L’Afrique, prochain pilier de l’innovation technologique ? Le verdict d’un acteur de terrain
Quand on évoque la technologie, les regards se tournent instinctivement vers la Silicon Valley, Shenzhen ou encore Tel Aviv. Pourtant, un géant se réveille, un continent entier qui, loin des clichés réducteurs, est en train de s’imposer comme un acteur incontournable de la scène tech mondiale. Cette puissance montante, c’est l’Afrique. La question n’est plus de savoir *si* l’Afrique jouera un rôle majeur, mais *comment* et *à quelle vitesse* elle va redéfinir les équilibres de l’innovation technologique. Ce n’est pas une simple tendance, mais une transformation profonde, portée par une jeunesse talentueuse, connectée et animée par une soif de construire des solutions pour son avenir.
Pour explorer cette révolution silencieuse, nous nous appuyons sur la vision de Damien Doumer Kaké, co-fondateur de The Guild, une plateforme qui connecte les meilleurs développeurs africains aux startups européennes. Son expérience quotidienne est un témoignage puissant de cette dynamique. Comme il le souligne, l’enjeu est de taille : il s’agit de comprendre ‘la place et le rôle de l’Afrique dans l’écosystème techno mondial et la manière dont ce continent dynamique est en train de se transformer’. Au-delà des chiffres de croissance, c’est une histoire humaine qui s’écrit : celle d’une émancipation par le code, d’une créativité débridée face aux contraintes et d’opportunités uniques sur des marchés encore vierges.
Cet article plonge au cœur de cette effervescence. Nous allons décortiquer les innovations nées sur le sol africain et qui inspirent aujourd’hui le monde entier. Nous analyserons pourquoi la Fintech est devenue le fer de lance de cet écosystème, révélant au passage des opportunités d’investissement colossales. Mais surtout, nous irons à la rencontre du capital le plus précieux du continent : ses talents. Qui sont ces développeurs qui contribuent à des projets open source mondiaux depuis le Cameroun ou le Bénin ? Comment les entreprises peuvent-elles collaborer avec eux et pourquoi est-il urgent de changer de regard sur le recrutement ? Préparez-vous à un voyage au cœur de la tech africaine, un écosystème où tout reste à inventer et où l’audace est la première des compétences.
L’Afrique, bien plus qu’un marché émergent : un creuset d’innovations disruptives
L’une des plus grandes méprises concernant l’innovation technologique en Afrique est de la percevoir comme une simple imitation des modèles occidentaux. La réalité est tout autre. Le continent est un véritable laboratoire d’innovations ‘frugales’ et disruptives, nées de contraintes locales uniques, mais dont la pertinence s’avère souvent universelle. Ces solutions ne sont pas de pâles copies ; ce sont des réponses ingénieuses à des problèmes concrets que les écosystèmes plus établis n’avaient jamais eu à affronter avec une telle acuité. C’est précisément cette capacité à transformer une contrainte en opportunité qui fait de l’Afrique un pôle d’innovation à part entière.
L’exemple le plus emblématique, comme le rappelle Damien, est sans conteste le Mobile Money. ‘Le Mobile Money qui a été qui est né en Afrique, au Kenya précisément […] t’envoies de l’argent avec ton téléphone, tu gardes de l’argent fond, il y a pas beaucoup de gens qui étaient bancarisés en Afrique à cette à cette époque.’ Cette innovation n’est pas un gadget. C’est une révolution qui a permis à des centaines de millions de personnes d’accéder pour la première fois à des services financiers de base. Avant M-Pesa au Kenya, transférer de l’argent était coûteux, lent et risqué. En s’appuyant sur l’infrastructure existante la plus répandue – le téléphone mobile – bien avant l’avènement du smartphone, le Mobile Money a créé un système bancaire parallèle, simple et accessible. Aujourd’hui, cette technologie africaine inspire des solutions de paiement mobile dans le monde entier et a généré un écosystème complet, avec plus d’un milliard de comptes enregistrés.
Cette même logique s’applique à d’autres secteurs, comme le microcrédit. L’idée de prêter de petites sommes à des entrepreneurs non bancarisés a permis de dynamiser des économies locales à une échelle massive. Ces innovations démontrent une vérité fondamentale : l’Afrique ne se contente pas de consommer la technologie, elle la crée et l’adapte pour résoudre ses propres défis. Ce faisant, elle développe des modèles résilients et pertinents qui peuvent être exportés. Le continent n’est donc pas seulement un ‘vivier de talents’ passif ; il est un moteur actif de la R&D mondiale, apportant des perspectives nouvelles et des solutions qui forcent les acteurs établis à repenser leurs propres modèles.
La Fintech : le moteur V12 de la croissance technologique africaine
Si l’innovation africaine est un véhicule lancé à pleine vitesse, la Fintech en est incontestablement le moteur surpuissant. Ce n’est pas un hasard si ce secteur attire la majorité des investissements et a produit la plupart des licornes du continent. La raison est simple et structurelle : la technologie financière ne répond pas à un simple besoin de confort, mais à une nécessité vitale pour des centaines de millions de personnes. Comme le souligne Damien, le problème de fond est l’accès historiquement limité aux services financiers traditionnels. ‘Le problème de bancarisation et accès à aux ressources financières et tout, c’est c’est c’est un très gros problème en Afrique.’
Les chiffres cités sont éloquents et illustrent l’ampleur de la transformation en cours. Selon la Banque Mondiale, ‘en 2012, il y avait seulement 21 % […] de personnes en Afrique subsaharienne […] qui était bancarisée. Et en 2021, […] genre fois 2, 55 %.’ Cette croissance fulgurante a été presque entièrement portée par les startups de la Fintech. Des entreprises comme Flutterwave ou Wave sont devenues des géants en simplifiant les paiements transfrontaliers, les transferts d’argent et les transactions commerciales. Mais le phénomène ne se limite pas à ces têtes d’affiche. Une myriade d’acteurs plus petits mais tout aussi innovants tissent la toile de l’inclusion financière, comme Diamo en Côte d’Ivoire ou Peka au Cameroun, le pays d’origine de Damien.
Ce qui rend cet écosystème si fascinant, c’est qu’il est loin d’être saturé. Au contraire, le marché est si vaste et les besoins si profonds que les acteurs eux-mêmes appellent à plus de concurrence. Damien rapporte une conversation révélatrice avec le fondateur de Diamo : ‘ils me disaient qu’ils aimeraient avoir plus de gens qui se lancent dans la Fintech parce que eux étant une Fintech eux-mêmes, ils ont des problèmes qu’ils aimeraient pas résoudre.’ Ces startups se retrouvent à devoir construire elles-mêmes des briques d’infrastructure qui seraient fournies par des tiers en Europe. Cela signifie qu’il existe des opportunités incroyables non seulement pour créer des services financiers directs, mais aussi pour bâtir les ‘outils pour les constructeurs’ de la finance de demain. Chaque problème non résolu est une startup en puissance. Pour les entrepreneurs et les investisseurs, le message est clair : le terrain de jeu est immense et les règles sont encore à écrire.
Au-delà du code : radiographie du talent tech africain
Le carburant de cette révolution technologique, c’est le talent. L’Afrique regorge d’une jeunesse brillante, ambitieuse et de plus en plus formée aux métiers de la tech. Cependant, pour véritablement saisir la richesse de ce capital humain, il faut abandonner les visions monolithiques et comprendre les différents profils qui composent cet écosystème. Damien en identifie principalement trois, chacun jouant un rôle crucial dans le développement du continent. Cette diversité de parcours est une force incroyable, créant un maillage de compétences et de perspectives unique au monde.
Les autodidactes : la force brute de l’ingéniosité
Le premier profil, et peut-être le plus impressionnant, est celui des talents bruts, des autodidactes qui ont appris à coder par leurs propres moyens. Avec l’amélioration spectaculaire de l’accès à Internet, notamment grâce à des solutions comme Starlink, les barrières à la connaissance s’effondrent. ‘On a beaucoup d’autodidactes qui qui se forment sur place, mais que beaucoup de gens ignorent,’ explique Damien. Ces développeurs sont animés par une détermination hors du commun, une ‘dalle’ qui les pousse à se surpasser. Ils ne se contentent pas d’apprendre ; ils excellent au point de rivaliser avec les meilleurs mondiaux. L’anecdote partagée par Damien est à ce titre saisissante : ‘Avant-hier, on est tombé sur un gars qui a contribué du code source à Mozilla à Firefox étant en Afrique, on dit mais comment il a fait ça ?’ Ces profils sont la preuve vivante que le talent n’a pas de frontières et que la passion peut surmonter tous les obstacles. Ils représentent un potentiel immense, souvent invisible pour les recruteurs traditionnels qui s’arrêtent aux diplômes.
Les ‘repats’ : le pont entre les écosystèmes mondiaux et locaux
La deuxième catégorie est constituée de ceux qui ont eu la chance d’étudier ou de travailler à l’étranger, dans des hubs technologiques établis. Ces ‘repats’, ou membres de la diaspora qui choisissent de revenir, sont des catalyseurs essentiels pour l’écosystème. ‘Ceux qui sont fortunés, ils vont à l’étranger […] bosser pour des boîtes et […] très souvent, ils décident de rentrer en Afrique pour créer des entreprises, des start-up.’ Ils n’apportent pas seulement des compétences techniques de pointe. Ils importent des méthodologies de travail (agile, product management), une culture de l’entrepreneuriat, des réseaux internationaux et, souvent, un accès privilégié aux capitaux étrangers. En fondant des entreprises sur le continent, ils créent des emplois de haute qualité et fixent des standards d’excellence qui tirent tout l’écosystème vers le haut. Ils agissent comme des ponts, connectant l’Afrique au reste du monde et accélérant le transfert de connaissances.
Les talents formés localement : la colonne vertébrale de l’écosystème
Enfin, la troisième catégorie est celle des professionnels formés au sein même des entreprises africaines. Les licornes et les startups à succès ne sont pas seulement des réussites commerciales ; elles sont devenues les meilleures écoles de formation du continent. ‘Il y a un autre type encore, ceux qui bossent dans les entreprises locales, c’est ces licornes qui sont créées […] et qui vont, ils sont juniors, ils font leurs marques, ils apprennent et ils évoluent et ils sont super bons.’ Ce processus crée un cercle vertueux. Les entreprises attirent des jeunes diplômés ou des juniors, les confrontent à des défis techniques complexes, et les transforment en développeurs, chefs de produit ou experts en marketing digital aguerris. Ces talents, une fois expérimentés, irriguent à leur tour l’écosystème, soit en rejoignant d’autres startups, soit en créant leur propre entreprise. Cette formation ‘sur le tas’ est cruciale pour construire une masse critique de professionnels qualifiés et assurer la pérennité de la croissance.
Recruter en Afrique : un changement de paradigme pour les entreprises européennes
La reconnaissance de ce vivier de talents exceptionnels impose une question cruciale aux entreprises européennes confrontées à une pénurie de compétences : comment collaborer efficacement avec ces professionnels ? La réponse, selon Damien, implique un changement profond de mentalité et de processus de recrutement. Il ne s’agit pas simplement de délocaliser des tâches, mais de s’ouvrir à une nouvelle façon d’identifier et d’intégrer les compétences, en se concentrant sur la valeur réelle plutôt que sur les marqueurs traditionnels de validation.
La compétence avant le diplôme : la révolution du recrutement tech
Le premier obstacle à faire tomber est le fétichisme du diplôme. Dans un continent où les parcours autodidactes sont légion et où les formations sont hétérogènes, se fier uniquement au CV est le meilleur moyen de passer à côté des meilleurs profils. La clé est d’adopter une approche purement méritocratique. ‘On a la chance que dans le domaine de la tech […] les entreprises […] se focus sur les compétences. […] C’est plus des tests techniques qu’ils font passer,’ explique Damien. Cette approche est libératrice. Elle met tous les candidats sur un pied d’égalité, qu’ils sortent d’une grande école française ou qu’ils aient appris à coder seuls dans leur chambre à Douala. L’anecdote du développeur sans profil LinkedIn ni GitHub mais qui a travaillé pour de grandes entreprises mondiales est particulièrement parlante. ‘On dit mais comment tu as fait sans LinkedIn et tout et lui il nous explique qu’il passait juste les tests techniques. Aussi simple que ça.’ Pour les recruteurs, le message est donc de tester, tester et encore tester. Mettre en place des défis de code, des projets réels et des entretiens techniques poussés est la seule manière fiable d’évaluer le potentiel d’un candidat et de dénicher des pépites.
Communication et collaboration à distance : les clés du succès
Une fois le talent identifié, le second défi majeur est celui de la collaboration à distance. La distance géographique peut exacerber les problèmes de communication, un point sensible pour les développeurs qui ne sont pas toujours les plus extravertis. ‘Le plus gros problème dans ça, c’est la communication. […] Les devs en général euh c’est pas des animaux sociaux.’ Surmonter cet obstacle ne relève pas de la magie, mais d’un effort conscient et structuré des deux côtés. Damien insiste sur la nécessité d’un ‘vrai travail d’éducation’, tant pour le développeur que pour l’entreprise. Cela se traduit par la mise en place d’un ‘playbook’ de collaboration : des rituels clairs (daily stand-ups, rétrospectives), des outils de communication adaptés (privilégier l’écrit asynchrone pour la clarté, la visio pour les sujets complexes), une documentation impeccable et une culture de la transparence. Il s’agit de créer un cadre de confiance où le développeur se sent pleinement intégré à l’équipe, et où l’entreprise a une visibilité totale sur l’avancement des projets. C’est un investissement en temps et en processus, mais c’est la condition sine qua non pour transformer une collaboration à distance en un véritable succès.
Investir en Afrique : pourquoi le moment est venu
Pour les investisseurs, l’Afrique représente l’une des dernières frontières de la croissance exponentielle. Alors que les marchés européens et nord-américains sont saturés dans de nombreux secteurs, le continent africain offre un paysage d’opportunités quasi illimitées. L’argument principal, martelé par Damien, est d’une simplicité désarmante mais d’une puissance redoutable : ‘Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas faites en Afrique. Ici en Europe, beaucoup de secteurs sont saturés.’
Cette réalité crée un avantage stratégique colossal pour les ‘first movers’. L’analogie avec la Fintech européenne est frappante et mérite d’être développée. ‘Ici en Europe, par exemple le domaine de la Fintech, tu peux plus créer un Revolut. C’est c’est fini. Tu peux plus créer un Wise. […] Mais en Afrique, tu peux. Parce qu’il y en a pas.’ Cette affirmation peut être étendue à une multitude de domaines : la logistique, l’e-commerce, l’assurance (Insurtech), l’éducation (Edtech), la santé (Healthtech) ou encore l’agriculture (Agritech). Dans chacun de ces secteurs, des problèmes fondamentaux attendent leurs solutions technologiques. Les entrepreneurs qui s’attaquent à ces défis n’ont pas à se battre pour des parts de marché marginales ; ils créent le marché lui-même. Le potentiel de croissance n’est pas de 10 ou 20 %, mais de 10x ou 100x.
L’autre aspect fascinant est que le besoin est si grand que l’écosystème n’est pas encore dans une logique de compétition à outrance, mais plutôt de co-construction. La citation du fondateur de Diamo souhaitant voir plus de concurrents pour résoudre les problèmes d’infrastructure est une illustration parfaite de cette mentalité d’abondance. Pour un investisseur, cela signifie qu’en finançant une startup, il ne mise pas seulement sur une entreprise, mais sur la construction d’un écosystème entier. C’est l’opportunité de financer les ‘Stripe’ ou les ‘AWS’ de l’Afrique de demain. Le risque est certes présent, mais il est de plus en plus maîtrisé par des entrepreneurs locaux talentueux qui comprennent parfaitement leur marché. Ignorer ce potentiel aujourd’hui, c’est prendre le risque de passer à côté de la plus grande vague de croissance économique et technologique du 21e siècle.
Conclusion : l’Afrique n’attend plus, elle construit
Au terme de cette exploration, une certitude s’impose : l’Afrique n’est pas le ‘prochain’ pilier de l’innovation technologique, elle l’est déjà. La conversation, portée par la vision éclairée de Damien Doumer Kaké, déplace le curseur de la potentialité à la réalité. Le continent est passé du statut de marché à conquérir à celui de partenaire d’innovation incontournable. Les réussites éclatantes de la Fintech, la montée en puissance d’un vivier de talents de classe mondiale et l’immensité des opportunités encore inexploitées ne sont plus des signaux faibles, mais les fondations solides d’un écosystème en pleine ébullition.
Le message clé est un appel à l’action et à un changement de perspective. Pour les entreprises européennes, il s’agit de voir au-delà des frontières et de reconnaître que les compétences les plus pointues se trouvent peut-être là où elles s’y attendent le moins. Pour les investisseurs, c’est une invitation à parier sur l’audace et à financer la construction des géants de demain. Et pour la jeunesse africaine, c’est une confirmation, une validation de leur potentiel. Comme le dit Damien, la clé est d’‘aimer ce que tu fais et d’essayer d’être le meilleur’. La technologie offre aujourd’hui un levier d’émancipation sans précédent, une chance de construire son propre avenir et celui de tout un continent. L’histoire de la tech africaine ne fait que commencer, et elle promet d’être l’une des plus passionnantes à suivre dans les années à venir.
Foire aux questions (FAQ)
Quels sont les secteurs technologiques les plus prometteurs en Afrique en dehors de la Fintech ?
Bien que la Fintech soit le secteur le plus visible, d’autres domaines connaissent une croissance rapide en répondant à des besoins fondamentaux. L’Agritech (technologie agricole) est cruciale pour optimiser les rendements et la chaîne d’approvisionnement sur un continent où l’agriculture est vitale. La Healthtech (santé) permet de pallier le manque d’infrastructures médicales via la télémédecine et la gestion des données de santé. L’Edtech (éducation) démocratise l’accès au savoir. Enfin, la logistique et l’e-commerce sont en plein essor pour structurer un marché de consommation en pleine expansion. L’opportunité fondamentale reste la même : des marchés immenses avec des problèmes concrets à résoudre.
‘Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas faites en Afrique. Ici en Europe euh beaucoup de secteurs sont saturés. […] En Afrique, tu peux. Parce qu’il y en a pas.’
Comment les entreprises européennes peuvent-elles recruter efficacement des développeurs en Afrique ?
Pour recruter efficacement, les entreprises doivent changer leur approche. Premièrement, elles doivent privilégier les tests de compétences techniques concrets (algorithmique, projets réels) aux diplômes, car de nombreux talents exceptionnels sont autodidactes. Deuxièmement, il faut s’appuyer sur des plateformes spécialisées comme The Guild qui effectuent un premier tri rigoureux. Troisièmement, il est essentiel d’établir un processus de communication et de collaboration à distance très structuré dès le départ, avec des rituels clairs et une éducation des deux côtés pour surmonter les barrières culturelles et géographiques.
‘On dit testez-le, testez-le, voyez à quel point il est bon. […] Il nous explique qu’il passait juste les tests techniques. Aussi simple que ça.’
Le manque de diplômes est-il un frein pour les talents tech africains ?
Dans le secteur de la technologie, de moins en moins. Alors que le diplôme reste important dans de nombreuses industries traditionnelles, le monde du développement logiciel est une méritocratie. La qualité du code et la capacité à résoudre des problèmes complexes sont les véritables critères de sélection. Un développeur autodidacte avec un portfolio GitHub impressionnant ou qui réussit des tests techniques exigeants aura souvent plus de valeur qu’un diplômé sans expérience pratique. Le défi n’est donc pas l’absence de diplôme, mais la capacité des recruteurs à mettre en place des processus d’évaluation qui mesurent la compétence réelle.
‘L’entreprise, elle doit comprendre ça. […] Cette personne en fait c’est une star dans son domaine, il faut l’embaucher, malheureusement, il a pas de diplôme. Comment toi tu passes cette objection ? […] On dit testez-le.’
Pourquoi la Fintech a-t-elle autant de succès en Afrique ?
Le succès phénoménal de la Fintech en Afrique s’explique par le fait qu’elle répond à un besoin fondamental et massif qui n’était pas adressé par les systèmes traditionnels. Le très faible taux de bancarisation historique a laissé des centaines de millions de personnes sans accès aux services financiers de base (transfert, épargne, crédit). Le Mobile Money, né au Kenya, a été le premier à contourner ce problème en utilisant le téléphone portable. Aujourd’hui, les startups Fintech continuent de combler ce fossé en proposant des solutions de paiement, de crédit et d’investissement plus accessibles, moins chères et mieux adaptées aux réalités locales.
‘Le problème de bancarisation et accès à aux ressources financières et tout, c’est un très gros problème en Afrique. Et c’est le secteur qui évolue le plus, qui évolue le plus.’
Quels sont les principaux défis pour une startup qui se lance en Afrique ?
Les startups africaines font face à plusieurs défis. L’accès au financement, bien qu’en amélioration, reste plus complexe qu’en Europe ou aux États-Unis. Les infrastructures peuvent être un frein, notamment la connectivité Internet dans certaines zones rurales ou la logistique. La fragmentation du marché (54 pays avec des régulations différentes) complique l’expansion continentale. Enfin, comme l’a souligné Damien, les startups doivent souvent construire elles-mêmes des briques technologiques ou des services qui seraient disponibles ‘sur étagère’ ailleurs, ce qui peut ralentir leur développement initial.
‘Ils ont des problèmes qu’ils aimeraient pas résoudre. Parce qu’ils se retrouvent en train de résoudre des problèmes de Fintech pour eux-mêmes qu’ils ils se disent mais si on était en Europe, il y aurait des gens qui feraient ça pour nous.’
Comment la qualité de la formation tech évolue-t-elle sur le continent ?
La formation tech en Afrique se structure rapidement. D’une part, de grandes écoles internationales comme Epitech ouvrent des campus, comme au Bénin, et forment des profils de haut niveau. D’autre part, des universités locales, à l’image de celle de Buea au Cameroun surnommée ‘Silicon Mountain’, développent des écosystèmes d’excellence. Parallèlement, une multitude d’initiatives privées (bootcamps, formations en ligne) voient le jour. Cependant, il faut rester vigilant car la qualité est variable. L’auto-formation reste une voie majeure pour les talents les plus déterminés, grâce à un meilleur accès aux ressources en ligne.
‘Il y a de bonnes écoles par exemple et Pitech au Bénin. […] Et j’étais surpris parce que ils étaient bons. Ils étaient super bons comparé à d’autres que j’ai vu ailleurs.’
L’Afrique peut-elle vraiment devenir un leader mondial du développement logiciel ?
Oui, absolument. Le continent a plusieurs atouts majeurs pour y parvenir. D’abord, sa démographie : une population extrêmement jeune, dynamique et avide de technologie. Ensuite, sa capacité à innover sous contrainte, ce qui produit des solutions robustes et frugales. Enfin, l’émergence d’un vivier de développeurs de plus en plus qualifiés et compétitifs. En devenant un hub de talents pour le monde entier et en continuant à développer des solutions pour son propre marché gigantesque, l’Afrique est en excellente position pour devenir, à terme, un des leaders mondiaux incontournables dans le développement de logiciels et de solutions technologiques.
‘L’Afrique peut-elle devenir demain un leader mondial en développement de logiciel et en solutions technologiques ? […] Bref, un épisode riche en perspective et en inspiration à ne pas manquer.’




