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#107 > Afrique > L’Afrique, prochain pilier de l’innovation technologique ?

Épisode diffusé le 10 décembre 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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L’Afrique, prochain pilier de l’innovation technologique : mythe ou réalité imminente ?

Quand on évoque la technologie, les regards se tournent instinctivement vers la Silicon Valley, Shenzhen ou encore les hubs européens. Pourtant, une révolution silencieuse mais puissante est en marche sur un continent trop souvent résumé à ses défis : l’Afrique. Loin des clichés, l’Afrique est en train de s’affirmer non pas comme un simple marché émergent, mais comme un véritable épicentre d’innovation, capable de résoudre ses propres problèmes avec des solutions technologiques ingénieuses et de proposer de nouveaux modèles au reste du monde. Je suis Damien Doumarque, cofondateur de The Guild, une plateforme qui connecte les meilleurs développeurs africains avec des start-up européennes, et je suis aux premières loges de cette transformation spectaculaire. Chaque jour, je vois des talents bruts, une énergie créatrice débordante et des opportunités de marché colossales.

La question n’est plus de savoir si l’Afrique va participer à la révolution technologique mondiale, mais plutôt quand elle en deviendra un pilier incontournable. Dans cet article, nous allons plonger au cœur de cet écosystème bouillonnant. Nous explorerons comment le continent est déjà à l’origine d’innovations de rupture, pourquoi la Fintech est devenue son fer de lance, et quel est le vrai visage de ce vivier de talents que le monde commence à peine à découvrir. Nous aborderons aussi les défis, car le chemin est semé d’embûches, mais surtout les arguments concrets qui devraient convaincre les investisseurs les plus sceptiques. Comme je l’expliquais, l’enjeu est de taille : ‘L’Afrique peut-elle devenir demain un leader mondial en développement de logiciel et en solution technologique ?’. Oubliez vos préjugés et préparez-vous à découvrir un continent qui ne demande qu’à montrer sa puissance technologique au monde.

Bien plus qu’un vivier de talents : l’Afrique comme berceau d’innovations de rupture

Lorsqu’on parle de la contribution de l’Afrique à la technologie mondiale, beaucoup pensent immédiatement à un ‘vivier de talents’. C’est une réalité, et nous y reviendrons, mais c’est aussi une vision réductrice qui occulte l’essentiel : l’Afrique est une terre d’innovation. Les solutions les plus pertinentes naissent souvent de contraintes fortes, et le continent africain en est la preuve vivante. La technologie n’y est pas un luxe, mais un levier essentiel pour résoudre des problèmes fondamentaux liés à l’accès aux services financiers, à la santé ou à l’éducation. C’est dans ce contexte qu’émergent des innovations qui ne sont pas de simples copies de modèles occidentaux, mais des créations originales et adaptées, capables de s’exporter.

L’exemple le plus emblématique est sans conteste le Mobile Money. Cette innovation est née au Kenya, bien avant que les néo-banques européennes ne deviennent à la mode. Face à une population très peu bancarisée mais équipée de téléphones mobiles, des entreprises comme M-Pesa ont eu l’idée de génie de transformer le téléphone en portefeuille numérique.

‘Le Mobile Money qui a été qui est né en Afrique au Kenya précisément grâce à M-Pesa, une société kényane où t’envoies de l’argent avec ton téléphone, tu gardes de l’argent. Il n’y a pas beaucoup de gens qui étaient bancarisés en Afrique à cette époque. Et on compte plus d’un milliard de personnes qui ont un Mobile Money.’

Ce chiffre est vertigineux et illustre parfaitement la puissance de l’innovation africaine : une solution ‘frugale’, simple d’utilisation, qui a permis à des centaines de millions de personnes d’accéder à des services financiers pour la première fois. C’est un véritable ‘leapfrog’ technologique, un saut par-dessus l’étape des agences bancaires traditionnelles. D’autres innovations, comme le microcrédit mobile, suivent la même logique : utiliser la technologie pour inclure financièrement ceux qui en étaient exclus. Cette capacité à créer des solutions de masse à partir de contraintes locales est la véritable signature de l’innovation africaine. Le continent n’est donc pas seulement une réserve de main-d’œuvre qualifiée, mais un laboratoire à ciel ouvert où s’inventent les modèles de demain.

La Fintech : moteur de la transformation et incubateur de licornes

Si un secteur incarne la dynamique de l’innovation technologique en Afrique, c’est bien la Fintech. Elle n’est pas juste une tendance, elle est le cœur battant de l’écosystème. La raison est simple : elle répond à un besoin fondamental et massif. Pendant des décennies, la majorité de la population africaine a été laissée en marge du système financier traditionnel. C’est ce vide qui a créé un appel d’air monumental pour les entrepreneurs.

Pourquoi la Fintech domine-t-elle l’écosystème ?

Le contexte historique est la clé de tout. Comme je l’expliquais, le faible taux de bancarisation a été le terreau de l’innovation. Les chiffres de la Banque Mondiale sont éloquents et confirment cette tendance : ‘en 2012, il y avait seulement 21 % des en Afrique subsaharienne, des personnes […] qui étaient bancarisées et en 2021, […] ils ont fait un update et genre fois 2, 55 %.’ Cette croissance fulgurante n’est pas le fait des banques traditionnelles, mais bien de la myriade de start-up Fintech qui ont su proposer des services agiles, accessibles et peu coûteux via le mobile. Elles ne se sont pas contentées de digitaliser des services existants ; elles ont créé de nouveaux usages pour le paiement, le transfert d’argent, l’épargne et le crédit, touchant ainsi des millions de PME et de particuliers.

Des licornes qui redéfinissent les services financiers

Cette effervescence a logiquement donné naissance à des champions continentaux, les fameuses licornes (start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars). Et sans surprise, la plupart sont des Fintechs. ‘Quand on prend les les 10 premières licornes, cinq licornes en Afrique, […] on verra que je pense quatre ou trois sont des Fintech.’ Des noms comme Flutterwave, qui fournit des infrastructures de paiement pour tout le continent, sont devenus des géants. Mais derrière ces têtes d’affiche, il y a un écosystème incroyablement riche d’acteurs plus petits mais tout aussi innovants, comme Diamo en Côte d’Ivoire, Julaya ou encore Peka au Cameroun. Ces entreprises ne font pas que grandir ; elles construisent les fondations de l’économie numérique africaine, brique par brique.

Un effet d’entraînement sur tout l’écosystème

Le succès de la Fintech a un impact qui va bien au-delà du secteur financier. Ces entreprises sont de grandes consommatrices de talents, notamment de développeurs. En créant une demande forte pour des compétences techniques de haut niveau, elles tirent tout l’écosystème vers le haut. Elles forment des ingénieurs, des chefs de produit, des experts en cybersécurité, qui un jour, créeront à leur tour leur propre entreprise. C’est un cercle vertueux. Le besoin est tel que les Fintechs se retrouvent même à devoir développer des outils en interne, faute de fournisseurs sur le marché local, ce qui crée de nouvelles opportunités. C’est un signe de maturité et la promesse de vagues d’innovation successives.

Portrait-robot du talent tech africain : au-delà des diplômes, la compétence reine

L’un des plus grands atouts de l’Afrique est sans conteste son capital humain. Le continent possède la population la plus jeune du monde, une jeunesse connectée, ambitieuse et qui voit dans la technologie un formidable accélérateur d’opportunités. Mais pour comprendre la richesse de ce vivier de talents, il faut abandonner les grilles de lecture traditionnelles, notamment celle du diplôme. En Afrique, plus qu’ailleurs, la compétence prime sur le parchemin. Chez The Guild, nous rencontrons quotidiennement des profils extraordinaires qui ont suivi des chemins non conventionnels pour atteindre un niveau d’excellence technique de classe mondiale.

L’essor des autodidactes et des contributeurs open-source

La première catégorie de talents, et peut-être la plus fascinante, est celle des autodidactes. Grâce à l’amélioration spectaculaire de l’accès à internet, un jeune passionné au Cameroun, au Sénégal ou au Nigeria peut aujourd’hui se former sur les mêmes technologies que son homologue à Paris ou à San Francisco. L’arrivée de services comme Starlink d’Elon Musk est une révolution. ‘Il y a 10 ans de cela, il y avait pas la 3G […] on téléchargeait à 200 kilobits la seconde, on était joyeux. Mais là, maintenant avec Starlink […], il y a des connexions qui sont aussi bonnes que n’importe où dans le monde.’ Cette connectivité débride le potentiel. Nous tombons sur des pépites, des développeurs qui, depuis leur chambre, contribuent à des projets open-source majeurs.

‘On est tombé sur un gars qui a contribué du code source à Mozilla Firefox. Étant en Afrique, on dit mais comment il a fait ça ?’

Ces profils sont la preuve d’une autonomie, d’une curiosité et d’une capacité à résoudre des problèmes qui sont inestimables pour une entreprise. Ils n’ont pas attendu qu’une école leur donne la permission d’apprendre ; ils sont allés chercher le savoir là où il se trouvait.

Le changement de paradigme pour les recruteurs

Cette réalité impose un changement de mentalité radical pour les recruteurs. Si vous vous fiez uniquement à un profil LinkedIn ou à un CV classique, vous passerez à côté des meilleurs talents. L’anecdote de ce développeur que nous avons failli ignorer est révélatrice. ‘Il n’a pas de profil LinkedIn, GitHub non plus. […] on se dit au début on ne voulait pas lui parler, on était en mode mais il n’a pas l’air sérieux.’ Pourtant, après discussion, il s’est avéré qu’il avait travaillé pour de grandes entreprises aux États-Unis et en France. Son secret ? Il passait simplement les tests techniques. C’est pourquoi notre approche est claire : la compétence est la seule vérité. Dans la tech, le code ne ment pas. La question que nous posons à nos clients n’est pas ‘Quel diplôme a-t-il ?’ mais une invitation simple et directe :

‘Testez-le. Testez-le, voyez à quel point il est bon.’

Cette approche, centrée sur la performance réelle, permet de dénicher des talents exceptionnels qui seraient autrement invisibles. C’est un modèle plus juste, plus efficace, et parfaitement adapté à la réalité du terrain africain.

Surmonter les défis : attirer les investissements et structurer la collaboration

Malgré ce potentiel immense, l’écosystème technologique africain fait face à des défis importants. Pour que la croissance s’accélère, deux éléments sont cruciaux : attirer davantage de capitaux et perfectionner les méthodes de collaboration, notamment à distance. Ce sont les deux faces d’une même pièce : la confiance. La confiance des investisseurs dans le potentiel du marché, et la confiance opérationnelle entre les entreprises et les talents.

L’argument massue pour les investisseurs : des marchés vierges à conquérir

Comment convaincre un investisseur de miser sur l’Afrique ? L’argument le plus puissant est celui de l’opportunité. Alors que de nombreux secteurs en Europe ou en Amérique du Nord sont saturés, l’Afrique est un continent où beaucoup reste à construire. C’est un ‘océan bleu’.

‘Ici, en Europe, beaucoup de secteurs sont saturés. […] Tu peux plus créer un Revolut. C’est fini. Tu peux plus créer un Wise. Tu peux plus créer un Conto. C’est fini. Mais en Afrique, tu peux. Parce qu’il n’y en a pas.’

Cette affirmation est essentielle. Les besoins sont si vastes que même les acteurs en place ne peuvent pas tout couvrir. Le marché est loin d’être capturé. Je discutais avec le fondateur de Diamo, une Fintech issue du prestigieux accélérateur Y Combinator, et il me confiait son souhait de voir plus de concurrents se lancer. Pourquoi ? Parce qu’en tant que start-up, ils sont obligés de résoudre des problèmes d’infrastructure qui, en Europe, seraient pris en charge par d’autres entreprises spécialisées. Il y a de la place pour créer non seulement les ‘Revolut africains’, mais aussi toute la chaîne de valeur technologique qui les soutient. Pour un investisseur, être le premier sur un marché de cette taille est une opportunité historique.

La communication, clé de voûte de la collaboration à distance

L’autre défi majeur est celui de la collaboration, surtout quand les équipes sont réparties entre l’Europe et l’Afrique. Le travail à distance a ses propres règles, et les différences culturelles peuvent ajouter une couche de complexité. Le plus grand obstacle n’est pas technique, mais humain. ‘Le plus gros problème dans ça, c’est la communication. […] Les dev en général, c’est pas des animaux sociaux.’ C’est un problème universel, mais qui peut être amplifié par la distance. Notre rôle chez The Guild ne se limite pas à trouver le bon profil technique. Nous menons un véritable travail d’éducation des deux côtés. Nous avons développé un ‘playbook’, un ensemble de bonnes pratiques pour fluidifier la collaboration. Cela passe par l’instauration de rituels de communication clairs, la définition d’attentes précises et la promotion d’une culture de la transparence. Il s’agit d’apprendre aux développeurs à mieux communiquer leur avancement et leurs blocages, et d’apprendre aux entreprises à manager efficacement des talents à distance, en instaurant une relation de confiance plutôt qu’un contrôle permanent. C’est un investissement indispensable pour bâtir des collaborations solides et pérennes.

Bâtir les fondations de demain : l’écosystème de formation en pleine structuration

Pour que la croissance technologique soit durable, elle doit s’appuyer sur un système de formation solide et capable de produire un flux constant de talents qualifiés. Si les autodidactes sont une force incroyable, la structuration de l’enseignement formel est tout aussi cruciale pour passer à l’échelle supérieure. Sur ce front, l’Afrique est en pleine ébullition, avec l’émergence d’initiatives locales prometteuses et l’arrivée d’acteurs internationaux reconnus, même s’il reste le défi de distinguer les formations de qualité des offres opportunistes.

Des initiatives locales inspirantes à la ‘Silicon Mountain’

Le continent n’a pas attendu l’aide extérieure pour commencer à former ses talents. Dans de nombreux pays, des écosystèmes locaux dynamiques ont vu le jour. Un exemple que je connais bien est celui de mon pays d’origine, le Cameroun. La ville de Buéa, grâce à son université et à une forte concentration d’entrepreneurs et de développeurs, a été surnommée la ‘Silicon Mountain’.

‘La formation était tellement bonne que cette partie du Cameroun là, Buéa, a été surnommée Silicon Mountain, en référence à la Silicon Valley, parce qu’il y avait tellement de gars qui étaient qui faisaient des trucs extraordinaires.’

Ce surnom n’est pas anodin. Il témoigne d’une réelle densité de talents et d’une culture de l’innovation qui s’est développée de manière organique. Des professeurs visionnaires, parfois formés à l’étranger, ont adapté les cursus pour les aligner sur les standards internationaux. Ces pôles d’excellence locaux sont essentiels car ils sont ancrés dans la réalité du terrain et créent des communautés soudées d’innovateurs.

L’arrivée d’acteurs internationaux comme Epitech

En parallèle, l’implantation d’écoles internationales de renom vient renforcer et professionnaliser l’offre de formation. L’ouverture d’un campus Epitech au Bénin en est un parfait exemple. Ayant moi-même fait Epitech en France, j’étais curieux de voir le niveau des diplômés béninois. J’ai été bluffé. ‘J’étais surpris parce que ils étaient bons. Ils étaient super bons comparé à d’autres que j’ai vu ailleurs.’ Ces écoles apportent non seulement des méthodes pédagogiques éprouvées, comme l’apprentissage par projet, mais aussi un réseau international et un label de qualité qui rassure les recruteurs. Leur succès immédiat, avec des promotions complètes dès l’ouverture, montre l’immense soif d’apprendre et le besoin de formations de haut niveau sur le continent.

Le défi reste cependant de naviguer dans une offre de plus en plus dense, où coexistent le meilleur et le pire. Beaucoup d’organismes peu scrupuleux capitalisent sur la ‘hype’ de la tech sans offrir une réelle qualité pédagogique. C’est pourquoi le rôle de la communauté, des tests techniques et des plateformes comme la nôtre est aussi de servir de filtre et de guide pour les entreprises et les talents.

Conclusion : L’Afrique n’est pas le futur de la tech, elle en est le présent

Au terme de cette exploration, une certitude s’impose : l’Afrique n’est plus à la porte de la révolution technologique, elle en est un acteur central et dynamique. Nous avons vu que le continent n’est pas seulement une source de talents, mais un véritable foyer d’innovation, capable de créer des solutions de rupture comme le Mobile Money. La Fintech, portée par des licornes et une myriade de start-up agiles, redessine le paysage économique et tire tout l’écosystème vers le haut. Le talent africain, qu’il soit autodidacte ou issu d’écoles de plus en plus performantes, se distingue par sa compétence brute et sa ‘dalle’, cette faim de réussir qui fait toute la différence.

Bien sûr, les défis demeurent. Attirer plus d’investissements, structurer la collaboration à distance et consolider l’écosystème de formation sont des chantiers permanents. Mais les opportunités sont infiniment plus grandes. Les marchés sont vastes et peu concurrentiels, offrant un terrain de jeu exceptionnel pour les entrepreneurs et les investisseurs audacieux. La question n’est plus de savoir ‘si’ l’Afrique peut devenir un leader technologique, mais de se demander comment accompagner et accélérer ce mouvement inéluctable. Pour les jeunes du continent, le message est clair et porteur d’un immense espoir. La tech est un puissant outil d’émancipation. Comme je le dis souvent : ‘essaie de faire, d’aimer ce que tu fais. Et essaie d’être le meilleur.’. En se formant, en créant, en osant, ils ne construisent pas seulement leur propre avenir, mais celui de tout un continent, prêt à prendre sa juste place sur la scène technologique mondiale.


Foire Aux Questions (FAQ) sur l’innovation technologique en Afrique

1. Quel est le rôle actuel de l’Afrique dans l’écosystème tech mondial ?

L’Afrique joue un double rôle de plus en plus stratégique. D’une part, elle est un berceau d’innovations frugales et disruptives, comme le Mobile Money, qui ont résolu des problèmes locaux avant de devenir des modèles inspirants à l’échelle mondiale. D’autre part, elle s’affirme comme un vivier de talents techniques incontournable, où des développeurs hautement qualifiés et motivés sont de plus en plus recherchés par les entreprises internationales pour leur expertise et leur dynamisme.

‘L’Afrique dans le monde de la tech actuellement a apporté plusieurs innovations. […] par exemple le Mobile Money qui est né en Afrique au Kenya […] Et aussi il y a aussi un rôle de vivier de talents. Un peu que l’Afrique joue. Plusieurs nations développées, ils tapent un peu en Afrique pour avoir des talents jeunes qui ont la dalle.’

2. Pourquoi le secteur de la Fintech est-il si développé en Afrique ?

La Fintech domine l’écosystème tech africain principalement en raison du contexte historique de faible bancarisation. Face à un système financier traditionnel qui excluait une grande partie de la population, les start-up ont trouvé un terrain fertile pour proposer des solutions mobiles, agiles et accessibles. Ce besoin fondamental a créé un marché immense et a permis l’émergence rapide de nombreuses start-up, dont plusieurs licornes, qui répondent directement aux problèmes d’accès aux services financiers des particuliers et des entreprises.

‘Le problème de bancarisation et accès aux ressources financières et tout, c’est c’est c’est un très gros problème en Afrique. Et c’est le secteur qui évolue le plus, qui évolue le plus. D’ailleurs même selon la Banque mondiale en 2012, il y avait seulement 21 % […] de la population qui était bancarisée et en 2021 […] 55 %.’

3. Comment les entreprises peuvent-elles évaluer les compétences des développeurs africains sans se fier aux diplômes ?

L’approche la plus efficace consiste à adopter un processus de recrutement entièrement basé sur les compétences. Les diplômes sont souvent secondaires par rapport à la capacité réelle d’un développeur. Il est crucial de mettre en place des tests techniques concrets, des exercices d’algorithmique et des études de cas réels qui permettent de mesurer objectivement le niveau technique, la logique de résolution de problèmes et la qualité du code. Cette méthode permet de découvrir des talents exceptionnels, y compris des autodidactes qui n’ont pas de parcours académique classique mais possèdent une expertise de pointe.

‘On a la chance de d’avoir des gens qui […] se focusent sur les compétences. Ils ne sont pas trop en recherche de quel diplôme tu as, c’est plus des tests techniques qu’ils font passer, algorithmie, cas réel. Et du coup bah on dit : testez-le. Testez-le, voyez à quel point il est bon.’

4. Quels sont les principaux arguments pour convaincre un investisseur de s’intéresser à la tech africaine ?

L’argument principal est l’existence de marchés ‘vierges’ ou très peu saturés. Contrairement à l’Europe où de nombreux secteurs sont dominés par des acteurs établis, l’Afrique offre d’immenses opportunités pour les premiers entrants. Il est encore possible de créer l’équivalent d’un Revolut, d’un Wise ou d’un Conto sur le continent, car les besoins sont énormes et les solutions existantes ne couvrent qu’une infime partie du marché. Pour un investisseur, cela signifie un potentiel de croissance et de capitalisation exceptionnel en étant parmi les premiers à s’implanter.

‘Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas faites en Afrique. Ici, en Europe, beaucoup de secteurs sont saturés. […] Tu peux plus créer un révolut. C’est c’est fini. […] Mais en Afrique, tu peux. Parce qu’il y en a pas. Et ceux qui sont là, ils n’arrivent même pas à capturer le pourcentage de marché qu’ils capturent, c’est infime et ils le savent.’

5. Comment la formation des talents tech se structure-t-elle sur le continent africain ?

L’écosystème de formation est hybride et en pleine expansion. Il repose à la fois sur des initiatives locales de qualité, comme les universités qui créent de véritables pôles d’excellence surnommés ‘Silicon Mountain’, et sur l’arrivée d’écoles internationales de renom comme Epitech, qui apportent des standards et des méthodes pédagogiques éprouvées. À côté de cela, il existe une forte culture de l’auto-formation, soutenue par un meilleur accès à internet, qui produit des développeurs autodidactes de très haut niveau.

‘Il y a de bonnes écoles, par exemple Épitech au Bénin. […] Et aussi, il y a des locaux aussi qui font un très bon travail. Il y a des universités publiques, par exemple l’université de Buya, […] qui a été surnommée Silicon Mountain. […] Donc voilà comment ça se passe niveau formation.’

6. Quels sont les plus grands défis de la collaboration à distance avec des talents basés en Afrique ?

Le défi principal n’est pas technique mais humain : c’est la communication. Assurer une collaboration fluide et efficace nécessite un travail d’éducation des deux côtés. Il faut former les développeurs à communiquer de manière proactive sur leur travail et leurs difficultés, car ils ne sont pas toujours naturellement enclins à le faire. Simultanément, il faut accompagner les entreprises pour qu’elles mettent en place des processus et des rituels de management adaptés au travail à distance, favorisant la confiance et la clarté plutôt que le micro-management.

‘C’est vrai que c’est compliqué et le plus gros problème dans ça, c’est la communication. C’est c’est le plus gros problème. Les dev en général, c’est pas des animaux sociaux. Et du coup, c’est c’est un problème auquel on fait face qui est réel où ce qu’on fait en fait, c’est on fait un vrai travail d’éducation. Du côté du dev mais aussi de l’entreprise.’

7. Quel est le profil type des développeurs talentueux que l’on trouve en Afrique ?

Il n’y a pas un seul profil type, mais plusieurs catégories de talents de haut niveau. On trouve des autodidactes brillants qui se sont formés seuls grâce aux ressources en ligne et contribuent à des projets open-source mondiaux. Il y a aussi ceux qui ont bénéficié d’une formation à l’étranger et décident de rentrer pour entreprendre. Enfin, une nouvelle génération de talents est formée localement au sein des start-up et licornes africaines, où ils acquièrent une expérience précieuse sur des projets à grande échelle et montent rapidement en compétence.

‘On a beaucoup d’autodidactes qui se forment sur place. […] Puis il y a une autre catégorie, ceux qui vont à l’étranger, bosser pour des boîtes […] et très souvent ils décident de rentrer en Afrique pour créer des entreprises. Et aussi il y a un autre type encore, ceux qui bossent dans les entreprises locales.’

8. Quel conseil donner à un jeune Africain qui souhaite se lancer dans la tech ?

Le conseil fondamental est de développer une véritable passion pour ce que vous faites et de viser l’excellence. La technologie est un domaine où la curiosité et l’engagement personnel peuvent vous mener très loin, parfois plus que n’importe quel diplôme. Il faut chercher à aimer ce que l’on fait, car c’est cette passion qui donnera la persévérance nécessaire pour surmonter les obstacles et devenir l’un des meilleurs dans son domaine. C’est un puissant levier d’émancipation personnelle et professionnelle.

‘Ce que je dirais, c’est essaie de faire, d’aimer ce que tu fais. Et essaie d’être le meilleur. […] je faisais ce que j’aimais ou plutôt j’aimais ce que je faisais. Et du coup, j’étais meilleur.’


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