Derrière le succès, les cicatrices : mes galères d’entrepreneur sans filtre
L’entrepreneuriat est souvent dépeint comme une épopée glorieuse, une ascension fulgurante vers le succès. On parle des levées de fonds, des couvertures de magazines, des ‘success stories’. Mais ce qu’on omet souvent de raconter, c’est la face cachée de la médaille : les nuits blanches, le stress absolu, les moments où tout semble sur le point de s’effondrer. On ne parle jamais assez des galères, de ces moments de doute et de solitude qui forgent pourtant le caractère d’un fondateur. Pour ma part, je peux vous le dire sans détour : il n’y a pas une seule année, en plus de dix ans d’aventure avec les Big Boss, où il n’y a pas eu de galère. Et quand je dis galère, je ne parle pas de petits imprévus. Je parle de situations épiques, de celles qui vous envoient à l’hôpital le jour de votre premier événement, de celles qui menacent de faire capoter le deal de votre vie la veille de la signature, ou de celles qui vous obligent à réinventer votre métier en quelques jours face à une pandémie mondiale. C’est un état de fait permanent.
Ce récit n’est pas un manuel de réussite. C’est un partage honnête, sans langue de bois, de mon parcours et, surtout, de mes plus grandes galères d’entrepreneur. Car je suis convaincu d’une chose : c’est dans la gestion de ces moments de crise que se révèle la véritable nature d’un projet et de celui qui le porte. C’est en tombant, en se relevant, et parfois en improvisant des solutions totalement folles qu’on construit quelque chose de solide. Beaucoup de gens voient aujourd’hui les Big Boss comme une institution, une marque établie. Mais avant d’en arriver là, il y a eu des risques insensés, des paris financiers qui auraient pu tout balayer, et une bonne dose de critiques acerbes. À travers ces anecdotes, des plus dramatiques aux plus cocasses, j’espère vous transmettre non pas une recette magique, mais une conviction profonde : la résilience, l’optimisme et une confiance quasi irrationnelle en votre vision sont vos meilleures armes pour naviguer dans le chaos magnifique de l’entrepreneuriat. Alors, attachez vos ceintures, je vous emmène dans les coulisses, là où les vraies leçons s’apprennent.
Les Big Boss : naissance d’une idée folle au milieu des premières galères
L’histoire des Big Boss n’a pas commencé dans un bureau feutré avec un business plan parfait. Elle est née d’une intuition et d’une bonne dose de pragmatisme. Après douze ans dans le digital, chez des géants comme IBM ou des start-ups agiles, j’avais accumulé deux choses précieuses : une expertise solide et un réseau très qualifié. L’envie de créer ma propre entreprise était là, mais l’idée précise restait floue. J’ai donc commencé de manière très simple, presque ‘alimentaire’ comme je le disais à l’époque : faire de l’apport d’affaires. Je connaissais des décideurs avec des besoins et des prestataires avec des solutions. Mon rôle était de les connecter. Le concept était basique, mais il fonctionnait. J’ai rapidement remarqué une statistique intéressante : quand je mettais en relation un décideur et un prestataire, il y avait environ une chance sur trois que cela aboutisse à un contrat. C’est là que l’idée a germé. Et si, au lieu de faire ces mises en relation une par une, je les industrialisais ?
C’est de cette réflexion qu’est né le concept un peu fou des Big Boss. L’idée était simple sur le papier, mais logistiquement complexe : réunir 200 personnes, des décideurs et des prestataires, pendant trois jours dans un cadre informel, comme un week-end au ski. Je me suis dit :
‘si j’en mets 200 3 jours dans un weekend au ski, peut-être que je vais peut-être pas avoir les mêmes stats mais je peux avoir en tout cas une multiplication de business’.
C’était un pari audacieux, celui de remplacer les rendez-vous formels et froids par des moments de partage et d’émotion, convaincu que le business naît avant tout de la confiance et des relations humaines. L’objectif était de créer un ‘terreau’ fertile pour que les affaires se fassent naturellement, sur un télésiège ou autour d’une fondue, bien plus efficacement que dans une salle de réunion aseptisée. Le concept était façonné, mais le plus dur restait à faire : le concrétiser et affronter les premières, et non des moindres, galères d’entrepreneur.
Le baptême du feu : entre l’hôpital et des studios Airbnb
Le tout premier événement des Big Boss a été un véritable baptême du feu, une concentration de galères qui aurait pu tuer le projet dans l’œuf. La première difficulté fut logistique. Organiser un événement début décembre à la montagne signifie que la plupart des grands hôtels sont fermés. Il faut les convaincre d’ouvrir spécialement pour vous, ce qui implique de les privatiser. Mon partenaire de l’époque, Travel Ski, m’annonce une ‘bonne nouvelle’ : il a trouvé un hôtel, le Mercure à Belle Plagne, avec 150 chambres. La contrepartie ? Je devais payer pour les 150 chambres, que nous soyons 120 ou 150. Le risque financier était énorme pour une première édition. Finalement, le succès a dépassé nos prévisions et nous étions 189 participants. La galère s’est inversée : il fallait loger tout le monde. J’ai dû négocier avec les participants pour qu’ils partagent des chambres doubles et j’ai couru louer des petits studios Airbnb aux alentours pour caser les derniers arrivants. C’était du système D à l’état pur, une leçon d’agilité dès le premier jour.
Mais le pire était à venir. Sur le plan personnel, cette première édition a viré au cauchemar. Une chute de ski m’a envoyé directement à l’hôpital de Moûtiers. Je me souviens de la scène surréaliste : j’étais en train d’être réanimé pendant que l’événement que j’organisais se déroulait sans moi, à des kilomètres de là. La galère ne s’est pas arrêtée là. Une fois sorti, tous les bus de l’organisation étaient déjà partis, ramenant les participants vers la gare. J’étais bloqué. Dans un réflexe de survie entrepreneurial, j’ai pris mon téléphone et j’ai fait l’impensable :
‘J’ai fait rapatrier les bus pour qu’ils viennent me chercher à l’hôpital où j’étais pour qu’ensuite je reparte, je reparte donc avec tout le monde’.
Cet épisode, aussi douloureux fut-il, a posé les fondations de l’esprit Big Boss : quoi qu’il arrive, on trouve une solution. On ne lâche rien. C’était la preuve par l’absurde que même dans les pires galères d’entrepreneur, il y a toujours un moyen de retomber sur ses pattes. Cette première édition m’a coûté cher en énergie et en santé, mais elle a validé le concept et a soudé une première communauté qui avait vécu cette aventure épique avec moi.
Un modèle économique à contre-courant : le pari sur le long terme
Au-delà des défis logistiques et personnels, la première galère était avant tout financière. Le modèle économique des Big Boss était, et reste, assez atypique. Contrairement aux événements traditionnels où les sponsors paient un ticket d’entrée élevé pour un stand et une visibilité, j’ai opté pour un modèle hybride. Les prestataires payaient un fixe relativement modeste pour participer, mais le cœur de ma rémunération reposait sur un pourcentage des contrats qu’ils signaient grâce aux rencontres faites pendant l’événement. C’est un modèle basé sur la performance et l’alignement des intérêts : si mes clients ne signent pas de deals, je ne gagne pas ma vie. L’inconvénient majeur de ce système, c’est le décalage de trésorerie. Le jour J du premier événement, en regardant mes comptes, le constat était sans appel : l’opération n’était pas rentable. Les frais engagés, notamment la privatisation de l’hôtel, dépassaient largement les revenus fixes perçus.
J’étais donc dans une situation de stress maximal, celle que connaissent tous les créateurs d’entreprise : j’avais pris un risque financier énorme, et rien ne garantissait que j’allais le couvrir. Il fallait avoir la foi. La foi dans le concept, dans la qualité des rencontres que j’avais provoquées, et dans le fait que le business allait suivre. C’est dans les mois qui ont suivi que mon pari a été validé. Je me souviens encore de ces deux contrats qui ont tout changé.
‘un deal de 800000 € sur lequel on avait une rémunération de 10 % et un deal à 323000 € avec aussi 10 %’.
Avec plus de 100 000 euros de commissions générées sur ces deux seuls deals, nous avons non seulement atteint le seuil de rentabilité, mais nous avons prouvé que le modèle était viable. Cette expérience a été une leçon fondamentale : parfois, il faut accepter de ne pas être rentable à court terme et construire un ‘terreau’, une plateforme capable de générer des revenus futurs. Cela demande des nerfs d’acier et une capacité à convaincre ses partenaires et ses premiers clients de croire en une promesse. C’était la plus grande des galères d’entrepreneur du début : naviguer à vue financièrement, en se basant uniquement sur la conviction que la valeur créée finirait par se matérialiser.
Cette première étape chaotique, mais finalement couronnée de succès, n’était qu’un avant-goût. Elle a forgé l’ADN de l’entreprise, basé sur l’improvisation, la résilience et une certaine dose de folie. Mais comme je l’ai vite appris, dans le monde de l’événementiel, les galères ne sont pas un accident de parcours ; elles sont la norme. Chaque année apporte son lot de défis, de plus en plus complexes, qui vous obligent à vous réinventer en permanence.
L’art de la survie en événementiel : quand le chaos devient votre quotidien
Si la première édition fut épique, la suite de l’aventure a confirmé une règle d’or dans le secteur de l’événementiel : la seule certitude, c’est l’incertitude. Grèves de train, pannes d’avion, crises sanitaires… chaque année apporte son lot d’imprévus qui menacent de réduire à néant des mois de travail. Gérer une entreprise dans ce secteur, c’est devenir un expert en gestion de crise, un maître de l’improvisation. Il ne s’agit plus de suivre un plan, mais d’avoir la capacité de le réécrire en quelques heures, avec calme et détermination. Loin d’être une source de découragement, j’ai appris à voir ces défis constants comme des opportunités de prouver notre valeur, de renforcer notre agilité et de nous démarquer. Chaque galère surmontée est une histoire de plus à raconter, une preuve supplémentaire de notre fiabilité. Et parmi toutes ces péripéties, l’épisode de la crise du COVID-19 reste sans doute le plus marquant, un cas d’école sur la manière de naviguer en plein brouillard, lorsque les règles du jeu changent du jour au lendemain.
L’épreuve du COVID : la suggestion qui valait des millions
Début décembre 2021, le souvenir est encore vif. Le Premier ministre, Jean Castex, prend la parole à la télévision. Il ne décrète pas de confinement, n’interdit rien formellement. Il ‘suggère’ simplement aux entreprises d’annuler leurs repas et événements de fin d’année. Pour moi, c’est une bombe. J’ai une Winter Edition prévue cinq jours plus tard, avec 600 personnes. Le problème est subtil mais colossal : une suggestion n’est pas une interdiction. Juridiquement, cela ne constitue pas un cas de force majeure. Les assurances ne couvriront rien, et mes prestataires, comme le Club Med, sont en droit de me facturer l’intégralité des prestations. Dix minutes après l’allocution, le téléphone sonne. C’est la directrice de l’événementiel du Club Med :
‘Bonjour Hervé, tu as entendu notre cher Premier ministre. Qu’est-ce qu’on fait ? Pour info malheureusement comme c’est pas une interdiction, moi je suis obligé de te facturer’.
La pression est immense. Annuler signifie une perte sèche catastrophique. Maintenir signifie prendre le risque d’un événement fantôme, avec des participants qui annulent en masse. Je réunis mes équipes en cellule de crise. La décision est prise : plutôt que de subir, nous allons être proactifs. Nous lançons une opération téléphonique massive pour appeler un par un les 600 inscrits. La question est simple : ‘Avez-vous entendu Castex ? Venez-vous ou pas ?’. Heure par heure, je suis les statistiques qui remontent. Le résultat est incroyable : 73 à 74 % des participants confirment leur venue, avec un ratio décideurs/prestataires qui reste équilibré. Face à ces chiffres, je prends ma décision : on maintient. C’était un pari, mais un pari éclairé par la data. Mais je ne pouvais pas m’arrêter là. Il fallait remercier ces ‘héros’ qui bravaient les suggestions gouvernementales. C’est là qu’est née une idée folle : organiser un vaccinodrome sur place pour leur proposer une dose de rappel. Le défi logistique était immense : il fallait l’autorisation du Club Med (qui a refusé toute responsabilité), trouver un médecin responsable, et surtout, dénicher des doses de vaccin Pfizer ou Moderna en pleine période de pénurie. Après des dizaines d’appels, je trouve des étudiantes en médecine pour vacciner, j’obtiens la décharge du Club Med, mais il me manque le médecin, indispensable pour acheter les doses. La veille de l’événement, à quelques heures du départ, un de mes collaborateurs me sauve : son beau-père est ophtalmologue. Il accepte de prendre la responsabilité. Nous avons vacciné 189 personnes ce week-end-là. Cette galère absolue s’est transformée en l’un de nos plus beaux coups de communication, une démonstration de notre capacité à transformer un problème en une opportunité et un service pour notre communauté.
S’adapter ou mourir : l’écoute active comme boussole
Gérer les crises externes est une chose, mais les plus grands défis viennent parfois de l’intérieur, de l’évolution de son propre produit. Pendant des années, les Big Boss se déclinaient en deux éditions : la Winter et la Summer. En écoutant ma communauté, j’ai réalisé qu’il y avait un clivage : environ 70 % préféraient l’été et 30 % l’hiver. Les ‘Winterists’ adoraient le ski, arguant que partager une descente avec un prospect créait un lien amical et business incomparable. Les ‘Summerists’, eux, trouvaient que le ski pouvait être une perte de temps si on tombait sur un interlocuteur peu pertinent, et préféraient la liberté de multiplier les contacts dans le resort d’été. Cette analyse m’a poussé à prendre une décision qui, sur le papier, semblait contre-intuitive : modifier le format de l’édition Winter, le joyau de la couronne. J’ai annoncé que le samedi matin, traditionnellement dédié au ski, serait désormais consacré à une deuxième session de rendez-vous business, le ski étant reporté à l’après-midi.
La réaction a été immédiate et violente. Des décideurs sont venus me voir, furieux : ‘C’est n’importe quoi, regarde la météo, il va faire beau samedi matin, ne fais pas cette connerie !’. Un sponsor, client fidèle, m’a même lancé :
‘Tu as rien compris à ton événement. Moi je fais beaucoup plus de business sur les pistes de ski que dans des rendez-vous complémentaires’.
Ma réponse a été claire. Je lui ai expliqué qu’il avait raison, pour lui. Lui, avec son excellent relationnel, fait partie des 10-15 % de commerciaux capables de transformer n’importe quelle interaction informelle en opportunité. Mais mon rôle est de servir la majorité. Et la majorité des commerciaux, surtout dans un monde post-COVID où les profils sont plus techniques et moins ‘chasseurs’, ont besoin d’un cadre plus formel pour être efficaces. Ils ne sont pas tous à l’aise pour pitcher leur solution sur un télésiège. Cette décision n’était pas une trahison de l’ADN des Big Boss, mais une adaptation nécessaire pour répondre aux besoins du plus grand nombre et maximiser le retour sur investissement de tous les participants. C’était une leçon douloureuse mais essentielle : il faut écouter sa communauté, mais en tant que leader, on doit parfois prendre des décisions impopulaires pour le bien commun du projet, en se basant sur une vision globale et pas seulement sur les retours de la minorité la plus bruyante.
Ces épreuves, qu’elles soient imposées par le monde extérieur ou nées d’une remise en question interne, prouvent que l’immobilisme est le plus grand danger pour un entrepreneur. L’adaptation permanente est la clé de la survie. Mais s’adapter, c’est aussi savoir gérer l’image de son entreprise, surtout quand elle devient une marque qui ne laisse personne indifférent.
Forger une marque clivante et assumer les critiques
Construire une marque forte, ce n’est pas chercher le consensus à tout prix. Au contraire, c’est souvent accepter, et même cultiver, une part de clivage. Dès le début, ‘Les Big Boss’ a été un nom, un concept qui ne laissait pas indifférent. L’idée de faire du business en tenue de ski ou en maillot de bain a bousculé les codes très établis et statutaires de l’événementiel B2B. Cette approche décontractée, axée sur le relationnel et l’émotion, a immédiatement créé deux camps : les adeptes, qui y voyaient une manière plus authentique et efficace de créer du lien, et les sceptiques, qui jugeaient le format peu sérieux, voire ‘potache’. Gérer cette dualité a été l’une des galères de fond de mon parcours. Il ne s’agissait plus de résoudre un problème logistique, mais de mener une bataille de perception, de défendre une vision contre les préjugés et les ‘qu’en-dira-t-on’. J’ai appris que lorsqu’on innove, les critiques sont inévitables. La question n’est pas de savoir comment les éviter, mais comment les gérer, et même, comment les transformer en une force.
Des ‘Bronzés font du ski’ à une institution B2B
L’identité visuelle et le nom de la marque ont joué un rôle crucial dans cette perception. Au tout début, le nom était une référence directe et assumée à la culture populaire : ‘Les Big Boss font du ski’.
‘En hommage aux bronzés font du ski avec un logo jaune, on reconnaissait la fonte jaune un peu grossière, des grosses lettres et cetera’.
C’était amusant, décalé, et ça a permis de lancer le concept sur une note sympathique et accessible. Cependant, à mesure que l’événement prenait de l’ampleur, cette image devenait un frein. Le côté ‘potache’ risquait de nous enfermer dans une niche et de nous empêcher de toucher des entreprises plus institutionnelles. Le logo jaune et le nom à rallonge pouvaient devenir un ‘danger’ pour la crédibilité de la marque.
Nous avons donc opéré un virage stratégique. ‘Les Big Boss font du ski’ est devenu la ‘Winter Edition’, complétée plus tard par la ‘Summer Edition’. Nous avons ‘corporatisé’ le nom pour le rendre plus sobre et plus professionnel. Le logo a suivi la même évolution, passant d’une typographie ludique et criarde à une fonte élégante et discrète. Ce changement n’était pas un reniement, mais une maturation. Il fallait que l’image de la marque reflète la puissance business qu’elle générait réellement, au-delà de l’ambiance conviviale. C’était une manière de dire : ‘Oui, l’ambiance est décontractée, mais ne vous y trompez pas, ce qui se passe ici est extrêmement sérieux et professionnel’. Cette évolution nous a permis d’institutionnaliser la marque, de la rendre acceptable pour les directions marketing de grands groupes qui auraient pu être effrayées par l’image initiale. C’est une galère d’entrepreneur que beaucoup connaissent : savoir faire évoluer sa marque pour qu’elle grandisse avec son entreprise, sans pour autant perdre son âme.
Faire des détracteurs une force : la stratégie du tatami
Même avec une marque plus institutionnelle, les critiques n’ont jamais disparu. Et avec le temps, j’ai développé une philosophie particulière pour y faire face. Au début, honnêtement, ça me minait. Entendre des gens dénigrer votre travail, votre ‘bébé’, c’est difficile. Mais j’ai fini par comprendre quelque chose d’essentiel : plus les Big Boss fonctionnaient, plus certains me détestaient. Et cette haine est devenue une source d’énergie.
‘Si ils me détestent, c’est qu’ils se détestent eux et ils détestent eux leur capacité à pas faire ce que moi je fais’.
C’est une façon de retourner la situation : la critique virulente devient une forme de validation de votre succès. Cela signifie que vous occupez un espace, que vous ne laissez pas indifférent.
Une anecdote illustre parfaitement cette approche. Un soir, j’arrive dans une soirée et j’entends une personne, de dos, critiquer violemment les Big Boss : ‘c’est n’importe quoi, faire du business en chasse-neige, c’est ridicule’. Je laisse d’abord deux participants, de vrais ambassadeurs, défendre le concept. Puis, je m’approche. Je reconnais l’homme, je consulte mentalement ma base de données et je constate qu’il n’est jamais venu à un seul de mes événements. Je me présente alors : ‘Bonjour, Hervé Bloch, organisateur des Big Boss. J’ai écouté votre conversation. Vous n’êtes jamais venu. Pourquoi vous critiquez ?’. Gêné, il admet qu’il ne fait que répéter ce qu’il a entendu. Ma réponse a été simple et directe : ‘Ce que je te propose, c’est que je t’invite au prochain. Viens, teste, et après, critique. Mais pas avant’. Cette méthode est devenue ma marque de fabrique. Face à une critique non fondée, la meilleure réponse n’est pas l’agressivité, mais l’ouverture et la confiance en son produit. Inviter ses détracteurs à expérimenter par eux-mêmes est le moyen le plus efficace de désamorcer les préjugés. Chaque année, des participants viennent me voir à la fin d’un événement pour me dire : ‘Qu’est-ce que j’étais con. J’aurais dû venir bien avant’. C’est ma plus belle victoire sur les galères de la réputation.
Toutes ces batailles, qu’elles soient logistiques, stratégiques ou d’image, ne peuvent être menées seul. Derrière la marque et le fondateur, il y a des piliers essentiels : des compétences clés, un entourage solide et une force intérieure nourrie par les épreuves de la vie.
Les piliers de l’entrepreneur : compétences, entourage et force intérieure
Au fil des ans et des galères, j’ai acquis la conviction qu’une bonne idée ne suffit pas pour bâtir une entreprise pérenne. Le succès repose sur un trépied fragile mais essentiel : les compétences fondamentales du fondateur, la qualité des personnes dont il s’entoure, et une force de caractère capable de résister aux tempêtes. On peut avoir le meilleur concept du monde, si l’un de ces trois piliers est défaillant, l’édifice finit par s’écrouler. J’ai eu la chance de posséder certaines de ces qualités, mais j’ai surtout eu la lucidité de reconnaître mes faiblesses et de m’entourer de talents complémentaires. Et plus important encore, j’ai compris que la résilience professionnelle se nourrit souvent des cicatrices personnelles. C’est cet alliage complexe qui permet de se relever après chaque coup dur, de garder le cap et de transformer les épreuves en carburant pour aller plus loin.
Le triptyque de compétences : commercial, marketing et gestion
Selon moi, un entrepreneur doit idéalement maîtriser trois domaines clés. Si ce n’est pas le cas, il doit impérativement s’associer ou recruter pour combler ses lacunes. Le premier pilier, c’est la dimension commerciale : la détermination, l’énergie, la capacité à vendre sa vision et à ne jamais rien lâcher. Sans cela, une entreprise ne décolle jamais. Le deuxième, c’est le marketing et le produit : la vision, la capacité à concevoir une offre pertinente, à la faire évoluer, à comprendre son marché. On peut être le meilleur vendeur du monde, si le produit est mauvais, le succès sera éphémère. Enfin, le troisième pilier, souvent le moins glamour mais tout aussi vital, c’est la gestion : le suivi administratif, financier, budgétaire. C’est ce qui assure la survie de l’entreprise sur le long terme.
Il est très rare de trouver ces trois qualités réunies chez une seule personne. J’ai eu la chance d’avoir naturellement les deux premières. Je sais vendre et je sais concevoir un produit. Mais je dois admettre que la gestion n’est pas ma tasse de thé.
‘Je ne confonds pas un encaissement et un chiffre d’affaires, un bénéfice et une marge brute mais ce n’est pas la meilleure partie de ma journée’.
Conscient de cette faiblesse, j’ai toujours cherché des solutions. Au début, c’était de la débrouille, comme cette anecdote amusante où nous avons recruté un ‘papi compta’ de 73 ans pour gérer les notes de frais et les premières fiches de paie. C’était une solution temporaire qui a montré ses limites quand la boîte a grossi, mais elle illustre bien la nécessité de trouver des relais sur ses points faibles, même avec peu de moyens. La leçon est claire : soyez lucide sur ce que vous savez faire et, surtout, sur ce que vous ne savez pas faire. Votre ego ne doit jamais vous empêcher de déléguer ou de vous faire aider là où vous n’êtes pas le meilleur.
S’entourer pour démultiplier : l’humain au cœur du réacteur
Une idée, même brillante, ne vaut rien sans une exécution parfaite. Et l’exécution, c’est l’équipe. Ma plus grande fierté n’est pas d’avoir eu l’idée des Big Boss, mais d’avoir su m’entourer de collaborateurs exceptionnels qui ont grandi avec l’entreprise. Je pense notamment à des personnes comme Camille Dumont. Elle est arrivée il y a dix ans comme stagiaire et a gravi tous les échelons pour devenir aujourd’hui directrice et associée. Elle a pris en main toute la partie logistique et opérationnelle, des sujets sur lesquels je suis, pour le dire franchement, ‘nul’. Sans elle, le concept n’aurait jamais pu atteindre ce niveau de professionnalisme. De même pour Vincent, arrivé en alternance et devenu directeur associé en charge du commercial. Il m’a permis de démultiplier la force de frappe et de structurer une véritable équipe de vente.
S’entourer des bonnes personnes est une chose, mais savoir partager le succès en est une autre, tout aussi cruciale. Lorsque nous avons fait entrer un fonds d’investissement au capital en 2019, on m’a proposé de récompenser cinq ou six managers clés avec un ‘management package’. J’ai refusé ce modèle élitiste. J’ai insisté pour élargir le cercle à 42 collaborateurs. Chacun a pu investir une somme, même modeste, et a vu son investissement se multiplier de manière significative.
‘Je suis très fier que ces gens aient pu gagner plusieurs dizaines de milliers, plusieurs centaines de milliers d’euros pour certains’.
C’est ça, la véritable aventure entrepreneuriale pour moi. Ce n’est pas seulement une réussite personnelle, c’est une réussite collective. Quand on traverse des galères ensemble, il est normal de partager les fruits de la victoire ensemble. Cela crée une loyauté, un engagement et une culture d’entreprise que rien ne peut remplacer.
Puiser la force dans l’épreuve : quand le personnel forge le professionnel
On me demande souvent d’où vient cette capacité à garder le cap, à rester optimiste face à l’adversité. Une partie de la réponse ne se trouve pas dans les manuels de business, mais dans mon parcours de vie. J’ai eu la chance de ne pas connaître d’échec entrepreneurial majeur avec les Big Boss, mais j’ai traversé des épreuves personnelles très douloureuses qui m’ont blindé. La plus marquante a été la perte de ma mère alors que je n’avais que 27 ans. Une telle épreuve vous confronte à l’essentiel et vous donne, avec le temps, une perspective différente sur les problèmes professionnels.
‘Ça m’a donné une force incommensurable pour bah voilà pour pour braver tout tout ce qui peut être sur la route d’un entrepreneur’.
Quand vous avez affronté le pire sur le plan personnel, une grève de la SNCF ou un client mécontent, aussi stressants soient-ils, sont relativisés.
Une autre galère, à la croisée du pro et du perso, a été le capotage d’un deal avec un fonds d’investissement à cause de mon ex-femme, la veille au soir de la signature. Sur le moment, c’est une catastrophe absolue, un stress inimaginable. Mais avec le recul, cette péripétie m’a conduit à signer avec un autre fonds, avec qui l’aventure a été encore plus belle et plus fructueuse. C’est l’illustration parfaite de ma philosophie du ‘verre à moitié plein’. Dans chaque galère, même la plus sombre, se cache une opportunité ou une leçon. C’est cette conviction, forgée par les épreuves de la vie, qui me permet de me lever chaque matin, non pas en espérant qu’il n’y aura pas de problèmes, mais en étant prêt à les affronter et à les transformer en quelque chose de positif.
Conclusion : La galère, carburant de la réussite
Au terme de ce voyage au cœur de mes galères d’entrepreneur, une vérité s’impose : le chemin de la création d’entreprise n’est pas une ligne droite, mais un parcours sinueux, semé d’embûches, de crises et de doutes. Loin d’être des anomalies, ces défis sont l’essence même de l’aventure. Chaque histoire que j’ai partagée, de la chute de ski à l’hôpital à la gestion de la crise COVID, en passant par les critiques et les déboires personnels, n’est pas une anecdote pour se plaindre, mais une illustration d’une leçon fondamentale : la résilience n’est pas l’absence de problèmes, mais l’art de danser avec eux. C’est la capacité à voir dans chaque obstacle non pas un mur, mais une marche pour s’élever plus haut.
Les trois piliers que sont la maîtrise de ses compétences, la force de son entourage et la solidité de son mental sont les fondations qui permettent de traverser ces tempêtes. Soyez lucide sur vos faiblesses, entourez-vous de gens meilleurs que vous et partagez généreusement les succès. Tirez votre force de votre histoire, de vos cicatrices, car elles sont le témoignage de votre capacité à survivre et à grandir. Si je devais laisser un seul conseil à celles et ceux qui se lancent ou qui sont en plein doute, ce serait celui-ci : apprenez à aimer vos galères. Chérissez-les, car elles sont le signe que vous êtes en mouvement, que vous osez, que vous prenez des risques. Chaque problème résolu est une compétence acquise, chaque crise surmontée est une confiance en soi renforcée. Finalement, un entrepreneur n’est pas celui qui a la meilleure idée, mais celui qui a la plus grande capacité à encaisser les coups et à se relever, encore et encore, avec le sourire et le regard fixé sur le verre à moitié plein.
FAQ : Les leçons des galères d’entrepreneur
Quelles sont les qualités indispensables pour un entrepreneur selon Hervé Bloch ?
Pour réussir, un entrepreneur doit posséder un triptyque de compétences. D’abord, une qualité commerciale indéniable, incarnée par la détermination et une énergie communicative pour vendre sa vision. Ensuite, une vision marketing et produit solide pour concevoir une offre pertinente et la faire évoluer. Enfin, une rigueur en gestion pour piloter les aspects financiers et administratifs, qui sont le socle de la pérennité. Il est rare de tout maîtriser, la clé est donc de connaître ses faiblesses pour bien s’entourer et les compenser.
‘La première qualité indéniable, vous me voyez venir, c’est la qualité commerciale, la détermination, l’énergie, la hargne et cetera. La deuxième, c’est le marketing, le produit, la vision […]. Et puis le troisième, c’est la gestion, l’administratif, le suivi financier, budgétaire et cetera.’
Comment Hervé Bloch a-t-il géré la crise du COVID pour son événementiel ?
Face à une ‘suggestion’ gouvernementale d’annuler les événements, qui n’était pas un cas de force majeure, Hervé Bloch a adopté une approche proactive et data-driven. Plutôt que de subir, il a fait appeler chaque participant pour évaluer leur intention de venir. Constatant que près de 74% maintenaient leur participation, il a décidé de maintenir l’événement. Pour remercier les participants de leur confiance, il a poussé l’audace jusqu’à organiser un vaccinodrome sur place, transformant une contrainte majeure en une opportunité de service et de communication positive.
‘Je décide de maintenir l’événement. […] et je me dis tiens, je vais remercier quand même ces participants qui bravent les suggestions gouvernementales et je vais organiser un vaccinodrome.’
Quelle est la plus grande leçon tirée des ‘galères’ des Big Boss ?
La plus grande leçon est que les galères sont une composante inévitable et même nécessaire de l’entrepreneuriat. Chaque obstacle est une opportunité d’apprendre, de s’adapter et de se renforcer. Que ce soit une crise logistique, financière ou d’image, la clé est de toujours garder une vision optimiste, de voir le ‘verre à moitié plein’. Cette capacité à transformer une situation négative en une force est ce qui différencie les entreprises qui survivent de celles qui prospèrent sur le long terme.
‘Il faut toujours avoir le verre à moitié plein. C’est-à-dire que en gros bien sûr qu’il y a des galères mais on a eu des réussites de de de dingue […]. il faut toujours voir dans une galère une opportunité.’
Comment transformer les critiques et une image de marque clivante en avantage ?
Il faut d’abord accepter qu’une marque forte ne peut pas plaire à tout le monde. Les critiques, surtout lorsqu’elles viennent de personnes n’ayant pas testé le produit, peuvent être vues comme une preuve de notoriété. La meilleure stratégie est de ne pas être sur la défensive, mais d’inviter les détracteurs à expérimenter le concept par eux-mêmes. Cette approche transparente et confiante permet souvent de transformer un critique en ambassadeur. Finalement, les détracteurs deviennent une source d’énergie, validant le fait que la marque a un impact et ne laisse personne indifférent.
‘Ce que je te propose c’est que je t’invite au prochain. donc viens, teste et critique. Mais là tant que tu es pas venu, c’est juste les qu’en-dira-t-on.’
Pourquoi est-il crucial de bien s’entourer quand on est entrepreneur ?
Un entrepreneur ne peut pas réussir seul, car il est impossible d’exceller dans tous les domaines. Bien s’entourer permet de déléguer ses points faibles à des personnes de confiance et plus compétentes sur des sujets spécifiques, comme la logistique ou la finance. Cela permet au fondateur de se concentrer sur ses forces, comme la vision et le développement commercial. Une équipe loyale et talentueuse est un multiplicateur de force. Partager le succès avec cette équipe, notamment via l’actionnariat, est le meilleur moyen de garantir son engagement et de construire une aventure collective durable.
‘De l’avoir quand même à mes côtés dès le début pour que elle prenne tous ces sujets-là et que moi je me concentre sur les sujets business, animation communauté et cetera, c’était quand même une grande force.’
En quoi les épreuves personnelles peuvent-elles renforcer un entrepreneur ?
Les épreuves personnelles douloureuses, comme la perte d’un proche, forgent une résilience et une force de caractère exceptionnelles. Elles permettent de relativiser les problèmes professionnels, qui peuvent paraître moins insurmontables en comparaison. Cette force intérieure, acquise dans la sphère privée, devient un atout majeur dans le monde des affaires. Elle donne la capacité d’encaisser les coups durs, de gérer des niveaux de stress élevés et de garder une perspective saine sur les hauts et les bas de la vie d’entrepreneur.
‘J’ai perdu ma mère, j’avais 27 ans euh donc donc en gros ça m’a donné une force incommensurable pour bah voilà pour pour braver tout tout ce qui peut être sur la route d’un entrepreneur.’




