Logo de l'épisode Le véritable impact de la fin des cookies tiers avec Stéphane Gendrel - Episode 230 - on parle de Google, Facebook et pub du podcast Le Podcast du Marketing - stratégie digitale, persona, emailing, inbound marketing, webinaire, lead magnet, branding, landing page, copy

Le véritable impact de la fin des cookies tiers avec Stéphane Gendrel – Episode 230 – on parle de Google, Facebook et pub

Épisode diffusé le 2 mai 2024 par Estelle Ballot

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Introduction : Cette révolution digitale que vous ne pouvez plus ignorer

Dans l’univers trépidant du marketing digital, il y a des sujets qui nous semblent lointains, trop techniques, presque intimidants. On se dit qu’on verra plus tard, qu’avec un peu de chance, la vague passera sans nous atteindre. Comme le confie Estelle Ballot, parfois, on a tendance à ‘jouer à l’autruche’. La fin des cookies tiers fait partie de ces sujets. On en entend parler depuis des années, on voit des bandeaux de consentement partout, mais l’échéance semble toujours repoussée. On se dit : ‘attendons un peu, avec un peu de peau, ça va passer’. Eh bien, je suis là pour vous le dire : plus tard, c’est maintenant. Ce n’est pas une légende, ce n’est plus une vague au loin ; c’est un tsunami dont l’impact est prévu pour octobre 2024, et il va redéfinir les règles du jeu pour tout le monde.

La disparition programmée des cookies tiers n’est pas simplement une mise à jour technique que seuls quelques experts doivent comprendre. C’est un changement de paradigme, une véritable révolution qui touche aux fondations même de la publicité en ligne telle que nous la connaissons depuis vingt ans. C’est une décision qui a des ramifications profondes, non seulement sur nos stratégies marketing, mais aussi sur l’équilibre des pouvoirs entre les géants de la tech et les acteurs indépendants de l’Open Web. C’est un sujet qui, comme le souligne Estelle, ‘semble très technique et qui est en fait un vrai sujet de réflexion’. Il nous interroge sur l’avenir du digital, sur notre capacité à nous réinventer et sur la place du politique dans nos sociétés numériques.

Dans cet article, nous allons plonger au cœur de cette révolution. Fini le jargon, finie la procrastination. Nous allons démystifier ce qu’est réellement un cookie, faire la distinction cruciale entre le ‘first-party’ et le ‘tiers’, et comprendre pourquoi l’un survit tandis que l’autre est condamné. Nous analyserons ensemble l’impact concret sur vos campagnes de retargeting, sur votre capacité à mesurer le retour sur investissement de vos publicités et sur la manière dont vous construisez vos audiences. Plus important encore, nous verrons pourquoi les ‘Walled Gardens’ comme Google et Meta semblent immunisés, et ce que cela signifie pour tous les autres. Préparez-vous, car après cette lecture, vous ne regarderez plus jamais un bandeau de cookies de la même manière.

Démystifions les cookies : La différence capitale entre le ‘tiers’ et le ‘first-party’

Avant de parler de fin du monde ou de révolution, il est essentiel de revenir à la base et de comprendre de quoi nous parlons. Le mot ‘cookie’ est partout, mais sa réalité est souvent floue. Il est perçu comme un outil de surveillance, un ‘mouchard’ qui nous suit à la trace. Si cette image n’est pas entièrement fausse, elle est incomplète et ne rend pas justice à la dualité de cet outil. Pour vraiment saisir les enjeux de la fin des cookies tiers, il faut d’abord maîtriser la différence fondamentale qui existe entre deux familles : les cookies ‘first-party’ (ou propriétaires) et les cookies ‘tiers’. Techniquement, c’est la même chose, mais leur utilisation et leur portée changent absolument tout.

Le cookie, ce simple ‘post-it’ au cœur de notre navigation

Commençons par dédramatiser. Qu’est-ce qu’un cookie ? Au fond, ce n’est rien de plus qu’un petit fichier texte, totalement inoffensif, déposé dans votre navigateur. Comme je l’explique souvent, il faut se l’imaginer comme un simple post-it. Je l’ai décrit ainsi : ‘c’est comme si c’était un post-it écrit mais depuis au moins 20 ans, ce fichier enfin ce cookie est donc utilisé pour stocker des identifiants utilisateur’. Ces identifiants sont anonymes, une simple suite de chiffres comme ‘12345’, qui permet à un site web de vous reconnaître d’une page à l’autre, ou d’une visite à l’autre. Ce ‘post-it’ ne peut rien exécuter, il ne peut pas installer de logiciel ou lire les informations sur votre disque dur. Il sert simplement de mémoire.

Son utilité la plus évidente et la plus indispensable se trouve dans le commerce en ligne. L’exemple le plus parlant est celui du panier d’achat. Lorsque vous êtes sur un site e-commerce et que vous ajoutez des produits à votre panier, comment le site s’en souvient-il lorsque vous naviguez vers une autre page ? Grâce à un cookie. Sans lui, votre panier se viderait à chaque changement de page, rendant tout achat impossible. C’est donc un outil fondamental pour l’expérience utilisateur, bien avant d’être un outil marketing.

Le cookie first-party : Le gardien de votre expérience sur un site unique

C’est ici qu’intervient la première grande distinction. Le cookie ‘first-party’ ou propriétaire est celui qui est déposé par le site web que vous êtes en train de visiter. Son champ d’action est strictement limité à ce domaine. Le cookie du site de la Fnac ne peut être lu que par le site de la Fnac. Il ne sait pas et ne peut pas savoir ce que vous avez fait avant sur le site de Cdiscount ou ce que vous ferez après. Il est le garant de la continuité de votre expérience sur un seul et même site : il gère votre connexion, vos préférences d’affichage, et bien sûr, votre panier d’achat.

Ce sont d’ailleurs principalement à ces cookies que vous donnez ou refusez votre consentement via les fameux bandeaux. Comme je le précisais, ‘c’est à cela qu’on consent. En fait, si tu veux, si tu ne consens pas, c’est vraiment le cookie first qui n’est pas déposé’. Si vous refusez, le site devient ‘aveugle’ sur votre parcours de navigation à des fins d’analyse ou de personnalisation publicitaire. Cependant, une nuance existe : les cookies strictement nécessaires au fonctionnement du site, comme celui du panier, sont exemptés de consentement. Vous ne pouvez pas les refuser, car cela briserait la fonctionnalité même du service. Retenez bien ceci : le cookie first-party n’est absolument pas menacé de disparition. Il est et restera le pilier de l’interaction de base sur le web.

Le cookie tiers : L’observateur qui vous suit de site en site

Passons maintenant à celui qui est au cœur de toutes les attentions : le cookie tiers. La différence est simple mais fondamentale : il n’est pas déposé par le site que vous visitez, mais par un autre site, un ‘tiers’. Généralement, ce sont des acteurs de l’écosystème publicitaire (Adtech) qui placent ces cookies via des bannières publicitaires ou des scripts présents sur de très nombreux sites partenaires. Son super-pouvoir ? Être lisible sur tous les sites où ce même acteur tiers est présent. C’est lui qui permet de vous suivre d’un site à l’autre.

C’est grâce à lui que le retargeting existe. Vous consultez une machine à laver sur le site A, puis, comme par magie, des publicités pour cette même machine à laver vous poursuivent sur le site B, C ou D. C’est le cookie tiers qui a fait le lien. Comme je le résume, ‘le cookie tiers, c’est celui qui permet de suivre un utilisateur de site en site. Donc c’est lui qui va être interdit’. C’est cette capacité de suivi inter-sites qui est jugée intrusive et qui a poussé les régulateurs et les fabricants de navigateurs à agir. Safari et Firefox le bloquent déjà depuis des années. Chrome, avec ses 60% de part de marché, était le dernier bastion. Sa décision de les bloquer en octobre 2024 signe donc leur arrêt de mort quasi-définitif.

Ce n’est pas une simple évolution, c’est la fin d’un monde. Un monde où la publicité digitale s’est construite sur la capacité à suivre les internautes à travers le web pour comprendre leurs intentions et leur présenter des publicités jugées pertinentes. En coupant ce fil, on ne retire pas juste un outil, on abat une des colonnes du temple de l’Adtech.

Une révolution en marche : Pourquoi la disparition du cookie tiers va tout changer

Qualifier la fin des cookies tiers de ‘révolution’ peut sembler excessif, mais ce n’est pas une hyperbole. Il faut comprendre que pendant plus de deux décennies, tout un pan de l’économie numérique s’est bâti sur cette technologie. C’est une fondation invisible sur laquelle reposent des modèles économiques entiers, des stratégies marketing bien rodées et des milliards de dollars d’investissements publicitaires. Enlever cette fondation, c’est obliger tout l’édifice à se réinventer ou à s’effondrer. L’impact se propage à deux niveaux critiques et interdépendants : la capacité à cibler les bonnes personnes et la capacité à mesurer l’efficacité de ses actions.

L’effondrement du ciblage publicitaire traditionnel

La première victime emblématique de cette disparition est le retargeting, ou reciblage publicitaire. C’est le cas d’usage que tout le monde connaît, parfois pour l’avoir maudit. J’ai pris l’exemple de Criteo, qui a ‘inventé en quelque sorte’ ce système. Le principe est simple : un cookie tiers mémorise que vous avez vu un produit spécifique sur un site marchand. Ensuite, ce cookie permet aux réseaux publicitaires de vous reconnaître sur d’autres sites (médias, blogs…) et de vous y afficher des bannières pour ce même produit, afin de vous inciter à revenir finaliser votre achat. C’est l’illustration parfaite du suivi inter-sites. Sans le cookie tiers pour faire le pont entre le site marchand et les sites médias, ce lien est rompu. Le système devient aveugle et le retargeting tel que nous le connaissons perd sa substance.

Mais l’impact sur le ciblage va bien au-delà du simple retargeting. Comment les acteurs de l’Adtech construisent-ils leurs fameuses audiences, comme la ‘ménagère de moins de 50 ans’ ou les ‘passionnés d’automobile’ ? En observant les schémas de navigation de millions d’utilisateurs anonymes grâce aux cookies tiers. Si un utilisateur visite régulièrement des sites sur le jardinage, il est classé dans le segment ‘jardinage’. Comme je l’expliquais, ‘pour constituer une audience (…) la meilleure façon dans le digital, c’est de suivre ta navigation’. En supprimant cette capacité de suivi, on rend la constitution de profils d’audience riches et précis ‘beaucoup beaucoup plus compliqué’. Les annonceurs risquent de se retrouver à acheter de la publicité en se basant sur des critères beaucoup plus larges et moins performants, un retour en arrière vers des méthodes moins affinées, rappelant presque la publicité de masse.

Le casse-tête de l’attribution marketing : Comment prouver son ROI ?

Le deuxième pilier qui s’effondre est celui de la mesure, et plus particulièrement de l’attribution marketing. L’attribution, c’est la science (ou l’art) qui consiste à relier une conversion, comme une vente, à la campagne publicitaire qui l’a générée. C’est la question fondamentale de tout marketeur : mon argent est-il bien dépensé ? Jusqu’à présent, le cookie tiers était la clé de voûte de cette mesure. Imaginons le scénario : vous voyez une publicité display pour une machine à laver, mais vous ne cliquez pas. Le lendemain, vous allez directement sur le site du vendeur et vous achetez la machine. Comment le réseau publicitaire peut-il prouver que c’est sa publicité, vue la veille, qui a influencé votre achat ? Grâce au cookie tiers qui vous a identifié comme ayant vu la publicité et comme ayant ensuite acheté le produit.

C’est ce qui permet aux plateformes publicitaires de dire à leurs clients : ‘regardez monsieur Intel a vu la pub sur tel site, le lendemain, il a acheté chez vous la machine à laver en question. Voilà, donc c’est moi qui ai généré cette vente’. Sans cette identification unique et persistante à travers les sites, il devient quasi impossible de faire ce lien, surtout pour les publicités qui n’ont pas été cliquées (le ‘post-view’). Or, de nombreux acteurs de l’Adtech, notamment dans la performance, basent leur modèle économique là-dessus. Ils sont payés au pourcentage de la vente qu’ils estiment avoir générée. Si vous ne pouvez plus ‘revendiquer des conversions’, votre modèle s’écroule. C’est un problème existentiel : non seulement il est difficile de prouver sa valeur à ses clients, mais il devient difficile de se faire payer.

Le marketing digital a toujours eu pour promesse la mesurabilité et la précision. La fin des cookies tiers vient porter un coup très dur à cette promesse, du moins pour une large partie de l’écosystème. Elle nous oblige à repenser fondamentalement la manière dont nous ciblons nos futurs clients et dont nous évaluons le succès de nos investissements.

Les grands gagnants : Comment les ‘Walled Gardens’ ont anticipé la fin du jeu

Face à ce bouleversement qui semble menacer tout l’édifice de la publicité digitale, une question se pose : tout le monde est-il logé à la même enseigne ? La réponse est un non catégorique. Tandis qu’une partie de l’écosystème, l’Open Web, se prépare à une traversée du désert, les géants de la tech observent la situation depuis leurs forteresses bien protégées. Ces ‘Walled Gardens’ (jardins clos) que sont Meta (Facebook, Instagram), Google, Amazon, TikTok ou encore Apple, non seulement ne souffrent pas de la fin des cookies tiers, mais ils pourraient même en sortir considérablement renforcés. Ils ont, depuis des années, construit des systèmes propriétaires qui les rendent largement indépendants de cette technologie.

Un écosystème fermé et autosuffisant basé sur la donnée first-party

La force fondamentale d’un ‘Walled Garden’ réside dans son immense base d’utilisateurs authentifiés. Contrairement à l’Open Web où l’on navigue de manière largement anonyme, sur Facebook, YouTube ou TikTok, vous êtes connecté. Comme je le faisais remarquer, ‘tu t’es inscrite ou moi je me suis inscrit avec mes propres informations, mon login, mot de passe et tout. Donc on sait qui je suis et ce que je fais sur le réseau’. La plateforme n’a pas besoin d’un cookie tiers pour savoir qui vous êtes, quels sont vos centres d’intérêt, avec qui vous interagissez, ou quel contenu vous consommez. Toutes ces informations constituent une mine d’or de données ‘first-party’, collectées directement et avec le consentement de l’utilisateur lors de son inscription.

Cette maîtrise de l’identité de l’utilisateur au sein de leur propre environnement résout d’emblée le premier problème : celui de la constitution des audiences. Meta n’a pas besoin de vous suivre sur d’autres sites pour savoir que vous aimez les voyages ou la cuisine ; votre activité sur Instagram et Facebook le lui dit déjà. Google n’a pas besoin de cookies tiers pour déduire vos intentions d’achat ; vos recherches, les vidéos que vous regardez sur YouTube ou vos déplacements sur Maps sont des signaux bien plus puissants. Ils possèdent leur propre univers de données, riche, précis et totalement indépendant des cookies tiers. Pour eux, le problème du ciblage est déjà résolu à la source.

Le rôle crucial des pixels et des API de conversion pour voir au-delà des murs

Mais alors, comment font-ils le lien avec ce qui se passe en dehors de leur plateforme, par exemple pour mesurer une vente sur un site e-commerce suite à une publicité vue sur Instagram ? C’est là qu’intervient leur deuxième arme stratégique : les ‘pixels’ et les API. Depuis des années, ces plateformes demandent aux annonceurs d’installer un petit bout de code, le fameux pixel Meta par exemple, sur toutes les pages de leur site. Ce pixel agit comme un pont, renvoyant des informations sur le comportement des visiteurs du site directement vers la plateforme publicitaire.

C’est ce mécanisme qui leur permet de faire le lien entre l’exposition publicitaire et la conversion. Comme je l’ai expliqué, ‘c’est comme ça que Meta fait le lien entre ce qui se passe sur sa plateforme et quand tu es sorti de sa plateforme, ce qui se passe sur le site’. Même sans cookie tiers, si un utilisateur connecté à Facebook clique sur une publicité et atterrit sur un site équipé du pixel, Meta peut faire le rapprochement et attribuer la conversion. Pour renforcer encore ce système face aux bloqueurs de publicité et aux restrictions des navigateurs, ils ont développé des solutions plus robustes comme les API de conversion, qui permettent au serveur du site annonceur de communiquer directement avec le serveur de la plateforme, de manière plus fiable. En somme, ils ont reconstruit leur propre système de suivi, contournant ainsi la dépendance au cookie tiers. Ils ont résolu le problème de l’attribution pour leur propre écosystème, laissant les autres acteurs sur le carreau.

Les laissés-pour-compte ? L’avenir incertain de l’Open Web

Si les ‘Walled Gardens’ ont érigé des murailles protectrices, que se passe-t-il pour tout ce qui se trouve à l’extérieur ? C’est là que réside la véritable zone de turbulence. Nous parlons ici de l’Open Web, un terme qui désigne l’immense majorité d’internet : les sites de médias, les blogs, les forums, les sites e-commerce indépendants, bref, tout ce qui n’appartient pas à un écosystème fermé. Cet espace ouvert et diversifié est animé par des centaines de milliers d’acteurs, des petits éditeurs aux grandes régies publicitaires, dont le modèle économique repose souvent en grande partie sur la publicité. Et pour eux, la fin des cookies tiers n’est pas une simple adaptation technique, c’est une menace existentielle.

Définir l’Open Web : La majorité silencieuse d’Internet

L’Open Web, c’est l’internet de la découverte et de la diversité. Comme je le décrivais, ‘c’est tous les sites qu’on consulte toi et moi (…) on passe plein de temps à regarder du contenu sur un site, à regarder des blogs, à aller acheter ça et là des fringues ou des machines à laver’. C’est un web où l’on n’a pas besoin de s’inscrire pour accéder à l’information, un espace de liberté et de concurrence. C’est sur ce terrain de jeu que des milliers d’entreprises de la technologie publicitaire (Adtech) se sont développées. Leur rôle ? Aider les annonceurs à atteindre des audiences pertinentes sur cet immense réseau de sites et aider les éditeurs à monétiser leur contenu en vendant leurs espaces publicitaires.

Le problème, c’est que le liant de tout cet écosystème, la technologie qui permettait à tous ces acteurs de collaborer et d’échanger de la valeur, était le cookie tiers. Il était le standard universel pour identifier un utilisateur anonyme de manière cohérente à travers des milliers de domaines différents. En le supprimant, on brise la chaîne de valeur et on isole chaque site, le rendant beaucoup moins ‘intelligent’ et donc moins valorisable d’un point de vue publicitaire.

Les acteurs en danger : Retargeters, affiliation, et réseaux display

Les conséquences sont directes pour de nombreuses catégories d’acteurs de l’Adtech. La liste est longue et inclut ‘les retargeters, les réseaux d’affiliation, les réseaux display, le programmatique et ainsi de suite’. Tous ces métiers dépendent massivement de la capacité à suivre un utilisateur pour soit lui présenter une publicité ciblée, soit mesurer l’origine d’une vente. Sans le cookie tiers, ils perdent leur matière première : la donnée de navigation inter-sites. Pour eux, l’avenir est plus qu’incertain. Comme je le confiais, ‘eux si tu veux, c’est un peu l’inconnu qu’est-ce qui va se passer en octobre 2024 ?’. Certes, ils ont eu le temps de se préparer, mais la transition est complexe et coûteuse, et tous n’ont pas la force technologique ou financière pour pivoter vers de nouvelles solutions.

On assiste donc à un paradoxe fascinant. Les mesures initialement prises au nom de la protection de la vie privée, avec l’intention louable de limiter le suivi des utilisateurs, aboutissent à un résultat inattendu. Elles affaiblissent l’écosystème ouvert et concurrentiel de l’Open Web et, par un effet de vases communicants, renforcent la position déjà dominante des grandes plateformes qui, elles, ont les moyens de contourner ces limitations. Le législateur a voulu viser les dérives du suivi, mais ce sont finalement les acteurs qui concentraient déjà le plus de données et de pouvoir qui en sortent les grands vainqueurs.

Conclusion : Se réinventer ou disparaître, le nouveau paradigme du marketing digital

Nous voilà au pied du mur. La fin des cookies tiers n’est plus une lointaine menace, mais une réalité imminente qui force chaque acteur du marketing digital à un examen de conscience. Ce n’est pas une simple mise à jour, c’est un changement de philosophie. L’ère de l’abondance de données tierces, où l’on pouvait suivre l’utilisateur à la trace à travers tout le web, est révolue. Procrastiner n’est plus une option. Il est temps de passer à l’action et de repenser nos stratégies en profondeur.

Les points clés à retenir sont clairs : le cookie tiers, pilier du retargeting et de l’attribution sur l’Open Web, va disparaître, laissant un vide immense. Les ‘Walled Gardens’ comme Google et Meta, forts de leurs données first-party et de leurs écosystèmes intégrés, vont voir leur position dominante encore renforcée. Pour les autres – annonceurs, éditeurs, agences, et acteurs de l’Adtech – l’enjeu est simple : s’adapter ou risquer de devenir obsolète. Le défi est immense, mais il est aussi porteur d’opportunités.

L’appel à l’action est donc de se concentrer sur ce qui nous appartient : nos propres données. La valeur se déplace massivement vers la donnée first-party. Cela signifie investir dans la construction d’une relation directe et consentie avec vos audiences : développer sa liste email, créer des programmes de fidélité, offrir du contenu de valeur en échange d’informations. C’est aussi explorer de nouvelles approches publicitaires comme le ciblage contextuel, qui vise des environnements pertinents plutôt que des individus. C’est enfin s’intéresser aux nouvelles solutions technologiques qui émergent pour tenter de réconcilier performance et respect de la vie privée. En fin de compte, ce défi technique nous ramène à l’essence même du marketing : construire une relation de confiance. Il met à l’épreuve, comme rarement auparavant, notre ‘capacité à nous réinventer’.


Foire Aux Questions (FAQ) sur la fin des cookies tiers

Quand la fin des cookies tiers sera-t-elle vraiment effective ?

La fin des cookies tiers est un processus graduel, mais l’échéance finale est désormais très proche. Si des navigateurs comme Safari (Apple) et Firefox les bloquent déjà par défaut depuis plusieurs années, le véritable point de bascule sera l’action de Google. En raison de sa part de marché écrasante avec le navigateur Chrome, sa décision conditionne l’ensemble de l’écosystème. Après plusieurs reports, la date est maintenant fixée. Il ne faut plus s’attendre à un nouveau délai ; la transition est enclenchée et l’industrie doit être prête pour cette date butoir qui changera les règles de la publicité en ligne.

Stéphane Gendrel le confirme : ‘Ce déclenchement, l’appui sur le bouton, est normalement prévu pour octobre 2024. […] là, on est à moins de 6 mois de l’échéance, je vois pas un recul de Google.’

Tous les cookies vont-ils disparaître ? Quelle est la différence entre un cookie first-party et tiers ?

Non, absolument pas. C’est une confusion très fréquente. Seuls les cookies tiers sont condamnés. Les cookies first-party (ou propriétaires) sont indispensables et ne disparaîtront pas. La différence est cruciale : un cookie first-party est déposé par le site que vous visitez (par exemple, pour garder vos articles dans votre panier). Son action est limitée à ce seul site. Un cookie tiers, lui, est déposé par un domaine externe (souvent une régie pub) et peut vous suivre de site en site. C’est cette capacité de suivi inter-sites qui est jugée intrusive et qui motive sa suppression par les navigateurs.

Stéphane Gendrel clarifie : ‘Le cookie tiers, c’est celui qui permet de suivre un utilisateur de site en site. Donc c’est lui qui va être interdit. […] L’autre type de cookies qui est le cookie ce qu’on appelle first ou propriétaire […] ceux-là ne sont pas du tout interdits.’

Le retargeting (reciblage publicitaire) va-t-il complètement disparaître ?

Le retargeting tel que nous le connaissons depuis plus de dix ans, basé sur le suivi des utilisateurs à travers l’Open Web via des cookies tiers, est effectivement en fin de vie. Cette méthode, emblématique de l’utilisation des cookies tiers, ne sera plus possible. Cependant, le concept de retargeting ne va pas disparaître, mais il va devoir se réinventer profondément. Il pourra continuer d’exister au sein des écosystèmes fermés (‘Walled Gardens’) comme ceux de Meta ou Google, qui utilisent leurs propres identifiants. Des alternatives émergent également, comme le retargeting basé sur des cohortes d’utilisateurs anonymes ou sur des données contextuelles, mais leur efficacité reste à prouver à grande échelle.

Stéphane Gendrel utilise cet exemple phare : ‘On va prendre un canal marketing que je pense tout le monde connaît, qui est le retargeting. […] ça c’est emblématique de l’utilisation des cookies tiers puisque tu as suivi un utilisateur sur un site et sur un autre site.’

Pourquoi les géants comme Google et Facebook (Meta) sont-ils moins affectés ?

Ces grandes plateformes, appelées ‘Walled Gardens’, sont beaucoup moins affectées car leur modèle ne dépend pas des cookies tiers. Leur force réside dans leur immense base d’utilisateurs connectés. Lorsque vous utilisez Facebook, Instagram ou les services Google, vous êtes identifié via votre compte. Ils collectent ainsi une quantité massive de données ‘first-party’ (vos centres d’intérêt, vos interactions) directement, sans avoir besoin de vous suivre ailleurs. Pour le suivi des conversions hors de leur plateforme, ils utilisent leurs propres outils, comme le pixel Meta ou les balises Google, qui créent un pont direct entre le site de l’annonceur et leur écosystème, contournant ainsi la nécessité du cookie tiers.

Stéphane Gendrel explique leur avantage : ‘Si tu veux globalement, ça fonctionne un peu en circuit fermé, c’est-à-dire que tu t’es inscrite […] avec tes propres informations, ton login, mot de passe. […] Donc si tu veux eux, ils ont pas tellement de problème d’audience.’

Quel est l’impact concret pour un site e-commerce qui fait de la publicité ?

Pour un site e-commerce, l’impact est double. Premièrement, la capacité à cibler de nouveaux clients via des audiences précises sur l’Open Web sera réduite. Les campagnes de retargeting pour faire revenir les visiteurs qui ont abandonné leur panier seront beaucoup moins efficaces. Deuxièmement, la mesure de la performance des campagnes publicitaires menées sur l’Open Web (display, affiliation…) deviendra plus complexe. Il sera plus difficile de savoir quelle publicité a réellement généré une vente. Cela va pousser les e-commerçants à se concentrer davantage sur les ‘Walled Gardens’ (où le suivi reste efficace) et à investir massivement dans la collecte de leurs propres données clients (newsletter, programme de fidélité) pour créer leurs propres audiences.

Stéphane Gendrel souligne le problème de la mesure : ‘Tu vas tout simplement ne plus être en capacité de dire telle action marketing a généré une vente. Et donc tu vois, là c’est un vrai problème parce que pour une Adtech, elle est incapable de dire à ton client […] c’est moi qui ai généré vos ventes.’

Qu’est-ce que l’Open Web et pourquoi est-il particulièrement en danger ?

L’Open Web désigne l’ensemble des sites internet qui ne font pas partie des grands écosystèmes fermés (Google, Meta, etc.). Cela inclut la grande majorité des sites de médias, des blogs, des forums et des sites marchands indépendants. Cet écosystème est en danger car son modèle de monétisation publicitaire reposait presque entièrement sur le cookie tiers. C’était le langage commun qui permettait aux annonceurs d’acheter des espaces publicitaires ciblés sur des milliers de sites différents et aux éditeurs de valoriser leur audience. Sans ce liant, la valeur des espaces publicitaires sur l’Open Web risque de chuter, menaçant la viabilité économique de nombreux acteurs indépendants.

Stéphane Gendrel définit l’Open Web ainsi : ‘L’Open Web, c’est tout ce qui n’est pas dans un circuit fermé. Donc c’est tous les sites qu’on consulte toi et moi […] regarder du contenu sur un site, à regarder des blogs, à aller acheter ça et là. […] tous ces sites là en fait, c’est l’Open Web.’


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