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#99 > CookieLess > La fin des cookies ? Vraiment ? Parce que cela fait des années qu’on en parle

Épisode diffusé le 15 juillet 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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La fin des cookies : le réveil brutal d’un marketing digital qui se croyait prêt

Il fut un temps, pas si lointain, où la blague récurrente dans les couloirs des agences et des annonceurs était de décréter chaque nouvelle année comme ‘l’année du mobile’. Une prophétie auto-réalisatrice qui a fini par devenir une évidence. Aujourd’hui, cette ritournelle a été remplacée par un refrain bien plus anxiogène, celui de ‘l’année de la fin du cookie’. Sauf que ce n’est plus une blague. C’est une révolution qui se déroule sous nos yeux, et beaucoup ne sont pas encore conscients de l’ampleur du changement. La fin du cookie tiers, ce petit fichier texte qui a été la colonne vertébrale de la publicité digitale pendant plus de deux décennies, n’est pas un événement futur à anticiper. C’est une réalité déjà bien installée, qui redéfinit les règles du jeu en temps réel.

La complexité de cette transition est immense. D’un côté, nous avons Google, qui avec son navigateur Chrome, détient les clés de la majorité du web et propose une solution maison, la fameuse Privacy Sandbox. Une solution qui, sur le papier, promet de réconcilier vie privée et pertinence publicitaire, mais qui, dans les faits, soulève une vague d’inquiétudes sans précédent au sein de l’écosystème. De l’autre, une myriade d’acteurs de l’Open Web – éditeurs, régies, adtechs – qui luttent pour leur survie et tentent de bâtir des alternatives viables. Le décor est planté : nous sommes à un tournant critique où se joue non seulement l’efficacité de nos futures campagnes, mais aussi et surtout la survie d’un web ouvert et diversifié face à la consolidation des géants technologiques.

Dans cet article, nous allons plonger au cœur de cette révolution. En nous appuyant sur l’expertise de Margarita Zlatkova, Directrice Data et Programmatique chez Weborama, nous allons décortiquer l’état réel du marché cookieless en 2024. Nous verrons que nous sommes déjà bien plus avancés dans cette ère que ce que l’on imagine. Nous analyserons en profondeur les promesses et les périls de la Privacy Sandbox, en nous basant sur des études récentes et factuelles. Enfin, nous explorerons les alternatives concrètes qui se dessinent, du ciblage contextuel nouvelle génération aux identifiants universels, sans oublier le plus grand défi de tous : comment mesurer la performance quand le suivi individuel disparaît ? Attachez vos ceintures, car le monde de la publicité digitale que vous connaissiez est en train de disparaître à jamais.

L’ère cookieless est déjà là : un état des lieux chiffré et sans concession

L’une des plus grandes idées reçues concernant la fin des cookies tiers est de la percevoir comme une échéance future, un couperet qui tombera ‘début 2025’ selon le dernier report de Google. C’est une erreur d’analyse fondamentale. La vérité, c’est que nous opérons déjà dans un écosystème majoritairement cookieless. C’est un point crucial à intégrer pour comprendre l’urgence de la situation. Comme le rappelle Margarita, les chiffres parlent d’eux-mêmes et dessinent un paysage bien différent de celui que beaucoup imaginent.

‘Effectivement Google a encore décalé la fin des cookies pour début 2025. Néanmoins, comme tu le disais, on est déjà dans l’ère cookieless. Aujourd’hui, nous avons entre Safari et Firefox, pour des raisons techniques, à peu près 40 % des inventaires publicitaires qui n’ont plus de cookies sur ces deux navigateurs-là. Et à cela, on ajoute entre 20 et 30 % d’inventaires supplémentaires sans consentement, donc consentless, qui sont sur Chrome. Si on fait bien le compte, il nous reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaires publicitaires qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers.’

Ce constat est saisissant. Oubliez l’idée d’un monde 100% ‘cookielisé’ qui basculera d’un coup. La réalité, c’est que 60% à 70% du web est déjà une ‘terra incognita’ pour les stratégies qui reposent exclusivement sur le cookie tiers. Décortiquons ces chiffres. Les 40% provenant de Safari et Firefox ne sont pas nouveaux, mais leur impact est souvent sous-estimé. Depuis des années, Apple avec son ITP (Intelligent Tracking Prevention) et Mozilla avec son ETP (Enhanced Tracking Protection) bloquent par défaut les cookies tiers. Cela signifie que sur une part non négligeable de vos audiences, le retargeting classique, la mesure post-view ou le capping de la répétition publicitaire sont déjà inopérants. Le second chiffre, celui des 20-30% d’inventaires ‘consentless’ sur Chrome, est la conséquence directe du RGPD et de la directive ePrivacy. Il s’agit des utilisateurs qui, via les bannières de consentement (CMP), refusent le dépôt de cookies publicitaires. Cet inventaire, bien que navigué sur Chrome, est donc tout aussi ‘aveugle’ que celui de Safari. En additionnant ces deux parts, on arrive à cette conclusion implacable : la majorité de vos campagnes tourne déjà sans la béquille du cookie tiers. Le passage à 100% en 2025 ne sera que le coup de grâce, pas le début du combat.

Les 3 piliers de l’alternative aux cookies tiers

Face à cet effondrement programmé, l’industrie n’est pas restée les bras croisés. Trois grandes familles de solutions ont émergé pour tenter de construire le futur de la publicité digitale. Elles sont très différentes dans leur approche, leurs avantages et leurs inconvénients. Comprendre ces trois piliers est essentiel pour tout marketeur souhaitant bâtir une stratégie résiliente. Il ne s’agit pas de choisir l’une contre l’autre, mais plutôt d’apprendre à les orchestrer pour répondre à différents objectifs. Margarita les a clairement identifiées : la Privacy Sandbox, le contextuel et les identifiants universels.

La Privacy Sandbox de Google : une promesse sous haute surveillance

C’est la solution proposée par l’acteur qui est à l’origine du ‘problème’ : Google. L’idée est de déplacer une partie de la logique publicitaire (stockage des centres d’intérêt, enchères) du serveur vers le navigateur de l’utilisateur (Chrome). Le but affiché est de ne plus partager de données personnelles identifiantes tout en permettant un ciblage par cohorte (‘Topics API’) et du retargeting (‘Protected Audience API’). Jusqu’à récemment, tout cela restait très théorique. Mais la situation a changé.

‘La Privacy Sandbox a été officiellement lancée et donc maintenant on n’est plus dans des tests en pré-prod sur des serveurs Google, on est sur de la vraie vie sur 1 % des utilisateurs uniquement, mais ils ont réellement implémenté la Privacy Sandbox.’

Ce passage de la théorie à la pratique est une étape majeure. Cela signifie que les acteurs de l’adtech peuvent enfin tester la solution en conditions réelles et mesurer son impact concret. Et comme nous le verrons plus loin, les premiers résultats sont loin d’être rassurants. La Privacy Sandbox reste une boîte noire contrôlée par un seul acteur, ce qui pose d’immenses questions de gouvernance, de concurrence et de performance.

Le ciblage contextuel nouvelle génération : plus intelligent que jamais

Le ciblage contextuel n’est pas nouveau, mais la version 2024 n’a plus rien à voir avec son ancêtre qui se contentait de scanner quelques mots-clés sur une page. Grâce aux avancées en traitement du langage naturel (NLP) et à l’intelligence artificielle, on parle aujourd’hui de ciblage sémantique avancé. La technologie ne se contente plus de savoir qu’une page parle de ‘voitures’, elle peut comprendre si l’article compare des SUV familiaux, critique une nouvelle voiture de sport électrique ou donne des conseils pour l’entretien d’un moteur diesel. Cette granularité change tout. Margarita souligne l’impact de l’IA générative qui pousse la précision encore plus loin.

‘Maintenant au lieu d’indiquer aux algorithmes des expressions ou des mots clés, on leur indique carrément des phrases entières en leur disant : je recherche les personnes qui ou les familles avec deux enfants qui ont tendance à acheter plus de temps de fois tel produit. Et donc à partir de là, les algorithmes vont aller chercher les bonnes pages qui parlent de ces sujets-là.’

L’avantage principal du contextuel est double : il est respectueux de la vie privée par nature (on cible le contenu, pas l’individu) et il offre une portée (un ‘reach’) de 100%, car il fonctionne sur tous les navigateurs, avec ou sans consentement. C’est une base solide et pérenne pour toute stratégie cookieless.

Les identifiants universels : la quête du Graal déterministe

La troisième voie est celle des identifiants universels. L’objectif est de recréer un ‘lien’ déterministe entre les navigateurs d’un même utilisateur, sans utiliser de cookie tiers. Ces solutions reposent sur des données collectées avec le consentement de l’utilisateur, le plus souvent une adresse e-mail hachée et anonymisée lors d’une connexion à un site (login). Quand cet utilisateur se connecte sur un autre site du même réseau d’éditeurs, l’ID permet de le reconnaître. Cela permet de retrouver des cas d’usage proches de l’ère cookie, comme le retargeting cross-site ou la mesure d’attribution. L’écosystème des ID est en pleine effervescence.

‘Les nouveautés, c’est les nouveaux qui sont arrivés, parce que la dernière fois c’était pareil, plutôt des historiques qui étaient basés sur les adresses email […] Mais aujourd’hui on a l’arrivée d’Utiq avec les données Telco, l’arrivée très très fulgurante de First ID basée sur les first party cookies.’

Le principal défi des identifiants universels reste leur couverture. Leur efficacité dépend du nombre d’éditeurs et d’utilisateurs qui adoptent la solution. Ils ne couvriront jamais 100% du web, mais ils représentent une solution premium pour cibler et mesurer avec précision une partie de l’audience qui a donné son consentement explicite.

Privacy Sandbox : pourquoi l’écosystème tire la sonnette d’alarme

Si la Privacy Sandbox est présentée par Google comme la solution d’avenir, son déploiement suscite une levée de boucliers quasi unanime de la part des acteurs de l’Open Web. Les premiers tests à grande échelle ont révélé des failles critiques qui menacent à la fois la performance économique des éditeurs et l’équilibre concurrentiel de tout le marché. Les rapports publiés par des acteurs majeurs comme Criteo, Index Exchange, ou même l’autorité de la concurrence britannique (la CMA), convergent vers un même diagnostic : en l’état, la solution n’est pas viable.

La latence, l’ennemi invisible qui tue les revenus des éditeurs

Le premier problème, très technique mais aux conséquences dramatiques, est celui de la latence. En programmatique, chaque milliseconde compte. Une enchère publicitaire se déroule en moins de 50 millisecondes, le temps d’un clignement d’œil. Or, les tests ont montré que la Privacy Sandbox ralentit considérablement ce processus. Margarita l’explique très clairement.

‘Ce qu’on appelle une latence, c’est la lenteur d’affichage d’une publicité qui pourrait entraîner des lenteurs d’affichage de la page elle-même […] La perte de revenus engendrée par les latences pour les éditeurs, c’est tout simplement de ne pas pouvoir recevoir la publicité pour l’afficher quand l’internaute est là.’

Les chiffres sont alarmants : Index Exchange a constaté une augmentation de plus de 30% des latences, tandis que Criteo parle de plus de 100%. Concrètement, cela signifie que pour de nombreuses impressions, la publicité arrive trop tard. L’internaute a déjà scrollé ou quitté la page. L’espace publicitaire reste vide, et l’éditeur ne perçoit aucun revenu. Dans un contexte où la monétisation est déjà mise à mal par la disparition des cookies, ajouter un tel handicap technique est tout simplement dévastateur pour la presse en ligne et les créateurs de contenu qui dépendent de la publicité pour exister.

Gouvernance et favoritisme : Google, juge et partie ?

Au-delà de la technique, c’est la question de la gouvernance qui inquiète le plus. Avec la Privacy Sandbox, Google, via son navigateur Chrome, devient l’arbitre central du marché publicitaire. Il définit les règles, les API, et contrôle le flux d’informations. Cette position de juge et partie crée un conflit d’intérêts majeur, car Google est aussi le plus grand acteur publicitaire du monde avec ses propres régies (Google Ads, DV360, Google Ad Manager). Le rapport de la CMA britannique met précisément le doigt sur ce risque d’avantage concurrentiel. Et les tests de Criteo le quantifient de manière spectaculaire.

‘Ce que Criteo a enregistré, c’est que […] si on intègre la Privacy Sandbox, on passe à 83 % des impressions qui proviennent de GAM (Google Ad Manager). Donc on a carrément, même si effectivement Google n’est pas d’accord avec les chiffres de Criteo, même si les chiffres ne sont pas 80 mais même 30, le décalage est quand même important, c’est toujours du favoritisme.’

Ce chiffre est une bombe. Il suggère que l’architecture de la Privacy Sandbox pourrait massivement et mécaniquement favoriser l’écosystème publicitaire de Google au détriment de tous les autres acteurs indépendants. C’est une menace existentielle pour l’Open Web. On ne joue plus seulement l’efficacité publicitaire, comme le souligne Margarita : ‘On joue aujourd’hui la survie de l’Open Web tel qu’on le connaît aujourd’hui et la question c’est est-ce qu’il va continuer à exister demain.’

Au-delà du web desktop : les grands oubliés de la révolution cookieless

La conversation autour de la fin des cookies se concentre très majoritairement sur le web desktop et mobile. Pourtant, une part croissante de la consommation de contenu et des inventaires publicitaires se trouve ailleurs, notamment dans l’univers applicatif. Et sur ce front, le flou est encore plus total, ce qui ajoute une couche d’incertitude supplémentaire pour les annonceurs et les éditeurs dont le modèle économique repose fortement sur le mobile.

Le monde applicatif, un chantier en suspens

Alors que le web a une feuille de route (certes controversée) avec la Privacy Sandbox, le monde des applications natives Android navigue à vue. Google avait bien annoncé une ‘Privacy Sandbox pour Android’, censée remplacer l’identifiant publicitaire mobile actuel (le GAID), mais le projet semble au point mort.

‘On a Privacy Sandbox pour Android qui malheureusement a été mise en standby, n’a pas été lancée, n’a pas été développée jusqu’au bout […] On parle plutôt de Android en 2026 et ça va arriver et on ne connaît pas encore toutes les répercussions parce que les tests n’ont pas été faits.’

Cette mise en pause est extrêmement problématique. Pour de nombreux éditeurs, notamment dans les médias, le jeu vidéo ou les services, l’audience in-app représente une part majoritaire de leur trafic et de leurs revenus. Margarita le rappelle : ‘Quand on sait qu’aujourd’hui certains éditeurs ont jusqu’à 50-60 % de leurs inventaires qui sont mobile et qui commencent à être de plus en plus in-app, on est légitimement en train de se poser la question une fois qu’on cumule tout ça, ce qui va se passer à la fin.’ Ce retard crée une asymétrie inquiétante et laisse des pans entiers de l’économie digitale sans aucune visibilité sur leur avenir à moyen terme.

Le refuge des ‘Walled Gardens’ et du Retail Media

Cette complexité et cette incertitude sur l’Open Web ont un effet mécanique : elles accélèrent la fuite des budgets publicitaires vers les environnements fermés, les ‘Walled Gardens’. Ces plateformes comme Google (Search, YouTube), Meta (Facebook, Instagram) ou Amazon fonctionnent en vase clos, sur la base de leurs propres données first-party (les données que les utilisateurs leur fournissent en se connectant). Elles n’ont jamais dépendu du cookie tiers et sont donc immunisées contre sa disparition.

‘C’est pour ça que finalement le retail média, la CTV repart à fond, parce qu’en fait les annonceurs ils vont dans des endroits first party, ils se prennent pas la tête […] et l’avantage de ces univers-là, c’est qu’on a de la donnée qui n’a jamais dépendu, qui n’a jamais été dépendante du cookie.’

Ce mouvement est logique du point de vue de l’annonceur qui cherche simplicité et efficacité. Cependant, il contribue à affaiblir davantage l’Open Web. Chaque euro qui bascule des sites de presse indépendants vers les géants de la tech est un euro de moins pour financer la création de contenu diversifié. Le boom du Retail Media (la publicité sur les sites e-commerce) et de la TV Connectée (CTV) s’inscrit dans la même logique. Ce sont des environnements logués, riches en données first-party, mais qui posent tout de même, comme le souligne Margarita, le même problème de fond : celui de la mesure de la performance globale et dédupliquée.

Repenser la performance : le défi ultime de la mesure post-cookie

Si le ciblage publicitaire est au cœur des débats, le véritable séisme de l’ère cookieless se situe peut-être ailleurs : dans la mesure de la performance. Le cookie tiers, malgré tous ses défauts, offrait une illusion de perfection : un suivi unifié du parcours utilisateur, du premier contact avec une bannière publicitaire jusqu’à la conversion finale. Cette vision granulaire et en temps réel a façonné tous nos outils, nos réflexes et nos indicateurs de performance (KPIs) depuis 15 ans. Or, ce monde est en train de voler en éclats, et nous ne sommes absolument pas préparés au changement de paradigme qu’exige le futur.

Le cookie nous a habitués à une forme d’addiction aux KPIs de bas de tunnel, facilement mesurables et instantanés : le coût par clic (CPC), le coût par lead (CPL), le coût par acquisition (CPA), le retour sur investissement publicitaire (ROAS). Dans le monde de demain, ces indicateurs, tels qu’on les calcule aujourd’hui, vont perdre une grande partie de leur pertinence. Le parcours utilisateur sera fragmenté entre différents environnements (contextuel, ID, agrégé) qu’il sera impossible de réconcilier au niveau individuel. Comme le dit Margarita, nous devons faire le deuil de cette vision omnisciente.

‘Je suis persuadée qu’on n’aura plus ce temps réel qu’on a aujourd’hui avec les cookies tiers et qu’il va falloir réfléchir à comment adapter nos KPI à cette situation-là. Il ne sera plus possible d’aller chercher le coût d’acquisition à la seconde, à la minute, le coût par lead, le coût par vente, la corrélation une impression et le ROAS qu’on a derrière. Il va falloir réfléchir à tout ça différemment.’

Alors, comment faire ? La réponse réside probablement dans un retour à des méthodes plus macro, comme le Marketing Mix Modeling (MMM). Ces approches statistiques, qui existaient bien avant internet, visent à corréler les investissements sur différents canaux (TV, radio, digital, etc.) avec les ventes globales, sans suivi individuel. L’enjeu sera de les moderniser, de les rendre plus agiles pour passer d’une analyse annuelle à une analyse mensuelle, voire hebdomadaire. Il faudra aussi apprendre à combiner différentes sources de données : les données agrégées et anonymisées de la Privacy Sandbox, les signaux déterministes mais partiels des ID universels, et les analyses de contribution des campagnes contextuelles. Cela demande de nouvelles compétences, un dialogue renforcé entre les équipes marketing, data et média, et surtout, une acceptation collective que la mesure parfaite n’existe plus. C’est un changement culturel profond pour des annonceurs qui devront apprendre à piloter leurs investissements avec une boussole plutôt qu’un GPS ultra-précis.

Conclusion : Agir maintenant ou subir demain

Au terme de cette plongée dans les méandres du monde cookieless, un constat s’impose : l’attentisme n’est plus une option. La fin totale du cookie tiers sur Chrome en 2025 ne sera que l’épilogue d’une histoire commencée il y a des années. Le plus gros de la transition est déjà derrière nous, et ceux qui n’ont pas encore amorcé leur transformation sont déjà en retard. La Privacy Sandbox, loin d’être la solution miracle, apparaît aujourd’hui comme une proposition boiteuse qui menace l’équilibre économique de l’Open Web. La dépendre exclusivement serait une erreur stratégique majeure.

L’avenir réside dans une approche hybride et pragmatique. Il est impératif de maîtriser et de tester dès aujourd’hui la complémentarité des différentes alternatives : le ciblage contextuel sémantique pour garantir une portée maximale et respectueuse de la vie privée, les identifiants universels pour activer et mesurer précisément les audiences consentantes, et les stratégies basées sur les données first-party pour capitaliser sur ses propres actifs. Mais au-delà des outils, c’est toute la philosophie de la mesure qui doit être réinventée. Accepter l’imperfection, privilégier les modèles statistiques macro aux micro-conversions, et rééduquer les comités de direction à de nouveaux KPIs sera le plus grand défi des directeurs marketing dans les mois à venir.

Finalement, cette révolution, bien que douloureuse, est peut-être une chance. Une chance de construire un écosystème publicitaire plus respectueux des utilisateurs, moins dépendant d’un acteur hégémonique, et plus axé sur la qualité du contenu et du contexte. Pour cela, les annonceurs ont un rôle crucial à jouer. Comme le suggère Margarita, ils doivent ‘mettre les mains un petit peu dans le cambouis’, poser les bonnes questions à leurs agences et partenaires technologiques, et s’acculturer à ces sujets complexes. Des ressources existent, comme les panoramas de l’Alliance Digitale, pour les guider. L’avenir du marketing digital ne sera pas écrit par Google seul, mais par l’ensemble des acteurs qui auront eu le courage d’expérimenter, d’apprendre et de construire ensemble le web de demain.

Foire aux questions sur l’ère cookieless

Pourquoi dit-on que l’ère cookieless est déjà une réalité en 2024 ?

Parler de l’ère cookieless au futur est une erreur. En 2024, une large majorité de l’inventaire publicitaire sur le web n’est déjà plus accessible via les cookies tiers. Cela est dû à leur blocage par défaut sur des navigateurs comme Safari et Firefox, qui représentent environ 40% du marché. À cela s’ajoute le refus de consentement au suivi publicitaire par 20 à 30% des utilisateurs sur Chrome. Au total, seulement 30 à 40% du web reste ‘adressable’ avec un cookie tiers, ce qui oblige les annonceurs à opérer dès maintenant dans un environnement majoritairement cookieless.

‘Si on fait bien le compte, il nous reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaires publicitaires qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers. D’accord. Donc ça, ça a changé par rapport à la dernière fois où on s’est parlé où à l’époque, on était sur 50-60 % de cookie tiers sur le marché.’

Quels sont les principaux reproches faits à la Privacy Sandbox de Google ?

La Privacy Sandbox de Google est critiquée sur plusieurs points majeurs. Premièrement, elle engendre une latence technique importante, c’est-à-dire un ralentissement de l’affichage des publicités, ce qui cause des pertes de revenus directes pour les éditeurs. Deuxièmement, sa gouvernance est entièrement contrôlée par Google, créant un conflit d’intérêts et des risques de favoritisme pour son propre écosystème publicitaire, au détriment de l’Open Web. Des tests ont montré une augmentation spectaculaire de la part de marché de la régie de Google lorsque la Privacy Sandbox est activée.

‘Les plus gros reproches à commencer par la CMA, Criteo et Index Exchange, c’est les latences […] On a également aussi effectivement et ça c’est une partie importante, la gouvernance sur laquelle on a toujours aucune sécurité de la part de Google.’

Le ciblage contextuel est-il une alternative crédible aux cookies ?

Oui, le ciblage contextuel est non seulement crédible, mais il est devenu une composante essentielle de toute stratégie publicitaire moderne. Loin du simple ciblage par mot-clé d’autrefois, il s’appuie désormais sur l’analyse sémantique et l’IA pour comprendre le sens et le sentiment d’une page avec une grande finesse. Son avantage principal est d’être totalement respectueux de la vie privée, car il cible le contexte et non l’individu. De plus, il fonctionne sur 100% de l’inventaire web, y compris sur les navigateurs qui bloquent les cookies, ce qui en fait une solution à la fois performante et pérenne.

‘Le ciblage contextuel a eu quand même un petit peu d’évolution entre-temps […] aujourd’hui arrive aussi l’IA générative et les deux couplés ensemble continuent à faire croître le reach et la précision du ciblage contextuel.’

Quel est le plus grand défi de l’ère cookieless : le ciblage ou la mesure ?

Si le ciblage présente de nombreux défis, le consensus est que la mesure de la performance est le challenge le plus complexe et le plus structurant de l’ère cookieless. L’industrie a été habituée pendant plus d’une décennie à un suivi individualisé et en temps réel du parcours client, ce qui n’est plus possible. Le véritable enjeu est donc de réinventer les indicateurs de performance (KPIs), d’abandonner la quête du coût d’acquisition à la seconde, et d’adopter de nouvelles méthodologies comme le Marketing Mix Modeling pour piloter les investissements de manière plus globale et stratégique.

‘La mesure, on n’en a pas parlé, mais elle est encore plus importante et encore plus impactée que le ciblage parce que sur la mesure déjà on a très peu de tests et les solutions sont pas aussi évidentes que sur le ciblage.’

Quel est le risque de la Privacy Sandbox pour l’Open Web ?

Le risque principal est que la Privacy Sandbox, en centralisant les règles du jeu publicitaire au sein du navigateur Chrome, ne crée un avantage concurrentiel insurmontable pour l’écosystème de Google. En agissant comme un ‘juge et partie’, Google pourrait favoriser ses propres technologies publicitaires, marginaliser les acteurs indépendants (régies, SSPs, adtechs) et capter une part encore plus grande de la valeur. À terme, cela pourrait affaiblir la capacité des éditeurs indépendants à monétiser leur contenu, menaçant la diversité et la viabilité d’un web ouvert au profit des ‘Walled Gardens’.

‘La CMA se prononce sur le fait est-ce que réellement elle crée un avantage concurrentiel et un favoritisme de Chrome de Google versus l’Open Web. Et on joue aujourd’hui, je pense, la survie de l’Open Web.’

Comment les annonceurs doivent-ils s’adapter à ce nouvel écosystème ?

L’attentisme n’est plus une option. Les annonceurs doivent adopter une approche proactive en commençant par s’éduquer sur ces sujets techniques. Ensuite, il est crucial de construire un ‘mix’ de solutions alternatives aux cookies. Cela implique de tester activement le ciblage contextuel sémantique, d’explorer les différentes solutions d’identifiants universels et de renforcer leurs stratégies de collecte et d’activation de données first-party. Enfin, ils doivent engager une réflexion profonde en interne pour adapter leurs KPIs et leurs méthodes de mesure à cette nouvelle réalité fragmentée.

‘Je leur recommande la lecture des panoramas [de l’Alliance Digitale]. Ça devrait les aider, ça a été conçu pour les aider justement dans cette démarche-là […] au bout d’un moment, c’est aussi à eux de mettre les mains un petit peu dans le cambouis.’


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