D’une frustration d’étudiant à une success story de la mode française
Toutes les grandes histoires d’entrepreneurs commencent souvent par un détail, une frustration, un ‘et si ?’. Pour nous, l’histoire de Bobbies n’a pas commencé dans un grand bureau avec un business plan de cinquante pages, mais lors d’une année de césure, à travers des échanges de mails entre deux amis de longue date. Je m’appelle Antoine Bolze, et avec mon ami et associé Alexis Maugey, nous avons co-fondé Bobbies en 2010. À l’époque, nous étions loin de nous imaginer que cette aventure nous mènerait là où nous sommes aujourd’hui. Notre point de départ était simple, presque banal : nous aimions les mocassins à picots, mais nous ne trouvions pas notre bonheur. Le marché semblait polarisé entre des modèles de luxe inaccessibles et des alternatives peu qualitatives ou manquant de style. Cette frustration, ce sentiment de ‘ne pas trouver chaussure à son pied’, a été l’étincelle.
Dans un monde où lancer sa marque semble aujourd’hui à la portée de tous grâce au digital, il faut se replonger en 2009-2010. L’écosystème des DNVB (Digital Native Vertical Brands) n’existait pas vraiment, l’entrepreneuriat n’était pas aussi ‘glamour’ qu’aujourd’hui, et l’idée de deux étudiants en finance se lançant dans la mode pouvait paraître audacieuse, voire insensée. Pourtant, c’est précisément ce décalage qui a fait notre force. Nous n’avions pas les codes, pas de réseau dans la mode, mais nous avions une conviction : créer le produit que nous-mêmes et nos amis rêvions de porter. Comment passe-t-on d’une simple idée échangée par mail à une première vente événement qui dépasse toutes les espérances ? Comment construit-on une marque reconnue, qui emploie aujourd’hui plus de 70 personnes, en partant de zéro ?
Cet article n’est pas une leçon théorique, mais le récit authentique de notre parcours. Je vais vous partager les coulisses de la naissance de Bobbies, de notre lancement ‘artisanal’ qui nous a permis de vendre 500 paires en une journée, à la construction patiente de notre marque, en passant par nos choix stratégiques en matière de production, de distribution et de management. Vous découvrirez comment, avec de l’intuition, beaucoup de travail et la force du réseau, il est possible de transformer une frustration en une entreprise florissante. C’est l’histoire d’une aventure humaine, celle de deux amis qui ont décidé de prendre leur destin en main.
La naissance de Bobbies : l’idée qui a tout changé
L’origine d’un projet est souvent ce qui en définit l’âme. Pour Bobbies, tout est parti d’un produit, d’une obsession partagée pour un style de chaussure bien particulier. C’est cette focalisation sur un produit de niche qui nous a permis de nous lancer avec une proposition de valeur claire et une cible bien définie : nous-mêmes et notre cercle d’amis. Cette approche, bien que non théorisée à l’époque, s’est avérée être la clé pour percer un marché aussi compétitif que celui de la mode. Il ne s’agissait pas de révolutionner l’industrie, mais de répondre à un besoin précis, avec un produit de grande qualité, un style affirmé et un prix juste.
Trouver le produit parfait : la quête du mocassin à picots
En 2009, Alexis et moi étions en année de césure, dans des secteurs qui, pour être honnête, ne nous passionnaient pas plus que ça. Lui comme moi étions dans la finance, un univers très formel. Pour nous évader, nous parlions beaucoup de ce qui nous plaisait vraiment, et la mode en faisait partie. Notre discussion revenait sans cesse sur un point : l’impossibilité de trouver des mocassins à picots qui cochent toutes les cases. D’un côté, il y avait les marques iconiques, magnifiques mais hors de prix pour des étudiants. De l’autre, des produits d’entrée de gamme qui manquaient cruellement de personnalité, de qualité et de belles couleurs. Il y avait un vide à combler.
‘On trouvait que sur le marché il y avait des choses sympa mais parfois très chères ou des choses plus abordables mais pas forcément très sexy et nous étant fans de ce produit, on avait toujours un peu cette frustration de pas trouver sans mauvais jeu de mots chaussures à notre pied.’
Cette frustration n’était pas seulement la nôtre, nous en étions convaincus. Nos amis partageaient le même constat. Le ‘client idéal’, c’était nous. Cela simplifiait tout : nous savions exactement ce que nous voulions en termes de design, de couleurs, de matières. L’idée n’était pas de faire une étude de marché complexe, mais de créer le mocassin que nous chercherions à acheter. C’est une approche très personnelle, mais qui garantit une authenticité et une passion sincères dans le produit. C’est ce qui, je pense, a immédiatement plu. Les gens ont senti que ce n’était pas un simple calcul marketing, mais un projet né d’un véritable amour pour le produit.
De l’idée à l’action : le pari audacieux de deux amis
L’idée a germé en septembre 2009. Ce qui est amusant, c’est que nous avons monté une bonne partie du projet à distance. Nous n’étions ni dans la même entreprise, ni même dans la même ville pendant un temps, puisqu’Alexis est parti en Erasmus en Italie. Tout s’est fait par des échanges de mails, des appels. On était ce que j’appelle des ‘stagiaires frustrés’. Cette frustration a été un moteur incroyable. Plutôt que de subir une situation professionnelle qui ne nous convenait pas, nous avons canalisé notre énergie dans la création de quelque chose qui nous appartenait. Le passage à l’action a été étonnamment rapide. En quelques mois, l’idée est devenue un projet concret : il fallait trouver un nom, un logo, et surtout, un fabricant.
‘Nous est venu un peu l’idée comme ça à travers des échanges de mail de stagiaire frustré en en année de césure de de créer une marque de moca à Pico tout simplement pour les hommes donc avec comme référentiel clients finalement nous-mêmes et nos amis.’
La décision la plus radicale a été de quitter nos stages respectifs avant même d’avoir vendu une seule paire. Alexis a terminé en décembre, et j’ai démissionné en janvier-février. C’était un saut dans le vide. Nous n’avions aucune garantie de succès, mais nous savions que pour donner une vraie chance au projet, il fallait s’y consacrer à 100%. On ne peut pas construire une marque à mi-temps. Cette décision nous a obligés à être agiles, créatifs et à faire en sorte que notre première vente soit un succès. C’était un risque énorme, mais c’est ce qui a rendu l’aventure si excitante et nous a poussés à nous dépasser dès le premier jour.
Ce passage de l’idée à l’action est souvent l’étape la plus difficile pour un entrepreneur. La peur de l’échec, le confort d’un statut de salarié, les doutes de l’entourage… sont autant de freins. Pour nous, la force de notre amitié et notre vision partagée ont été déterminantes. Nous étions deux, ce qui nous a permis de nous soutenir mutuellement dans les moments de doute. Et notre jeunesse a été un atout : nous avions peu à perdre et tout à gagner. C’est cet état d’esprit qui a défini les débuts de Bobbies.
Le lancement légendaire : comment vendre 500 paires de chaussures en 24 heures
Le moment du lancement est un concentré d’adrénaline, d’espoir et de stress. Pour nous, il a pris la forme d’une vente privée organisée dans un appartement parisien en avril 2010. Le résultat a dépassé nos rêves les plus fous : en une seule journée, nous avons vendu près de 500 paires. Ce succès n’est pas le fruit du hasard, mais d’une stratégie simple, presque ‘artisanale’, qui reposait sur deux piliers : la force de notre réseau personnel et l’utilisation intelligente des outils de l’époque, à savoir Facebook. Ce lancement a non seulement validé notre concept, mais il nous a aussi donné la trésorerie et la crédibilité nécessaires pour voir plus grand. C’est la preuve qu’on peut faire beaucoup de bruit avec très peu de moyens, à condition d’avoir un bon produit et une approche authentique.
La stratégie ‘low-tech’ : le pouvoir insoupçonné du réseau et de Facebook
En 2010, le paysage des réseaux sociaux était radicalement différent. La publicité sur Facebook n’existait pas en France, ou était à ses balbutiements. La portée organique était reine. Quand un ami ‘aimait’ une page, tous ses contacts le voyaient. C’était un effet boule de neige naturel que nous avons su exploiter. Notre stratégie a été d’une simplicité désarmante : nous avons créé un événement et un groupe Facebook. Pour le rendre plus sympathique et mémorable, nous avons créé un personnage, ‘Jean Bobby’, notre mascotte pélican. C’est Jean Bobby qui invitait les gens à l’événement. Cette personnification a ajouté une touche d’humour et de proximité qui a bien fonctionné.
‘On a fait un mini buzz en gros sur Facebook et ce qui fait que nous on pensait s’adresser qu’à nos amis voir à nos amis d’amis et qu’en fait le message s’est bien répandu dans Paris, on va dire parce que Alexis et moi on est on est parisien donc tous nos cercle d’amis est plutôt parisien.’
Nous avons commencé par inviter notre premier cercle d’amis. Eux-mêmes ont invité leurs propres amis, et ainsi de suite. Le message s’est propagé de manière exponentielle bien au-delà de notre réseau initial. L’algorithme de l’époque a fait le reste. Nous pensions toucher quelques centaines de personnes, mais en réalité, l’événement a été vu par des milliers de Parisiens. Ce qui est fascinant, c’est que cette méthode, aujourd’hui impensable sans un budget publicitaire conséquent, était alors la norme. Cela montre à quel point il est crucial de comprendre les outils de son époque et de les utiliser de manière créative. Nous n’avions pas d’agence de communication, pas de budget marketing. Notre seule ressource était notre carnet d’adresses et notre compréhension intuitive de la plateforme.
Le jour J : l’organisation d’une vente privée qui a dépassé toutes les attentes
Le jour de la vente, nous avions transformé les bureaux du père de mon associé en boutique éphémère. Nous avions reçu une partie de notre stock, environ 800 paires. L’ouverture était prévue à midi. Je suis descendu vers 11h30 pour vérifier que tout était en place, et là, le choc. Une file d’attente s’était formée dans la rue. Et le plus incroyable, c’est que je ne connaissais presque personne. C’étaient les amis d’amis, et les amis d’amis d’amis, attirés par le bouche-à-oreille digital. Ce moment a été une validation incroyable de notre projet. Voir des inconnus faire la queue pour acheter un produit que nous avions imaginé quelques mois plus tôt dans notre coin est un sentiment indescriptible.
‘Merveilleux, il y avait je sais pas une trentaine, quarantaine de personnes que je connaissais pas qui faisaient la queue devant les bureaux et là je bah bah forcément j’étais j’étais assez content quoi.’
Ce succès a été amplifié par une anecdote qui montre l’importance de la chance dans un parcours d’entrepreneur. En préparant le lancement, nous avions fait face à un imprévu logistique majeur : l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, qui avait paralysé tout le trafic aérien en Europe. Une partie de notre stock, que nous faisions venir en express du Portugal, était bloquée. Heureusement, nous avions reçu suffisamment de paires pour assurer la vente. Cette journée a été un tourbillon. Nous avons passé des heures à conseiller les clients, à emballer les boîtes, à gérer la caisse. À la fin de la journée, le constat était sans appel : près de 500 paires vendues. C’était bien plus qu’un succès commercial. C’était la naissance officielle de Bobbies aux yeux du public.
Cette expérience fondatrice a forgé notre approche. Elle nous a appris que l’authenticité et la proximité avec les clients sont essentielles. Les ventes privées sont d’ailleurs restées un format que nous apprécions, même si aujourd’hui elles servent davantage à vendre des prototypes ou des modèles uniques. Elles nous permettent de garder ce contact direct et précieux avec notre communauté, ce qui est fondamental pour une marque qui a commencé son histoire dans un appartement, entourée d’amis.
Bâtir une marque durable : les piliers de la croissance de Bobbies
Un lancement réussi est une chose, mais construire une marque qui dure dans le temps en est une autre. Après l’euphorie de la première vente, le véritable défi a commencé : comment structurer notre croissance ? Comment passer d’un événement ponctuel à une activité pérenne ? Très tôt, nous avons compris que notre développement devait reposer sur plusieurs piliers solides. Le premier, non négociable, était la qualité irréprochable de notre produit, ce qui nous a conduits naturellement vers le Portugal. Le deuxième a été d’embrasser le digital dès le début, en lançant notre site e-commerce en 2010, à une époque où c’était encore peu commun pour une jeune marque de mode. Enfin, nous avons opté pour une distribution multicanale, en combinant notre propre site, des revendeurs physiques et des grands magasins. Cette stratégie diversifiée nous a permis de construire une présence forte et de toucher différents types de clients, assurant ainsi la résilience et la croissance de Bobbies sur le long terme.
Le choix stratégique du Portugal : plus qu’un fournisseur, un partenaire
Dès le début, la qualité a été notre obsession. Pour nos mocassins, nous voulions les plus belles matières et un savoir-faire impeccable. Nos recherches nous ont très vite orientés vers le Portugal. Ce choix n’était pas anodin. Le Portugal possède une tradition ancestrale dans la fabrication de chaussures, un véritable artisanat qui se transmet de génération en génération. C’était pour nous un gage de qualité, mais aussi d’agilité. Contrairement à d’autres pays producteurs, les ateliers portugais étaient capables de travailler sur de plus petites séries, ce qui était parfait pour une jeune marque comme la nôtre qui ne pouvait pas commander des milliers de paires d’un coup.
‘Le Portugal a un savoir-faire vraiment ancestral sur la chaussure et qui ne fait que de s’améliorer parce que aujourd’hui toutes les toutes les grandes maisons se tournent soit vers le Portugal, soit vers l’Italie.’
De plus, cette décision faisait sens d’un point de vue logistique et éthique. Rester en Europe nous permettait une plus grande réactivité et facilitait les échanges. Nous avons aussi découvert la cohérence de la filière. Les plus belles peaux, notamment le veau velours, viennent souvent de France. Elles sont ensuite traitées dans les meilleures tanneries, qui se trouvent en Italie. Et enfin, elles sont assemblées au Portugal. C’est un circuit court européen, gage de qualité et de traçabilité. Ce choix, fait il y a plus de dix ans, est aujourd’hui au cœur des préoccupations des consommateurs. Au fil des années, notre relation avec le Portugal s’est intensifiée. Nous avons commencé avec un seul atelier ; aujourd’hui, nous travaillons avec neuf, et nous avons même monté notre propre structure sur place pour gérer le contrôle qualité, le sourcing et la logistique. Le Portugal n’est pas juste un lieu de production pour nous, c’est une extension de Bobbies.
Le digital au cœur du réacteur : pionniers de l’e-commerce dès 2010
Parallèlement à notre première vente physique, nous avons lancé notre site e-commerce, bobbies.fr. En 2010, c’était un pari. Le commerce en ligne de mode en était à ses débuts, et les consommateurs n’avaient pas encore le réflexe d’acheter des chaussures sans les essayer. Pourtant, nous étions convaincus que c’était l’avenir. Le lancement du site a d’ailleurs été précipité par un coup de chance. Nous avions envoyé un dossier de presse à quelques journalistes, et l’une d’entre elles, du journal Métro, nous a appelés pour nous dire qu’un article sur nous paraîtrait le lendemain. Le problème ? Le site n’était pas encore en ligne ! Notre développeur de l’époque, qui est aujourd’hui un associé clé, a travaillé toute la nuit pour le mettre en ligne à temps.
‘On s’est réveillé le matin il y avait déjà je sais pas une trentaine de commandes passées sur Bobbys.com. C’est c’est ouf… Franchement on était on était excité quoi on s’est pris pour les rois du monde quoi.’
Ce premier jour a été une révélation. Se réveiller et voir une trentaine de commandes passées pendant la nuit, c’était magique. Cela nous a immédiatement montré la puissance de ce canal de vente. Bien sûr, tout était différent à l’époque. Les standards de l’e-commerce n’avaient rien à voir. Nous préparions les colis nous-mêmes, et un délai de livraison d’une semaine était considéré comme normal. Aujourd’hui, si le client n’a pas de notification d’expédition en 24 heures, il s’inquiète. Cette évolution des attentes montre à quel point le secteur s’est professionnalisé. Mais le fait d’avoir été des pionniers nous a donné un avantage considérable. Nous avons appris les métiers du web très tôt, nous avons construit notre base de données clients, et nous avons développé une relation directe avec notre communauté, sans intermédiaire. Le digital est et reste l’un des piliers fondamentaux de notre modèle.
Une distribution multicanale intelligente : Web, retail et grands magasins
Dès la première saison, nous n’avons pas voulu mettre tous nos œufs dans le même panier. En plus de notre site et des ventes privées, nous avons immédiatement cherché à être présents en physique. Avoir du stock dès le départ nous a permis d’approcher des revendeurs, des petites boutiques de province aux grands magasins parisiens. Le fait d’être référencé au Printemps dès notre première année a été un formidable accélérateur de crédibilité. Pour une marque inconnue lancée par deux jeunes de 23 ans, être validé par une telle institution était un gage de sérieux qui rassurait les clients, que ce soit en ligne ou en boutique.
Cette stratégie multicanale a toujours été au cœur de notre développement. Chaque canal nourrit les autres. Un client peut découvrir la marque en se promenant au Printemps, puis acheter plus tard sur notre site. Une autre peut voir une publicité en ligne, puis se rendre dans une de nos boutiques pour essayer le produit. Aujourd’hui, nous avons notre propre réseau de cinq boutiques en propre à Paris et à Lyon, un e-shop qui livre dans le monde entier, et des centaines de revendeurs. Cette complémentarité est essentielle. Elle permet de construire une image de marque forte et cohérente, tout en offrant au client une expérience d’achat fluide, quel que soit son point de contact avec Bobbies. C’est plus complexe à gérer qu’un modèle 100% digital, mais nous sommes convaincus que c’est ce qui crée une relation plus profonde et plus durable avec nos clients.
L’art du management chez Bobbies : rester opérationnel et proche du produit
Au fur et à mesure que Bobbies grandissait, passant de deux amis à une équipe de plus de 70 personnes réparties sur quatre sites, l’un de nos plus grands défis a été de conserver l’esprit des débuts. Comment préserver cette agilité, cette passion pour le produit et cette culture de la proximité quand l’entreprise se structure ? Pour Alexis et moi, la réponse a toujours été claire : il faut rester dans l’opérationnel. Nous n’avons jamais voulu devenir des dirigeants déconnectés, enfermés dans des réunions stratégiques. Notre plaisir, et ce que nous pensons être notre plus grande valeur ajoutée, c’est d’avoir les mains dans le cambouis, que ce soit en participant au développement des collections, en réfléchissant aux campagnes marketing ou en travaillant sur l’aménagement de nos boutiques. Cette implication est le ciment de notre culture d’entreprise, qui se veut avant tout collaborative et passionnée.
Le rôle du co-fondateur : de la logistique à la stratégie globale
Mon rôle, comme celui d’Alexis, a évidemment beaucoup évolué en dix ans. Au début, nous faisions tout : de la conception des modèles à la préparation des colis dans ma chambre, en passant par le service client. Je me souviens encore aller à La Poste avec un caddie rempli de boîtes de chaussures. Aujourd’hui, l’entreprise est structurée en pôles avec des responsables compétents. Mon rôle principal est de piloter le développement de notre réseau de boutiques, le ‘retail’. Mais je reste très impliqué dans le pôle ‘style’. Je ne suis pas le designer principal, ce rôle est celui d’Alexis et de son équipe, mais j’interviens au moment de la création des collections pour donner des inspirations, challenger des idées, m’assurer que nous restons fidèles à notre ADN.
‘On aime bien être dans l’opérationnel en fait. On a pas juste envie d’être dans notre petit bureau voilà à penser stratégie et tout parce que en fait le le succès d’une société c’est aussi le au jour le jour, c’est pas que avoir des des bonnes idées.’
Cette philosophie est cruciale. Avoir des idées, c’est facile. Ce qui est difficile, c’est de les exécuter correctement. Et pour cela, il faut être sur le terrain, comprendre les contraintes, écouter les équipes. Je travaille aussi avec nos équipes marketing sur les campagnes publicitaires, et bien sûr, j’ai un rôle de co-dirigeant qui consiste à animer la société et à penser à l’avenir. Mais cette vision stratégique est toujours nourrie par notre implication quotidienne. C’est ce qui nous permet, je l’espère, de prendre les bonnes décisions, car elles sont ancrées dans la réalité de l’entreprise et du marché.
Une culture d’entreprise collaborative et passionnée
Cette implication des fondateurs infuse toute la culture de l’entreprise. Nous ne croyons pas à un modèle hiérarchique où les décisions sont prises au sommet et appliquées sans discussion. Au contraire, nous favorisons la concertation et l’intelligence collective. Un exemple très concret : il y a quelques jours, nous travaillions sur la future collection femme. Plutôt que de décider en petit comité avec l’équipe de style, nous avons organisé une réunion avec toutes les femmes du siège, une quinzaine de personnes issues de tous les services (SAV, compta, marketing…). Nous leur avons présenté tous les prototypes et nous leur avons demandé leur avis : qu’est-ce que vous aimez ? Qu’est-ce que vous n’aimez pas ?
‘Ce n’est pas la direction qui qui choisit et puis tout le monde tout le monde suit. C’est il y a beaucoup de choses qui se font en concertation. […] Ce qui fait que en plus à terme, j’adhère à la globalité de la boîte et je suis pas là entre guilleguillemets que pour faire mon travail.’
Cette démarche est incroyablement riche. Non seulement elle nous apporte des retours précieux de nos premières clientes, mais elle implique aussi tout le monde dans la vie du produit. Une personne qui travaille au service client et qui a donné son avis sur un modèle se sentira bien plus engagée et sera plus à même d’en parler avec passion aux clients. Cela crée un sentiment d’appartenance très fort. Nous avons la chance d’avoir des équipes composées de gens passionnés par la marque et le produit. Ils portent nos chaussures, ils croient en ce que nous faisons. C’est notre plus grand atout. Faire en sorte que chacun, quel que soit son poste, se sente contributeur au succès global de Bobbies, c’est la clé pour que la machine continue d’avancer avec le même enthousiasme et la même énergie qu’à ses débuts.
Conclusion : 10 ans de Bobbies, et ce n’est que le début
En regardant le chemin parcouru depuis ces premiers échanges de mails en 2009, je ressens une immense fierté. Bobbies est née d’une intuition, d’une frustration partagée entre deux amis, et s’est construite étape par étape, sans jamais brûler les étapes. Notre histoire est une démonstration que l’entrepreneuriat n’est pas réservé à une élite ou à ceux qui ont des moyens financiers colossaux. C’est avant tout une aventure de passion, de persévérance et de bon sens. Nous avons appris sur le tas, en faisant des erreurs, mais toujours guidés par une obsession : créer de beaux produits, de grande qualité, et construire une relation sincère avec nos clients.
Les leçons que je tire de ces dix années sont simples mais fondamentales. D’abord, tout part du produit. Sans un produit que l’on aime profondément et qui répond à un vrai besoin, aucune stratégie marketing ne peut fonctionner sur le long terme. Ensuite, la force du collectif est irremplaçable. Que ce soit notre duo avec Alexis, la puissance de notre réseau au démarrage, ou l’engagement de nos 70 collaborateurs aujourd’hui, Bobbies est une aventure humaine. Enfin, il faut savoir s’adapter tout en restant fidèle à ses valeurs. Nous avons embrassé le digital très tôt, nous avons développé notre réseau de boutiques, nous avons élargi notre gamme, mais toujours en gardant cet ADN fait de joie de vivre, de couleurs et d’authenticité.
Pour tous ceux qui rêvent de se lancer, j’espère que notre parcours sera une source d’inspiration. N’attendez pas d’avoir l’idée parfaite ou le plan infaillible. Partez de ce qui vous anime, de ce qui vous manque dans votre quotidien. Parlez-en autour de vous, testez votre concept à petite échelle, et lancez-vous. Le plus important n’est pas de ne jamais tomber, mais de toujours se relever, avec la même passion qu’au premier jour. L’histoire de Bobbies est loin d’être terminée, et nous sommes plus enthousiastes que jamais à l’idée d’écrire les prochains chapitres.
Questions fréquentes sur l’histoire de Bobbies et le lancement d’une marque
Comment Bobbies a-t-elle trouvé son idée de produit initial ?
L’idée de Bobbies est née d’une frustration personnelle partagée par les deux co-fondateurs, Antoine Bolze et Alexis Maugey. Pendant leur année de césure en 2009, ils étaient tous les deux fans de mocassins à picots mais ne trouvaient pas de modèle qui leur convenait sur le marché. Ils constataient un écart entre les marques de luxe, très chères, et les options plus abordables qui manquaient de style et de qualité. Ils ont donc décidé de créer la marque qu’ils auraient voulu trouver en tant que clients, en se basant sur leurs propres goûts et ceux de leurs amis.
‘On aimait bien les mocassins à picot et voilà on on trouvait que sur le marché il y avait des choses sympa mais parfois très chères ou des choses plus abordables mais pas forcément très sexy et et nous étant fans de ce produit, on avait toujours un peu cette frustration de pas trouver sans mauvais jeu de mots chaussures à notre pied.’
Quelle a été la stratégie exacte pour le lancement de la première collection ?
La stratégie de lancement de Bobbies en avril 2010 a été remarquablement simple et efficace, reposant sur des moyens très limités. Les fondateurs ont organisé une vente privée dans un appartement parisien. Pour promouvoir l’événement, ils n’ont pas utilisé de publicité payante mais ont créé un groupe et un événement sur Facebook, personnifiés par leur mascotte ‘Jean Bobby’. Ils ont invité leur réseau d’amis, qui a à son tour invité d’autres personnes, créant un effet ‘boule de neige’ viral. Cette approche a généré un ‘mini-buzz’ qui a attiré une foule bien au-delà de leur cercle initial, leur permettant de vendre près de 500 paires en une seule journée.
‘On avait fait un groupe Facebook tout simplement avec un avec un événement et […] on a fait un mini buzz en gros sur Facebook et ce qui fait que nous on pensait s’adresser qu’à nos amis voir à nos amis d’amis et qu’en fait le message s’est bien répandu dans Paris.’
Pourquoi Bobbies a-t-elle choisi de fabriquer ses chaussures au Portugal ?
Le choix du Portugal comme lieu de fabrication a été stratégique dès le début pour plusieurs raisons clés. Premièrement, le Portugal est reconnu pour son savoir-faire ancestral et la haute qualité de sa confection de chaussures. Deuxièmement, les ateliers portugais offraient une grande agilité, permettant de démarrer avec de petites séries de production, ce qui était essentiel pour une jeune marque. Enfin, ce choix s’inscrivait dans une logique de circuit court européen, avec des cuirs venant de France, traités dans des tanneries italiennes et assemblés au Portugal, garantissant qualité, réactivité et une logistique simplifiée sans frais de douane.
‘Le Portugal a un savoir-faire vraiment ancestral sur la chaussure et qui ne fait que de s’améliorer […] voulant un produit très qualitatif, le le Portugal s’est imposé assez facilement.’
Quel a été le rôle du digital dans les débuts de la marque ?
Le digital a joué un rôle central et fondateur pour Bobbies, bien avant que le terme DNVB ne soit popularisé. Dès 2010, en parallèle de leur première vente physique, ils ont lancé leur propre site e-commerce. Ce canal leur a permis de toucher directement une clientèle nationale et de générer des ventes dès le premier jour, notamment grâce à un article de presse inattendu. Être un ‘pionnier’ de la vente de chaussures en ligne à cette époque leur a donné un avantage compétitif, leur permettant de construire une relation directe avec leur communauté et de maîtriser leur distribution très tôt, à une époque où peu de marques de leur taille osaient le faire.
‘Le site web qu’on avait lancé à peu près en même temps que la vente privée […] on s’est réveillé le matin il y avait déjà je sais pas une trentaine de commandes passées sur Bobbys.com. C’est c’est ouf.’
Comment les fondateurs de Bobbies ont-ils géré la croissance de l’entreprise ?
La croissance de Bobbies a été gérée en maintenant une implication très forte et ‘opérationnelle’ des deux co-fondateurs. Plutôt que de se cantonner à un rôle purement stratégique, Antoine et Alexis sont restés très proches du produit, du style et des équipes. Ils ont structuré l’entreprise en pôles (logistique, retail, siège) tout en favorisant une culture collaborative où les décisions importantes, comme la validation d’une collection, se font en concertation avec des employés de différents départements. Cette approche a permis de ne pas perdre l’ADN de la marque et de s’assurer que la croissance ne se fasse pas au détriment de la qualité ou de la cohésion d’équipe.
‘On aime bien être dans l’opérationnel en fait. On a pas juste envie d’être dans notre petit bureau voilà à penser stratégie et tout parce que en fait le succès d’une société c’est aussi le au jour le jour.’
Quelle est la culture d’entreprise chez Bobbies ?
La culture d’entreprise chez Bobbies est très collaborative et centrée sur le produit. Elle se caractérise par une faible hiérarchie où les idées et les retours de chacun sont valorisés, quel que soit le poste. Les décisions ne sont pas imposées par la direction mais sont souvent le fruit de discussions collectives. Un exemple marquant est l’implication des employées de tous les services dans le processus de création des collections. Cette approche vise à ce que chaque collaborateur se sente investi dans la globalité du projet, adhère à la vision de la marque et ne se sente pas cantonné à sa seule fiche de poste, ce qui crée un fort sentiment d’appartenance.
‘C’est pas la direction qui qui choisit et puis tout le monde tout le monde suit. C’est il y a beaucoup de choses qui se font en concertation […] ce qui fait que en plus à terme, j’adhère à la globalité de la boîte et je suis pas là entre guillemets que pour faire mon travail.’
Comment lancer une marque de mode avec peu de moyens en s’inspirant de Bobbies ?
S’inspirer du lancement de Bobbies pour créer sa marque avec peu de moyens implique plusieurs principes. D’abord, partir d’un produit de niche qui répond à une frustration personnelle, ce qui garantit l’authenticité et une cible initiale claire. Ensuite, capitaliser sur son réseau personnel et les outils de communication gratuits ou peu coûteux (comme Facebook à l’époque) pour créer un engouement initial. Organiser un événement de lancement physique, comme une vente privée, peut créer un sentiment d’urgence et de communauté. Enfin, il est crucial d’être agile, de commencer avec de petites quantités et de réinvestir les premiers bénéfices pour financer la croissance, sans chercher à tout faire parfaitement dès le début.
‘On a commandé je crois quelque chose comme 800 ou 1000 paires. […] voilà, on s’est retrouvé avec un stock. […] On avait organisé [la vente] dans le premier arrondissement dans dans dans les bureaux du du père de mon associé.’




