L’Afrique, prochain pilier de l’innovation technologique ? Une vision de l’intérieur
Quand on évoque l’Afrique, les images qui viennent à l’esprit sont souvent réductrices, figées dans le passé. On parle de défis, de retards, d’aide au développement. Mais sur le terrain, loin de ces clichés, une révolution silencieuse est en marche. Une révolution portée par des millions de jeunes talents qui, armés d’un ordinateur et d’une connexion internet, sont en train de bâtir le futur. Je m’appelle Damien Doumer Kaké, et en tant que co-fondateur de The Guild, une plateforme qui connecte les meilleurs développeurs africains à des startups européennes, je suis aux premières loges de cette transformation. Chaque jour, je vois ce potentiel immense, cette énergie brute, cette ‘dalle’ comme on dit chez nous. La question n’est plus de savoir *si* l’Afrique va jouer un rôle majeur dans la tech mondiale, mais *quand* et *comment*. Dans cet article, je souhaite partager avec vous ma vision, celle d’un acteur de cet écosystème en pleine ébullition. Nous allons explorer ensemble pourquoi le continent est déjà un berceau d’innovations, comment la Fintech redessine son paysage économique, qui sont ces talents que le monde commence à peine à découvrir, et surtout, pourquoi le prochain géant de la technologie pourrait bien naître sous le soleil africain. Oubliez tout ce que vous pensiez savoir. L’Afrique n’est pas le futur de la tech, elle en est déjà le présent passionnant.
L’Afrique, bien plus qu’un continent : un berceau d’innovations technologiques méconnues
Pour comprendre la place actuelle de l’Afrique dans la tech, il faut d’abord déconstruire une idée reçue : celle d’un continent qui ne ferait que ‘rattraper’ son retard. En réalité, l’Afrique a déjà apporté au monde des innovations majeures, nées de ses contraintes spécifiques. L’exemple le plus frappant est sans aucun doute le Mobile Money. Comme je l’expliquais, cette technologie est née d’un besoin fondamental et massif.
Le Mobile Money qui a été qui est né en Afrique au Kenya précisément grâce à M-Pesa, une société kenyane où t’envois de l’argent avec ton téléphone, tu gardes de l’argent. Il y a pas beaucoup de gens qui étaient bancarisés avant en Afrique à cette à cette époque.
Ce n’est pas une simple adaptation d’une technologie occidentale, c’est une véritable rupture. Là où les pays développés ont construit des infrastructures bancaires lourdes pendant des décennies, l’Afrique a fait un bond technologique (‘leapfrog’) en passant directement à la finance mobile. L’impact est colossal : on parle de plus d’un milliard de personnes utilisant ces services. Cette innovation a permis une inclusion financière sans précédent, donnant accès à des services financiers de base à des populations qui en étaient totalement exclues. Ce succès illustre une force fondamentale de l’écosystème africain : la capacité à transformer une contrainte (faible bancarisation) en une opportunité d’innovation radicale. On retrouve cette même logique dans le microcrédit, qui permet de financer des projets à petite échelle pour des personnes n’ayant pas accès au système bancaire traditionnel. L’Afrique n’est donc pas seulement un ‘vivier de talents’ passif, c’est un laboratoire d’innovations frugales et impactantes qui ont beaucoup à enseigner au reste du monde.
Ce rôle de laboratoire est souvent sous-estimé. Les solutions développées en Afrique sont conçues pour être robustes, peu coûteuses en données et utilisables sur des smartphones d’entrée de gamme. Cette approche, dictée par les réalités locales, crée des produits et services d’une efficacité redoutable, qui sont souvent plus résilients et accessibles que leurs équivalents conçus dans la Silicon Valley. Penser l’innovation depuis l’Afrique, c’est penser à l’échelle, à l’accessibilité et à l’impact direct sur la vie des gens. C’est une philosophie qui gagne en pertinence dans un monde où les ressources se raréfient et où les inégalités se creusent. Le continent n’est pas seulement en train d’adopter la technologie, il la réinvente pour répondre à des besoins humains fondamentaux, et c’est peut-être là que réside sa plus grande force.
La Fintech : le moteur V12 de la croissance technologique africaine
Si l’innovation africaine a plusieurs visages, un secteur se détache très nettement et agit comme une véritable locomotive pour tout l’écosystème : la Fintech. Ce n’est pas un hasard. Le problème de l’accès aux services financiers reste l’un des défis les plus importants du continent. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et montrent une dynamique spectaculaire.
Selon la Banque Mondiale, en 2012, il y avait seulement 21% de personnes en Afrique subsaharienne de la population qui a été bancarisée et en 2021, ils ont fait un update et genre x2, 55%.
Cette croissance fulgurante est presque entièrement portée par les startups de la Fintech. Elles ont compris qu’il y avait un océan d’opportunités en s’adressant aux millions de personnes et de PME ignorées par les banques traditionnelles. C’est ce qui explique pourquoi, lorsqu’on regarde les success stories africaines, les licornes, la Fintech est omniprésente. Je pense à des géants comme Flutterwave ou Sendwave, qui ont atteint des valorisations de plusieurs milliards de dollars. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. En Afrique francophone, des pépites comme Diamo, Julaya ou encore Peka au Cameroun, mon pays d’origine, connaissent une traction phénoménale. Ces entreprises ne se contentent pas de copier des modèles existants, elles construisent les rails de la future économie numérique du continent. Et cet écosystème a un effet d’entraînement massif : en résolvant des problèmes financiers complexes, ces entreprises ont besoin de talents de haut niveau, ce qui tire toute la formation locale vers le haut et crée un cercle vertueux. Le niveau technique des développeurs qui travaillent dans ces startups est souvent exceptionnel, car ils sont confrontés quotidiennement à des défis de sécurité, de scalabilité et de fiabilité extrêmement élevés.
Ce qui est fascinant, c’est que même avec cette explosion, le marché est loin, très loin d’être saturé. J’en parlais récemment avec le fondateur de Diamo, une startup accompagnée par le prestigieux accélérateur Y Combinator. Loin de craindre la concurrence, il m’expliquait qu’il en souhaitait davantage. Pourquoi ? Parce que l’écosystème est encore si jeune que même les acteurs majeurs comme lui se retrouvent à devoir construire des briques technologiques qui, en Europe, seraient fournies par des partenaires spécialisés. Il me disait : ‘On se retrouve en train de résoudre des problèmes de Fintech pour nous-mêmes’. Cela signifie qu’il y a de la place non seulement pour des applications grand public, mais pour toute une infrastructure B2B à construire. Chaque problème que rencontre une Fintech africaine est une opportunité de startup pour une autre. C’est un signal extrêmement fort pour quiconque cherche à entreprendre ou à investir sur le continent.
Au-delà des clichés : portrait-robot du talent tech africain
L’une des plus grandes richesses de l’Afrique, et sans doute la plus méconnue, est son capital humain. Le continent possède la population la plus jeune du monde, une jeunesse avide d’apprendre, connectée et déterminée à se faire une place. Mais qui sont vraiment ces talents de la tech ? Leur profil est bien plus diversifié qu’on ne l’imagine et casse les codes du recrutement classique.
Les autodidactes : la force silencieuse de l’écosystème
La première catégorie, et peut-être la plus impressionnante, est celle des autodidactes. Avec l’amélioration de l’accès à Internet, notamment grâce à des solutions comme Starlink d’Elon Musk, les barrières à la connaissance tombent les unes après les autres. Je me souviens qu’il y a dix ans, télécharger à 200 kbit/s était une victoire. Aujourd’hui, un jeune dans un village peut avoir une connexion aussi bonne qu’à Paris. Cette révolution de l’accès a libéré un potentiel incroyable. Tous les jours, à The Guild, nous tombons sur des profils extraordinaires.
On est tombé sur un gars qui a contribué du code source à Mozilla, à Firefox, étant en Afrique, on dit mais comment il a fait ça. Et ça, ça fait partie de cette catégorie de talent, talent brut autodidacte super bon.
Ces développeurs n’ont souvent pas de diplôme d’une grande école d’ingénieurs. Leur CV est parfois vide, leur profil LinkedIn inexistant. Leur seule carte de visite, c’est leur code, leur compte GitHub, leurs contributions à des projets open source. Pour une entreprise habituée à filtrer par école, c’est déroutant. Mais c’est là que réside l’opportunité. Ces talents ont développé une autonomie, une capacité à résoudre les problèmes et une curiosité qui sont inestimables. Ils n’ont pas appris à coder pour obtenir un diplôme, mais par passion pure et par nécessité. Cela forge des profils d’une résilience et d’une ingéniosité rares.
La diaspora qui revient : un pont entre les continents
Une autre source de talents de très haut niveau provient de la diaspora. Il s’agit de ceux qui, souvent plus fortunés, ont eu l’opportunité d’étudier et de travailler à l’étranger, dans les plus grandes entreprises technologiques en Europe ou aux États-Unis. Ils y acquièrent une expérience de pointe, une connaissance des standards internationaux et un réseau précieux. De plus en plus, on observe un mouvement de retour. Après plusieurs années, beaucoup décident de rentrer en Afrique, non pas par défaut, mais par choix, animés par la volonté de construire quelque chose sur leur continent d’origine. Ces ‘repatriés’ jouent un rôle crucial. Ils fondent des startups, importent les meilleures pratiques de management et de développement produit, et deviennent des mentors pour la nouvelle génération. Ils agissent comme un pont entre les écosystèmes, facilitant les connexions et les investissements internationaux. Leur double culture est un atout immense pour naviguer entre les attentes des marchés mondiaux et les réalités locales.
Les talents formés localement : l’émergence d’écosystèmes solides
Enfin, il ne faut pas négliger la structuration progressive de l’enseignement local. Si, comme partout, il existe de mauvaises formations qui surfent sur la hype, on voit aussi émerger des pôles d’excellence. L’arrivée d’acteurs internationaux comme l’école Epitech, qui a ouvert un campus au Bénin, est un signal fort. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des développeurs issus de cette formation et j’ai été bluffé par leur niveau, tout à fait comparable à celui que j’ai connu en tant qu’ancien d’Epitech France. Parallèlement, des écosystèmes locaux se renforcent. Au Cameroun, par exemple, la région de Buéa, où j’ai étudié, est surnommée la ‘Silicon Mountain’. Ce n’est pas un hasard. C’est le fruit d’une volonté d’universités et de professeurs de s’aligner sur les standards internationaux et de créer un véritable bouillonnement intellectuel et entrepreneurial. Cette combinaison de talents bruts autodidactes, d’une diaspora expérimentée qui revient, et de structures de formation locales de plus en plus performantes, crée un vivier de compétences d’une richesse et d’une diversité exceptionnelles.
Convaincre les investisseurs : pourquoi le prochain Google pourrait naître en Afrique
Malgré ce potentiel évident, l’Afrique attire encore une fraction infime des investissements mondiaux dans la tech. La perception du risque, le manque de connaissance des marchés locaux et les clichés ont la vie dure. Pourtant, les arguments pour convaincre un investisseur de s’intéresser de plus près au continent sont aujourd’hui plus solides que jamais. Il ne s’agit pas de philanthropie, mais d’une pure logique économique et stratégique.
L’argument massue : des marchés vierges à conquérir
L’argument le plus puissant, celui qui devrait faire briller les yeux de tout investisseur, est la nature même du marché. En Europe ou aux États-Unis, de nombreux secteurs sont saturés. La compétition est féroce, les coûts d’acquisition client sont exorbitants et il est extrêmement difficile de se faire une place. L’Afrique, c’est tout l’inverse. C’est un ‘océan bleu’ où presque tout reste à construire.
Ici en Europe […] tu peux plus créer un Revolut. C’est fini. Tu peux plus créer un Wise. Tu peux plus créer un Qonto. C’est fini. Mais en Afrique tu peux. Parce qu’il y en a pas. Et ceux qui sont là, ils n’arrivent même pas à capturer le pourcentage de marché qu’ils capturent est très infime.
Cette réalité est fondamentale. Être le premier sur un marché de plus d’un milliard de personnes, dont la majorité accède à Internet pour la première fois via son mobile, représente une opportunité historique. Il ne s’agit pas seulement de copier des modèles qui ont fonctionné ailleurs, mais de les adapter et d’en créer de nouveaux pour répondre à des besoins immenses dans la finance, la santé (Healthtech), l’éducation (Edtech), l’agriculture (Agritech) et la logistique. Le terrain de jeu est immense et les barrières à l’entrée sont souvent bien plus faibles que dans les marchés matures. Pour un investisseur, cela signifie un potentiel de croissance et de retour sur investissement exponentiel, difficile à trouver ailleurs aujourd’hui.
Le défi de la confiance : comment rassurer et collaborer efficacement ?
Bien sûr, travailler avec l’Afrique comporte son lot de défis, notamment lorsqu’il s’agit de collaboration à distance. La distance géographique est une chose, mais la distance culturelle et communicationnelle en est une autre. C’est souvent le plus grand frein pour les entreprises qui hésitent à recruter sur le continent. Le plus gros problème, c’est la communication. Il faut être honnête, les développeurs, où qu’ils soient dans le monde, ne sont pas toujours les plus grands communicateurs. Ce ne sont pas des ‘animaux sociaux’. Ce défi est réel, mais il n’est pas insurmontable. Chez The Guild, nous avons compris que notre rôle ne se limitait pas à ‘matcher’ un CV avec une offre. Nous devons faire un véritable travail d’éducation, des deux côtés.
On fait un vrai travail d’éducation. Du côté du dev mais aussi de l’entreprise. On a vraiment un playbook qu’on présente aux devs […] et aussi aux startups.
Cela passe par la mise en place de processus clairs : des points quotidiens (‘daily stand-ups’), des revues de code systématiques, des outils de communication partagés, et surtout, une clarification des attentes. Il faut apprendre à l’entreprise à manager des talents à distance, à faire confiance tout en mettant en place des indicateurs de suivi, et apprendre au développeur à être proactif, à surcommuniquer, à ne pas rester bloqué sur un problème pendant des heures sans demander de l’aide. C’est un investissement en temps au début, mais une fois que cette culture de la communication transparente est installée, la collaboration devient non seulement efficace, mais aussi extrêmement enrichissante.
Un appel à l’action : s’émanciper et construire l’avenir grâce à la tech
Au-delà des analyses de marché et des stratégies d’investissement, il y a une dimension plus profonde, plus humaine, dans ce qui se passe en Afrique. La technologie n’est pas seulement un secteur économique, c’est un puissant vecteur d’émancipation. Pour des millions de jeunes, apprendre à coder, maîtriser le marketing digital ou le design UX/UI, c’est bien plus qu’acquérir une compétence. C’est s’ouvrir une fenêtre sur le monde, c’est reprendre le contrôle de son destin. Je peux en parler personnellement. Mon propre parcours a été transformé par la tech.
J’ai commencé à être bon à l’école quand j’ai appris à coder, quand j’ai fait informatique à l’université. Avant ça j’étais moyen, mais une fois que j’ai commencé, j’étais bon. Donc du coup, j’étais meilleur parce que je faisais ce que j’aimais ou plutôt j’aimais ce que je faisais.
Cette phrase résume tout. La tech permet de transformer une passion en métier, et quand on aime ce qu’on fait, on peut devenir le meilleur. C’est ce message que j’ai envie de transmettre aux 10% de l’audience de ce podcast qui nous écoutent depuis l’Afrique francophone. Le chemin est difficile, surtout pour les autodidactes. Il faut une discipline de fer, une curiosité insatiable pour aller chercher l’information soi-même. C’est une preuve d’intelligence et de détermination immense. Mais le jeu en vaut la chandelle. Aujourd’hui, un développeur talentueux au Cameroun, en Côte d’Ivoire ou au Sénégal peut travailler pour les startups les plus innovantes du monde, sans quitter son pays. Il peut avoir un impact global, être reconnu pour ses compétences et atteindre une indépendance financière qui était impensable pour la génération précédente. C’est une véritable révolution des possibles. Alors, mon message est simple : bon courage. Aimez ce que vous faites, plongez-y corps et âme, et visez l’excellence. Le monde a besoin de vos talents.
Trois startups africaines à suivre de près
Pour rendre les choses plus concrètes, voici trois entreprises qui incarnent cette dynamique et que je vous invite à découvrir :
- Diamo : Basée en Côte d’Ivoire et passée par Y Combinator, c’est une Fintech incontournable en Afrique francophone. Ils construisent des solutions financières innovantes et sont un excellent exemple de l’ambition et du niveau d’exécution de l’écosystème.
- Koué : Incubée à Station F à Paris, cette startup est également dans la Fintech et montre comment la diaspora africaine en Europe contribue à bâtir des ponts et à lancer des projets ambitieux ciblant le continent.
- Julaya : Encore une Fintech, ce qui confirme la tendance ! Julaya propose des solutions de paiement pour les entreprises et connaît une croissance très rapide, illustrant parfaitement la profondeur des besoins sur le marché B2B.
Ces trois exemples, parmi tant d’autres, sont la preuve vivante que l’écosystème tech africain n’est pas une promesse lointaine, mais une réalité tangible et passionnante.
Conclusion : le temps de l’Afrique est arrivé
En refermant cette discussion, une certitude s’impose : l’image d’une Afrique à la traîne de la révolution numérique est obsolète. Le continent est aujourd’hui un acteur dynamique, un laboratoire d’innovations et, surtout, un réservoir de talents d’une profondeur inégalée. Nous avons vu que des innovations de rupture comme le Mobile Money y sont nées par nécessité, que la Fintech y explose en répondant à des besoins fondamentaux, et que les profils des talents tech, des autodidactes brillants à la diaspora expérimentée, sont d’une richesse incroyable. Les défis, notamment en matière de communication et de perception des investisseurs, sont réels. Mais ils sont éclipsés par l’immensité des opportunités : des marchés gigantesques et peu saturés où les prochains géants de la tech mondiale peuvent être construits. La question posée en introduction était : ‘L’Afrique peut-elle devenir demain un leader mondial en développement de logiciel et en solutions technologiques ?’. Ma réponse, forgée par mon expérience quotidienne, est un oui sans équivoque. Le chemin sera long, mais la trajectoire est claire. Le moment est venu de regarder l’Afrique non plus comme un continent à aider, mais comme un partenaire stratégique avec qui innover et construire le futur. Pour les entrepreneurs, les investisseurs et les talents du monde entier, ignorer l’Afrique aujourd’hui, c’est prendre le risque de passer à côté de l’une des plus grandes histoires de croissance du 21e siècle.
Questions fréquentes sur l’innovation technologique en Afrique
Quels sont les exemples concrets d’innovations technologiques nées en Afrique ?
L’Afrique est un véritable berceau d’innovations frugales et impactantes, souvent créées pour répondre à des défis locaux spécifiques. L’exemple le plus célèbre est le Mobile Money, incarné par M-Pesa au Kenya, qui a permis l’inclusion financière de centaines de millions de personnes sans compte bancaire. Cette technologie de paiement et de transfert d’argent par téléphone a littéralement sauté l’étape des banques traditionnelles. On peut également citer le domaine du microcrédit mobile, qui offre des prêts de petits montants à des entrepreneurs ou des particuliers exclus du système financier classique. Ces innovations montrent la capacité du continent à créer des solutions technologiques de rupture adaptées aux réalités locales et qui ont ensuite inspiré le reste du monde.
Quand je pense pour répondre à cette question, déjà il y a par exemple le Mobile Money qui a été qui est né en Afrique au Kenya précisément […] Et aussi d’autres innovations comme le micro crédit où on fait des prêts de petits montant à des personnes qui n’ont pas forcément accès à un compte bancaire.
Pourquoi le secteur de la Fintech est-il si développé en Afrique ?
Le secteur de la Fintech est le moteur de l’écosystème technologique africain pour une raison principale : il répond à un besoin fondamental et massif. Le taux de bancarisation, bien qu’en forte croissance (passant de 21% à 55% en Afrique subsaharienne en moins de dix ans), reste faible comparé aux marchés occidentaux. Cela crée un immense marché pour les startups qui proposent des services financiers accessibles via un simple téléphone mobile. Ces entreprises résolvent des problèmes concrets du quotidien : envoyer de l’argent à sa famille, payer ses factures, accéder à un crédit, etc. Cette forte demande explique pourquoi une grande partie des licornes africaines, comme Flutterwave ou Sendwave, sont des Fintechs.
Parce que le problème de bancarisation et accès aux ressources financières et tout, c’est c’est un très gros problème en Afrique. Et c’est le secteur qui évolue le plus, qui évolue le plus.
Comment évalue-t-on les compétences d’un développeur africain sans diplôme ?
Dans le secteur de la tech, et c’est une chance, les compétences priment de plus en plus sur les diplômes. Pour évaluer un talent autodidacte, la méthode la plus fiable est le test technique. On ne se base pas sur le CV, qui peut être vide, mais sur la capacité réelle du développeur à résoudre des problèmes concrets. On lui fait passer des tests d’algorithmique et on lui demande de réaliser un projet technique similaire à ce qu’il ferait en entreprise. C’est une approche méritocratique qui permet de dénicher des pépites. Certains des meilleurs développeurs que nous avons rencontrés n’avaient ni profil LinkedIn, ni même de compte GitHub fourni, mais ils excellaient dans les tests techniques, ce qui est la seule preuve valable de leur niveau.
On a la chance de d’avoir des entreprises qui se focus sur les compétences, ils ne sont pas trop en recherche de quel diplôme tu as, c’est plus des tests techniques qu’ils font passer […] on dit tester-le, tester-le, voyez à quel point il est bon.
Quels sont les plus grands défis pour une entreprise européenne qui recrute en Afrique ?
Le plus grand défi n’est pas technique, mais humain : c’est la communication. Travailler avec des talents qui sont à des milliers de kilomètres, avec des fuseaux horaires et des contextes culturels différents, exige de mettre en place des processus très clairs. Beaucoup de développeurs, par nature, ne sont pas de grands communicateurs ; ils peuvent rester bloqués sur un problème sans oser demander de l’aide. Le défi est donc de créer un cadre qui favorise la transparence et la proactivité. Cela nécessite un travail d’éducation des deux côtés : former le développeur à surcommuniquer et l’entreprise à manager à distance avec confiance et des outils de suivi efficaces.
C’est vrai que c’est compliqué et le plus gros problème dans ça, c’est la communication. C’est c’est le plus gros problème. Les devs en général, ce ne sont pas des animaux sociaux. Et du coup c’est c’est un problème auquel on fait face qui est réel.
Pourquoi un investisseur devrait-il s’intéresser au marché technologique africain ?
Un investisseur devrait s’intéresser à l’Afrique pour une raison simple : l’opportunité de croissance y est immense et de nombreux marchés sont encore vierges. Contrairement à l’Europe où des secteurs comme la Fintech sont saturés, il est quasiment impossible de lancer un nouveau ‘Revolut’. En Afrique, non seulement c’est possible, mais c’est nécessaire car les besoins sont loin d’être couverts. Être le premier sur un marché avec une population jeune et en pleine croissance démographique offre un potentiel de retour sur investissement exceptionnel. Les startups locales sont même en demande de plus de concurrence pour accélérer le développement de l’écosystème. C’est un véritable ‘océan bleu’ pour les investisseurs avisés.
Ici en Europe beaucoup de secteurs sont saturés. […] le domaine de la Fintech tu peux plus créer un Revolut. C’est c’est fini. […] Mais en Afrique tu peux. Ouais. Parce qu’il y en a pas.
Comment se structure la formation des talents tech en Afrique ?
La formation des talents tech en Afrique est un écosystème hybride en pleine structuration. D’une part, il y a un nombre impressionnant d’autodidactes qui se forment en ligne grâce à un meilleur accès à internet. D’autre part, l’enseignement supérieur se développe avec des universités publiques qui créent des écosystèmes dynamiques, comme la ‘Silicon Mountain’ au Cameroun. Enfin, des écoles internationales prestigieuses comme Epitech s’implantent sur le continent et forment des profils de très haut niveau. Il faut rester vigilant car des formations de mauvaise qualité existent aussi, mais la tendance globale est à une nette montée en compétences grâce à cette combinaison de formation formelle, informelle et internationale.
Il y a aussi de bonnes écoles par exemple Epitech au Bénin. […] Et aussi, il y a des locaux aussi qui font un très bon travail. Il y a des universités publiques par exemple l’université de Bouya que j’ai fait […] cette partie du Cameroun là Bouya a été surnommée Silicon Mountain.
Quel est le profil type des développeurs que l’on trouve en Afrique ?
Il n’y a pas un seul profil type, mais plusieurs. On trouve d’abord le ‘talent brut autodidacte’, très curieux et autonome, qui a appris à coder par passion et a souvent contribué à des projets open source. Ensuite, il y a les talents issus de la diaspora, qui ont étudié ou travaillé en Europe ou aux États-Unis et qui décident de rentrer pour entreprendre, apportant une expérience internationale précieuse. Enfin, il y a ceux qui sont formés dans les bonnes universités ou écoles locales, qui ont suivi un cursus structuré et évoluent au sein des startups et licornes du continent. Ce qui les relie souvent, c’est une grande motivation, une ‘dalle’, l’envie de se prouver et de construire quelque chose de grand.
Il y a cette catégorie de talent, talent brut autodidacte super bon. Puis, il y a une autre catégorie ceux qui vont […] à l’étranger […] et très souvent, ils décident de rentrer en Afrique. Et et aussi il y a un autre type encore ceux qui bossent dans les entreprises locales.
L’Afrique peut-elle vraiment devenir un leader mondial du logiciel ?
Oui, absolument. Le continent a tous les ingrédients pour le devenir. D’abord, un capital humain immense avec la population la plus jeune du monde, avide de se former aux métiers de la tech. Ensuite, des problèmes locaux complexes qui sont un formidable moteur pour l’innovation, forçant à créer des solutions robustes et frugales. L’essor de la Fintech montre déjà que le continent peut produire des entreprises de classe mondiale. Enfin, les marchés sont loin d’être saturés, ce qui laisse la place pour l’émergence de futurs géants. La question n’est plus de savoir si l’Afrique peut le devenir, mais d’accompagner cette montée en puissance pour qu’elle se réalise pleinement.
On posera une question importante, l’Afrique peut-elle devenir demain un leader mondial en développement de logiciel et en […] solutions technologiques ? […] Bref, un épisode riche en perspective et en inspiration à ne pas manquer.




