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#103 > Marketing Digital > Comment gérer le marketing d’une boite en hypercroissance ?

Épisode diffusé le 16 octobre 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Comment gérer le marketing d’une boîte en hypercroissance : le retour d’expérience de l’ex-CMO de Partoo

Passer de 20 à 400 employés et de 2 à 20 millions d’euros d’ARR en seulement quatre ans. C’est le défi de l’hypercroissance, une phase aussi excitante qu’exigeante pour toutes les équipes, et en particulier pour le marketing. Comment construire et structurer un département marketing capable de soutenir et d’accélérer une telle fusée ? C’est la question à laquelle répond Patrice Barbesier, ancien CMO de Partoo, qui a vécu cette aventure de l’intérieur.

Patrice, fort de 12 ans d’expérience en marketing B2B chez Sony, Samsung, puis Partoo, partage sans filtre les actions essentielles pour scaler le marketing, ses plus grands succès, mais aussi ses échecs. Il nous dévoile comment il a bâti une machine marketing efficace, tout en naviguant les pièges de la croissance rapide. De la structuration de l’équipe à l’expansion internationale, en passant par les outils et les process, voici les leçons tirées du terrain.

Structurer l’équipe marketing : la leçon RH apprise à la dure

La force première d’une entreprise, ce sont ses salariés. En période d’hypercroissance, les décisions de recrutement sont absolument fondamentales. C’est d’ailleurs sur ce point que Patrice identifie sa plus grande erreur, une erreur qui a engendré ce qu’il appelle une « dette marketing ».

L’erreur initiale : privilégier les juniors au détriment des experts

Quand Patrice est arrivé chez Partoo, il n’y avait pas de département marketing. Il a dû tout construire de zéro. Pour bâtir son équipe, il a sollicité les conseils de ses homologues. Le message était unanime : « Tout le monde m’a dit : ‘il faut que tu recrutes des experts’. Le marketing est un département d’expertise, il te faut des experts. »

Pourtant, face à des contraintes budgétaires, il a fait un autre choix. « J’ai dû aller vers des juniors, mais finalement avec du recul, je me dis que ce n’est pas une excuse. J’aurais dû à l’époque me battre et convaincre mon CEO que non, il fallait des personnes plus seniors, des personnes expérimentées. » Il a donc recruté beaucoup de stagiaires en fin d’études ou des juniors avec une année d’expérience maximum. Si cette approche a fonctionné un temps, notamment pour l’international, elle a montré ses limites sur le long terme.

Le piège du management direct et l’importance du mid-management

La deuxième erreur liée à la première fut de centraliser le management trop longtemps. « C’est vers la fin, mais beaucoup trop tard, que je suis allé chercher ce qu’on appelle du mid-management, parce que je commençais à avoir peut-être 7 ou 8 personnes en direct, c’est trop. » Gérer autant de profils juniors demande énormément de temps et d’énergie, ce qui l’a conduit à l’épuisement.

Avec le recul, le constat est clair : « J’aurais dû prendre des personnes expérimentées plus vite pour construire de vraies fondations. » Cette stratégie initiale a créé une dette. Même si le marketing était très efficace avec les moyens disponibles, Patrice estime qu’après 4 ans, le département aurait dû être à un niveau de maturité bien plus élevé. « Quand j’ai fait ma passation avec ma remplaçante, j’ai créé une dette marketing. J’ai vraiment eu cette sensation même si les résultats qu’on avait étaient très très bons. »

Le secret de la scalabilité : process, playbooks et objectifs clairs

Une fois l’équipe en place, comment s’assurer que tout le monde avance dans la même direction avec le même niveau de qualité, surtout quand on recrute à tour de bras ? La réponse de Patrice tient en deux mots : cadrage et process.

Mettre en place des process pour garantir la qualité et l’efficacité

Pour scaler, il faut documenter. Patrice insiste sur l’importance de créer des process, des templates et des playbooks pour chaque action récurrente. « C’est fabuleux parce qu’une fois que tu sais bien faire un salon, un webinar, une campagne d’emailing, une newsletter… tout ça tu le documentes, mais vraiment en mode pas à pas avec le côté tutoriel et le côté best practice. »

Tout était organisé dans Monday, un logiciel de gestion de projet. Cette documentation avait un double avantage. D’abord, faciliter l’onboarding : « Quand tu recrutais une personne, tu n’avais pas besoin de passer une heure ou deux à la former. C’était : ‘tiens, prends ce tuto, prends ce playbook et vas-y’. » Ensuite, assurer un niveau d’exigence constant et éviter que des erreurs ne se répètent et que de mauvais réflexes ne s’installent.

Cadrer la vision avec les OKRs pour éviter la dispersion

Le plus grand danger dans une entreprise qui grandit vite, c’est la dispersion. « Qui dit plus de monde dit plus d’idées, et là ça peut partir dans tous les sens, ça peut être le bordel. » Pour contrer cela, la mise en place d’un cadre d’objectifs est non négociable. L’équipe de Partoo fonctionnait en OKR (Objectives and Key Results).

« On a max trois objectifs et quatre actions clés par objectif. Donc déjà ça, ça donne un cadre, tu évites la dispersion. » Ces OKRs, définis au niveau de la direction puis déclinés par équipe, deviennent la feuille de route. « Au moins tu sais que c’est cette ligne qu’il faut suivre. Rien d’autre. » Pour Patrice, c’est le meilleur rempart contre ce qu’il appelle « le diable » : la tentation de se lancer dans une multitude de projets sans focus. « La dispersion pour moi c’est un peu le diable dans ce genre de moment. »

Les actions marketing qui ont fait décoller la croissance

Une structure et une équipe en place, c’est bien. Mais quelles sont les actions qui ont réellement porté leurs fruits dans un contexte B2B visant des cibles mid-market et enterprise ? Patrice met en avant deux leviers principaux, et surtout une philosophie : optimiser l’existant avant de créer du nouveau.

Scaler ce qui fonctionne : le nurturing et les webinars

Très vite, deux actions se sont démarquées. D’abord, les campagnes de nurturing. « Ça fonctionnait extrêmement bien parce qu’on avait peut-être 30 ou 40 000 contacts dans le CRM. » Ces contacts, acquis via du scrapping ou de la prospection commerciale, étaient une mine d’or pour des cycles de vente allant de 3 mois à un an. Ensuite, les webinars, particulièrement pendant la période du Covid, qui ont « très bien fonctionné et même après, ça a fonctionné très fort. »

La stratégie a été de doubler la mise sur ces deux piliers. « Plutôt que de lancer trop de nouveaux projets, déjà pose-toi la question : est-ce que ce que tu fais actuellement, tu penses avoir atteint le maximum de son potentiel ? » Pour le nurturing, cela s’est traduit par le passage à un outil d’automatisation comme Hubspot, en ajoutant progressivement plus de critères et de workflows. Pour les webinars, il s’agissait de les décliner par secteur, par pays, et d’investir dans une plateforme dédiée comme Livestorm pour améliorer l’expérience.

L’art de recycler le contenu pour maximiser l’impact

L’autre clé du succès a été de ne jamais considérer un contenu comme un « one-shot ». Chaque production était pensée pour être déclinée au maximum. L’exemple du webinar est frappant : « Un webinar chez nous, c’était scripté, ça faisait généralement 8 à 10 pages de Word. Et bah ça derrière, on en faisait un ebook, peut-être 15 pages bien designées. On en faisait 5-6 articles, des postes LinkedIn, tu mettais ça dans tes campagnes nurturing et voilà, tu avais bien essoré ton webinar. »

C’est une critique que Patrice adresse à beaucoup d’entreprises qui, une fois leur communication massive faite, passent immédiatement au projet suivant. « Il faut vraiment penser comme les médias. Les médias, tous les ans à la même sauce, on a droit aux trucs sur l’immobilier… il faut se répéter, c’est pas un problème. »

Conquérir l’international : la stratégie de déploiement

L’hypercroissance de Partoo s’est accompagnée d’une forte expansion internationale. Comment le marketing a-t-il suivi le rythme ? Avec une approche pragmatique et un pari gagnant sur les talents locaux.

Tester les marchés avant d’investir massivement

Pas question de débarquer avec une armée marketing dans un nouveau pays. L’approche était progressive. D’abord, un test commercial de 3 mois. Si les signaux étaient positifs, le marketing commençait à faire « le strict minimum » : traduire le site web et quelques contenus clés, sélectionnés après des retours des commerciaux et de partenaires locaux.

La puissance des talents locaux, même en stage

Lorsque le marché montrait un vrai potentiel, l’équipe marketing s’étoffait. La stratégie de Patrice a été de recruter des stagiaires locaux, mais basés à Paris. Et pas n’importe lesquels : « J’ai fini par dire : OK, en fait on va prendre des locaux. J’avais ma personne indienne, espagnole, italienne et là tu sentais qu’en terme de compréhension du marché, c’était fabuleux. »

Ces stagiaires ont apporté une valeur inestimable. « Ils m’ont fait changer des emails sur le ton, un ton qui était trop formel, ils m’ont fait changer des horaires de webinar qui n’étaient pas adaptés pour le marché, ils m’ont dit ‘tiens, là en Inde il y a cette fête qui est vachement importante’. Des choses auxquelles j’aurais jamais pensé. » Cette approche a non seulement amélioré les performances, mais a aussi fluidifié la relation avec les équipes de vente locales. Beaucoup de ces stagiaires ont d’ailleurs été embauchés par la suite.

Les coulisses de l’hypercroissance : outils, fatigue et formation

Gérer une telle croissance n’est pas qu’une question de stratégie et de recrutement. C’est aussi une affaire d’outils, de résilience personnelle et de formation continue.

Les outils au service de la stratégie, sans tomber dans le piège

Pour le management d’équipe et le suivi des OKRs, Monday a été l’outil de choix, apprécié pour sa simplicité et son efficacité. Pour le marketing, Hubspot et Livestorm ont été des piliers. Mais Patrice met en garde contre un piège courant : le sur-équipement. « On a fait une des erreurs que font beaucoup de boîtes, c’est qu’on s’est un peu sur-outillé. » Il cite l’exemple de Hotjar, un outil payé mais finalement peu utilisé. « Il faut aussi savoir prendre un peu de recul et couper quand tu utilises pas ou peu l’outil. »

L’impact personnel : une reconstruction permanente

Sur le plan personnel, l’expérience est intense. « C’est très excitant… la boîte va bien, on te donne plus de budget, tu peux recruter… c’est quand même ultra motivant. » Mais le revers de la médaille est une fatigue intellectuelle considérable. « Ce que tu mets en place, ça tient 4 à 6 mois et il faut déjà détruire pour reconstruire… Tu n’es jamais dans ta zone de confort et j’aurais mis un moment à avoir une année entre guillemets tranquille de consolidation. Et en fait non, tu es toujours en construction, construction, construction. Et ouais, j’ai trouvé ça fatiguant. »

Se former en continu : le pouvoir du réseau de pairs

Comment rester à la pointe et prendre les bonnes décisions dans ce tourbillon ? Pour Patrice, la réponse n’est pas dans les livres ou les podcasts, mais dans l’échange avec ses pairs. Il a rejoint une communauté Slack de CMO, « Tech marketing leaders », qui a été une bouée de sauvetage. « Tu te sens très seul en tant que CMO parce que ton CEO n’est pas ton manager. »

Ce réseau lui a permis de valider ses stratégies, de trouver du soutien et surtout, de bénéficier de leur expérience. « Eux, ils ont un peu cette boule de cristal pour voir dans le futur. Quand on était 20 personnes et que je leur ai dit ‘OK là on va accélérer’, bah la personne qui est allée de 20 à 50, elle sait de 50 à 100. Donc ces gens-là, ils voient dans le futur pour toi. » C’est ce partage d’expérience qui, au final, constitue la meilleure des formations pour naviguer les eaux tumultueuses du marketing en hypercroissance.

FAQ : Gérer le marketing en hypercroissance

Quelle est la plus grande erreur à éviter en marketing lors d’une hypercroissance ?

La plus grande erreur est de ne pas recruter assez tôt des profils experts et seniors. Privilégier uniquement des juniors pour des raisons budgétaires crée une « dette marketing » : des fondations fragiles qui freineront la croissance future et la maturité du département.

« Ma plus grosse erreur, c’est celle-ci. J’ai vraiment ce sentiment là que quand j’ai fait ma passation […] j’ai créé une dette marketing. J’aurais pas dû laisser le département à cette étape-là après 4 ans. » – Patrice

Comment structurer une équipe marketing pour la croissance ?

Il faut recruter des experts pour les leviers stratégiques, intégrer du mid-management dès que l’équipe dépasse 5-6 personnes pour ne pas surcharger le CMO, et embaucher des talents natifs pour l’expansion internationale afin de garantir une bonne adaptation culturelle.

« C’est vers la fin mais beaucoup trop tard que je suis allé chercher ce qu’on appelle du mid management parce que je commençais à avoir peut-être 7 ou 8 personnes en direct, c’est trop. » – Patrice

Pourquoi les process sont-ils cruciaux pour scaler le marketing ?

Les process, templates et playbooks garantissent un niveau de qualité constant, même en recrutant rapidement. Ils permettent aussi d’accélérer drastiquement l’onboarding des nouvelles recrues et de rendre les actions marketing plus efficaces et prévisibles.

« Quand tu recrutais une personne, tu n’es pas besoin de passer 1 heure ou deux à la former, c’était tiens, prends ce tuto, prends ce playbook et vas-y, fais ton premier webinar. » – Patrice

Comment utiliser les OKRs pour une équipe marketing ?

Les OKRs (Objectives and Key Results) servent à définir un cadre clair avec un maximum de 3 objectifs prioritaires et quelques actions clés pour chacun. Cela permet d’aligner toute l’équipe, de maintenir le focus et d’éviter la dispersion face à la multiplication des idées en période de croissance.

« On a max trois objectifs et quatre actions clés par objectif. Donc déjà ça, ça donne un cadre, tu évites la dispersion et à partir de là, tu peux dire à ton équipe voilà où on doit aller. » – Patrice

Quelles actions marketing privilégier pour une start-up en forte croissance ?

Il est recommandé de se concentrer sur l’optimisation et la scalabilité des canaux qui fonctionnent déjà, plutôt que de lancer constamment de nouveaux projets. Pour Partoo, le nurturing de la base de contacts et les webinars ciblés ont été les deux leviers les plus performants.

« Plutôt que de lancer trop de nouveaux projets, déjà pose-toi la question de est-ce que ce que tu fais actuellement, est-ce que tu penses avoir atteint le maximum de son potentiel ? » – Patrice

Comment réussir son développement marketing à l’international ?

La clé est de s’appuyer sur des talents natifs du pays ciblé. Même en stage, ils apportent une compréhension fine de la culture, du ton à employer, des coutumes locales et des attentes du marché, ce qui est impossible à obtenir via une simple étude de marché.

« J’ai fini par dire OK, en fait on va prendre des locaux […] et là tu sentais qu’en terme de compréhension du marché, des personnes […] c’était fabuleux. Des choses auxquelles j’aurais jamais pensé. » – Patrice

Faut-il multiplier les outils marketing en phase de scaling ?

Non, il faut éviter le piège du sur-équipement. Il est essentiel de choisir des outils clés qui répondent à un besoin avéré (gestion de projet, marketing automation) et de ne pas hésiter à couper ceux qui sont peu ou pas utilisés, même s’ils semblent intéressants sur le papier.

« On a fait une des erreurs que font beaucoup de boîtes, c’est qu’on s’est un peu suroutillé. […] il faut aussi savoir prendre un peu de recul et couper quand tu utilises pas ou peu l’outil. » – Patrice

Comment recycler efficacement son contenu marketing ?

Un contenu pilier, comme un webinar, doit être vu comme une matière première à décliner. Le script peut devenir un ebook, qui sera lui-même découpé en plusieurs articles de blog, en posts pour les réseaux sociaux et intégré dans des séquences d’emailing pour maximiser sa portée et son retour sur investissement.

« Un webinar chez nous c’était scripté […] Et bah ça derrière, on en faisait un ebook, […] on en faisait 5-6 articles, des postes LinkedIn, tu mettais ça dans tes campagnes nurturing et voilà tu avais bien essoré ton webinar. » – Patrice


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