut-il être développeur pour devenir growth hacker ?

Non, ce n’est plus un prérequis. Si les premiers growth hackers étaient souvent des développeurs avec une sensibilité marketing, le métier a évolué. Aujourd’hui, les profils sont très variés, venant du marketing, du design ou de la data, et apprennent les compétences techniques (automatisation, scripts) nécessaires.

« La première typologie du gross hacker, c’était un développeur qui avait une appétence en marketing. Ensuite très rapidement […] les start-up de la Silicon Valley ont commencé à se diriger vers les jeunes diplômés en marketing, les jeunes diplômés en design et ils leur ont appris justement à développer des petits bouts de script. » – Medy Naceri Dali

C’est quoi le framework AARRR ou « Pirate Funnel » ?

Le framework AARRR, ou Pirate Funnel, est un modèle qui décompose le parcours client en 5 ou 6 étapes clés : Awareness (Notoriété), Acquisition, Activation, Rétention, Recommandation (Referral) et Revenu. Il sert de feuille de route au growth hacker pour identifier les points de friction et les opportunités de croissance à chaque étape.

« Dans le gross saccking, on utilise un process. On en utilise plusieurs mais le process principal, c’est la méthode AARRR. Retenez bien, c’est le pirate funel, l’entonnoir de conversion du pirate. » – Medy Naceri Dali

Le growth hacking est-il réservé aux startups ?

Non. Si les startups l’utilisent souvent en phase de démarrage pour trouver leur croissance, les grandes entreprises et les licornes (Google, Uber, Blablacar) ont toutes des « growth teams » dédiées pour scaler leur business et atteindre une croissance exponentielle une fois leur marché validé.

« Toutes les licornes, donc tous les Google, Uber et cetera, même blablacar hein, ont tous des grosses teams, des équipes de grosse. Il y a bien une raison. […] Ils se mettent à faire du gros saccking avec des équipes de grosse parce qu’ils veulent une croissance exponentielle. » – Medy Naceri Dali

Pouvez-vous donner un exemple célèbre de growth hack ?

Le hack d’Airbnb sur Craigslist est l’un des plus connus. Ils ont permis à leurs utilisateurs de publier automatiquement leur annonce Airbnb sur Craigslist. Quand un intéressé cliquait sur l’annonce, il était redirigé vers Airbnb pour la réservation et le paiement, détournant ainsi massivement le trafic et les clients de leur concurrent.

« Airbnb s’est dit a analyser les annonces de Craigslist. […] Ils ont mis à l’inscription sur Airbnb […] une petite case à cocher, un optine, vous cliquiez et en fait, ça envoyait directement l’annonce sur Craigslist. […] Le paiement ne se faisait pas sur Craigslist, le paiement se faisait sur Airbnb. » – Medy Naceri Dali

Comment le growth hacking est-il perçu en France par rapport aux USA ?

En France et en Europe, le growth hacker est souvent vu comme un « couteau suisse » polyvalent pour les startups en manque de moyens. Aux États-Unis, le growth hacking est une discipline plus mature, pratiquée par des équipes spécialisées (« growth teams ») dans des entreprises établies pour accélérer une croissance déjà existante.

« C’est plus en mode économie vraiment en Europe alors qu’aux États-Unis ça a rien à voir, c’est on prend les gros sacquers […] au moment où on a notre product market fit et boom, on fait une croissance exponentielle avec eux. » – Medy Naceri Dali

Quelles sont les meilleures ressources pour se former au growth hacking ?

Il existe de nombreuses ressources. Pour commencer, on peut citer les chaînes YouTube de The Family (Startup Food) et Coup d’état, des sites comme Webmarketing-com.com, les blogs de Seth Godin et Neil Patel, ainsi que des livres de référence comme « Hacking Growth ».

« Vous pouvez aller sur YouTube, il y a la chaîne Startup Food de The Family qui est très bien. Il y a Coup d’état aussi. […] Il y a Web marketing.com qui est un très très bon site internet, e marketing.fr aussi. […] N’hésitez pas à suivre aussi Nail Patel sur LinkedIn. » – Medy Naceri Dali


Épisodes similaires