L’année 2023 dans la tech : la fin de l’insouciance et le début d’une nouvelle ère
Bienvenue. Si vous travaillez dans le digital, vous avez probablement ressenti ce sentiment étrange en 2023. Une sorte de vertige, comme si le sol s’était mis à trembler sous nos pieds après des années d’une course effrénée vers les sommets. Hier encore, on parlait de ‘guerre des talents’, de salaires mirobolants et de la ‘Grande Démission’. Aujourd’hui, les gros titres sont trustés par les plans de licenciements, la rigueur budgétaire et une incertitude palpable. Que s’est-il passé ? Sommes-nous simplement face à un ralentissement conjoncturel ou assistons-nous à une transformation bien plus profonde ? C’est toute la question qui anime cet article, une réflexion que j’ai eu la chance de mener avec Laurent de BaNews. Ensemble, nous avons tenté de prendre du recul sur cette année charnière. Une année où une date, le 14 avril 2022, a peut-être servi de détonateur à une vague de fond qui était déjà en train de se former. Cette date, c’est celle du rachat de Twitter. Pour moi, elle symbolise un tournant majeur. Comme je le disais à Laurent,
‘pour moi cette date, elle est vraiment un tournant dans la tech parce que finalement après le rachat de Twitter, Elon Musk a viré 80 % des effectifs et en fait, pour moi, il a montré à l’ensemble du marché du digital que tu pouvais virer 50 % de ta boîte, ta boîte elle tournait’.
Cette action, aussi brutale soit-elle, a libéré une parole et surtout, a donné une forme de permission à tout un écosystème qui sentait bien que la fête touchait à sa fin. Au-delà de ce symbole, nous allons explorer les mécanismes profonds qui ont mené à cette situation : la fin de l’argent facile, le retour forcé à la rentabilité, et cette question fondamentale qui plane désormais sur nous tous : la tech est-elle en train de devenir une industrie comme les autres ? Cet article n’est pas une analyse à froid, c’est une plongée au cœur de nos métiers, de nos carrières et de l’avenir que nous devons collectivement construire.
L’effet Musk : le jour où la tech a perdu son invincibilité
Le 14 avril 2022. Une date qui ne vous dit peut-être rien, mais qui, avec le recul, agit comme un véritable point de bascule psychologique pour notre industrie. C’est le jour où l’offre de rachat de Twitter par Elon Musk a été rendue publique. Ce qui a suivi est désormais connu de tous : une prise de contrôle chaotique et surtout, une vague de licenciements d’une ampleur inédite, balayant près de 80% des effectifs. Au-delà du cas spécifique de Twitter, avec ses controverses sur la modération ou la fuite des annonceurs, le message envoyé au reste de la Silicon Valley et au-delà a été d’une clarté déconcertante. La plateforme, malgré cette purge massive, continuait de fonctionner. Certes, avec des ratés, des bugs, une image dégradée, mais le service de base était toujours là. Pour des entreprises comme Google, Meta ou Amazon, qui avaient embauché à tour de bras pendant la pandémie, cette démonstration par l’extrême a eu l’effet d’un électrochoc. Elle a servi de justification, de catalyseur. C’était la preuve qu’on pouvait couper massivement dans les effectifs sans que tout s’effondre. Cet événement n’est pas la cause unique des licenciements qui ont suivi, mais il en est le détonateur symbolique. Il a brisé un tabou. Avant Musk, licencier massivement était perçu comme un aveu d’échec de la direction. Après lui, c’est devenu une démonstration de force, une preuve de rationalisation nécessaire face à un marché qui changeait. C’est ce qui a ouvert les vannes. Les dirigeants des autres GAFAM, sous la pression de leurs actionnaires inquiets de la chute des cours de bourse, ont vu là une opportunité de restructurer sans en porter seuls la responsabilité. L’effet de meute a fait le reste. Quand tout le monde licencie, cela devient la nouvelle norme, une simple adaptation aux conditions de marché. Mais en réalité, le terrain était déjà prêt pour ce grand bouleversement. L’ère de l’argent facile touchait à sa fin.
La fin de l’argent magique : le retour brutal à la réalité économique
Pour comprendre la violence du retour de balancier de 2023, il faut se souvenir du monde d’avant. Un monde où l’argent semblait infini et gratuit. Comme je l’expliquais, nous sortions d’années marquées par un
‘afflux de capital taux zéro, valeur tech qui prennent vraiment de l’ampleur et grosse concurrence entre les visi qui sont blindés’.
Cette abondance de liquidités a créé une bulle spéculative où la seule métrique qui comptait était l’hypercroissance. La rentabilité ? C’était un sujet pour plus tard, une préoccupation pour des entreprises ‘normales’. Dans cet écosystème, l’objectif n’était pas de construire un business viable, mais de capter des parts de marché le plus vite possible pour justifier une valorisation toujours plus haute lors du prochain tour de financement. Cette logique a eu une conséquence directe sur le marché du travail : on a embauché frénétiquement. Des armées de développeurs, de marketeurs, de chefs de produit, souvent sans se poser la question de leur impact réel sur le chiffre d’affaires ou la marge. Pourquoi ? Tout simplement parce que
‘le business dans beaucoup de cas n’avait pas à être rentable. Et donc forcément si tu relies pas une ressource à un indice de rentabilité, tu peux virtuellement embaucher n’importe qui’.
On embauchait pour ‘nourrir la croissance’, pour montrer aux investisseurs qu’on avait les moyens de ses ambitions, pour affaiblir la concurrence en aspirant tous les talents disponibles. Fin 2021, c’était le chant du cygne de cette époque. Je me souviens d’une startup dans laquelle j’ai investi qui a levé une somme colossale en un temps record. Le fondateur lui-même était stupéfait. 2022 a marqué le dégonflement de cette bulle. Avec la remontée des taux d’intérêt, l’argent est redevenu cher. Les investisseurs sont devenus frileux et ont changé leur fusil d’épaule : la rentabilité est redevenue le maître-mot. Les licenciements massifs ne sont donc pas un signe de la mort de la tech, mais l’expression d’un retour à une certaine normalité économique. C’est le symptôme douloureux d’une industrie qui a fait ‘n’importe quoi’ et qui est maintenant forcée de se rationaliser.
La fracture du marché : entre licornes malades et PME résilientes
Cette correction ne frappe pas tout le monde de la même manière. Elle a créé une véritable dichotomie sur le marché. D’un côté, nous avons les entreprises qui ont le plus profité de l’euphorie passée, celles qui ont levé des centaines de millions sur des valorisations délirantes. Ce sont elles qui sont aujourd’hui en première ligne des plans de restructuration. Des noms comme N26, Gorillas, ou même des fleurons comme Ledger en France, illustrent ce phénomène. Elles sont prises dans un étau : leurs investisseurs leur demandent de continuer à croître tout en devenant rentables. Un dilemme quasi insoluble sans passer par une réduction drastique de la masse salariale. Leur modèle économique doit être prouvé, et vite, pour ne pas voir leur valorisation s’effondrer lors d’un potentiel prochain financement, ce qu’on appelle un ‘down round’. C’est un phénomène ultra mécanique. De l’autre côté, il y a une myriade d’entreprises qui ont eu une croissance plus raisonnable. Celles qui ont ‘bootstrapé’ (autofinancé leur croissance) ou qui ont levé des fonds de manière mesurée. Ces PME du digital, souvent moins visibles médiatiquement, sont beaucoup plus résilientes. Ayant toujours eu une culture de la rentabilité, elles n’ont pas sur-embauché. Mieux encore, la situation actuelle est une aubaine pour elles. Comme je l’observe dans mon écosystème à Barcelone, les licenciements chez les géants comme Typeform, qui a dû se séparer de 30% de ses effectifs après une levée massive, ont
‘permis aux boîtes qui elles continuent à être dans une situation plus raisonnable de recruter des bons profils’.
Le marché se rééquilibre. Les talents, autrefois inaccessibles, sont de nouveau disponibles pour des projets peut-être moins ‘glamour’ mais souvent plus solides et pérennes. On a trop longtemps eu les yeux rivés sur les licornes et les levées de fonds à 9 chiffres, en oubliant que l’essentiel du tissu économique digital est composé de ces entreprises solides et pragmatiques.
Ce retour à la normale, bien que nécessaire, nous pousse à nous interroger sur la nature même de nos environnements de travail. Après avoir expérimenté le ‘monde d’après’ pendant la pandémie, sommes-nous en train de faire machine arrière ou de dessiner les contours d’un nouveau contrat social en entreprise ? Le débat fait rage et révèle des tensions profondes sur ce que nous attendons de notre vie professionnelle.
Le grand flottement : à quoi ressemblera le travail de demain ?
Le coup de flip du début d’année 2023 semble un peu passé. La peur panique d’être ‘le prochain sur la liste’ s’est atténuée, remplacée par une sorte de réalisme teinté d’attentisme. On a collectivement accepté que la période dorée était révolue et que nous entrions dans une phase plus complexe, avec beaucoup d’espoirs reportés sur 2024. Mais cette stabilisation en surface cache des mouvements de fond bien plus profonds. La vraie question qui se pose est la suivante : la tech est-elle en train de perdre son statut d’exception pour devenir un marché comme les autres ? C’est une perspective que j’appelle presque de mes vœux. Après l’ivresse, peut-être est-ce ‘l’album de la maturité’. Un secteur avec une croissance plus organique, moins délirante, mais plus saine. Cette normalisation forcée nous oblige à repenser la structure même du travail. Le modèle du CDI à vie dans un bureau fixe, qui était déjà bousculé, semble de plus en plus inadapté. On assiste à une recomposition fascinante.
‘Le freelancing, les collectifs, l’utilisation d’une super spécialisation d’un côté et la décentralisation […] tout se décentralise vachement et s’expertise et ça recompose un monde du travail’.
Nos carrières et nos emplois doivent trouver leur place en résonance avec cet éclatement. Pourtant, cette vision d’un futur du travail plus flexible et décentralisé se heurte à de puissantes forces de rappel, créant une période de flottement et d’incertitude.
Le télétravail en sursis ? Le bras de fer entre flexibilité et contrôle
La pandémie nous a projetés dans ce que l’on pensait être le ‘monde d’après’ : plus de flexibilité, de confiance et d’autonomie. Pourtant, à peine sortis de la crise, de nombreuses grandes entreprises, notamment les GAFAM, sifflent la fin de la partie et exigent un retour au bureau, au moins partiel. Cet entre-deux est symptomatique des tensions qui traversent notre époque. Sommes-nous vraiment prêts à accepter ce nouveau paradigme ? J’en doute, car les mentalités traditionnelles ont la vie dure. Le management classique, fondé sur le contrôle visuel, est en panique.
‘Un manager d’une boîte classique a besoin de fliquer ses petits Padawan en dessous […] s’il les voit pas, il est en stress’.
Comment évaluer la performance sans tomber dans la surveillance, comment maintenir une culture d’entreprise quand les couloirs sont vides ? Ces questions sont légitimes, mais la réponse ne peut être un simple retour en arrière. Je le vois dans ma propre entreprise : forcer le retour est quasi impossible sans risquer une fuite des talents. Et l’ambiance a changé. Quand je retourne au bureau, je vois des espaces à moitié vides où il n’y a plus de sentiment de vie collective, juste des individus qui hurlent dans leurs casques lors de réunions en ligne avec des collègues qui devraient être assis à côté d’eux. Il y a une perte d’harmonie, de ce ‘small talk’ essentiel à la cafétéria qui crée du lien social et de l’innovation informelle. Alors oui, en tant qu’animaux sociaux, nous avons besoin de ce lien. Mais il ne se décrète pas. Il doit être réinventé. Peut-être que le futur réside dans une segmentation : des équipes très intégrées au siège pour les phases de création intense, et des contributeurs plus externalisés, comme des freelances experts, pour des tâches spécifiques. Le modèle unique pour tous est probablement mort.
L’ère de l’individu-entreprise : entre ‘side hustle’ et quête de sens
Parallèlement à ce débat sur le lieu de travail, une autre tendance de fond redéfinit notre rapport à l’emploi : l’aspiration à ne plus mettre tous ses œufs dans le même panier. Le ‘slashing’, ou le ‘side hustle’, n’est plus un phénomène marginal, c’est devenu une véritable culture, particulièrement chez les nouvelles générations.
‘Tout le monde doit avoir un side de sol, un truc […] Ça veut pas dire que c’est un side de revenu, c’est un side de sol’.
Ce podcast en est un exemple parfait. Cette volonté de développer des projets personnels, d’apprendre de nouvelles compétences, de diversifier ses activités est une donnée avec laquelle les entreprises doivent désormais composer. C’est en contradiction directe avec le modèle de la startup en hypercroissance qui exigeait un dévouement total, ‘200%’ de l’énergie de ses salariés, en échange de la promesse, souvent lointaine, de stock-options. Aujourd’hui, pour attirer et retenir les talents, il faut proposer autre chose. Il faut savoir créer un sentiment d’appartenance tout en acceptant que le projet de l’entreprise ne soit pas l’unique projet de vie de ses collaborateurs. C’est un équilibre subtil à trouver. Peut-être en autorisant et même en valorisant ces projets parallèles, en y voyant une source d’enrichissement pour l’employé et, par ricochet, pour l’entreprise. Cette perspective change tout dans la manière de manager, de former et d’envisager une carrière. On ne recrute plus une simple force de travail pour une tâche, mais un individu avec un écosystème de compétences et d’aspirations. C’est complexe, mais c’est sans doute la clé pour recréer du lien et de l’engagement dans un monde du travail de plus en plus fragmenté. Tout cela se déroule avec, en toile de fond, une révolution technologique dont nous commençons à peine à mesurer l’ampleur.
Alors que nous débattons du lieu de travail et de l’engagement, une vague bien plus puissante est en train de se former à l’horizon. L’intelligence artificielle n’est plus un concept de science-fiction, elle s’immisce dans nos outils et nos métiers à une vitesse stupéfiante. Elle pourrait bien être l’arbitre inattendu de tous les débats qui nous animent aujourd’hui.
L’IA : le cygne noir ou l’exosquelette de nos cerveaux ?
Chaque nouvelle vague technologique amène son lot de promesses et de craintes. On l’a vu avec l’imprimante 3D, le Web3, les NFT… Des sujets qui devaient tout changer et qui, finalement, ont mis du temps à trouver leur place ou se sont dégonflés. Mais avec l’intelligence artificielle générative, quelque chose semble différent. La vitesse d’adoption et l’impact potentiel sur les métiers intellectuels sont d’une autre nature. Face à ce changement, deux réactions extrêmes dominent : soit on se cache derrière son petit doigt en se disant que ce n’est qu’un gadget,
‘c’est juste du texte automatique’
, soit on cède à la panique en pensant que tous nos emplois vont disparaître. La vérité se situe probablement entre les deux. Ce qui est certain, et ce qui distingue cette révolution des précédentes comme l’apparition de l’automobile ou de la radio, c’est sa rapidité.
‘La seule chose qui change par rapport à l’apparition de l’automobile, de la radio, même de la machine à vapeur, c’est la rapidité avec laquelle quand même ça va changer. Si ça change des trucs en 10 ans, c’est énorme’.
Dix ans, à l’échelle d’une carrière, c’est demain. Cette accélération nous oblige à ne pas procrastiner notre adaptation. Le changement ne sera pas progressif, il risque d’être brutal pour ceux qui l’ignorent. Il ne s’agit plus de savoir si l’IA va impacter nos métiers, mais comment et à quelle vitesse. L’enjeu n’est pas de résister, mais de comprendre comment intégrer cette technologie pour augmenter nos propres capacités. C’est une transformation profonde de la notion même de compétence et d’expertise. Fondamentalement, nous allons devoir apprendre à travailler différemment, à collaborer avec ces nouveaux outils pour nous concentrer sur ce qui fait notre valeur ajoutée humaine : la stratégie, la créativité, l’esprit critique et l’intelligence émotionnelle. L’IA ne va pas nous remplacer, elle va nous augmenter. Elle peut devenir un véritable exosquelette pour notre cerveau, nous permettant d’aller plus loin, plus vite. Le marketeur de demain ne sera pas celui qui sait écrire un prompt, mais celui qui saura utiliser l’IA pour analyser des marchés complexes, personnaliser des campagnes à grande échelle et imaginer des stratégies que personne n’avait encore conçues. C’est un défi immense, mais aussi une opportunité fascinante de réinventer la valeur que nous apportons.
Conclusion : naviguer dans la nouvelle normalité de la tech
L’année 2023 restera comme une année de rupture. Le choc provoqué par l’effet Musk, la fin de l’ère de l’argent facile et le retour brutal aux fondamentaux économiques ont sonné la fin d’une certaine insouciance dans la tech. Nous avons collectivement pris conscience que notre secteur, que l’on pensait exceptionnel et à l’abri des cycles, est peut-être en train de devenir une industrie mature, ‘normale’. Cette transition est douloureuse, marquée par l’incertitude et la remise en question de nos modèles. Le débat sur le télétravail, la montée en puissance de l’individu-entrepreneur et, surtout, l’arrivée fracassante de l’intelligence artificielle sont autant de pièces d’un puzzle complexe que nous assemblons en temps réel. Il n’y a plus de trajectoire linéaire, plus de certitudes. Nous naviguons à vue dans un environnement où les seules compétences qui comptent vraiment sont l’adaptabilité, la curiosité et la capacité à apprendre en continu. Loin d’être une vision pessimiste, c’est peut-être une formidable opportunité. L’opportunité de construire des entreprises plus saines et plus résilientes. L’opportunité de redéfinir notre rapport au travail pour qu’il soit plus équilibré et porteur de sens. Et enfin, l’opportunité d’utiliser des technologies comme l’IA non pas comme une menace, mais comme un levier pour augmenter notre potentiel humain. L’avenir du marché du travail dans la tech n’est pas écrit. C’est à nous, collectivement, de le façonner en acceptant que le changement n’est plus une phase de transition, mais un état permanent.
Foire Aux Questions (FAQ)
1. Quel a été le véritable impact du rachat de Twitter par Elon Musk sur les licenciements dans la tech ?
Le rachat de Twitter par Elon Musk a eu un impact psychologique et symbolique majeur, bien plus que structurel. Il n’a pas causé la crise, mais il a agi comme un détonateur. En licenciant massivement une grande partie des effectifs sans que la plateforme ne s’effondre immédiatement, Musk a brisé un tabou. Il a montré aux autres dirigeants de la tech, qui subissaient déjà la pression de leurs actionnaires, qu’une telle coupe était non seulement possible, mais qu’elle pouvait être présentée comme un acte de gestion courageux et nécessaire. Cela a créé une sorte de ‘permission’ collective, où licencier n’était plus un aveu d’échec mais un signe de rationalisation, déclenchant ainsi une vague d’annonces similaires chez les GAFAM et d’autres grandes entreprises du secteur.
‘Il a montré à l’ensemble du marché du digital bah que tu pouvais virer 50 % de ta boîte, ta boîte elle tournait. […] Et pour moi ça a été le point de départ à l’ensemble des licenciements Facebook, Google et cetera.’
2. Pourquoi les entreprises de la tech qui levaient des millions se sont-elles mises à licencier massivement en 2023 ?
Les licenciements massifs de 2023 sont la conséquence directe de la fin d’un cycle économique exceptionnel. Pendant des années, avec des taux d’intérêt proches de zéro, le capital affluait massivement. La priorité n’était pas la rentabilité, mais l’hypercroissance à tout prix pour attirer les investisseurs. Les entreprises ont donc embauché frénétiquement, souvent sans corréler ces recrutements à un retour sur investissement direct. Avec la hausse des taux d’intérêt, l’argent est devenu cher et les investisseurs exigent désormais un chemin clair vers la profitabilité. Ces entreprises, souvent surévaluées, sont donc contraintes de réduire drastiquement leurs coûts pour prouver la viabilité de leur modèle, et la masse salariale est le levier le plus rapide et le plus significatif.
‘Le business dans beaucoup de cas n’avait pas à être rentable. Et donc forcément si tu relies pas une ressource à un indice de rentabilité, tu peux virtuellement embaucher n’importe qui […] les licenciements sont juste l’expression du retour d’une certaine normale.’
3. Le télétravail est-il vraiment menacé dans le secteur digital ?
Le télétravail n’est pas menacé de disparition, mais son modèle ‘total’ et généralisé est fortement remis en question. Nous sommes dans une phase de tension entre les aspirations des salariés à plus de flexibilité, héritées de la pandémie, et la volonté de nombreuses entreprises de faire revenir les équipes au bureau. Les raisons de ce retour sont multiples : culture managériale basée sur le contrôle visuel, crainte d’une perte de culture d’entreprise, et la perception que l’innovation spontanée est plus difficile à distance. Cependant, un retour en arrière complet semble impossible sans risquer une fuite des talents. L’avenir se dessine probablement autour de modèles hybrides et plus segmentés, adaptés à la nature des équipes et des missions.
‘Je pense qu’ils ne peuvent pas se permettre encore aujourd’hui de forcer tout le monde à revenir […] quand je retourne dans notre bureau […] il y a plus d’ambiance et tu arrives, tu t’installes à un endroit, tu entends des gens hurler devant leur ordinateur.’
4. Le digital est-il en train de devenir une industrie comme les autres ?
Oui, de nombreux signes indiquent que le secteur digital est en train de vivre sa ‘normalisation’. Après des années perçues comme une exception, avec une croissance quasi infinie et des règles économiques propres, il entre dans une phase de maturité. Les licenciements massifs, le recentrage sur la rentabilité et des cycles de croissance plus modérés le rapprochent du fonctionnement d’autres industries établies. Cette transition, bien que douloureuse, peut être saine. Elle force les entreprises à construire des modèles économiques plus solides et durables, loin de l’euphorie spéculative des années passées. C’est peut-être l’équivalent de ‘l’album de la maturité’ pour la tech.
‘Pourquoi pas la tech dans laquelle on on travaille depuis des années n’est-elle pas en train de la tech n’est-elle pas en train de devenir un marché comme les autres ? […] Est-ce qu’on a pas été un peu anormaux et normal ce qui fait qu’il y aura des réajustements mais qu’on va repartir sur une petite croissance un peu organique, mais ce sera plus aussi délirant.’
5. Comment l’intelligence artificielle va-t-elle concrètement changer les métiers du digital ?
L’intelligence artificielle ne va pas tant faire disparaître des métiers que transformer en profondeur les compétences requises. Plutôt qu’un remplaçant, l’IA doit être vue comme un ‘exosquelette pour le cerveau’, un outil pour augmenter nos capacités. Concrètement, cela signifie que les tâches répétitives et de production de base (rédaction de textes simples, création de visuels standards, analyse de données brutes) seront de plus en plus automatisées. La valeur ajoutée humaine se déplacera vers la stratégie, la créativité complexe, l’esprit critique, le pilotage de l’IA et l’intelligence émotionnelle. Nous devrons tous devenir des ‘humains augmentés’ pour rester pertinents, en utilisant l’IA pour aller plus vite et plus loin dans notre expertise.
‘L’expertise va devoir changer et on va devoir tous être des humains augmentés un petit peu grâce à l’IA et fondamentalement je trouve ça pas mal. […] ça nous permettra d’aller dans plus loin, peut-être plus rapidement, plus fort et cetera.’
6. Qu’est-ce que la culture du ‘side hustle’ et pourquoi est-elle si importante pour les nouvelles générations ?
La culture du ‘side hustle’ (ou projet parallèle) désigne le fait d’avoir une ou plusieurs activités professionnelles ou créatives en plus de son emploi principal. Ce n’est pas forcément pour un complément de revenu, mais souvent pour explorer une passion, acquérir de nouvelles compétences ou construire un projet personnel. Cette tendance est très forte chez les jeunes générations qui ne conçoivent plus leur carrière de manière linéaire et exclusive avec un seul employeur. Pour une entreprise, c’est un nouveau paradigme à intégrer : il devient difficile d’exiger une dévotion à 200%, et il faut apprendre à composer avec cette aspiration à la diversification, voire à l’encourager comme source d’épanouissement et d’enrichissement pour le collaborateur.
‘L’attrait du du du slashing où on va ou du side Hustle est quand même hyper fort chez les nouvelles enfin les nouvelles générations. […] Tout le monde doit avoir un side de sol, un truc ben de fait bah nous c’est un side de sol pour toi. Ça veut pas dire que c’est un side de revenu, c’est un side de sol.’




