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#99 > CookieLess > La fin des cookies ? Vraiment ? Parce que cela fait des années qu’on en parle

Épisode diffusé le 15 juillet 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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La fin des cookies ? Une blague qui n’en est plus une en 2024

Pendant des années, c’était le running gag de notre industrie. Chaque mois de janvier, une armée d’experts autoproclamés décrétait solennellement : ‘Cette année, c’est l’année du mobile !’. Puis, le mobile est devenu une évidence, et la blague a dû s’adapter. Depuis quelque temps, le nouveau refrain est : ‘Cette année, c’est (vraiment) la fin du cookie tiers !’. On en sourit, on hoche la tête, mais au fond, une petite voix nous dit que cette fois, ce n’est plus une simple prédiction, mais une réalité qui frappe à notre porte. En fait, elle est déjà entrée sans s’essuyer les pieds. La vérité, c’est que nous ne sommes plus en train d’anticiper l’ère cookieless, nous y sommes déjà, jusqu’au cou.

Cette transition, loin d’être un simple changement technique, est un véritable séisme qui redessine les frontières de la publicité digitale. Elle remet en question des décennies de pratiques, de modèles économiques et d’outils sur lesquels nous nous sommes reposés, peut-être avec un peu trop de confort. Pour naviguer dans ce brouillard, j’ai eu le plaisir d’échanger à nouveau avec Margarita Zlatkova, Directrice Data et Programmatique chez Weborama. Son expertise nous permet de faire un point crucial, un ‘refresh’ comme on dit, sur la situation en juillet 2024. Car les choses bougent vite, très vite. Entre les annonces de Google, les études alarmantes qui sortent et les technologies alternatives qui évoluent, il est facile de se sentir dépassé.

Cet article n’est pas un énième post théorique sur la fin des cookies. C’est un état des lieux pragmatique, une plongée dans le concret de ce qui fonctionne, de ce qui inquiète, et de ce qui se profile à l’horizon. Nous allons décortiquer ensemble la situation actuelle, chiffres à l’appui. Nous examinerons les fameuses alternatives – la Privacy Sandbox de Google, le ciblage contextuel nouvelle génération et les identifiants universels. Surtout, nous oserons regarder en face les conclusions des récentes études, notamment celle de Criteo, qui tire la sonnette d’alarme sur la solution de Google. Enfin, nous aborderons les deux sujets souvent laissés de côté mais pourtant critiques : l’avenir de la mesure et le sort du monde applicatif. Accrochez-vous, car le futur de l’Open Web se joue maintenant.

Le constat implacable : nous vivons déjà dans un monde majoritairement cookieless

La première prise de conscience, et sans doute la plus brutale, est de comprendre que la fin des cookies tiers sur Chrome n’est que la dernière étape d’un processus déjà bien entamé. Nous avons tendance à nous focaliser sur l’échéance de Google, début 2025, en oubliant que une part massive du web fonctionne déjà sans cet outil depuis des années. C’est un point que je dois marteler : attendre 2025 pour agir, c’est comme commencer à construire une arche quand le déluge a déjà commencé. Les chiffres sont sans appel et nous obligent à changer radicalement de perspective.

Aujourd’hui, si l’on fait le compte, la situation est la suivante. D’un côté, nous avons des navigateurs comme Safari et Firefox qui bloquent les cookies tiers par défaut depuis longtemps pour des raisons techniques et de protection de la vie privée. À eux seuls, ils représentent environ 40% des inventaires publicitaires. C’est une part colossale du marché qui est, de facto, inaccessible aux stratégies basées sur les cookies tiers. Mais ce n’est pas tout. À cela s’ajoute une part croissante d’inventaire sur Chrome lui-même, qualifié de ‘consentless’, c’est-à-dire les utilisateurs qui refusent le suivi via les bannières de consentement. Cette population représente entre 20 et 30% d’inventaires supplémentaires. Le calcul est simple et effrayant :

‘Si on fait bien le compte, il ne reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaire publicitaire qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers.’

Ce chiffre change tout. Il y a encore peu de temps, on parlait d’un marché à 50 ou 60% ‘cookied’, ce qui permettait encore de mener des campagnes en se disant qu’on touchait ‘la majorité’. Aujourd’hui, cette logique est inversée. S’appuyer uniquement sur le cookie tiers, c’est accepter de n’adresser qu’une minorité d’internautes, un segment de plus en plus restreint et de moins en moins représentatif de l’audience globale. C’est une base bien trop fragile pour construire une stratégie média pérenne. L’urgence n’est donc plus de se ‘préparer’ au cookieless, mais de s’adapter à un écosystème qui l’est déjà en grande partie. La question n’est plus ‘quand ?’ mais ‘comment faire maintenant ?’.

Les trois voies de l’après-cookie : entre promesses technologiques et dures réalités

Face à cet effondrement du cookie tiers, l’industrie n’est pas restée les bras croisés. Trois grandes familles de solutions ont émergé pour tenter de combler ce vide. Elles ne sont pas exclusives, et l’avenir résidera probablement dans une combinaison intelligente des trois. Cependant, chacune présente un niveau de maturité, des avantages et des inconvénients radicalement différents. Comprendre ces nuances est essentiel pour tout annonceur ou éditeur qui souhaite construire une stratégie de ciblage et de mesure résiliente. Ces trois piliers sont la Privacy Sandbox de Google, le ciblage contextuel et les identifiants universels.

La Privacy Sandbox : la promesse controversée de Google

C’est la solution qui fait le plus de bruit, et pour cause : elle est poussée par l’acteur qui contrôle le navigateur dominant, Chrome. L’idée est de remplacer le suivi individuel par un système de cohortes d’utilisateurs aux intérêts similaires (les fameuses ‘Protected Audiences’, anciennement FLoC), traitées directement au sein du navigateur pour préserver la confidentialité. Sur le papier, le concept est séduisant. D’ailleurs, comme je le soulignais, nous sommes sortis de la phase purement théorique :

‘La Privacy Sandbox a été officiellement lancée et donc maintenant on n’est plus dans des tests en pré-prod sur des serveurs Google, on est sur de la vraie vie sur 1 % des utilisateurs uniquement mais ils ont réellement implémenté la Privacy Sandbox.’

Cependant, cette mise en production, même limitée, a permis de mettre en lumière des problèmes critiques que nous détaillerons plus loin. Pour l’instant, retenons que la Privacy Sandbox se présente comme le successeur ‘officiel’ du cookie sur Chrome, mais son adoption est loin d’être une évidence pour l’écosystème, qui y voit autant une solution technique qu’un risque stratégique majeur de dépendance accrue à Google.

Le ciblage contextuel : la renaissance d’un classique grâce à l’IA

Le ciblage contextuel n’est pas nouveau. L’idée de placer une publicité pour une voiture sur une page parlant d’automobile est aussi vieille que la publicité elle-même. Ce qui est radicalement nouveau, c’est la sophistication que l’intelligence artificielle apporte à cette approche. Nous sommes passés d’un ciblage par mots-clés, assez basique, à une analyse sémantique profonde, et maintenant, à l’ère de l’IA générative, à une compréhension quasi-humaine du contenu. La technologie ne se contente plus de voir le mot ‘voyage’, elle comprend la nuance entre un article sur des ‘vacances en famille à petit budget’ et un autre sur un ‘trekking de luxe en solo’. Cela ouvre des possibilités de ciblage d’une précision inédite, sans jamais avoir besoin de savoir qui est l’utilisateur. Comme je l’expliquais, le dialogue avec les algorithmes a changé :

‘Maintenant au lieu d’indiquer aux algorithmes des des expressions ou des mots clés, on leur indique carrément des phrases entières en leur disant je recherche les personnes qui ou les familles avec deux enfants qui ont tendance à acheter plus de temps de fois tel produit.’

Le principal avantage du contextuel est sa portée universelle (il fonctionne sur 100% de l’inventaire, y compris Safari et Firefox) et son respect total de la vie privée par conception. Il ne cible pas la personne, mais son intention à un instant T, capturée par le contenu qu’elle consulte.

Les identifiants universels : la quête d’une nouvelle monnaie d’échange

La troisième voie consiste à recréer un identifiant partagé, mais de manière plus respectueuse et consentie. Les identifiants universels visent à remplacer le cookie tiers par un autre type de ‘jeton’ permettant de reconnaître un utilisateur sur différents sites. Les premières générations de ces ID se basaient souvent sur des données personnelles comme l’adresse e-mail hachée. Mais l’écosystème continue d’innover pour trouver des alternatives moins dépendantes des données personnelles. De nouveaux acteurs arrivent avec des approches différentes, ce qui enrichit le paysage mais le complexifie aussi :

‘Aujourd’hui on a bah l’arrivée d’U avec les données Telco, l’arrivée très très fulgurante de First ID basé sur les first party cookie et donc en fait, les ID continuent de s’étoffer pour pour représenter une partie importante du marché.’

L’avantage des ID est qu’ils permettent de conserver des capacités de ciblage et de mesure ‘user-centric’ (fréquence, attribution, etc.), proches de ce que permettait le cookie tiers. Leur principal défi reste cependant leur adoption et leur fragmentation. Il n’existe pas un seul ID universel, mais une multitude, et leur interopérabilité est un enjeu majeur pour atteindre une couverture de marché significative.

La Privacy Sandbox sous le feu des critiques : pourquoi l’industrie s’inquiète

Si la Privacy Sandbox se positionne comme la solution d’avenir pour l’écosystème publicitaire sur Chrome, les premiers retours du terrain sont loin d’être idylliques. Des acteurs majeurs de l’industrie, de Criteo à Index Exchange, ainsi que des organismes de régulation comme la CMA (Competition and Markets Authority) britannique, ont publié des rapports et des analyses qui soulèvent de sérieuses préoccupations. Ces inquiétudes ne sont pas de simples détails techniques ; elles touchent au cœur même du fonctionnement et de la viabilité économique de l’Open Web. Nos propres tests internes chez Weborama corroborent d’ailleurs ces conclusions :

‘La privacy Sandbox en l’état n’est pas prête à être lancée sur 100 % du marché avec zéro cookie tiers.’

Trois grands griefs se dégagent : la latence, la gouvernance et, conséquence directe des deux premiers, un impact financier désastreux pour les éditeurs.

La latence : le poison lent de l’expérience utilisateur et des revenus

En publicité programmatique, tout se joue en quelques millisecondes. C’est le temps qu’il faut pour qu’une page se charge, qu’une mise en concurrence ait lieu et qu’une publicité s’affiche. La latence, c’est-à-dire le ralentissement de ce processus, est l’ennemi numéro un. Elle dégrade l’expérience utilisateur, qui voit des pages lentes ou des éléments qui ‘sautent’, et elle fait perdre de l’argent aux éditeurs, car une publicité qui se charge trop tard est une publicité qui n’est jamais vue, donc jamais payée. J’ai tenté de l’expliquer simplement :

‘Ce qu’on appelle une latence, c’est la lenteur d’affichage d’une publicité qui pourrait entraîner des lenteurs d’affichage de la page elle-même […] et la perte de revenus engendrée par les latences pour les éditeurs, c’est tout simplement de ne pas pouvoir recevoir la publicité pour l’afficher quand l’internaute est là.’

Les chiffres rapportés par les tests sont alarmants. Criteo a constaté une augmentation de la latence de plus de 100%, tandis qu’Index Exchange, plus mesuré, parle tout de même de plus de 30%. Dans un monde où l’on se bat pour gagner des millisecondes, de tels chiffres sont tout simplement rédhibitoires. C’est un point de défaillance majeur qui, à lui seul, rend la Privacy Sandbox inopérable en l’état actuel.

Gouvernance et favoritisme : Google, juge et partie ?

Le deuxième problème est d’ordre stratégique et concurrentiel. En créant la Privacy Sandbox, Google ne fait pas que proposer une technologie ; il redéfinit les règles du jeu sur un marché où il est déjà un acteur ultra-dominant. La question de la gouvernance est donc centrale : qui contrôle les règles ? Qui les fait évoluer ? Pour l’instant, c’est Google. Et cela crée une méfiance légitime de la part de l’écosystème.

‘On est en présence d’un acteur qui crée des règles de marché. Donc à quel point effectivement le favoritisme ici peut être géré et surtout sur le long terme.’

Cette crainte n’est pas théorique. L’étude de Criteo a mis en évidence un fait troublant : lorsque la Privacy Sandbox est utilisée, la part des impressions publicitaires provenant de la propre régie de Google (GAM) passe de 23% à un incroyable 83%. Même si Google conteste ces chiffres, un décalage aussi massif, même s’il était moindre, pointerait vers un avantage concurrentiel significatif. La CMA britannique regarde ce point de très près, car son rôle est précisément d’éviter que la solution au problème des cookies ne crée un problème encore plus grand de monopole. La question est posée : la Privacy Sandbox est-elle une solution pour l’Open Web ou une stratégie pour renforcer l’emprise de Google sur celui-ci ?

L’éditeur, victime collatérale de la transition

Au bout du compte, la victime principale de cette situation est l’éditeur de site web. Les latences et les complexités du nouveau système se traduisent directement par une perte de revenus sèche. Les estimations varient, mais elles sont toutes dramatiques : entre 30% de perte de valeur selon Index Exchange et jusqu’à 60% selon Criteo. C’est une véritable catastrophe pour un secteur déjà fragilisé, dont le modèle économique repose en grande partie sur la monétisation publicitaire pour financer la création de contenu de qualité et gratuit. Cette transition, si elle est mal gérée, pourrait tout simplement signer l’arrêt de mort de nombreux médias en ligne. C’est pourquoi je pèse mes mots quand je dis :

‘On joue aujourd’hui, je pense, la survie de l’Open Web tel qu’on le connaît aujourd’hui et la question c’est est-ce qu’il va continuer à exister demain.’

Cette menace est existentielle. Si les éditeurs ne peuvent plus monétiser correctement leur audience sur le web ouvert, les budgets publicitaires se déporteront massivement vers les ‘Walled Gardens’ (Google, Meta, Amazon), renforçant encore leur position et appauvrissant la diversité et l’indépendance du web.

Les angles morts de la révolution : mobile et mesure

Alors que toute l’attention se focalise sur la transition cookieless sur le web desktop, deux domaines critiques sont souvent relégués au second plan, créant de dangereux angles morts dans la stratégie des entreprises : le monde des applications mobiles et, surtout, la question fondamentale de la mesure de la performance. Ignorer ces deux aspects, c’est se préparer à des lendemains encore plus compliqués.

Le mobile : le continent oublié du cookieless

On a tendance à l’oublier, mais le cookie est une technologie propre au web. Le monde applicatif fonctionne différemment, avec ses propres identifiants (comme l’IDFA d’Apple ou le GAID de Google). Si Apple a déjà fortement restreint l’accès à l’IDFA, l’écosystème Android attendait une solution de la part de Google. Cette solution, c’est la ‘Privacy Sandbox pour Android’. Le problème ? Elle est au point mort. C’est un sujet que nous avons rapidement abordé, mais dont l’importance est capitale :

‘Le monde applicatif dans tout ça, il a été un peu laissé de côté. […] On parle plutôt de Android en 2026 et ça va arriver et on ne connaît pas encore toutes les répercussions parce que les tests n’ont pas été faits.’

Ce décalage est un problème majeur quand on sait que pour de nombreux éditeurs et annonceurs, l’audience mobile et in-app représente plus de la moitié de leur trafic et de leurs revenus. Se retrouver sans solution de ciblage et de mesure viable sur un canal aussi stratégique jusqu’en 2026, au mieux, est une source d’incertitude énorme. Les annonceurs risquent de naviguer à vue sur une part considérable de leurs investissements.

La crise de la mesure : comment piloter sans tableau de bord ?

Si le ciblage est complexe, la mesure de la performance est un défi encore plus grand. Le cookie tiers, malgré tous ses défauts, nous avait habitués à une granularité et une immédiateté dans le suivi des conversions. On pouvait lier une impression publicitaire à une vente, calculer un coût par acquisition (CPA) à la minute, et optimiser les campagnes en quasi-temps réel. Ce monde est en train de disparaître. La fragmentation des solutions (contextuel d’un côté, ID de l’autre, cohortes ailleurs) rend la réconciliation du parcours utilisateur quasiment impossible à l’échelle individuelle. Il faut se faire à l’idée :

‘Il ne sera plus possible d’aller chercher le coût d’acquisition à la seconde, à la minute, le coup par led, le coup par vente […] il va falloir réfléchir tout ça différemment.’

Cette réalité impose un changement de paradigme complet. Les annonceurs doivent abandonner la quête du suivi ‘user-centric’ parfait et se tourner vers de nouvelles approches. Cela signifie probablement le grand retour de modèles statistiques comme le Marketing Mix Modeling (MMM), qui analyse les corrélations entre les investissements médias et les résultats business à un niveau plus agrégé. Cela implique aussi de réinventer les KPI. Peut-être que le CPA en temps réel n’est plus le bon indicateur. Il faudra peut-être se concentrer sur des métriques d’engagement, de notoriété ou des mesures incrémentales. Ce travail de redéfinition des indicateurs de succès est un chantier immense et urgent pour toutes les équipes marketing.

Conclusion : agir maintenant pour ne pas subir demain

Nous voilà au terme de ce panorama dense mais nécessaire. S’il y a une seule chose à retenir, c’est que l’ère cookieless n’est pas un futur lointain à préparer, mais un présent complexe à maîtriser. L’attentisme n’est plus une option. Se reposer sur la seule promesse de la Privacy Sandbox de Google serait une erreur stratégique majeure au vu des nombreuses zones d’ombre et des risques qu’elle comporte pour l’ensemble de l’écosystème, et en particulier pour l’Open Web.

Le chemin à suivre est celui de la diversification et de l’expérimentation. Les annonceurs et les agences doivent dès aujourd’hui construire leur ‘mix’ de solutions, en testant activement le ciblage contextuel avancé, en évaluant les différents fournisseurs d’identifiants universels et en commençant à repenser fondamentalement leurs modèles de mesure. Cela demande un effort, un investissement en temps et en ressources pour comprendre ces nouvelles technologies. Comme je le disais, il faut que les annonceurs mettent ‘un petit peu les mains dans le cambouis’, non pas pour devenir des experts techniques, mais pour être en mesure de poser les bonnes questions à leurs partenaires et de comprendre les implications de leurs choix.

Pour cela, des ressources existent. Je ne peux que vous recommander chaudement de consulter les panoramas publiés par l’Alliance Digitale sur le ciblage et la mesure. Ce sont des guides pratiques, conçus pour passer de la théorie à l’action. L’heure n’est plus aux débats, mais à la construction. Le monde sans cookie tiers sera sans doute moins confortable, moins unifié, mais il peut aussi être plus respectueux de la vie privée et, espérons-le, plus équilibré. Mais cet équilibre ne se décrètera pas, il se construira par les actions collectives de tous les acteurs du marché qui choisiront de ne pas subir et d’explorer activement les voies alternatives. Le rendez-vous est pris, probablement l’année prochaine, pour voir comment le paysage aura, encore une fois, évolué.

FAQ : Vos questions sur l’ère Cookieless

Qu’est-ce que l’ère ‘cookieless’ et où en sommes-nous vraiment en 2024 ?

L’ère ‘cookieless’ désigne la période où le suivi des utilisateurs à des fins publicitaires via les cookies tiers n’est plus possible. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas un événement futur. En juillet 2024, nous y sommes déjà largement. Entre les navigateurs Safari et Firefox qui bloquent ces cookies depuis longtemps et les utilisateurs de Chrome qui refusent le consentement, la majorité de l’inventaire publicitaire (60 à 70%) est déjà inaccessible via les cookies tiers. La fin annoncée sur 100% de Chrome début 2025 n’est que la dernière étape d’un mouvement de fond déjà très avancé.

‘Aujourd’hui, nous avons entre Safari et Firefox pour des raisons techniques à peu près 40 % des inventaires publicitaires qui n’ont plus de cookies sur ces deux navigateurs là et à cela, on ajoute entre 20 et 30 % d’inventaire supplémentaire sans consentement […] il ne reste entre 30 et maximum 40 % d’inventaire publicitaire qu’on peut encore toucher avec un cookie tiers.’

Pourquoi la Privacy Sandbox de Google est-elle si critiquée ?

La Privacy Sandbox est critiquée pour trois raisons principales. Premièrement, des tests menés par des acteurs comme Criteo et Index Exchange ont révélé des problèmes techniques majeurs, notamment une latence (lenteur) très importante qui dégrade l’expérience utilisateur et fait perdre des revenus aux éditeurs. Deuxièmement, sa gouvernance par Google, qui est à la fois juge et partie, soulève de vives inquiétudes quant à un possible favoritisme pour ses propres services publicitaires. Enfin, la conséquence directe de ces problèmes est une perte de revenus estimée entre 30% et 60% pour les éditeurs, menaçant la viabilité de l’Open Web.

‘Nos tests internes chez Weborama ont prouvé la même chose, c’est que la privacy Sandbox en l’état n’est pas prête à être lancée sur 100 % du marché avec zéro cookie tiers.’

Quelles sont les alternatives concrètes aux cookies tiers pour le ciblage publicitaire ?

Il existe trois grandes familles d’alternatives. La première est le ciblage contextuel, qui a énormément évolué grâce à l’IA pour analyser finement le contenu des pages et non plus les utilisateurs. La deuxième est constituée par les identifiants universels, qui cherchent à remplacer le cookie par un autre type d’identifiant consenti, basé sur des données comme l’email, des données télécom ou des cookies first-party. Enfin, la Privacy Sandbox de Google est la troisième voie, bien que très controversée. Une stratégie robuste en 2024 combine généralement des éléments de ces différentes approches.

‘On est toujours sur la privacy Sandbox, le contextuel et et les identifiant universels. Les technologies ont un petit peu avancé quand même.’

Comment la fin des cookies tiers impacte-t-elle les revenus des éditeurs de sites ?

L’impact est direct et potentiellement dévastateur. Le cookie tiers permettait de valoriser une audience en la rendant facilement ciblable et mesurable pour les annonceurs. Sans lui, et avec des solutions de remplacement comme la Privacy Sandbox qui s’avèrent pour l’instant moins performantes et plus lentes, la valeur perçue de chaque espace publicitaire diminue. Les études de Criteo et Index Exchange estiment cette perte de revenus pour les éditeurs entre 30% et 60%. Cela menace directement le modèle économique de nombreux sites d’information et de contenu qui dépendent de la publicité pour exister.

‘Cette perte de revenus pour les éditeurs qui est entre 30 et 60 % mais 30 % déjà côté Index et 60 côté Criteo, c’est énorme.’

Quel est l’avenir de la mesure de performance publicitaire sans cookies ?

L’avenir de la mesure s’annonce radicalement différent. Il faut abandonner l’idée d’un suivi individuel précis et en temps réel, comme le calcul du coût par acquisition à la seconde. La mesure deviendra plus agrégée et statistique. On assistera probablement au retour de méthodologies comme le Marketing Mix Modeling (MMM) pour corréler les investissements médias aux résultats business. Les entreprises devront également redéfinir leurs indicateurs de performance (KPI), en se concentrant moins sur l’attribution directe et plus sur des métriques d’engagement, de notoriété ou des mesures d’incrémentalité.

‘Il va falloir réfléchir à comment adapter nos KPI à cette situation là. Il ne sera plus possible d’aller chercher le coût d’acquisition à la seconde, à la minute, le coup par led, le coup par vente.’

L’Open Web est-il vraiment en danger à cause de la fin des cookies ?

Oui, la menace est réelle et existentielle. L’Open Web, c’est-à-dire l’ensemble des sites et médias indépendants, est très majoritairement financé par la publicité programmatique qui reposait sur le cookie tiers. Si la transition vers le cookieless entraîne une chute drastique des revenus des éditeurs, beaucoup ne pourront pas survivre. Les budgets publicitaires se reporteraient alors massivement vers les écosystèmes fermés (‘Walled Gardens’) comme ceux de Google, Meta et Amazon, qui disposent de leurs propres données first-party. Cela conduirait à un appauvrissement de la diversité et de l’indépendance du web.

‘On joue aujourd’hui, je pense, la survie de l’Open Web tel qu’on le connaît aujourd’hui et la question c’est est-ce qu’il va continuer à exister demain.’

Comment les annonceurs doivent-ils se préparer concrètement à ce nouvel écosystème ?

L’attentisme n’est plus une option. Les annonceurs doivent agir sur plusieurs fronts. D’abord, s’éduquer et comprendre les enjeux pour ne pas subir les décisions des plateformes. Ensuite, tester activement et dès maintenant les différentes solutions alternatives : lancer des campagnes en ciblage contextuel avancé, expérimenter avec différents fournisseurs d’identifiants universels. Enfin, et c’est crucial, ils doivent entamer un chantier interne pour redéfinir leurs indicateurs de performance et leurs méthodes de mesure, en se préparant à piloter leurs investissements avec moins de données granulaires en temps réel.

‘Il y a très peu d’annonceurs et vraiment ils se comptent sur les bouts des doigts qui ont commencé à construire leur mix que ce soit en terme de ciblage ou en terme de mesure.’

Le monde des applications mobiles est-il aussi concerné par la fin des cookies ?

Oui, absolument, même si la technologie est différente. Le monde applicatif n’utilise pas de cookies mais des identifiants publicitaires mobiles (IDFA sur Apple, GAID sur Android). Apple a déjà fortement restreint l’accès à l’IDFA. Google a annoncé une solution similaire à la Privacy Sandbox pour Android, mais son déploiement a été repoussé et n’est pas attendu avant 2026. Le monde mobile est donc dans une situation d’incertitude encore plus grande, avec un vide technologique pour le ciblage et la mesure sur Android pour les années à venir, ce qui est très préoccupant vu l’importance du trafic mobile.

‘On a Privacy Sandbox pour Android qui malheureusement a été mise en standby, n’a pas été lancé, n’a pas été développée jusqu’au bout […] on parle plutôt de Android en 2026.’


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