Logo de l'épisode #11 Rencontre avec Benoit Rey Head of Product - Qobuz du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#11 Rencontre avec Benoit Rey Head of Product – Qobuz

Épisode diffusé le 3 mars 2019 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Introduction : Au-delà du code, le véritable chef d’orchestre du produit digital

Dans l’univers bouillonnant des entreprises digitales, une figure est devenue centrale, bien que souvent mal comprise : le Product Manager. Loin du cliché du simple ‘chef de projet’ ou de ‘l’homme à idées’, ce rôle est en réalité le pivot stratégique qui assure qu’une vision business ne reste pas un simple document PowerPoint, mais se transforme en un produit concret, utilisé et aimé par ses clients. Mon parcours, d’ingénieur développeur à New York à Head of Product chez Qobuz aujourd’hui, m’a appris une chose essentielle : le succès d’un produit digital ne repose pas seulement sur la brillance de son code ou l’agressivité de son marketing, mais sur la qualité du pont qui relie ces deux mondes. Et ce pont, c’est le Product Manager qui le construit et l’entretient au quotidien.

La problématique est universelle. D’un côté, des équipes business, marketing et commerciales, pleines d’ambitions, de connaissance du marché et de pression pour atteindre des objectifs chiffrés. De l’autre, des équipes de développement, gardiennes de la faisabilité technique, de la stabilité de l’architecture et de la qualité du code. Livrées à elles-mêmes, ces deux sphères parlent des langages différents et peuvent rapidement entrer en conflit, générant de la frustration et, au final, des produits qui ne répondent ni aux attentes des utilisateurs, ni aux contraintes de la réalité. C’est précisément dans cette fracture que le Product Manager trouve sa raison d’être. Comme je le dis souvent pour résumer, ce métier est à la jonction de ces univers.

‘Le métier de product manager, c’est le rôle de la personne qui est à la jointure entre le business et les développeurs dans une société digitale.’

Au fil de cet article, je souhaite partager avec vous ma vision de ce rôle passionnant. Nous allons plonger au cœur des responsabilités, des compétences et des défis qui façonnent le quotidien d’un PM. Nous verrons pourquoi l’empathie est peut-être son outil le plus puissant, comment il navigue dans un océan de demandes contradictoires pour tracer une route claire, et quel parcours peut mener à cette position unique. Que vous soyez un développeur curieux du ‘pourquoi’, un professionnel du marketing désireux de mieux collaborer avec la tech, ou un aspirant Product Manager, mon objectif est de vous offrir une perspective authentique et concrète, loin du jargon et proche du terrain.

Le Product Manager : Traducteur, Arbitre et Visionnaire au service du produit

Pour bien cerner le rôle du Product Manager, il faut abandonner l’idée d’une simple fiche de poste et penser en termes de fonctions vitales pour l’entreprise. J’aime voir ce métier comme une combinaison de trois archétypes : le traducteur, l’arbitre et le visionnaire pragmatique. Chacun de ces aspects répond à un besoin fondamental dans la création d’un produit digital et, ensemble, ils forment le socle de la valeur ajoutée du PM.

Le Pont entre Deux Mondes : La traduction comme mission principale

La fonction première, la plus fondamentale, est celle de traducteur. Il ne s’agit pas de traduire des mots, mais des concepts, des contraintes et des objectifs. D’un côté, il faut être capable de saisir la substance d’une vision business. Pourquoi la direction veut-elle se lancer sur ce nouveau marché ? Quel problème client cette nouvelle fonctionnalité est-elle censée résoudre ? Quel est le modèle économique sous-jacent ? Le PM doit internaliser ce ‘pourquoi’ pour en devenir le garant. De l’autre côté, il doit comprendre le langage de la technique. Non pas pour écrire le code lui-même, mais pour saisir les implications d’une demande. Une simple phrase comme ‘On veut ajouter la connexion via Google’ peut cacher des semaines de travail sur la gestion des identités, la sécurité et l’intégration d’API. Le PM est celui qui doit faire comprendre au business pourquoi cette ‘petite’ demande a un coût élevé, tout en expliquant aux développeurs l’impact business majeur qui justifie cet investissement. C’est un travail constant de vulgarisation et de contextualisation dans les deux sens.

‘C’est la personne qui doit comprendre la vision business, donc le business model de la société, et traduire cette vision en réalité, c’est-à-dire de traduire ça en fonctionnalités réelles qui vont être dans le produit.’

Cette traduction est essentielle pour éviter les écueils classiques : des développeurs qui codent des fonctionnalités parfaitement inutiles car ils n’ont pas compris l’intention business, ou un marketing qui promet des choses techniquement irréalisables, créant une déception inévitable chez les clients.

L’Art de l’Arbitrage Permanent : Dire ‘non’ pour protéger le ‘oui’ stratégique

La conséquence directe de cette position centrale est que le Product Manager devient le réceptacle de toutes les demandes. Le marketing veut une nouvelle landing page pour sa campagne, le service client remonte un bug agaçant, la direction a une idée ‘géniale’ inspirée par un concurrent, et les développeurs veulent dédier du temps à la refonte d’une partie du code (la fameuse ‘dette technique’). Si le PM disait ‘oui’ à tout, le produit partirait dans toutes les directions et ne ressemblerait finalement à rien. Son rôle est donc d’être un arbitre. Un arbitre qui ne siffle pas les fautes, mais qui hiérarchise les opportunités. Cet arbitrage n’est pas basé sur l’opinion ou sur celui qui crie le plus fort. Il est guidé par la vision du produit et les objectifs de l’entreprise. Chaque décision est un compromis, un calcul coût/bénéfice.

‘C’est un arbitrage permanent qui doit être fait.’

Faire cet arbitrage, c’est accepter d’être impopulaire parfois. Dire ‘non’ au CEO, expliquer au marketing que sa demande devra attendre le prochain trimestre, négocier avec les développeurs pour repousser une refonte technique au profit d’une fonctionnalité à forte valeur client… C’est un exercice délicat qui demande du courage, des données pour étayer ses décisions, et une capacité à expliquer clairement le ‘pourquoi’ de chaque choix. Un ‘non’ bien argumenté et aligné sur la stratégie est souvent plus précieux pour l’entreprise qu’un ‘oui’ irréfléchi.

De la Vision à la Fonctionnalité : Le chemin de la concrétisation

Enfin, le PM est celui qui transforme une vision stratégique abstraite en un plan d’action concret. Il ne suffit pas de dire ‘Nous voulons être le leader du streaming pour les audiophiles’. Il faut définir ce que cela signifie en termes de produit. Cela veut-il dire améliorer la qualité audio ? Proposer plus de contenu éditorial ? Créer une expérience utilisateur plus immersive ? Le PM, en collaboration avec toutes les équipes, va décomposer cette grande vision en initiatives (Epics), puis en fonctionnalités (Features), et enfin en tâches concrètes pour les développeurs (User Stories). C’est ce travail de découpage et de spécification qui rend la vision réalisable. Il s’assure que chaque petit morceau de code développé contribue, d’une manière ou d’une autre, à la construction de la cathédrale. C’est un travail méticuleux qui demande de la rigueur et une projection constante entre le détail d’un bouton et la stratégie globale de l’entreprise.

Ce passage de l’abstrait au concret est le cœur de la création de valeur du Product Manager. Il s’assure que l’énergie des équipes de développement, une ressource précieuse et limitée, est toujours focalisée sur ce qui compte le plus pour l’utilisateur et pour l’entreprise, à chaque instant.

Les Compétences Indispensables du Product Manager Moderne

Le rôle de Product Manager n’est pas défini par un diplôme, mais par un ensemble de compétences et de qualités humaines. C’est un métier qui exige un équilibre subtil entre des savoir-faire techniques, stratégiques et interpersonnels. Au fil de mon expérience, j’ai identifié trois piliers fondamentaux sur lesquels un bon PM doit s’appuyer pour réussir : une crédibilité technique solide, une empathie quasi radicale et une vision panoramique de l’entreprise.

La Crédibilité Technique : Faut-il Savoir Coder ?

C’est la question que l’on me pose le plus souvent, et ma réponse est nuancée. Non, un Product Manager n’a pas besoin d’être un développeur expert. D’ailleurs, la plupart des membres de mon équipe ne le sont pas. Cependant, il est absolument indispensable d’être crédible aux yeux des équipes techniques. Cette crédibilité ne vient pas de la capacité à écrire du code, mais de la compréhension des mécanismes et des contraintes du développement. Il faut comprendre ce qu’est une API, la complexité d’une base de données, les implications d’un choix d’architecture. Pourquoi ? Parce que sans cette compréhension, on risque de faire des demandes absurdes, l’équivalent de demander à un ingénieur de construire une fusée avec des pneus et une planche.

‘Il faut réussir à être crédible auprès des développeurs. C’est-à-dire qu’on n’est pas nécessairement, il faut pas tout comprendre, mais il faut avoir une bonne compréhension des impacts techniques de ce qu’on leur demande.’

Cette compréhension permet un dialogue constructif. Au lieu d’imposer une solution, le PM peut exposer un problème client et discuter avec les développeurs de la manière la plus intelligente de le résoudre. Parfois, une petite concession sur la fonctionnalité peut réduire l’effort de développement de plusieurs semaines. C’est cette capacité à trouver les ‘petits compromis’ qui fait la différence. Avoir été développeur, comme c’est mon cas, est un plus indéniable. Cela permet de sentir plus vite les complexités cachées et, parfois, de dire avec respect : ‘Là, me raconte pas des craques. Ça ne va pas prendre un mois’. Mais attention, cette carte doit être jouée avec une extrême prudence pour ne pas empiéter sur le rôle de l’expert technique et braquer ses interlocuteurs.

L’Empathie Radicale : Le Super-pouvoir du PM

Si je devais ne choisir qu’une seule compétence, ce serait celle-ci. Le Product Manager doit être une véritable éponge à empathie. Il doit être capable de se mettre à la place de chaque partie prenante. L’empathie pour l’utilisateur, bien sûr, pour comprendre ses frustrations et ses besoins profonds. Mais aussi, et c’est tout aussi crucial, l’empathie pour ses collègues. Il doit comprendre la pression du commercial qui a besoin d’une fonctionnalité pour signer un gros contrat. Il doit ressentir la frustration du développeur face à des spécifications floues ou des changements de dernière minute. Il doit saisir les enjeux du marketeur qui doit communiquer sur le produit. Rejeter l’un de ces points de vue est une erreur fatale.

‘Tu dois développer un sens de l’empathie très fort et expliquer… tu dois traduire les problèmes de la technique envers le business et inversement traduire les problèmes du business à la technique.’

Penser ‘les commerciaux ils me gonflent’ ou ‘les développeurs ils comprennent rien au business’ est le chemin le plus court vers l’échec. Le PM est le lubrifiant qui permet à tous ces engrenages de fonctionner ensemble. Il doit être cette ‘roue qui fait fonctionner tous les métiers ensemble’. Cette empathie n’est pas de la complaisance ; elle est la base d’une communication efficace et d’une collaboration saine. C’est ce qui permet de construire des compromis acceptables pour tous et de maintenir l’alignement et la motivation de l’ensemble des équipes autour du produit.

La Vision Transversale : Voir la Matrice de l’Entreprise

Enfin, le Product Manager ne peut pas se permettre d’opérer en silo. Il doit avoir une vision ‘ultra transversale’. Il doit comprendre comment chaque décision relative au produit impacte l’ensemble de l’organisation. Si on change le processus d’inscription, quel sera l’impact sur le support client ? Si on lance une nouvelle offre, les équipes commerciales sont-elles formées pour la vendre ? La facturation est-elle prête ? Le marketing a-t-il les bons messages ? Le PM est l’un des rares rôles dans l’entreprise à devoir posséder cette vue à 360 degrés. Il ne peut se permettre de dire ‘le marketing, ça ne m’intéresse pas’. Au contraire, il doit s’y intéresser passionnément, car un produit génial qui n’est pas bien marketé ou vendu est un échec. Cette vision transversale lui permet d’anticiper les problèmes, de coordonner les efforts et de s’assurer que le lancement d’une nouvelle fonctionnalité est un succès pour toute l’entreprise, pas seulement pour l’équipe technique.

Dans les Tranchées : La Journée Type d’un Head of Product

La théorie, c’est bien, mais à quoi ressemble concrètement le quotidien d’un Head of Product ? La première chose à savoir, c’est qu’il n’y a pas de journée type. La diversité des tâches et des interlocuteurs est immense, ce qui rend ce métier à la fois exigeant et passionnant. Mes journées sont un mélange constant de stratégie, de communication, de résolution de problèmes et de management. Elles s’articulent principalement autour de la gestion de la roadmap, de l’utilisation d’outils de collaboration et d’un jonglage permanent entre différentes temporalités.

La Gestion de la Roadmap : La Feuille de Route vers le Succès

L’une de mes responsabilités fondamentales, et ce que la direction attend en premier lieu d’un Head of Product, est la création et la maintenance de la roadmap produit. Ce n’est pas juste une liste de fonctionnalités avec des dates. C’est un document stratégique qui communique notre vision et notre plan pour y parvenir. Il répond à deux questions essentielles : quelles fonctionnalités allons-nous développer, et dans quel ordre ?

‘Ce que la direction en général attend d’un head of product, c’est de générer ce qu’on appelle une roadmap qui est donc une feuille de route qui dit pour réussir nos objectifs, il faut développer ces fonctionnalités et dans cet ordre-là.’

Construire cette roadmap est un processus complexe. Il faut collecter les idées et les besoins de toutes parts, les analyser, les estimer (en collaboration avec la tech) et les prioriser en fonction de leur valeur potentielle pour les utilisateurs et pour le business. C’est un travail qui demande de ‘se prendre pas mal la tête’. Une fois établie, la roadmap n’est pas gravée dans le marbre. C’est un document vivant. Il faut constamment la renégocier avec le business et la technique, l’adapter aux nouvelles opportunités du marché, aux retours des utilisateurs ou aux contraintes imprévues. Une partie de mon temps est donc dédiée à ces discussions, à ces arbitrages pour abandonner une idée, insister sur une autre ou accélérer une V2 d’une fonctionnalité qui a prouvé son succès.

Les Outils du Quotidien : De Jira à PowerPoint

Pour orchestrer tout cela, je m’appuie sur une panoplie d’outils. Les plus connus sont bien sûr Jira et Confluence. Jira est notre système nerveux pour le suivi du développement : il permet de transformer les fonctionnalités de la roadmap en tâches concrètes et de suivre leur avancement. Confluence est notre mémoire collective : c’est là que nous documentons tout, des spécifications détaillées d’une fonctionnalité aux comptes-rendus de réunion, en passant par les ‘use cases’. Mais les outils ne s’arrêtent pas là. Un de mes meilleurs amis reste PowerPoint. Pas pour faire des présentations ennuyeuses, mais pour la ‘vulgarisation’. Un bon diaporama peut expliquer un projet complexe à toute l’entreprise en quelques minutes, aligner tout le monde sur les objectifs et susciter l’enthousiasme. J’utilise aussi beaucoup les outils de Business Intelligence (BI) pour analyser les données d’utilisation du produit. Comprendre comment les gens utilisent (ou n’utilisent pas) une fonctionnalité est une source d’idées inestimable pour l’améliorer. Et bien sûr, il y a les classiques : l’email et Slack, qui sont le théâtre d’un ‘multitasking à grande échelle’ et d’innombrables micro-décisions tout au long de la journée.

Le Jonglage Temporel : Gérer l’Urgence, le Courant et le Futur

Le plus grand défi mental de ce poste est sans doute la gestion simultanée de trois horizons de temps. Il y a le très court terme : l’urgence, le bug critique en production qui nécessite une réaction immédiate. Il y a le moyen terme : le suivi des projets en cours, s’assurer que les développements avancent bien, répondre aux questions, lever les blocages. Et enfin, il y a le long terme : prendre du recul, s’assurer que notre vision stratégique tient toujours la route face à la concurrence, anticiper les prochaines grandes évolutions.

‘Il faut essayer de trouver du temps des fois pour s’isoler et s’enfermer, pour essayer à réfléchir un peu plus, à pas être la tête dans le guidon et tu sais même plus pourquoi tu fais les choses.’

Naviguer entre ces trois temporalités est épuisant. On peut passer d’une réunion sur le budget de l’année prochaine à un message Slack sur un bug bloquant, tout en pensant à la préparation d’un atelier sur la vision à 3 ans. La clé est d’apprendre à compartimenter et, surtout, à se ménager des plages de temps sanctuarisées pour la réflexion stratégique. Sans ces moments de recul, on risque de devenir un simple gestionnaire d’urgences, perdant de vue la destination finale.

Devenir Product Manager : Le Parcours et les Conseils d’un Expert

Le métier de Product Manager est relativement nouveau et les chemins pour y parvenir sont multiples. Il n’existe pas encore de filière universitaire unique et reconnue comme pour devenir avocat ou médecin. C’est un rôle qui s’est construit à la croisée des chemins, en agrégeant des compétences venues de la technique, du marketing et de la stratégie. Fort de mon expérience et des nombreux profils que j’ai pu côtoyer et recruter, je peux néanmoins esquisser les parcours les plus pertinents et partager quelques conseils pour ceux qui aspirent à cette carrière.

La Voie Royale : L’Ingénieur avec une Appétence Business

Si je devais recommander un parcours idéal, ce serait celui d’un ingénieur qui développe une forte curiosité et une réelle compréhension des enjeux business. Je ne dis pas cela uniquement parce que c’est mon propre parcours, mais parce que cette combinaison est redoutablement efficace. Partir d’une formation technique solide, comme une école d’ingénieur, offre un avantage considérable : une crédibilité naturelle et immédiate auprès des équipes de développement. On partage un langage commun, une manière de penser structurée, et une appréciation de la complexité technique. Cela facilite grandement le dialogue et le respect mutuel, qui sont les fondations d’une collaboration réussie.

‘Un ingénieur qui s’intéresse au business, finalement je pense que c’est ce qu’il y a de mieux pour pour être PM, c’est la voie royale.’

Cependant, la formation technique ne suffit pas. L’ingénieur doit faire l’effort de sortir de sa zone de confort, de s’intéresser à ce qui se passe ‘de l’autre côté’ : comment vend-on un produit ? Comment le markete-t-on ? Qu’est-ce qu’un business model ? Quel est le paysage concurrentiel ? C’est cette double casquette qui fait la force du profil. C’est la capacité à la fois de comprendre la ‘salle des machines’ et de savoir si le navire se dirige vers la bonne destination.

Au-delà de la Technique : L’Importance Cruciale du Sens Produit

Bien sûr, la voie de l’ingénieur n’est pas la seule. J’ai connu d’excellents Product Managers venant d’écoles de commerce, de design (UX/UI), ou même de sciences humaines. L’essentiel n’est pas le diplôme de départ, mais la capacité à acquérir les compétences manquantes. Un profil issu d’une école de commerce aura une excellente compréhension du marché et du marketing, mais devra travailler d’arrache-pied pour acquérir la culture et la crédibilité technique. Il devra faire preuve d’humilité, poser beaucoup de questions aux développeurs, et s’auto-former pour comprendre les bases de l’architecture logicielle. Le point faible que j’observe souvent chez les profils non-techniques, particulièrement en France, est une tendance à sous-estimer l’importance de la vente et du déploiement.

‘C’est le défaut des Français de pas penser à ses business, c’est-à-dire qu’on est capable de concevoir des très beaux produits mais pas nécessairement de les vendre.’

Un bon PM doit être ‘malin’. Il doit penser dès la conception d’une fonctionnalité à la manière dont elle sera présentée aux commerciaux, marketée aux clients, et supportée par le service client. Le produit ne s’arrête pas à la mise en production. Son cycle de vie complet doit être anticipé.

Le Management en Product : Lâcher Prise sans Perdre le Cap

Lorsqu’on évolue vers un poste de Head of Product, un nouveau défi apparaît : le management d’autres Product Managers. La tentation est grande de faire du ‘micro-management’, de vouloir garder la main sur chaque détail opérationnel, surtout quand on aime ça. C’est un piège classique. Le véritable enjeu est de réussir à faire grandir son équipe, à leur donner de l’autonomie et les ‘mains libres’ pour qu’ils s’approprient leurs produits. Mon rôle n’est plus de définir chaque fonctionnalité, mais de m’assurer que tout le monde rame dans la même direction. Pour cela, la meilleure méthode est la répétition.

‘La meilleure méthode pour ça, c’est de rabâcher pas mal les grandes lignes de la vision stratégique parce que des fois les gens ont tendance à l’oublier quand ils sont sur leurs projets un peu isolés du reste.’

Je dois m’assurer que chaque membre de l’équipe a tellement bien intégré la vision globale qu’il peut prendre de manière autonome les bonnes décisions dans les détails de son quotidien. De temps en temps, je fais des ‘sondages’, je plonge sur un point très précis d’une fonctionnalité pour vérifier que la logique est conforme à notre stratégie. C’est une sorte de ‘contrôle qualité’ ponctuel qui me permet de m’assurer que la vision infuse bien à tous les niveaux, sans pour autant être constamment sur le dos de mes équipes.

Conclusion : Plus qu’un Métier, une Mentalité d’Architecte du Possible

Au terme de cette exploration, il apparaît clairement que le rôle de Product Manager transcende largement la simple gestion de projet. C’est une fonction éminemment stratégique et humaine, qui requiert une rare combinaison de compétences. Ce n’est pas un métier pour ceux qui cherchent le confort des certitudes, mais pour ceux qui prospèrent dans la complexité, la négociation et la création de liens entre des univers qui, a priori, s’ignorent. Le PM est un architecte du possible, celui qui dessine les plans d’un pont solide entre l’ambition d’une entreprise et la satisfaction de ses utilisateurs.

Les points clés à retenir sont simples mais fondamentaux. Le PM est avant tout un traducteur et un facilitateur, dont le succès se mesure à la fluidité de la collaboration entre le business et la technique. Son pouvoir ne vient pas d’une autorité hiérarchique, mais de sa capacité d’influence, nourrie par sa crédibilité, son empathie et sa vision transversale. Il est le gardien de la cohérence du produit, celui qui ose dire ‘non’ pour protéger la vision à long terme et qui jongle en permanence avec les contraintes du présent et les promesses de l’avenir. C’est un rôle exigeant, souvent dans l’ombre, mais dont l’impact sur la réussite d’un produit digital est absolument déterminant.

Pour celles et ceux qui envisagent cette carrière, mon conseil ultime serait de cultiver une curiosité insatiable. Soyez curieux de la technologie, même si vous n’êtes pas développeur. Soyez curieux du business, même si votre passion est le produit. Soyez curieux des gens, de leurs métiers, de leurs contraintes. C’est cette curiosité qui nourrira votre empathie et forgera votre vision. Car au final, être un grand Product Manager, c’est être celui qui comprend le mieux l’ensemble du système pour aider chacun à y trouver sa place et à y apporter le meilleur de lui-même, au service d’un objectif commun : construire un produit remarquable.


Questions fréquentes sur le métier de Product Manager

Quel est le rôle principal d’un Product Manager ?

Le rôle principal du Product Manager est de faire le lien stratégique entre les objectifs business de l’entreprise et les équipes techniques qui construisent le produit. Il est chargé de définir le ‘quoi’ et le ‘pourquoi’ d’un produit, en traduisant la vision stratégique en une feuille de route (roadmap) de fonctionnalités concrètes. Son but est de s’assurer que l’équipe de développement travaille sur les bonnes choses, au bon moment, pour apporter un maximum de valeur aux utilisateurs et, par conséquent, à l’entreprise. Il agit comme un traducteur, un arbitre des priorités et le garant de la cohérence du produit.

‘C’est le rôle de la personne qui est à la jointure entre le business et les développeurs dans une société digitale. c’est-à-dire que c’est la personne qui doit comprendre la vision business (…) et traduire cette vision en réalité.’

Un Product Manager doit-il obligatoirement savoir coder ?

Non, il n’est pas obligatoire de savoir coder pour être un excellent Product Manager. De nombreux professionnels très compétents n’ont pas de passé de développeur. Cependant, il est indispensable de posséder une forte culture technique et d’être crédible auprès des équipes de développement. Cela signifie comprendre les concepts fondamentaux (API, base de données, architecture), les contraintes techniques et les implications des demandes formulées. Cette compréhension permet un dialogue constructif et évite de demander l’impossible, ce qui est la clé pour gagner le respect et la confiance des ingénieurs.

‘Je dirais non parce que j’ai connu beaucoup de PM qui étaient pas développeur et dans mon équipe la plupart ne sont pas développeur et ils y arrivent très bien. (…) si tu es curieux et que tu comprends la complexité d’une base de données, d’un service, d’une API, il y a pas besoin d’être développeur pour pour être PM.’

Comment un Product Manager prend-il ses décisions au quotidien ?

Le quotidien du Product Manager est fait d’arbitrages constants. Pour prendre ses décisions, notamment pour définir la priorité des fonctionnalités dans la roadmap, il ne se base pas sur son intuition seule mais sur un ensemble de facteurs. Il analyse les objectifs stratégiques de l’entreprise, les données d’utilisation du produit (data analytics), les retours des utilisateurs (feedback), les demandes des équipes commerciales et marketing, et les contraintes techniques. La décision est un compromis permanent entre la valeur apportée à l’utilisateur, l’impact sur le business, et l’effort de développement nécessaire. Il s’agit de faire les bons choix pour maximiser l’impact avec les ressources disponibles.

‘C’est de se prendre pas mal la tête et de passer son temps à faire des choix, à renégocier d’un côté avec le business, de l’autre côté avec la technique pour dire ça on abandonne, ça on va insister, ça on va faire une une V2 de ça parce que ça marche bien, ça on laisse tomber.’

Quels sont les outils indispensables pour un Head of Product ?

Un Head of Product utilise une palette d’outils pour orchestrer le travail. Les plus courants sont les outils de gestion de projet et de suivi des tâches comme Jira, qui permettent de collaborer avec les développeurs. Les plateformes de documentation comme Confluence sont essentielles pour centraliser les spécifications et partager la connaissance. Les outils de Business Intelligence (BI) sont cruciaux pour analyser les données et comprendre le comportement des utilisateurs. Enfin, des outils plus classiques comme PowerPoint sont très importants pour la communication, afin de vulgariser la stratégie et de présenter les projets à la direction ou à l’ensemble de l’entreprise. Slack et l’email complètent cet arsenal pour la communication quotidienne.

‘Il y a les outils classiques qui sont Jira qui est maintenant très répandu et Confluence pour documenter toutes les fonctionnalités (…). Après il y a PowerPoint qui reste un très bon ami pour faire des pres de vulgarisation (…). Après bah il y a les outils d’analyse de de BI (…). Et après il y a les l’email, Slack les les classiques quoi.’

Quelle est la compétence la plus importante pour réussir en tant que Product Manager ?

Si une seule compétence devait être choisie, ce serait l’empathie. Un Product Manager doit faire preuve d’une empathie à 360 degrés : envers les utilisateurs pour comprendre leurs problèmes, envers les développeurs pour respecter leurs contraintes, et envers les équipes business (marketing, ventes) pour intégrer leurs objectifs. Cette capacité à comprendre les perspectives et les ‘douleurs’ de chaque partie prenante lui permet d’agir comme un véritable liant au sein de l’entreprise. Sans empathie, il est impossible de traduire efficacement les besoins, de négocier des compromis acceptables et de fédérer tout le monde autour de la vision du produit.

‘Tu dois développer un sens de l’empathie très fort et expliquer tu dois traduire les problèmes de la technique envers le business et inversement traduire les problèmes du business à la technique et il faut tu dois être vraiment le la roue qui fait fonctionner tous les métiers ensemble quoi.’

Quel est le meilleur parcours pour devenir Product Manager ?

Il n’y a pas un seul chemin, mais un parcours est souvent considéré comme la ‘voie royale’ : celui d’un ingénieur qui développe une forte appétence et une compréhension des enjeux business. Cette double compétence technique et stratégique est extrêmement précieuse. Avoir une formation d’ingénieur confère une crédibilité immédiate auprès des équipes techniques. Cependant, des profils issus d’écoles de commerce ou d’autres domaines peuvent tout à fait réussir, à condition de faire l’effort de développer une solide culture technique et une curiosité pour le fonctionnement du produit. L’essentiel est la capacité à allier une vision stratégique à une compréhension pragmatique de la réalisation technique.

‘Un ingénieur qui s’intéresse au business, finalement je pense que c’est ce qu’il y a de mieux pour pour être PM, c’est la la voix royale. Je dis pas ça parce que j’ai fait ça mais mais au moins tu as la tu as toujours une forme de respect naturel des développeurs par rapport à ça.’


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