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Pourquoi vos clients ne font pas ce qu’ils disent – avec Selim Messaï – Episode 222 – on parle de sciences comportementales

Épisode diffusé le 14 mars 2024 par Estelle Ballot

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Vous pensez avoir convaincu votre client ? Voici pourquoi il n’achètera (peut-être) pas

Vous est-il déjà arrivé de dire une chose et de faire son parfait contraire ? D’affirmer avec la plus grande sincérité que vous alliez vous inscrire à la salle de sport demain, pour finalement rester sur votre canapé ? Ou de promettre de trier vos déchets plus rigoureusement, avant de retomber dans vos vieilles habitudes ? Rassurez-vous, comme le disait si bien Estelle Ballot en introduction de notre échange : ‘Évidemment, on n’est pas parfait. On l’a tous fait’. Le problème, c’est que si cette petite dissonance est anodine à notre échelle, elle devient un véritable casse-tête lorsque ce sont nos clients qui l’appliquent. Ils sont convaincus, ils adorent votre produit, ils vous disent ‘oui, c’est exactement ce qu’il me faut’, mais au moment décisif, ils n’appuient pas sur le bouton ‘acheter’.

Cette situation, aussi frustrante soit-elle, porte un nom : le ‘say versus do gap’, ou l’écart entre ce que l’on dit et ce que l’on fait. Ce n’est pas une simple anecdote, mais un phénomène profondément étudié par les spécialistes des sciences comportementales, car ses implications sont immenses, que ce soit en politique, en santé publique, et bien sûr, en marketing. Quand un client vous assure de son intérêt mais ne passe jamais à l’acte, tout votre travail de conviction semble s’évaporer. On se sent impuissant, on se demande ce qu’on a raté. Et si le problème n’était pas dans votre argumentaire, mais dans les mécanismes invisibles qui régissent la prise de décision humaine ?

Dans cet article, nous allons plonger au cœur de la psychologie du consommateur pour disséquer ce fameux ‘say-do gap’. En tant que fondateur de Mutacio, un cabinet qui accompagne les organisations à agir sur les comportements, je vais vous partager les clés pour non seulement comprendre ce phénomène, mais surtout, pour le dépasser. Nous verrons comment une géant comme McDonald’s a perdu plus de 300 millions de dollars en l’ignorant, et comment vous, à votre échelle, pouvez mettre en place des stratégies concrètes pour transformer les intentions de vos clients en actions réelles. Préparez-vous à voir le marketing sous un angle nouveau, celui de la nature humaine, avec ses biais, ses émotions et ses surprenantes contradictions.

Les sciences comportementales : décrypter l’humain derrière le consommateur

Avant de plonger dans le vif du sujet, il est essentiel de poser les bases. Quand on parle de sciences comportementales, beaucoup imaginent des concepts théoriques, complexes, voire un peu intimidants. Le mot ‘science’ peut mettre à distance. Pourtant, il s’agit d’outils incroyablement concrets et puissants. Comme je l’expliquais, les sciences comportementales, toujours au pluriel, sont ‘un agrégat de plusieurs disciplines’ : la psychologie cognitive, les neurosciences, l’économie comportementale… Leur but n’est pas de rester dans la théorie, mais bien de ‘trouver des leviers d’action sur non pas ce que les gens pensent, mais sur ce que les gens font’.

Cette approche marque une rupture fondamentale avec la vision économique classique qui a longtemps prévalu. Pendant des décennies, le marketing s’est basé sur l’idée d’un ‘homo economicus’, un consommateur parfaitement rationnel, qui pèse le pour et le contre de chaque décision de manière logique et délibérée. Or, les travaux de psychologues et d’économistes comme Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie) dans les années 70-80 ont démontré le contraire. Nos agissements sont en réalité truffés de biais et soumis à des forces invisibles. Comprendre ces forces est la première étape pour créer un marketing plus efficace. J’en distingue principalement trois :

1. Nous sommes des êtres sociaux

Notre comportement dépend énormément des autres. Nous sommes câblés pour observer ce que fait notre entourage et nous y conformer. C’est ce qu’on appelle le biais de conformité ou la preuve sociale. Si vous lancez un nouveau service et que personne dans l’entourage de votre client ne l’utilise, il sera beaucoup plus difficile pour lui de faire le premier pas, même s’il est convaincu. Il se demandera : ‘Pourquoi suis-je le seul ? Est-ce que je rate quelque chose ?’. Inversement, voir que d’autres personnes, surtout celles qui nous ressemblent, ont déjà adopté un comportement nous rassure et nous incite à faire de même.

2. Nous sommes des êtres de contexte

Une même personne peut agir de manière radicalement différente selon l’environnement dans lequel elle se trouve. Comme je le disais, ‘un individu dans un contexte donné peut agir de façon radicalement différente au contexte’. Pensez à votre propre comportement : êtes-vous le même au bureau, en famille, ou avec des amis ? Le contexte d’achat est tout aussi crucial. Un client qui navigue sur votre site depuis son canapé, un soir de semaine, n’est pas dans le même état d’esprit que celui qui découvre votre produit dans un magasin bondé un samedi après-midi. Le temps disponible, le niveau de stress, l’environnement physique ou digital… tout cela influence la décision finale. Ignorer le contexte, c’est comme essayer de faire pousser une plante sans se soucier de la qualité de la terre.

3. Nous sommes des êtres très émotionnels

Nous aimons penser que nos décisions sont le fruit d’une mûre réflexion. La réalité est souvent inverse. La plupart de nos choix sont d’abord dictés par nos émotions, nos intuitions, nos habitudes. Ensuite seulement, nous utilisons notre logique pour justifier ce choix a posteriori. C’est ce que j’appelle la post-rationalisation. ‘On a tendance à post rationaliser, à expliquer que nos décisions sont très logiques et très réfléchies mais en fait, on l’est pas tant que ça’. Le travail du marketeur n’est donc pas seulement d’apporter des arguments logiques, mais aussi de créer une connexion émotionnelle, de rassurer, de susciter l’enthousiasme, car c’est souvent là que la véritable décision se joue.

En résumé, les sciences comportementales nous offrent une grille de lecture beaucoup plus réaliste et nuancée du consommateur. Elles nous rappellent que pour agir sur les comportements, il faut d’abord comprendre la complexité de l’être humain qui se cache derrière chaque clic et chaque achat.

Le ‘Say-Do Gap’ : quand les intentions ne deviennent pas des actions

Maintenant que nous avons posé le cadre des sciences comportementales, attaquons-nous au cœur du problème : ce fameux ‘say-do gap’. C’est ce moment déroutant où un client vous dit ‘oui, j’adore, je vais l’acheter’ et… ne le fait jamais. Pour comprendre ce phénomène, j’aime beaucoup citer le célèbre publicitaire David Ogilvy, qui disait de manière un peu provocatrice : ‘Les consommateurs ne pensent pas ce qu’ils ressentent. Ils ne disent pas ce qu’ils pensent et bien souvent ils ne font pas ce qu’ils disent’. Cette phrase, bien que caricaturale, résume parfaitement le parcours d’obstacles qui existe entre l’intention et l’action.

Il ne s’agit pas de malhonnêteté de la part du client. Lorsqu’il vous dit qu’il est intéressé, il est souvent sincère. Mais entre ce moment et l’acte d’achat, une série de ‘frictions’ vont apparaître, des obstacles psychologiques qui vont freiner, voire bloquer complètement son élan. Identifier ces frictions est la clé pour réduire l’écart. En voici les principales :

Le poids écrasant des habitudes

La première force contre laquelle vous luttez est l’inertie. Changer un comportement, même minime, demande un effort mental. Notre cerveau, par nature, cherche à économiser son énergie. Il préfère de loin suivre les autoroutes neuronales créées par des années de répétition. Comme je l’évoquais, ‘si aujourd’hui, on vient me voir en en me disant il faut faire du compost pour mes déchets sachant que ça fait 30 ans que je trie mes déchets autrement […], bien évidemment le fait d’avoir pendant 30 ans fait d’une certaine façon va être un obstacle au fait d’adopter un nouveau geste’. Chaque fois que vous demandez à un client d’adopter votre produit, vous lui demandez en réalité de renoncer à une habitude. Renoncer à son ancien logiciel, à sa marque de café habituelle, à sa manière de gérer son budget… C’est un coût de renoncement que l’on sous-estime systématiquement.

La pression invisible du groupe

Nous en avons parlé, l’être humain est social. Agir à contre-courant de son groupe est difficile. ‘Si autour de moi les autres ne le font pas, n’en parlent pas ou font le contraire, évidemment c’est plus difficile pour moi d’agir’. Ce biais de conformité est une force puissante. Avant d’adopter une nouveauté, votre client (consciemment ou non) se posera des questions : ‘Qu’en pensera mon conjoint ? Mes collègues vont-ils trouver ça bizarre ? Est-ce que ce choix est validé socialement ?’. Si votre offre n’a pas encore de preuve sociale (témoignages, nombre d’utilisateurs, etc.), vous demandez à votre client de prendre un risque social, ce qui constitue une friction majeure.

La tyrannie de la facilité

C’est peut-être le point le plus important et le plus négligé. Notre cerveau est programmé pour choisir le chemin le plus simple. Chaque effort supplémentaire, chaque clic en trop, chaque instruction peu claire est une friction qui peut faire dérailler le processus d’achat. Je l’ai constaté maintes fois : des équipes marketing développent des produits brillants, mais qui ‘demandaient trop d’effort aux consommateurs’. Résultat ? C’est le produit concurrent, peut-être moins performant mais plus simple, qui était choisi. Pensez concrètement au parcours de votre client. Doit-il créer un compte avec 15 champs à remplir ? Doit-il chercher une information essentielle pendant plusieurs minutes ? Chaque micro-effort s’additionne et élargit l’écart entre le ‘dire’ et le ‘faire’. Votre mission est de traquer et d’éliminer ces frictions sans pitié, pour rendre le chemin vers l’achat aussi fluide et naturel que possible.

Le cas d’école : comment McDonald’s a échoué avec 300 millions de dollars

Pour illustrer de manière spectaculaire les conséquences du ‘say-do gap’, il n’y a pas de meilleur exemple que l’histoire du plus grand fiasco de McDonald’s : le hamburger Arch Deluxe. C’est une histoire que j’aime raconter car elle est extrêmement instructive. On parle d’un géant mondial, avec des ressources quasi illimitées, qui s’est complètement trompé en ignorant les principes fondamentaux du comportement humain.

Le contexte et la promesse : un burger ‘pour adultes’

Nous sommes dans les années 90. McDonald’s cherche à élargir sa cible, historiquement très familiale. L’idée émerge de créer un burger spécifiquement pour les adultes, avec un goût plus ‘sophistiqué’, une recette plus recherchée, loin du Happy Meal. Le projet est baptisé ‘Arch Deluxe’. L’entreprise met le paquet, et c’est un euphémisme. Comme je le soulignais, l’investissement a été colossal : ‘200 millions d’euros en promotion et en publicité et un peu plus de 100 millions en études et en R&D’. Ramené à aujourd’hui, cela représenterait bien plus d’un demi-milliard de dollars. La campagne de communication, assez audacieuse, montrait même des enfants grimaçant de dégoût face au burger pour bien marteler le message : ‘ceci n’est pas pour vous’. Sur le papier, tout semblait validé. Comment, avec autant d’argent et de recherches, ont-ils pu se planter à ce point ?

L’erreur fondamentale : des études déconnectées de la réalité

La réponse se trouve entièrement dans la manière dont ils ont mené leurs études de marché. Ils ont commis l’erreur classique : prendre le déclaratif pour argent comptant. Leurs études consistaient principalement à présenter le concept et le produit à des consommateurs et à leur poser la question fatidique : ‘Avez-vous l’intention de l’acheter ?’. Et bien sûr, les gens répondaient oui en masse. Pourquoi ? Pour deux raisons qui illustrent parfaitement le ‘say-do gap’.

Premièrement, ils ont testé une ‘option gratuite’. Quand on répond à une enquête, dire ‘oui, je vais l’acheter’ ne coûte absolument rien. Comme je l’expliquais, c’est ce que les Anglo-Saxons appellent une ‘free option’. Il n’y a pas d’effort, pas de sacrifice financier. Le cerveau répond sur la base de l’attrait théorique du produit. Or, acheter, c’est ‘un effort, c’est un coût. Je perds de l’argent pour acquérir quelque chose’. Ce coût, même minime, change radicalement la perspective. Les études de McDo n’ont jamais simulé ce coût réel.

Deuxièmement, et c’est le point le plus crucial, ils ont complètement décontextualisé leur approche. Ils ont demandé aux gens s’ils voulaient un burger ‘pour adulte’, mais ils ont oublié de se demander si c’est ce qu’ils venaient chercher… chez McDonald’s. Le contexte de la marque est primordial. On ne va pas chez McDo pour une expérience gastronomique sophistiquée. On y va pour la rapidité, la familiarité, le goût réconfortant et régressif qui nous rappelle l’enfance. Comme je le précisais, ‘le vrai goût du McDo, le goût que j’ai, l’odeur, voilà, la stimulation que j’ai chez McDonald’s, elle vient énormément de l’enfance’. Le Arch Deluxe créait une dissonance cognitive. Il allait à l’encontre de tout ce que la marque représentait dans l’inconscient collectif. Les clients disaient ‘oui’ à l’idée d’un burger adulte en théorie, mais dans le contexte réel du restaurant, ils se tournaient vers leur Big Mac habituel. Cet échec monumental nous enseigne une leçon vitale : ne demandez pas aux gens ce qu’ils veulent, observez ce qu’ils font et comprenez le contexte dans lequel ils le font.

Comment déjouer les pièges : stratégies concrètes pour aligner le dire et le faire

L’histoire de McDonald’s peut faire peur. Si un géant avec 300 millions de dollars peut se tromper, comment faire à notre échelle ? La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des solutions pragmatiques, qui ne nécessitent pas des budgets colossaux mais plutôt un changement de perspective. Il s’agit de devenir un peu plus psychologue et un peu moins vendeur traditionnel.

La première étape : briser le biais d’optimisme

Le tout premier obstacle à surmonter est en nous. C’est ce que j’appelle le biais d’optimisme : ‘c’est de se dire qu’on a une super idée, qu’on a une super proposition de valeur […] et de sous-estimer toutes ces petites frictions et tous ces efforts qu’on va demander à la personne’. Nous sommes amoureux de notre produit, et c’est normal. Mais cet amour nous aveugle sur les difficultés que le client va rencontrer pour l’adopter. La première étape est donc une prise de conscience. Prenez littéralement un papier et un crayon, et listez froidement les barrières potentielles :

  • Contexte : Dans quelle situation réelle mon client va-t-il utiliser mon produit ? Quels sont les éléments de cet environnement qui pourraient le distraire ou le freiner ?
  • Habitudes : Quelle habitude mon client doit-il abandonner pour adopter ma solution ? Cet effort est-il minime ou considérable ?
  • Social : Mon offre est-elle socialement validée ? Comment puis-je rassurer mon client sur le fait qu’il fait le bon choix aux yeux des autres ?

Ce simple exercice vous force à sortir de votre propre réalité pour entrer dans celle de votre client. C’est le prérequis indispensable.

Rendre la recherche ‘coûteuse’ pour la rendre réelle

Pour éviter le piège des ‘options gratuites’ qui a coûté si cher à McDonald’s, vous devez concevoir des tests qui impliquent un coût pour la personne interrogée. Pas forcément un coût financier, mais un coût en effort, en temps ou en engagement. Par exemple, au lieu de demander ‘Achèteriez-vous ce produit ?’, proposez un engagement plus fort : ‘Seriez-vous prêt à laisser votre email pour être le premier informé du lancement ?’ ou ‘Seriez-vous prêt à participer à une session de test de 30 minutes la semaine prochaine ?’. Vous pouvez même tester une pré-commande à un tarif symbolique. La réponse à ces questions a infiniment plus de valeur, car elle filtre ceux qui sont polis de ceux qui sont réellement engagés. Choisir, c’est renoncer, et vos tests doivent refléter ce principe.

Faciliter l’action avec les ‘Nudges’

Une fois que vous avez identifié les frictions, votre rôle est de les aplanir. Les sciences comportementales nous offrent pour cela un outil formidable : les ‘nudges’. Un nudge (ou ‘coup de pouce’ en français) est un petit aménagement de l’environnement de choix qui incite à adopter un comportement sans contraindre. L’objectif est de rendre la bonne décision la plus facile possible. Je citais l’exemple d’un magasin de bricolage au Royaume-Uni qui a mis en place un système simple mais génial : des paniers de couleurs différentes. Une couleur pour les clients qui souhaitent être aidés par un vendeur, et une autre pour ceux qui veulent regarder tranquillement. C’est un nudge parfait : il résout un problème complexe (comment savoir si un client a besoin d’aide ?) de manière simple, intuitive et non intrusive.

Dans votre marketing digital, les nudges peuvent prendre de multiples formes : pré-remplir des champs dans un formulaire, mettre en avant l’option la plus populaire (‘meilleure vente’), utiliser des formulations qui encouragent l’action (ex: ‘Oui, je veux améliorer mes ventes’ plutôt qu’un simple ‘Valider’), ou encore simplifier radicalement le nombre de choix proposés pour éviter la paralysie décisionnelle. Le principe est toujours le même : réduire la charge cognitive et faire en sorte que le chemin désiré soit le plus évident.

Conclusion : Devenez l’architecte des décisions de vos clients

Au terme de ce parcours, nous avons vu que derrière l’acte d’achat, en apparence simple, se cache toute la complexité de la nature humaine. Nous avons compris que l’échec n’est souvent pas dû à un mauvais produit, mais à une mauvaise compréhension de la psychologie du consommateur. L’écart entre ce que nos clients disent et ce qu’ils font, ce fameux ‘say-do gap’, n’est pas une fatalité, mais un défi passionnant à relever.

Le cas de McDonald’s nous a servi d’avertissement : même avec des moyens illimités, ignorer le contexte, les habitudes et les émotions mène à l’échec. Mais il nous a aussi ouvert la voie vers des solutions. La première étape est l’humilité : reconnaître notre propre biais d’optimisme et nous forcer à chausser les lunettes de notre client pour voir le monde à travers ses yeux, avec ses frictions et ses hésitations.

La véritable mission du marketing moderne n’est peut-être pas de ‘vendre des trucs’, comme le disait Estelle, mais de devenir des architectes de la décision. Notre rôle est de concevoir des parcours, des expériences et des environnements où le client se sent en confiance, où l’effort pour passer à l’action est minimal et où le bon choix devient une évidence. En intégrant les principes des sciences comportementales, vous ne manipulez pas, vous guidez. Vous remplacez la persuasion par la facilitation. Et c’est en alignant votre stratégie sur le fonctionnement réel du cerveau humain que vous parviendrez enfin à transformer durablement les intentions en actions.

Foire aux questions (FAQ)

1. Qu’est-ce que le ‘say versus do gap’ en marketing ?

Le ‘say versus do gap’ désigne l’écart, souvent important, entre ce que les consommateurs déclarent vouloir faire (leurs intentions d’achat, leurs préférences exprimées en sondage) et ce qu’ils font réellement (leurs achats effectifs, leurs comportements quotidiens). C’est un phénomène central en sciences comportementales qui explique pourquoi des clients apparemment convaincus par un produit ne passent finalement pas à l’acte. Cet écart est causé par des frictions psychologiques comme le poids des habitudes, l’influence sociale et la tendance naturelle du cerveau à choisir la facilité, qui émergent entre le moment de la déclaration et celui de l’action.

‘Ça porte un nom, ça s’appelle le say versus do gap. L’écart entre ce que l’on dit et ce que l’on fait. C’est très sérieux et c’est étudié par les spécialistes des sciences comportementales parce que ça peut avoir des implications très importantes.’

2. En quoi les sciences comportementales sont-elles utiles pour un marketeur ?

Les sciences comportementales sont un outil puissant pour les marketeurs car elles fournissent une grille de lecture réaliste de la prise de décision humaine. Plutôt que de voir le consommateur comme un acteur purement logique, elles nous rappellent qu’il est un être social, contextuel et émotionnel. Concrètement, elles permettent de mieux comprendre les freins réels à l’achat (les ‘frictions’), d’identifier les biais cognitifs qui influencent les choix, et de concevoir des stratégies (comme les ‘nudges’) pour faciliter le passage à l’action. Elles aident à créer un marketing plus efficace car il est aligné avec la manière dont le cerveau humain fonctionne réellement.

‘On se sert des ce qu’on appelle les sciences comportementales. On va en parler après, mais c’est un agrégat de plusieurs disciplines. C’est pas une finalité les sciences comportementales, c’est un outil pour agir sur les comportements.’

3. Pourquoi les études de marché traditionnelles peuvent-elles être trompeuses ?

Les études de marché traditionnelles, notamment celles qui reposent sur des questions d’intention d’achat, peuvent être très trompeuses car elles mesurent une ‘option gratuite’ (‘free option’). Lorsqu’un participant à une enquête dit ‘oui, j’achèterai ce produit’, cela ne lui coûte rien. Il n’engage ni son argent, ni son temps, ni sa réputation. Or, l’acte d’achat réel implique un coût, un effort et un renoncement. De plus, ces études sont souvent ‘décontextualisées’ : elles isolent le produit de son environnement concurrentiel et de la situation d’achat réelle, ignorant ainsi des facteurs cruciaux comme l’influence de la marque ou les habitudes du consommateur.

‘Le problème là-dedans c’est que quand un individu se prononce sur une intention d’achat, il n’achète pas. […] C’est ce qu’on appelle ce que les anglo-saxons appellent une free option. Donc c’est une option gratuite. Elle n’a pas de coût réel.’

4. Quelle est la plus grande leçon de l’échec du burger Arch Deluxe de McDonald’s ?

La plus grande leçon de l’échec de l’Arch Deluxe est que le contexte de la marque est plus fort que la promesse du produit. McDonald’s a échoué car ils ont ignoré ce que leur marque représentait réellement pour les consommateurs : la familiarité, la rapidité et une expérience régressive liée à l’enfance. Ils ont proposé un produit ‘pour adulte’ qui créait une dissonance avec l’identité profonde de la marque. Cela nous enseigne qu’il ne suffit pas de demander aux gens ce qu’ils veulent en théorie ; il faut comprendre le rôle que joue notre marque dans leur vie et dans quel contexte ils l’utilisent. L’innovation doit être cohérente avec l’ADN de la marque.

‘Le vrai goût du McDo, le goût que j’ai, l’odeur, voilà, la stimulation que j’ai chez McDonald’s, elle vient énormément de l’enfance. […] Et ça, je suis pas forcément prêt à la changer pour quelque chose qui a un nouveau goût pour adulte plus sophistiqué.’

5. Comment puis-je identifier les ‘frictions’ dans le parcours de mon client ?

Pour identifier les frictions, il faut adopter le point de vue de votre client et cartographier son parcours étape par étape, de la découverte de votre offre à l’achat et au-delà. À chaque étape, posez-vous des questions critiques : Quel effort mental ou physique est demandé ici ? L’information est-elle claire et immédiate ? Y a-t-il une incertitude ou une anxiété potentielle ? Les frictions peuvent être un formulaire trop long, un jargon technique, un manque de preuve sociale (avis clients), un processus de paiement complexe ou une simple rupture dans la fluidité de la navigation. Le meilleur moyen reste d’observer de vrais utilisateurs interagir avec votre site ou votre produit.

‘Tous ces petits ce qu’on appelle des frictions, tous ces petits moments où, bah si je veux acheter en vrac, il faut que j’ai le contenant qui va bien […] bah toutes ces petites frictions, elles vont élargir cet écart entre ce que je pense et ce que je vais réellement accomplir.’

6. Qu’est-ce qu’un ‘nudge’ et comment l’utiliser concrètement en marketing ?

Un ‘nudge’ (ou ‘coup de pouce’) est une intervention subtile dans l’environnement de choix qui encourage un comportement souhaité sans le forcer ni interdire d’autres options. L’idée est de rendre la ‘bonne’ action la plus simple et la plus intuitive. En marketing, les exemples sont nombreux : mettre en avant un produit en le labellisant ‘le plus populaire’, configurer une option par défaut (comme une livraison plus écologique), utiliser des rappels visuels pour guider l’attention, ou simplifier la présentation des prix. Le nudge est efficace car il travaille avec la tendance du cerveau à l’économie d’effort, et non contre elle.

‘On a des mécanismes d’incitation qu’on appelle les nudge qui vont être là pour faciliter le passage à l’action. Ces mécanismes, ils jouent beaucoup sur cette dimension de simplification, sur le côté un peu ludique pour rendre l’effort le moins coûteux possible.’

7. Quel est le biais d’optimisme et comment l’éviter en tant qu’entrepreneur ?

Le biais d’optimisme est la tendance naturelle, pour un créateur ou un entrepreneur, à être tellement convaincu par la qualité de son offre qu’il sous-estime systématiquement les obstacles et les efforts que le client devra surmonter pour l’adopter. On se focalise sur les bénéfices de notre produit en oubliant les frictions du changement pour le client. Pour l’éviter, il faut consciemment se forcer à prendre du recul et à analyser froidement les barrières à l’adoption : les habitudes existantes à changer, le manque de preuve sociale, ou la complexité du parcours. Lister ces freins de manière objective est la première étape pour les adresser efficacement.

‘Le biais d’optimisme c’est de se dire qu’on a une super idée, qu’on a une super proposition de valeur. Évidemment, il faut y croire […] mais c’est de sous-estimer toutes ces petites frictions et tous ces efforts qu’on va demander à la personne à laquelle on s’adresse.’


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