L’IA et le marketing : Sommes-nous à l’aube du marketeur sous stéroïdes ?
L’intelligence artificielle. Ces deux mots sont sur toutes les lèvres, oscillant entre le fantasme de la science-fiction et le buzzword vidé de sa substance. Pour nous, marketeurs, le sujet est encore plus prégnant. Il suscite à la fois une fascination immense et une angoisse existentielle. L’IA va-t-elle nous remplacer ? Notre expertise, patiemment acquise, est-elle sur le point de devenir obsolète face à des algorithmes omnipotents ? La question n’est plus de savoir si l’IA va impacter nos métiers, mais comment et à quelle vitesse. Dans un monde où la donnée est reine, où chaque clic, chaque interaction, chaque achat génère un volume d’informations qui dépasse l’entendement humain, nous sentons bien que les anciennes méthodes ne suffisent plus. Nous sommes au cœur d’une transformation silencieuse mais radicale. Loin des clichés apocalyptiques, cette révolution nous offre une opportunité unique : celle de réinventer notre propre valeur. Et si, au lieu d’être une menace, l’IA était le catalyseur qui nous permettrait de devenir ce que j’appelle des ‘marketeurs sous stéroïdes’ ? Des professionnels augmentés, capables de se concentrer sur ce qui fait notre essence – la créativité, la stratégie, l’empathie – pendant que la machine gère la complexité technique. Cet article n’est pas une prédiction futuriste, mais un état des lieux pragmatique pour comprendre comment l’IA façonne déjà notre présent et comment nous pouvons, dès aujourd’hui, en faire notre plus grand allié pour construire le marketing de demain.
Démystifions l’IA : Oubliez la science-fiction, parlons business
Avant de plonger dans les applications concrètes, il est crucial de poser des bases saines et de déconstruire les mythes. Car le premier obstacle à l’adoption de l’IA, c’est la confusion qu’elle engendre. Pour être direct, et comme j’ai coutume de le dire :
‘L’IA déjà, c’est une grosse connerie. C’est un terme marketing.’
Cette affirmation, volontairement provocatrice, vise à nous ramener sur terre. L’IA n’est pas une entité magique sortie d’un chapeau, mais un terme générique, un excellent coup de communication pour englober un ensemble de technologies complexes. La véritable rupture ne se situe pas dans le nom, mais dans le fonctionnement fondamental de ces nouvelles technologies. La grande différence avec tout ce que nous avons connu, c’est qu’un programme informatique traditionnel se programme, tandis qu’une IA, elle, s’éduque. Imaginez que vous n’écrivez plus des lignes de code pour dire à une machine ‘si ceci, alors fais cela’, mais que vous lui donniez l’équivalent d’une bibliothèque universelle et que vous lui disiez : ‘apprends’. Pour apprendre, elle a besoin d’une matière première indispensable : la donnée. Une quantité de données absolument astronomique. C’est là que réside le secret de la domination des géants du web. Nos amis les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) en Occident et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) en Chine ne sont pas devenus des leaders par hasard. Ils le sont parce qu’ils possèdent la matière première du 21e siècle : nos données. Cette ‘éducation’ permet à ces systèmes de développer des capacités qui surpassent de loin les nôtres dans des domaines spécifiques. Ils peuvent conduire une voiture, diagnostiquer un cancer ou analyser des marchés financiers avec une précision et une vitesse inatteignables pour notre cerveau. Pour illustrer l’échelle, prenons un exemple concret. Si vous deveniez chef de projet chez Uber, on pourrait vous demander d’analyser l’activité sur deux arrondissements parisiens. Savez-vous ce que cela représente ? Un seul véhicule Uber génère 7000 milliards d’octets de données par jour. Tenter d’analyser cela avec un cerveau humain et un tableur Excel, c’est comme essayer de vider l’océan avec une petite cuillère. C’est tout simplement impossible. L’IA est la seule réponse à cette explosion de données. Il faut donc la voir non pas comme une conscience, mais comme un outil de calcul et d’analyse d’une puissance phénoménale, capable de déceler des schémas (des ‘patterns’) invisibles pour nous, et ce, dans tous les domaines.
L’IA n’est pas une, mais multiple
Une autre erreur commune est de parler de ‘l’IA’ comme d’une seule et unique technologie. En réalité, l’IA est un champ d’étude, une discipline qui recouvre de nombreuses sous-branches. Quand on parle d’IA aujourd’hui dans le marketing, on fait le plus souvent référence à deux de ses composantes majeures : le machine learning et le deep learning.
‘Évidemment que le machine learning et une de ses extensions, le deep learning, ça fait partie intégrante des composantes de l’IA. C’est d’ailleurs grâce à eux qu’il y a eu un réel boom dans les années 2012-2013.’
Le machine learning (apprentissage automatique) est une technique qui permet aux ordinateurs d’apprendre à partir de données sans être explicitement programmés. Par exemple, au lieu de coder toutes les règles pour reconnaître un spam, on ‘nourrit’ l’algorithme avec des milliers d’exemples de spams et d’emails légitimes, et il apprend seul à faire la distinction. Le deep learning (apprentissage profond) est une forme plus avancée de machine learning, inspirée du fonctionnement des réseaux de neurones de notre cerveau. C’est cette technologie qui est derrière la reconnaissance d’images, la traduction automatique ou les voitures autonomes. Comprendre cette distinction est essentiel pour un marketeur. Cela signifie qu’il n’y a pas un bouton ‘IA’ magique à activer, mais une multitude d’outils spécialisés qui exploitent ces technologies pour résoudre des problèmes précis : optimiser des enchères, segmenter une audience, personnaliser un contenu, prédire un comportement d’achat, etc. L’IA est donc une boîte à outils, et notre rôle est d’apprendre à choisir le bon outil pour le bon travail.
L’IA, votre co-pilote invisible : Comment elle façonne déjà votre quotidien de marketeur
La question n’est plus de savoir si l’IA va arriver dans le marketing. Elle est déjà là, partout, souvent de manière si intégrée que nous ne la remarquons même plus. Comme beaucoup, vous vous dites peut-être :
‘Finalement l’IA est présent dans les métiers du marketing, on s’en rend même pas compte en réalité parce que moi je m’en rendais pas compte.’
Cette prise de conscience est la première étape pour passer d’un statut d’utilisateur passif à celui de pilote actif. L’IA n’est pas un gadget futuriste, c’est le moteur qui fait tourner les plateformes que nous utilisons chaque jour. Dès que nous sommes amenés à ‘malaxer, à titiller, à caresser de la data’ en grande quantité, il y a de fortes chances qu’une intelligence artificielle soit à l’œuvre en coulisses. Que ce soit dans la publicité, l’emailing, la gestion de la relation client ou l’analyse de données, l’IA est le co-pilote silencieux qui nous aide à naviguer dans la complexité du marketing digital moderne. L’enjeu est de comprendre ses mécanismes pour mieux collaborer avec elle et en tirer le plein potentiel.
Google Ads et le Smart Bidding : Quand l’algorithme devient votre stratège
L’exemple le plus parlant est sans doute celui de la publicité en ligne, et notamment de Google Ads. Les plus anciens d’entre nous se souviennent de Google AdWords, où nous passions des heures à ajuster manuellement les enchères pour chaque mot-clé. Aujourd’hui, cette époque est révolue. Google nous incite, et à juste titre, à utiliser des stratégies d’enchères intelligentes (Smart Bidding) et à ‘laisser faire la machine’. Mais que se passe-t-il vraiment derrière cette boîte noire ?
‘Aujourd’hui, quand tu es sur la plateforme de Google, c’est une IA en fait qui te mâche le travail.’
Cette IA analyse en temps réel des milliards de combinaisons de signaux pour chaque enchère : l’heure de la journée, la localisation de l’internaute, son appareil, son historique de navigation, le navigateur utilisé, la langue, et des centaines d’autres. Elle est capable de prédire la probabilité de conversion pour chaque clic et d’ajuster l’enchère en conséquence, une tâche humainement impossible. Le rôle du marketeur a donc radicalement changé. Il ne s’agit plus d’être un micro-manager d’enchères, mais un architecte de système. Notre travail consiste à définir des objectifs clairs (un CPA cible, un ROAS cible), à fournir à l’algorithme des données de conversion de haute qualité et à structurer les campagnes de manière logique pour qu’il puisse apprendre efficacement. Nous sommes passés d’opérateurs à stratèges, nourrissant la machine avec de la bonne donnée pour qu’elle puisse optimiser à une échelle et une vitesse que nous ne pourrons jamais atteindre.
Emailing et segmentation : La fin du ‘one-size-fits-all’
Un autre domaine profondément transformé est celui de l’emailing et de la segmentation. Fini le temps des envois massifs et indifférenciés. Aujourd’hui, la personnalisation est la clé, et l’IA est l’outil qui la rend possible à grande échelle.
‘Quand tu es amené à faire une campagne d’emailing […] tu vas être amené à segmenter ta base de données, à faire du ciblage. Tout ça ce sont des algorithmes qui te prémâchent le travail.’
Les plateformes de marketing automation modernes utilisent le machine learning pour analyser le comportement de chaque utilisateur : quels emails il ouvre, sur quels liens il clique, à quelle heure il est le plus réceptif, quels produits il consulte sur le site, etc. À partir de ces données, les algorithmes peuvent créer des segments dynamiques, prédire le risque de désabonnement (churn), identifier les clients à plus forte valeur, ou encore déterminer le meilleur moment pour envoyer une communication à chaque individu. L’IA ne se contente pas de segmenter sur des critères démographiques figés ; elle segmente sur des comportements et des probabilités, ce qui est infiniment plus puissant. Le marketeur, de son côté, peut se concentrer sur la création de messages pertinents et de scénarios relationnels intelligents, plutôt que de se perdre dans la complexité de la gestion manuelle des listes.
Chatbots et relation client : L’automatisation au service de l’humain
Enfin, la relation client est un terrain de jeu formidable pour l’IA, notamment via les chatbots. Il ne s’agit pas des vieux gadgets qui répondaient à côté de la plaque, mais de véritables assistants conversationnels capables de comprendre le langage naturel (Natural Language Processing).
‘Aujourd’hui dans le cadre d’une stratégie de relation client poussée, vous allez mettre en place un chatbot et les chatbot c’est une des composantes de l’intelligence artificielle.’
Un chatbot intelligent peut gérer 24/7 une grande partie des requêtes à faible valeur ajoutée : suivi de commande, questions fréquentes, prise de rendez-vous… Cela a un double avantage. D’une part, le client obtient une réponse instantanée à sa question simple. D’autre part, les conseillers humains sont libérés de ces tâches répétitives et peuvent consacrer leur temps et leur expertise à des problèmes plus complexes, à des situations où l’empathie et la compréhension fine sont nécessaires. L’IA ne remplace pas l’humain, elle filtre et qualifie les interactions pour que l’intervention humaine soit plus pertinente et plus valorisée. C’est un exemple parfait de collaboration où la machine gère le volume et l’humain gère la complexité et la relation.
Le Marketeur sous Stéroïdes : Redéfinir notre valeur à l’ère de l’automatisation
L’omniprésence de l’IA dans nos outils soulève inévitablement la question de notre propre rôle. Si la machine peut optimiser les campagnes, segmenter les audiences et même dialoguer avec les clients, que nous reste-t-il à faire ? C’est ici qu’intervient le concept central de ‘marketeur sous stéroïdes’. Loin d’être une vision d’un professionnel dopé à la technologie, c’est une métaphore pour un marketeur augmenté, dont les capacités sont décuplées par l’IA.
‘Ça a une vertu pour nous marketeux, c’est que ça nous permet de devenir des marketeux sous stéroïdes. Ça nous permet de pousser les limites de ce que nous avec notre petit cerveau humain et avec toute notre expertise, on va être dans la capacité d’analyser et de proposer et de créer.’
L’idée est simple : l’IA n’est pas un concurrent, mais un levier. Elle prend en charge les tâches analytiques, répétitives et gourmandes en calcul, celles que j’appelle affectueusement les ‘tâches bien relou, bien chiantes’. En nous déchargeant de cette lourdeur opérationnelle, elle nous libère un temps précieux et une énergie mentale considérable pour nous reconcentrer sur les compétences qui sont, et resteront pour longtemps, purement humaines.
De l’analyse de données à la stratégie créative
Le changement de paradigme le plus important se situe dans notre rapport à la donnée. Avant, une grande partie de notre travail consistait à collecter, nettoyer et analyser des données dans des tableurs interminables pour tenter d’y déceler une tendance. Aujourd’hui, les plateformes d’IA peuvent faire ce travail en quelques secondes, en identifiant des corrélations et des schémas que nous n’aurions jamais pu voir. Notre rôle n’est plus de trouver l’aiguille dans la botte de foin, mais de décider quoi faire de cette aiguille une fois que la machine nous l’a apportée sur un plateau. Le marketeur augmenté ne passe plus son temps à compiler des rapports, mais à interpréter les ‘insights’ que l’IA lui fournit. Son travail devient plus stratégique : quelle histoire raconter à partir de ces données ? Quelle nouvelle audience cibler ? Quelle nouvelle offre de produit développer ? Quelle émotion transmettre dans la prochaine campagne créative ? L’IA fournit le ‘quoi’ (les données, les tendances), mais le marketeur fournit le ‘pourquoi’ (la vision stratégique) et le ‘comment’ (l’exécution créative et empathique). C’est le passage d’un rôle d’analyste à un rôle d’architecte et de conteur.
La nouvelle équation du succès : Humain + IA > IA seule
La question de la survie de nos métiers n’est donc pas la bonne. La vraie question, la bonne équation à avoir en tête, est la suivante :
‘Est-ce que l’IA plus le marketeux est supérieur à l’IA toute seule ? Si la combinaison des deux produira des résultats meilleurs, il y a aucun problème pour la valeur du marketeux sur la place. Mais par contre, si c’est pas le cas, on comprendra bien que d’un point de vue économique, ce sera plus intéressant de faire appel à des algos.’
Cette équation est à la fois une mise en garde et une feuille de route. Si notre seule valeur ajoutée est d’exécuter mécaniquement ce que l’IA nous recommande, alors oui, notre poste est menacé. Mais si nous utilisons l’IA comme un instrument pour affiner notre intuition, pour tester de nouvelles hypothèses créatives, pour comprendre nos clients à un niveau plus profond et pour construire des relations humaines authentiques, alors notre valeur devient inestimable. Les compétences de demain ne sont pas techniques, elles sont humaines : la pensée critique pour challenger les recommandations de l’algorithme, l’intelligence émotionnelle pour créer des messages qui résonnent, l’éthique pour s’assurer que l’IA est utilisée de manière responsable, et la curiosité pour continuer à apprendre et à s’adapter. Le futur du marketing n’est pas une bataille entre l’homme et la machine, mais une symbiose où chaque partie excelle dans son domaine.
Le terrain de jeu mondial : Pourquoi l’Europe est sur le banc de touche
Si l’IA est une révolution pleine de promesses, il est crucial d’adopter une vision lucide sur le contexte géopolitique dans lequel elle se déploie. Et sur ce point, la situation de l’Europe est, pour le dire poliment, préoccupante. Pour visualiser la scène mondiale, j’utilise souvent une analogie simple mais parlante :
‘Faut imaginer la scène mondiale comme un terrain de tennis. Le joueur de gauche, c’est les États-Unis avec les Gafa. Le joueur de droite, ce sont les BATX, les Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi. Et dans les tribunes, ce sont les européens.’
Cette image illustre une réalité brutale : le match de l’IA se joue principalement entre deux superpuissances, les États-Unis et la Chine. L’Europe, malgré ses talents et ses chercheurs, peine à exister au plus haut niveau. La raison est simple et nous ramène au point de départ de notre discussion : la data. L’IA a besoin de données pour s’éduquer, et ce sont les géants américains et chinois qui les possèdent en quasi-totalité. Spontanément, si je vous demande de citer un géant européen de la tech capable de rivaliser avec Google ou Alibaba, le silence s’installe. On peut citer quelques belles réussites comme Criteo, mais l’échelle est incomparable. Criteo, c’est un milliard de dollars de capitalisation ; Google ou Apple, c’est plus de 1000 milliards. Nous ne jouons pas dans la même catégorie. Ce retard n’est pas anecdotique, il a des conséquences stratégiques dramatiques. Nous avons déjà vu des fleurons européens, comme Nokia dans la téléphonie mobile, se faire balayer. Le risque est que ce schéma se répète dans des secteurs où nous sommes encore leaders, comme l’automobile. La voiture de demain sera autonome, et pour fonctionner, elle aura besoin d’IA et de data. Si nous ne possédons pas ces technologies, nous risquons de devenir de simples sous-traitants, des assembleurs pour des cerveaux conçus à la Silicon Valley ou à Shenzhen.
Le paradoxe du RGPD : Protection ou frein à l’innovation ?
Face à ce constat, certains avancent que l’Europe a une carte à jouer : celle de la régulation et de la protection des données, incarnée par le RGPD. Sur le fond, le RGPD est une excellente chose. Il vise à redonner aux citoyens le contrôle de leurs données personnelles, un principe fondamental.
‘Le RGPD, honnêtement c’est une bonne chose. C’est redonner aux utilisateurs leurs données. Très bien, très très bien.’
Cependant, il faut aussi en voir le revers de la médaille. En nous imposant des règles très strictes, nous créons un terrain de jeu asymétrique. Pendant que nous débattons de la conformité, les États-Unis et la Chine continuent d’accumuler et d’exploiter des données à une échelle massive, sans contraintes équivalentes. C’est le paradoxe : nous avons peut-être le cadre éthique le plus avancé, mais nous risquons de ne plus avoir de matière première (les données) ni d’acteurs assez puissants pour innover à l’intérieur de ce cadre.
‘Nous on se contraint nous pendant que les autres sont en mode freestyle.’
Le défi pour l’Europe est donc immense : comment concilier protection des individus et compétitivité économique ? Comment créer un écosystème où nos startups peuvent accéder à des données de qualité pour entraîner leurs modèles d’IA, tout en respectant nos valeurs ? C’est une équation complexe dont la résolution déterminera notre souveraineté numérique pour les décennies à venir.
Conclusion : Quelle voie pour le marketeur ? L’IA ‘For Good’ comme salut
Malgré ce tableau assez pessimiste sur la position stratégique de l’Europe, je crois qu’il existe une voie, une opportunité unique pour nous, marketeurs et professionnels du digital sur le vieux continent. Si nous ne pouvons pas rivaliser sur la quantité de données, nous pouvons nous différencier sur la qualité et l’éthique de leur utilisation. Notre atout, c’est de développer ce que l’on appelle l’ ‘IA for Good’.
‘Je pense qu’il y a une chose où on a une vraie valeur, un vrai atout à jouer, c’est sur ce qu’on appelle l’IA for good. Et le faire en sorte de développer des algos bons pour l’humanité mais plus sérieusement sans biais, respectueux de plein de choses.’
Plutôt que de chercher à copier les modèles américains basés sur la surveillance de masse ou les modèles chinois basés sur le contrôle social, nous pouvons devenir les champions d’une IA centrée sur l’humain. Pour un marketeur, cela signifie construire des expériences client qui ne sont pas seulement personnalisées, mais aussi respectueuses et transparentes. Cela veut dire lutter activement contre les biais dans les algorithmes qui peuvent mener à des discriminations. Cela implique de faire de la protection de la vie privée non pas une contrainte légale, mais un véritable argument de marque et un gage de confiance. Cette approche, loin d’être naïve, peut devenir un puissant avantage concurrentiel dans un monde de plus en plus méfiant vis-à-vis de la technologie. Le futur marketeur ‘sous stéroïdes’ ne sera pas seulement celui qui maîtrise la technologie, mais celui qui saura lui donner un sens, une éthique et une finalité humaine. Notre rôle est d’être les garants des droits de l’homme à l’intérieur des algorithmes. C’est un défi immense, mais c’est aussi une mission passionnante qui peut redonner ses lettres de noblesse à notre profession.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu’est-ce que l’IA en marketing digital, en termes simples ?
En marketing digital, l’IA n’est pas une conscience artificielle, mais un ensemble de technologies, comme le machine learning, qui permettent aux ordinateurs d’apprendre à partir de grandes quantités de données pour effectuer des tâches spécifiques mieux et plus vite qu’un humain. Plutôt que d’être programmée avec des règles fixes, elle est ‘éduquée’ avec des données pour identifier des tendances, prédire des comportements et automatiser des décisions complexes. C’est un moteur d’analyse et d’optimisation surpuissant qui fonctionne en coulisses de nos outils quotidiens.
‘La grande différence avec ce qu’on a pu connaître avec des programmes informatiques, c’est que l’IA, ça se programme pas, ça s’éduque. Et pour s’éduquer, elle a besoin d’une quantité de données astronomiques.’
L’intelligence artificielle va-t-elle vraiment remplacer les métiers du marketing ?
L’IA ne va pas remplacer le marketeur, mais elle va profondément transformer son rôle. Elle automatisera les tâches répétitives et analytiques (optimisation d’enchères, analyse de données brutes), ce qui obligera les professionnels à se concentrer sur des compétences purement humaines. La créativité, la stratégie, l’intelligence émotionnelle, l’éthique et la relation client deviennent centrales. Le marketeur qui réussira sera celui qui collaborera avec l’IA, en l’utilisant comme un outil pour augmenter ses propres capacités, et non celui qui la subira.
‘La bonne équation, c’est est-ce que l’IA plus le marketeux est supérieur à l’IA toute seule. Si la combinaison des deux produira des résultats meilleurs, il y a aucun problème pour la valeur du marketeux.’
Comment l’IA est-elle déjà utilisée dans des outils comme Google Ads ?
Dans Google Ads, l’IA est le cœur du système, notamment à travers les stratégies d’enchères intelligentes (Smart Bidding). Pour chaque mise en concurrence publicitaire, l’IA analyse en temps réel des centaines de signaux (heure, lieu, appareil, historique de l’utilisateur, etc.) pour prédire la probabilité de conversion. Elle ajuste automatiquement l’enchère pour maximiser les résultats selon l’objectif fixé (CPA, ROAS). Le rôle du marketeur n’est plus de gérer manuellement les enchères, mais de fournir des données de qualité et des objectifs stratégiques clairs à la machine.
‘Aujourd’hui, quand tu es sur la plateforme de Google, c’est une IA en fait qui te mâche le travail.’
Quelle est la différence entre l’IA, le machine learning et le deep learning pour un marketeur ?
Il faut voir ces termes comme des poupées russes. L’Intelligence Artificielle (IA) est le concept global de machines capables de simuler l’intelligence humaine. Le Machine Learning (Apprentissage Automatique) est une sous-catégorie de l’IA ; c’est la technique qui permet aux machines d’apprendre à partir de données sans être explicitement programmées. Le Deep Learning (Apprentissage Profond) est une forme plus avancée et plus complexe de machine learning, très efficace pour des tâches comme la reconnaissance d’images ou de langage.
‘Évidemment que le machine learning et une de ses extensions le deep learning, ça fait partie intégrante des composantes de l’IA. C’est d’ailleurs grâce à eux qu’il y a eu un réel boom.’
Pourquoi dit-on que la data est essentielle pour l’intelligence artificielle ?
La data est le carburant de l’IA. Contrairement à un logiciel classique qui suit des instructions, une IA apprend en analysant des exemples. Pour qu’elle apprenne à reconnaître un client potentiel, il faut lui montrer des millions de parcours d’utilisateurs, ceux qui ont acheté et ceux qui n’ont pas acheté. Plus la quantité et la qualité des données sont élevées, plus l’IA devient précise et performante. C’est pourquoi les entreprises qui collectent le plus de données, comme les GAFA et les BATX, dominent le secteur de l’IA.
‘Un véhicule Uber par jour, c’est 7000 milliards d’octets. Donc autant te dire que même si on est besogneux, c’est compliqué avec un petit cerveau humain.’
Quel est le rôle du marketeur face à une IA qui automatise tout ?
Le rôle du marketeur évolue de l’exécution vers la stratégie. Face à l’IA, sa valeur ajoutée réside dans les domaines où la machine est faible : la créativité pour imaginer des campagnes percutantes, l’intuition stratégique pour définir la vision, l’empathie pour comprendre les besoins profonds des clients, la pensée critique pour interpréter et challenger les résultats de l’IA, et l’éthique pour s’assurer que la technologie est utilisée de manière responsable. Il devient le pilote de l’IA, pas son simple opérateur.
‘L’avènement de ces technos, de ces IA, de ces automatisations va nous permettre à nous de nous reconcentrer de plus en plus sur la valeur même du marketeux à savoir la partie créative et la partie de mon point de vue relation humaine.’
Pourquoi l’Europe semble-t-elle en retard sur l’IA par rapport aux USA et à la Chine ?
Le retard de l’Europe s’explique principalement par un déficit de données à grande échelle et l’absence d’acteurs technologiques de la taille des GAFA (Google, etc.) ou des BATX (Baidu, etc.). Ces géants possèdent la matière première, la data, nécessaire pour entraîner des IA performantes. De plus, bien que le RGPD soit bénéfique pour les droits des utilisateurs, il impose des contraintes plus fortes à l’écosystème européen, tandis que les États-Unis et la Chine opèrent dans des cadres plus souples, leur permettant d’innover plus rapidement.
‘La problématique de base c’est la data. On en a pas. […] On est des crapauds numériques.’
Qu’est-ce que le concept d’ ‘IA for Good’ et comment s’applique-t-il au marketing ?
L’ ‘IA for Good’ est une approche qui vise à développer et utiliser l’intelligence artificielle de manière éthique, responsable et bénéfique pour la société. En marketing, cela signifie créer des algorithmes transparents, qui ne sont pas discriminatoires et qui évitent les biais. C’est aussi utiliser la personnalisation pour réellement servir le client, et non pour le manipuler, en respectant sa vie privée. Pour l’Europe, c’est une opportunité de se différencier en devenant le champion d’une IA de confiance, ce qui peut être un puissant avantage concurrentiel.
‘Si on veut sortir les épingles du jeu, c’est là-dessus. C’est le fait de développer des IA en mode IA for Good avec un bon impact pour le business, pour les gens quoi. Sans vision forcément obligatoirement mercantile.’




