Les débuts épiques des Big Boss : entre hôpital et paris risqués
Lancer une entreprise est rarement un long fleuve tranquille. Pour Hervé Bloch, le créateur des Big Boss, l’aventure a commencé de manière pour le moins mouvementée. Loin de l’image lisse que l’on pourrait avoir, son parcours d’entrepreneur est jalonné de ce qu’il appelle sans détour des « galères ». Et il l’affirme d’emblée : « En permanence, tout le temps, il n’y a pas une seule année où il n’y a pas de galère. » La toute première édition en est la preuve la plus spectaculaire. Il raconte, presque amusé avec le recul : « La première galère, c’est que sur le premier format, j’ai fini à l’hôpital. »
Une chute de ski l’a en effet envoyé aux urgences, nécessitant une réanimation. L’anecdote, bien que sérieuse, révèle déjà un trait de caractère essentiel : une détermination à toute épreuve. « Il fallait que je dorme à Moûtiers alors que tous les bus de l’organisation étaient partis. J’ai fait rapatrier les bus pour qu’ils viennent me chercher à l’hôpital où j’étais pour qu’ensuite je reparte avec tout le monde. » Cette première épreuve a posé les bases d’une aventure où l’imprévu est la norme.
Au-delà des accidents physiques, le risque financier était immense. Le concept reposait sur la privatisation d’hôtels en début de saison, une décision audacieuse. « Comme c’était un week-end début décembre, les hôtels principaux sont fermés, il faut les ouvrir pour nous. Et donc il faut les privatiser, donc il faut acheter toutes les chambres. » Hervé se souvient de la pression initiale : « Je t’ai trouvé un hôtel, l’hôtel Mercure Belle Plagne, 150 chambres. Par contre si vous êtes que 120, tu payeras les 150. » Finalement, ils furent 189, mais la rentabilité n’était pas au rendez-vous le jour J. Le modèle économique reposait en partie sur un pourcentage des contrats signés après l’événement. « Au jour de l’événement, ce n’était pas rentable, mais dans les mois qui ont suivi, je me rappelle de deux gros deals […] qui ont pu nous faire passer le seuil de rentabilité. » Ces débuts illustrent parfaitement les galères d’entrepreneur : un mélange de risques personnels, de paris financiers et une foi inébranlable en son projet.
Gérer les crises imprévues : la leçon du vaccinodrome en pleine pandémie
L’une des anecdotes les plus folles partagées par Hervé Bloch concerne la gestion d’une crise majeure en pleine pandémie de Covid-19. Elle illustre parfaitement comment surmonter les difficultés en entrepreneuriat avec sang-froid et créativité. Fin 2021, à cinq jours d’une édition hivernale des Big Boss avec 600 personnes, le Premier ministre Jean Castex prend la parole.
La suggestion qui change tout
Le couperet tombe, mais de manière insidieuse. « Castex, Premier ministre, prend la parole pour annoncer que ‘il va falloir, on vous suggère de ne pas faire de repas de Noël, de fin d’année’. » Le problème ? Ce n’était pas une interdiction. « C’était une suggestion. Donc 10 minutes après, j’ai la directrice de l’événementiel du Club Med qui m’appelle. […] Pour info malheureusement, comme ce n’est pas une interdiction, moi je suis obligé de te facturer. » Sans cas de force majeure, pas de remboursement. La pression est immense.
La réaction d’Hervé est immédiate : une réunion de crise est organisée. Plutôt que de subir, il décide d’agir. « Je demande à ce qu’on appelle tous les participants. […] Toutes les heures, j’avais des statistiques et je voyais, on appelait : ‘Bonjour, tu as entendu Castex, tu viens, tu viens pas ?' » Contre toute attente, près de 74% des participants confirment leur venue. La décision est prise : l’événement est maintenu, même avec un chiffre d’affaires réduit.
Transformer une contrainte en opportunité
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Pour remercier les participants de leur fidélité, Hervé a une idée folle : « Je vais organiser un vaccinodrome. » Mettre en place un tel projet en quelques jours relève de l’exploit. Il fallait une autorisation du Club Med (obtenue en prenant la responsabilité personnelle), des infirmiers, des doses de vaccin et, surtout, un médecin responsable. « Je passe toutes les pharmacies de Savoie, d’Haute-Savoie au téléphone, […] mais il me manquait le médecin. »
La veille de l’événement, la situation est bloquée. C’est alors qu’un collaborateur lui glisse : « En fait tu sais, j’ai pas pensé mais moi mon beau-père, il est ophtalmo. » Appelé en urgence, le beau-père accepte de superviser l’opération. « Il décide de prendre la responsabilité, il achète les doses, il supervise la vaccination. On a vacciné 189 personnes, bien sûr sur la base du volontariat. C’était un remerciement à tous ces participants qui avaient accepté de maintenir leur engagement. » Cette histoire est une véritable leçon sur l’art de gérer une crise en entreprise et de transformer un obstacle majeur en un moment inoubliable et positif.
Bâtir une marque forte et clivante : le cas des Big Boss
Le succès des Big Boss ne repose pas seulement sur un concept, mais aussi sur une marque puissante. Une marque qui, dès le départ, a été pensée pour marquer les esprits, quitte à être clivante. Cette dualité est une force qu’Hervé Bloch a su cultiver au fil des ans.
De l’hommage potache à l’institutionnalisation
À l’origine, le nom était un clin d’œil. « Au tout départ, ça s’appelait Les Big Boss font du ski en hommage aux Bronzés font du ski, avec un logo jaune, on reconnaissait la fonte jaune un peu grossière. » Une idée folle qui a pris, mais qui a rapidement montré ses limites. « La marque devenait même un danger, » admet Hervé. Pour gagner en crédibilité et s’ouvrir à un public plus large, une évolution était nécessaire. « Au lieu de l’appeler ‘font du ski’, on l’a appelé ‘Winter édition’ puis ‘Summer édition’. On l’a un peu corporatisé. » Le logo lui-même a été adouci, passant d’une police grossière à une fonte sobre et élégante pour institutionnaliser et rassurer.
Faire face aux critiques et aux « qu’en-dira-t-on »
Cette image forte a inévitablement généré des critiques. Hervé en est bien conscient : « La marque Big Boss, elle est très connue mais elle est très clivante. » Il raconte une anecdote savoureuse lors d’une soirée où il a surpris une conversation. « J’entends une personne qui critiquait les Big Boss. […] La personne dit ‘mais les Big Boss c’est n’importe quoi, faire du business en maillot de bain, en chasse-neige, non mais c’est ridicule’. »
Après avoir laissé ses ambassadeurs défendre le concept, Hervé interpelle directement le détracteur et se rend compte qu’il n’a jamais participé à ses événements. Sa réponse est une leçon sur comment faire face aux critiques en business : « Ce que je te propose, c’est que je t’invite au prochain. Donc viens, teste et critique. » Il a transformé la critique en force. « Plus ça fonctionne et plus ils me détestent. Et finalement ça devient une force en fait. Parce que s’ils me détestent, c’est qu’ils se détestent eux et ils détestent leur capacité à ne pas faire ce que moi je fais. »
L’instinct de l’entrepreneur : écouter sa communauté, mais savoir trancher
L’un des défis constants pour un entrepreneur est de trouver le juste équilibre entre l’écoute de ses clients et la fidélité à sa vision. Hervé Bloch a dû naviguer ces eaux complexes, notamment en faisant évoluer son propre format, parfois contre l’avis de ses plus fidèles participants. Il explique qu’il faut « toujours écouter ses communautés » mais aussi savoir analyser les données et prendre des décisions difficiles.
Il se souvient d’une décision clé concernant les éditions d’hiver. Un sondage a révélé que 70% des gens préféraient l’été. En creusant, il a compris que certains trouvaient qu’une journée entière de ski avec un prospect peu intéressant était une perte de temps. Il décide alors de modifier le programme : « J’annonce pendant l’événement que finalement on va skier non pas le samedi matin, mais le samedi après-midi et que le samedi matin va être un second round de rendez-vous business. »
La réaction ne s’est pas fait attendre. Des décideurs et des sponsors sont venus le voir, furieux. « J’ai une presta qui vient me voir qui me dit ‘Tu as rien compris à ton événement. Moi je fais beaucoup plus de business sur les pistes de ski que dans des rendez-vous complémentaires’. » La réponse d’Hervé montre sa lucidité : « Oui, c’est vrai. Toi, parce que tu as un excellent relationnel. Et pour 10-15% des commerciaux avec un très fort relationnel, tu as raison. Par contre, pour la majorité des commerciaux, […] il fallait que je réponde à la majorité des potentiels clients pour satisfaire tout le monde. » Cette anecdote prouve qu’un leader doit parfois aller contre le courant pour le bien du plus grand nombre et la pérennité de son modèle.
Les 3 qualités indispensables pour réussir en entrepreneuriat
Fort de ses 25 ans d’expérience dans le digital, Hervé Bloch a une vision claire des compétences nécessaires pour se lancer. Il estime qu’un entrepreneur doit posséder trois qualités fondamentales. « S’il les a pas, il arrivera jamais. S’il lui en manque, ce serait bien qu’il s’associe. »
Voici les trois piliers qu’il identifie comme étant les qualités essentielles d’un entrepreneur :
- La qualité commerciale : « La première qualité indéniable, c’est la qualité commerciale, la détermination, l’énergie, la niaque. » C’est la capacité à vendre, à convaincre, à ne jamais rien lâcher.
- Le marketing et le produit : « La deuxième, c’est le marketing, le produit, la vision, l’approche technique si on est en tech. » Il s’agit de la capacité à concevoir une offre pertinente et à la positionner sur son marché.
- La gestion : « Et puis le troisième, c’est la gestion, l’administratif, le suivi financier, budgétaire. » C’est la partie la moins glamour mais indispensable pour piloter l’entreprise sainement.
Hervé admet avec humilité : « Très difficile d’avoir les trois. Moi j’ai eu la chance d’avoir les deux premiers. […] Par contre, j’ai pas trop le troisième. » Conscient de cette faiblesse, il a su s’entourer pour la compenser, que ce soit avec des experts-comptables ou, à ses débuts, un « papi de la compta » pour gérer les notes de frais. Cette lucidité sur ses propres forces et faiblesses est une clé de sa réussite.
La résilience face aux épreuves personnelles et professionnelles
La vie d’un entrepreneur est une succession de hauts et de bas. La résilience entrepreneuriale est sans doute la qualité la plus importante pour naviguer dans cette tempête. Hervé Bloch en a fait l’amère expérience lors d’une opération de levée de fonds qui a failli tourner au fiasco. « On est la veille au soir du closing, » raconte-t-il. Tout semble réglé, le champagne est presque au frais.
C’est alors que son avocat l’appelle : « Ton ex-femme, par l’intermédiaire de son avocat, vient de nous envoyer un email comme quoi étant détentrice d’une part sur 1000, elle allait bloquer le nantissement des parts qui nécessitaient l’unanimité. […] Et donc le deal capote. » Un coup de massue terrible, survenu au dernier moment. Pourtant, avec le recul, il voit cet événement différemment. « Pour la petite histoire, j’ai finalement cédé à un autre fonds d’investissement avec lequel j’ai eu une aventure beaucoup plus belle à l’arrivée. Donc merci à mon ex-femme, mais c’était quand même une galère, un stress. »
Cette capacité à voir le verre à moitié plein, il la puise dans son histoire personnelle. « J’ai eu quelques sujets privés, personnels un peu douloureux. […] J’ai perdu ma mère, j’avais 27 ans. Donc en gros, ça m’a donné une force incommensurable pour braver tout ce qui peut être sur la route d’un entrepreneur. » Pour lui, l’optimisme n’est pas une option, c’est une stratégie de survie et de succès.
Le secret de la réussite : s’entourer des bonnes personnes
Si l’entrepreneur est souvent seul à la barre, sa plus grande force réside dans l’équipage qu’il constitue. Hervé Bloch insiste sur ce point : « J’ai eu une très bonne idée, c’est vrai, mais j’ai surtout eu des collaborateurs. » Il cite en exemple Camille Dumont, arrivée comme stagiaire il y a 10 ans et aujourd’hui associée, ou encore Vincent, passé d’alternant à directeur associé.
La clé est de comprendre que l’on ne peut pas exceller dans tous les domaines. « Camille, elle faisait toute la partie logistique, opérationnelle et moi je suis nul sur ces sujets. […] De l’avoir à mes côtés dès le début pour qu’elle prenne tous ces sujets-là et que moi je me concentre sur les sujets business, animation, communauté, c’était quand même une grande force. » C’est la définition même de s’associer pour réussir en entrepreneuriat : trouver des personnes qui complètent ses compétences.
Cette reconnaissance va au-delà des mots. Lors de l’entrée d’un fonds d’investissement, il a tenu à partager le succès. « J’ai élargi à 42 personnes ce qu’on appelle un management package. […] Ces 42 personnes ont misé des tickets entre 1000 et 15000 € et ils ont démultiplié significativement ces sommes. […] Je suis très fier que ces gens aient pu gagner plusieurs dizaines de milliers, plusieurs centaines de milliers d’euros. » Pour Hervé Bloch, l’aventure entrepreneuriale est avant tout une aventure humaine, et le succès n’a de sens que s’il est partagé.
FAQ sur les galères d’entrepreneur
Quelles sont les plus grandes galères d’un entrepreneur au lancement ?
Au lancement, les plus grandes galères sont souvent un mélange de risques financiers élevés, d’imprévus logistiques et d’un modèle économique qui n’est pas encore rentable. L’entrepreneur doit souvent engager des frais importants avant même d’avoir la certitude que son concept fonctionnera.
« Il faut acheter toutes les chambres. […] Mon partenaire logistique me dit ‘bonne nouvelle, je t’ai trouvé un hôtel, 150 chambres. Par contre si vous êtes que 120, tu payeras les 150’. […] Au jour de l’événement, c’était pas rentable. » – Hervé Bloch
Comment un entrepreneur peut-il gérer une crise imprévue ?
Face à une crise, un entrepreneur doit agir vite, avec sang-froid et créativité. La clé est de ne pas subir la situation, mais de prendre des décisions rapides basées sur les données disponibles, et de chercher à transformer la contrainte en une opportunité unique.
« Laisse-moi 24 heures. Je fais une réunion de crise avec mes équipes et je demande à ce qu’on appelle tous les participants. […] Je décide de maintenir l’événement et je me dis ‘tiens, je vais remercier ces participants qui bravent les suggestions gouvernementales et je vais organiser un vaccinodrome’. » – Hervé Bloch
Quelles sont les qualités essentielles pour devenir un entrepreneur à succès ?
Un entrepreneur à succès doit idéalement combiner trois compétences majeures : une forte capacité commerciale et de la détermination, une vision marketing et produit claire, et de la rigueur dans la gestion administrative et financière. S’il manque une de ces qualités, il est crucial de s’associer avec quelqu’un qui la possède.
« J’estime que l’entrepreneur doit avoir trois qualités. La première, c’est la qualité commerciale. La deuxième, c’est le marketing, le produit, la vision. Et puis le troisième, c’est la gestion, l’administratif, le suivi financier. » – Hervé Bloch
Faut-il écouter toutes les critiques sur son entreprise ?
Il est important de distinguer les critiques constructives des critiques infondées. Un entrepreneur doit écouter sa communauté, mais ne doit pas se laisser déstabiliser par des détracteurs qui jugent sans connaître. La meilleure réponse est souvent de les inviter à tester le produit ou service pour se faire leur propre opinion.
« Bonjour, Hervé Bloch, je suis l’organisateur. Tu n’es jamais venu à mes événements. J’ai écouté toute la conversation. Pourquoi tu critiques ? […] Ce que je te propose c’est que je t’invite au prochain. Viens, teste et critique. » – Hervé Bloch
Comment transformer une difficulté ou un échec en opportunité ?
Transformer un échec en opportunité demande un état d’esprit résolument optimiste. Il s’agit de toujours chercher le ‘verre à moitié plein’ dans chaque situation difficile, que ce soit une crise sanitaire qui pousse à se digitaliser ou un deal qui capote mais mène à un meilleur partenaire financier.
« Il faut toujours voir dans une galère une opportunité et plutôt que de s’effondrer. Le Covid c’était quand même un truc de dingue. […] Je rencontre une société qui peut digitaliser l’événement, je finis par les racheter. Voilà, c’est maintenant mes partenaires. » – Hervé Bloch
Pourquoi est-il crucial de bien s’entourer quand on est entrepreneur ?
Il est crucial de bien s’entourer car un entrepreneur ne peut pas être expert en tout. Déléguer ses points faibles à des collaborateurs talentueux permet de se concentrer sur ses propres forces (comme le business et l’animation) et d’accélérer la croissance de l’entreprise.
« Camille, elle faisait toute la partie logistique opérationnelle et moi je suis nul sur ces sujets. […] De l’avoir quand même à mes côtés dès le début pour que elle prenne tous ces sujets-là et que moi je me concentre sur les sujets business, c’était quand même une grande force. » – Hervé Bloch
Comment construire une marque forte, même si elle est clivante ?
Pour construire une marque forte, il faut assumer son identité, même si elle est clivante. Une marque qui ne laisse pas indifférent suscite des réactions fortes, positives comme négatives, ce qui crée une notoriété et une communauté d’ambassadeurs engagés. Avec le temps, on peut faire évoluer l’image pour l’institutionnaliser sans perdre son ADN.
« On essaie de gommer pour ces formats la marque Big Boss parce qu’elle est très connue mais elle est très clivante. […] Les gens ils disent que si tu as une forme commerciale assez relationnelle, tu vas marquer des points. Si tu es plutôt conventionnel, il y a des formats plus statutaires. » – Hervé Bloch
Comment garder sa motivation face aux difficultés permanentes de l’entrepreneuriat ?
Pour garder sa motivation, il faut cultiver l’optimisme et apprendre à voir chaque galère comme une étape et non comme une fin en soi. Les épreuves personnelles passées peuvent aussi forger une force mentale et une résilience qui aident à relativiser les défis professionnels et à toujours aller de l’avant.
« Moi je j’apprends à mes filles le verre à moitié plein et le voir à moitié vide. Il faut toujours avoir le verre à moitié plein. […] Bien sûr qu’il y a des galères mais on a eu des réussites de dingue. » – Hervé Bloch