L’Afrique, prochain pilier de l’innovation technologique ? Une plongée au cœur d’un continent en pleine ébullition
Quand on évoque la technologie, les regards se tournent instinctivement vers la Silicon Valley, Shenzhen ou Tel Aviv. Pourtant, une révolution silencieuse mais puissante est en marche sur un continent que beaucoup n’attendaient pas sur ce terrain : l’Afrique. Loin des clichés réducteurs, l’Afrique est aujourd’hui un terreau fertile pour l’innovation, un vivier de talents bouillonnants et un marché aux opportunités colossales. La question n’est plus de savoir si l’Afrique participera à la révolution technologique mondiale, mais plutôt quand elle en deviendra l’un des piliers incontournables. Pour explorer cette transformation fascinante, j’ai eu la chance de discuter avec Damien Doumarque, co-fondateur de The Guild, une plateforme qui connecte les meilleurs développeurs africains aux startups européennes. Son témoignage, issu du terrain, offre une perspective unique et profondément inspirante.
Cet article n’est pas un simple résumé. C’est une immersion dans la réalité de la tech en Afrique, une exploration des forces qui la propulsent et des défis qu’elle doit surmonter. Ensemble, nous allons déconstruire les idées reçues et découvrir pourquoi ce continent dynamique est en train de redéfinir les règles du jeu. Quelles sont les innovations de rupture nées en Afrique ? Qui sont ces talents qui suscitent la convoitise des entreprises du monde entier ? Et surtout, comment l’écosystème africain peut-il attirer les investissements nécessaires pour libérer tout son potentiel ? Comme Damien le souligne, il s’agit d’un mouvement de fond, une lame puissante qui pourrait bien remodeler le paysage technologique global. La question ultime que nous poserons est audacieuse : l’Afrique peut-elle devenir demain un leader mondial en développement de logiciel et en solutions technologiques ? Accrochez-vous, car la réponse pourrait bien vous surprendre et changer radicalement votre vision du futur.
L’Afrique, bien plus qu’un marché émergent : un berceau d’innovations de rupture
L’une des plus grandes méprises concernant la tech en Afrique est de la considérer comme une simple importatrice de technologies occidentales. La réalité est tout autre : le continent est un véritable laboratoire d’innovations, souvent nées des contraintes locales pour répondre à des besoins spécifiques. Ces solutions, pensées pour et par les Africains, se révèlent si pertinentes qu’elles inspirent aujourd’hui le reste du monde. La Fintech est sans doute l’exemple le plus éclatant de cette capacité à créer des modèles de rupture. Face à un système bancaire traditionnel peu accessible pour une majorité de la population, des entrepreneurs ont imaginé des solutions radicalement nouvelles.
Le Mobile Money : une révolution née de la nécessité
L’innovation la plus emblématique est sans conteste le Mobile Money. Ce n’est pas une simple application de paiement, c’est une véritable révolution qui a changé la vie de centaines de millions de personnes. Comme le rappelle Damien, cette technologie a vu le jour sur le continent.
‘Le Mobile Money qui a été qui est né en Afrique au Kenya précisément grâce à M-Pesa, une société Kenyenne où tu envoies de l’argent avec ton téléphone, tu gardes l’argent. Il y a pas beaucoup de gens qui étaient bancarisés en Afrique à cette époque.’
Cette phrase résume parfaitement la genèse du concept. Dans un contexte où l’accès à un compte bancaire était un luxe, le téléphone portable, lui, était omniprésent. M-Pesa a eu le génie de transformer chaque téléphone en une agence bancaire de poche, permettant des transferts d’argent instantanés, sécurisés et accessibles à tous. L’impact a été monumental. On parle aujourd’hui de plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde, une technologie qui a permis l’inclusion financière de populations entières, stimulant le petit commerce, facilitant les transactions familiales et créant un écosystème économique dynamique là où il n’y en avait pas. Cette innovation ‘frugale’ démontre une capacité unique à transformer une contrainte (le manque de banques) en une opportunité (un système financier décentralisé et mobile).
Au-delà du paiement : microcrédit et inclusion financière
Dans le sillage du Mobile Money, une myriade d’autres innovations Fintech ont vu le jour. Le microcrédit en est un parfait exemple. Il s’agit de proposer des prêts de faibles montants à des personnes exclues du système bancaire traditionnel, comme des petits entrepreneurs ou des artisans. Ces services, souvent accessibles via des applications mobiles, permettent de financer un projet, de faire face à une urgence ou de développer une activité génératrice de revenus. C’est un outil d’émancipation économique extrêmement puissant. Cet essor de la Fintech a un effet boule de neige. Comme le souligne Damien, la croissance est exponentielle :
‘Selon la Banque mondiale en 2012, il y avait seulement 21 % de en Afrique subsaharienne, de personnes en Afrique subsaharienne de la population qui a été bancarisée. Et en 2021, ils ont ils ont fait un update et genre x 2, 55 %.’
Cette augmentation spectaculaire est directement liée à l’émergence de licornes comme Flutterwave ou Sendwave, et d’une multitude de startups agiles comme Djamo ou Julaya. Ces entreprises ne se contentent pas de copier des modèles existants ; elles créent des solutions sur mesure pour les réalités africaines, catalysant une transformation profonde de l’économie et de la société.
Le capital humain : la véritable richesse de l’écosystème tech africain
Si l’innovation est le moteur, le talent en est le carburant. L’Afrique regorge d’une jeunesse créative, ambitieuse et de plus en plus connectée. C’est un vivier de compétences qui attire désormais l’attention des entreprises du monde entier. Les développeurs, en particulier, sont au cœur de cette effervescence. Ils ne sont pas simplement des exécutants ; ce sont des bâtisseurs, des ‘problem solvers’ qui construisent les solutions technologiques de demain. Mais qui sont-ils vraiment ? Leur parcours est souvent bien différent de celui de leurs homologues européens ou américains, ce qui forge des profils uniques et particulièrement résilients.
Les trois visages du talent tech africain
Damien identifie trois grandes catégories de talents, chacune avec ses forces. La première est celle des ‘talents bruts’, les autodidactes. Grâce à un meilleur accès à Internet, notamment avec l’arrivée de Starlink, de plus en plus de jeunes se forment seuls, avec une détermination hors du commun.
‘On tombe sur des gens extraordinaires tous les jours qui qui sont autonomes, ils vont, ils contribuent du code source à par exemple avant-hier, on est tombé sur un gars qui a contribué du code source à Mozilla Firefox. Étant en Afrique, on dit mais comment il a fait ça ?’
Ces profils sont la preuve vivante que la passion et la persévérance peuvent briser toutes les barrières. Ils ont une ‘faim’, une envie de se prouver qui les rend incroyablement efficaces. La deuxième catégorie est celle des talents formés à l’étranger, qui ont travaillé dans de grandes entreprises technologiques et qui décident de rentrer en Afrique, souvent pour monter leur propre startup. Ils apportent une expertise technique, une connaissance des standards internationaux et un réseau précieux. Enfin, la troisième catégorie est constituée des talents qui ont fait leurs armes au sein des entreprises locales, notamment les licornes de la Fintech. Ils ont grandi avec l’écosystème, appris sur le tas en résolvant des problèmes complexes et sont aujourd’hui des profils seniors aguerris.
Le diplôme en question : la compétence comme seule vérité
Cette diversité de parcours impose un changement de mentalité radical pour les recruteurs, notamment européens. En Afrique, le diplôme n’est plus le seul sésame. La compétence prime sur tout le reste. Un autodidacte qui contribue à des projets open-source de renommée mondiale peut être bien plus précieux qu’un ingénieur fraîchement diplômé sans expérience pratique. Pour des entreprises comme The Guild, le défi est de faire comprendre cette réalité à leurs clients. Comment passer outre l’absence d’un profil LinkedIn bien rempli ou d’un diplôme d’une grande école ? La réponse est simple et pragmatique.
‘On dit testez-le, testez-le, vous voyez à quel point il est bon. […] On est tombé sur un gars il n’a pas de profil LinkedIn, Github non plus. […] Et lui il nous explique qu’il passait juste les tests techniques. Ouais. Aussi simple que ça.’
Cette approche, centrée sur des tests techniques rigoureux, permet de révéler le véritable potentiel d’un candidat, indépendamment de son parcours académique. C’est un modèle méritocratique où seul le code parle. Cela oblige les entreprises à revoir leurs processus de recrutement, à se concentrer sur les compétences réelles et à faire confiance à des talents qui ne rentrent pas dans les cases traditionnelles. C’est un changement culturel profond, mais absolument nécessaire pour capter la richesse du vivier de talents africains.
Surmonter les défis : bâtir des ponts entre l’Afrique et l’Europe
Intégrer des talents africains dans une équipe européenne n’est cependant pas sans défis. La distance géographique n’est souvent pas le principal obstacle ; les véritables enjeux sont humains et culturels. Pour que la collaboration soit fructueuse, il est essentiel de construire des ponts solides, basés sur la compréhension mutuelle, des processus clairs et une communication sans faille. Ignorer ces aspects, c’est prendre le risque de passer à côté d’une collaboration qui pourrait être extrêmement enrichissante pour les deux parties. C’est un travail de fond qui nécessite un investissement en temps et en énergie, mais dont les bénéfices sont immenses.
La communication, clé de voûte de la collaboration à distance
Le défi numéro un, unanimement reconnu, est la communication. Comme le souligne Damien avec franchise, c’est le point névralgique de toute collaboration à distance, et plus encore dans un contexte interculturel.
‘C’est vrai que c’est compliqué et le plus gros problème dans ça, c’est la communication. C’est c’est le plus gros problème. Les devs en général ce sont pas des animaux sociaux.’
Cette remarque, bien que teintée d’humour, pointe une réalité : les développeurs, où qu’ils soient, sont souvent plus à l’aise avec le code qu’avec les mots. Lorsque l’on ajoute à cela des différences culturelles dans la manière d’exprimer un désaccord, de donner un feedback ou de signaler un problème, les malentendus peuvent vite s’installer. Pour éviter ces écueils, il ne suffit pas de mettre des outils en place. Il faut un véritable travail d’éducation, à la fois du côté du développeur et de l’entreprise. Il s’agit de définir des règles claires, un ‘playbook’ de la collaboration : comment et quand communiquer, quels sont les rituels d’équipe (daily meetings, reportings asynchrones), comment formuler une critique constructive, etc. C’est ce travail de fond qui transforme une simple prestation de service en une véritable intégration au sein de l’équipe.
Le rôle crucial de l’éducation et de l’accompagnement
La solution réside donc dans un accompagnement sur mesure. Il ne s’agit pas seulement de ‘placer’ un développeur, mais de s’assurer que les conditions de son succès sont réunies. Cela passe par une préparation en amont.
‘Ce qu’on fait en fait, c’est on fait un vrai travail d’éducation du côté du dev mais aussi de l’entreprise. […] On rassemble des feedback sur des façons de travailler qui sont plus efficaces, qui favorisent la bonne collaboration entre les deux et du coup on fait on a vraiment un playbook qu’on fait on présente to dev, on fait un réel travail d’éducation et aussi aux start-ups réels des deux côtés.’
Cette approche à 360 degrés est fondamentale. Elle consiste à préparer le développeur aux attentes et à la culture de l’entreprise européenne, tout en sensibilisant l’entreprise aux spécificités culturelles et au style de communication de son nouveau collaborateur. C’est un rôle de médiateur, de facilitateur culturel, qui est tout aussi important que l’évaluation technique. En investissant dans cette phase d’intégration, on décuple les chances de construire une relation de travail solide, durable et mutuellement bénéfique, où la distance n’est plus un obstacle mais un simple détail logistique.
Investir en Afrique : pourquoi le moment est venu de parier sur le continent
Au-delà du talent, l’Afrique offre un terrain de jeu exceptionnel pour les entrepreneurs et les investisseurs audacieux. Alors que les marchés européens et nord-américains sont de plus en plus saturés, avec des coûts d’acquisition client qui explosent et une concurrence féroce sur chaque niche, l’Afrique présente un paysage radicalement différent. C’est un continent où de nombreux besoins fondamentaux ne sont pas encore adressés par des solutions technologiques modernes. Cela crée un ‘océan bleu’ d’opportunités pour ceux qui savent regarder au-delà des risques perçus et voir le potentiel immense qui s’y cache.
Un océan d’opportunités dans des marchés non saturés
L’argument le plus puissant pour un investisseur est sans doute le potentiel de croissance quasi infini de nombreux secteurs. Damien utilise une analogie très parlante pour illustrer ce point.
‘Ici, en Europe, beaucoup de secteurs sont saturés. […] Tu peux plus créer un Revolut. C’est c’est fini. […] Mais en Afrique, tu peux. Ouais. Parce qu’il y en a pas. Et ceux qui sont là, ils n’arrivent même pas à capturer la le pourcentage de marché qu’ils capture est très c’est un film et ils le savent.’
Cette déclaration est une véritable invitation à l’action. Elle signifie que les premiers arrivés sur ces marchés peuvent non seulement capturer des parts de marché considérables, mais aussi définir les standards pour les années à venir. La Fintech en est l’exemple parfait, mais le potentiel s’étend à de nombreux autres domaines : l’agritech (pour optimiser l’agriculture), l’edtech (pour révolutionner l’éducation), la healthtech (pour améliorer l’accès aux soins), la logistique, l’énergie… Dans chacun de ces secteurs, les problèmes à résoudre sont immenses, et la technologie peut apporter des solutions à grande échelle. C’est un terrain de jeu où l’on peut encore construire les géants de demain.
L’appel aux investisseurs : un écosystème qui a besoin de carburant
Pour que ce potentiel se réalise, l’écosystème a besoin d’un élément crucial : le capital. Les startups africaines ont besoin d’investissements pour se développer, recruter les meilleurs talents, et passer à l’échelle. L’un des paradoxes soulignés par Damien est que même les acteurs existants souhaitent voir plus de concurrence, car cela contribue à bâtir un écosystème plus riche et plus mature.
‘Je causais avec le fondateur de de Djamo qui est une Fintech de Y Combinator […] et eux ils me disaient qu’ils aimeraient avoir plus de gens qui se lancent dans la Fintech parce que eux, étant une Fintech eux-mêmes, ils ont des problèmes qu’ils aimeraient pas résoudre […] mais si on était en Europe, il y aurait des gens qui feraient ça.’
Cet appel du pied est significatif. Il montre que le marché est si vaste qu’il y a de la place pour de nombreux acteurs. Investir en Afrique aujourd’hui, ce n’est pas seulement parier sur une entreprise, c’est parier sur la croissance d’un continent entier. C’est participer à la construction des infrastructures technologiques de base qui permettront à des centaines d’autres innovations de voir le jour. Pour un investisseur, c’est une opportunité unique d’avoir un impact économique et social majeur tout en visant des retours sur investissement potentiellement exceptionnels.
L’avenir se dessine aujourd’hui : l’Afrique, futur leader mondial de la tech ?
La trajectoire de la tech africaine est impressionnante, mais pour que le continent passe du statut de pilier émergent à celui de leader mondial, la structuration de l’écosystème de formation est une étape non négociable. La pérennité de cette croissance repose sur la capacité du continent à former en masse des talents de haut niveau, à la fois sur les plans technique et entrepreneurial. C’est un défi de taille, qui implique à la fois les institutions publiques, les acteurs privés locaux et les partenaires internationaux. C’est en construisant des fondations éducatives solides que l’Afrique pourra non seulement alimenter sa propre croissance, mais aussi exporter son savoir-faire au reste du monde.
Structurer l’enseignement pour pérenniser la croissance
Le paysage de la formation en Afrique est aujourd’hui contrasté. À côté d’initiatives de grande qualité, on trouve aussi des offres moins sérieuses qui surfent sur la ‘hype’ de la tech. Il est donc crucial de pouvoir identifier et soutenir les bons acteurs. L’arrivée d’écoles internationales de renom, comme Epitech au Bénin, est un signal extrêmement positif.
‘J’ai causé avec plusieurs devs du Bénin qui viennent d’Epitech et j’étais surpris parce que j’ai fait Epitech en France et du coup j’étais surpris parce qu’ils ils étaient bons, ils étaient super bons.’
Ces implantations permettent d’importer des standards d’excellence et des pédagogies éprouvées, comme l’apprentissage par projet. Mais l’avenir se joue aussi sur le développement d’initiatives locales fortes. L’exemple de la ‘Silicon Mountain’ au Cameroun est inspirant.
‘Cette partie du Cameroun la Bouya a a a été surnommé Silicon Mountain […] parce qu’il y avait tellement de gars qui étaient qui faisaient des trucs extraordinaires.’
Cela montre qu’un écosystème local, porté par des universités et des passionnés, peut atteindre un niveau d’excellence reconnu. L’enjeu pour l’avenir est de multiplier ces pôles d’excellence à travers le continent, en créant des synergies entre le monde académique et l’industrie pour que les formations soient en adéquation parfaite avec les besoins du marché.
Un message à la jeunesse : l’émancipation par la tech
Au-delà des structures, le moteur de cette révolution reste l’humain. La technologie offre une voie d’émancipation sans précédent pour la jeunesse africaine. C’est un secteur où le talent, la curiosité et le travail acharné peuvent permettre de transcender les barrières sociales et économiques. C’est une promesse de méritocratie. Le parcours personnel de Damien est une illustration de cette force. C’est en découvrant l’informatique qu’il a trouvé sa voie et son excellence. Son message à un jeune étudiant africain est simple mais puissant.
‘Ce que je dirais c’est essaie de faire d’aimer ce que tu fais. Et essaie d’être le meilleur.’
C’est un appel à la passion et à l’engagement. Il ne s’agit pas seulement d’apprendre un métier, mais de trouver une vocation. Pour les millions de jeunes Africains qui arrivent sur le marché du travail, la tech n’est pas juste une option de carrière ; c’est une opportunité de construire leur propre avenir, de résoudre les problèmes de leur communauté et de participer activement à la transformation de leur continent. C’est cette énergie, cette ‘faim’ de réussir, qui constitue l’atout le plus précieux de l’Afrique dans la compétition technologique mondiale.
Conclusion : Un appel à changer de regard
Au terme de cette exploration, une évidence s’impose : l’Afrique n’est pas le futur de la tech, elle en est déjà un acteur majeur au présent. Les innovations de rupture comme le Mobile Money, la vitalité de son écosystème Fintech et surtout l’incroyable vivier de talents qu’elle abrite ne sont plus des promesses, mais des réalités tangibles. L’entretien avec Damien Doumarque révèle un continent en pleine ébullition, porté par une jeunesse qui a compris que la technologie était un formidable levier d’émancipation et de développement.
Bien sûr, les défis restent nombreux : structurer la formation, fluidifier la collaboration internationale et, surtout, attirer les investissements nécessaires pour passer à l’échelle supérieure. Mais ces défis ne doivent pas occulter l’essentiel : les opportunités sont immenses, pour les Africains eux-mêmes comme pour les entreprises et investisseurs étrangers qui sauront voir plus loin que les préjugés. Pour les entreprises européennes, collaborer avec des talents africains n’est plus une simple question de coût, mais un impératif stratégique pour accéder à des compétences rares et à un état d’esprit innovant. Pour les investisseurs, l’Afrique est l’une des dernières frontières où il est encore possible de bâtir les géants de demain. L’appel est donc lancé : il est temps de changer de regard, de considérer l’Afrique non pas comme un continent à aider, mais comme un partenaire stratégique avec lequel construire le futur de la technologie mondiale.
Questions fréquentes (FAQ) sur la Tech en Afrique
1. Quelles sont les innovations technologiques majeures venues d’Afrique ?
L’innovation la plus emblématique née en Afrique est sans conteste le Mobile Money. Lancé au Kenya par M-Pesa, ce système a révolutionné l’accès aux services financiers pour des centaines de millions de personnes non bancarisées. Il a transformé le téléphone mobile en un véritable portefeuille électronique, permettant des transferts d’argent simples et sécurisés. Au-delà de cette innovation de rupture, le continent est aussi un leader dans les solutions de microcrédit mobile, qui permettent à de petits entrepreneurs d’accéder à des financements auxquels ils n’auraient jamais eu droit via le système bancaire classique. Ces innovations ‘frugales’ sont conçues pour répondre à des besoins locaux spécifiques et ont souvent une portée sociale et économique considérable.
‘L’Afrique dans le monde de la tech actuellement a apporté plusieurs innovations. Euh quand je pense pour répondre à cette question, déjà, il y a par exemple le Mobile Money qui a été qui est né en Afrique au Kenya précisément.’
2. Pourquoi le secteur de la Fintech est-il si développé en Afrique ?
Le boom de la Fintech en Afrique s’explique principalement par une réalité structurelle : un très faible taux de bancarisation de la population. En 2012, seulement 21% de la population d’Afrique subsaharienne avait accès à un compte bancaire. Face à ce vide laissé par les banques traditionnelles, les startups technologiques se sont engouffrées pour proposer des solutions alternatives, plus agiles et accessibles. Le Mobile Money a été le catalyseur, mais de nombreux autres services ont suivi (paiement en ligne, crédit, assurance, etc.). Ce secteur est en pleine croissance, avec une bancarisation qui a plus que doublé en dix ans pour atteindre 55% en 2021. C’est le secteur qui attire le plus d’investissements et qui a produit la majorité des licornes du continent.
‘Le problème de bancarisation et accès à aux ressources financières et tout, c’est c’est c’est un très gros problème en Afrique. Et c’est le secteur qui évolue le plus, qui évolue le plus.’
3. Comment évaluer la compétence d’un développeur africain sans se fier aux diplômes ?
Dans l’écosystème tech africain, où de nombreux talents sont autodidactes, la compétence réelle prime sur le parcours académique. L’approche la plus efficace pour évaluer un développeur est de se concentrer sur ses réalisations concrètes et ses capacités techniques. Cela passe par des tests techniques poussés, qui peuvent inclure des exercices d’algorithmique, la résolution de problèmes concrets ou la réalisation d’un petit projet. L’analyse de leurs contributions à des projets open-source sur des plateformes comme Github est également un excellent indicateur. L’anecdote du développeur recruté par de grandes entreprises sans même avoir de profil LinkedIn est révélatrice : la qualité de son code était sa seule carte de visite. Il faut donc adopter un changement de mentalité et faire confiance aux tests pratiques.
‘On dit testez-le, testez-le, vous voyez à quel point il est bon. […] Il nous explique qu’il passait juste les tests techniques. Ouais. Aussi simple que ça. Donc focus test et voilà.’
4. Quel est le plus grand défi lorsqu’on travaille avec des talents tech en Afrique à distance ?
Le défi principal n’est pas technique ou lié aux compétences, mais réside dans la communication. La distance géographique et les différences culturelles peuvent créer des malentendus si la communication n’est pas gérée de manière proactive. Les développeurs, de manière générale, ne sont pas toujours les plus grands communicateurs. Il est donc crucial d’établir des processus et des rituels de communication très clairs dès le début de la collaboration. Cela implique un travail d’éducation des deux côtés : préparer le développeur à la culture de l’entreprise européenne et sensibiliser l’entreprise aux nuances culturelles de son collaborateur. Mettre en place un ‘playbook’ de collaboration avec des règles précises est une stratégie efficace pour surmonter cet obstacle.
‘C’est vrai que c’est compliqué et le plus gros problème dans ça, c’est la communication. C’est c’est le plus gros problème. […] ce qu’on fait en fait, c’est on fait un vrai travail d’éducation du côté du dev mais aussi de l’entreprise.’
5. Pourquoi un investisseur devrait-il s’intéresser à la tech africaine aujourd’hui ?
L’Afrique représente l’une des dernières grandes frontières de la croissance technologique. Contrairement aux marchés européens ou américains qui sont largement saturés, de nombreux secteurs en Afrique sont encore ‘vierges’. Il est encore possible de créer des entreprises qui répondent à des besoins fondamentaux non satisfaits et de devenir leader sur son marché. Par exemple, alors qu’il est quasi impossible de lancer un nouveau ‘Revolut’ en Europe, le potentiel pour des néo-banques en Afrique reste immense. Le marché est si vaste que même les startups locales appellent de leurs vœux l’arrivée de nouveaux acteurs pour aider à construire l’écosystème. Pour un investisseur, c’est une opportunité unique de parier sur des marchés à très fort potentiel de croissance et d’avoir un impact significatif.
‘Ici, en Europe beaucoup de secteurs sont saturés. […] Tu peux plus créer un revolut. C’est c’est fini. […] Mais en Afrique, tu peux. Ouais. Parce qu’il y en a pas.’
6. Comment se structure la formation des développeurs en Afrique ?
La formation des talents tech en Afrique est un écosystème en pleine structuration et très hétérogène. On y trouve une part très importante d’autodidactes passionnés qui se forment en ligne. Parallèlement, le paysage éducatif formel se développe. Des écoles d’ingénieurs internationales de renom, comme Epitech, ouvrent des campus sur le continent et forment des profils de très haut niveau. Il existe également des initiatives locales d’excellence, portées par des universités publiques dynamiques, qui créent de véritables pôles de compétence comme la ‘Silicon Mountain’ au Cameroun. Cependant, il faut rester vigilant car des écoles de moindre qualité existent aussi. La clé est donc de savoir identifier les bons cursus et les talents issus de ces filières d’excellence.
‘Il y a aussi de bonnes écoles par exemple Epitech au Bénin. […] Et aussi, il y a des locaux aussi qui font un très bon travail, il y a des universités publiques par exemple l’université de Bouya que j’ai fait […] cette partie du Cameroun la Bouya a a a été surnommé Silicon Mountain.’
7. Quel type de profils de développeurs trouve-t-on principalement en Afrique ?
On trouve une grande diversité de profils. La première catégorie, et peut-être la plus fascinante, est celle des talents bruts autodidactes. Ce sont des passionnés qui ont appris seuls et qui atteignent un niveau d’excellence remarquable, parfois en contribuant à des projets open-source mondiaux. La deuxième catégorie est celle des membres de la diaspora qui, après une expérience dans de grandes entreprises tech à l’étranger, décident de rentrer en Afrique pour entreprendre. Enfin, une troisième catégorie est constituée de développeurs formés localement au sein des startups et licornes africaines. Ils ont grandi avec l’écosystème, ont été confrontés à des challenges techniques complexes et sont devenus des profils seniors très recherchés.
‘Il y a cette catégorie de talent, talent brut, autodidacte super bon. Puis, il y a une autre catégorie, ceux qui vont […] à l’étranger bosser pour des boîtes. […] Et très souvent, ils décident de rentrer en Afrique. Et […] il y a un autre type encore, ceux qui bossent dans les entreprises locales.’




