La fin des cookies tiers : Chronique d’une révolution annoncée pour le marketing digital
Le marketing digital vit sur une plaque tectonique qui n’a de cesse de bouger. Mais depuis quelques années, les secousses s’intensifient. L’une d’elles, particulièrement violente, a été l’annonce par Google de la suppression des cookies tiers dans son navigateur Chrome. Cette décision, qui fait suite à celles de Safari et Firefox, a été perçue par beaucoup comme le signal de départ d’une véritable ‘cookie apocalypse’. Un terme un peu fort, peut-être, mais qui traduit bien l’ampleur du chantier qui nous attend. Car oui, pendant près de vingt ans, cet humble fichier texte a été la pierre angulaire de tout notre écosystème publicitaire. Il a permis l’avènement du programmatique, la personnalisation à grande échelle, et la promesse d’un marketing où ‘tout est traçable’.
Pourtant, cette annonce initiale, faite le 14 janvier 2020, a été suivie d’un rebondissement. Google a décidé de repousser l’échéance, offrant un sursis de près de deux ans à l’industrie. Face à cette nouvelle, j’ai vu deux réactions. D’un côté, un ‘soupir de soulagement’, comme l’a titré une certaine presse, presque un ‘Noël avant l’heure’. De l’autre, une inquiétude grandissante chez les acteurs les plus avertis. Car ce report n’est pas un retour en arrière. Il s’agit plutôt d’un aveu : la transition est si complexe, si ‘transformationnelle’, que même Google a dû repousser sa propre deadline. Cela montre bien ‘l’ampleur du chantier’. La question n’est plus de savoir si le monde sans cookie tiers va advenir, mais comment nous allons y naviguer.
Dans cet article, nous allons plonger au cœur de cette révolution. Nous décortiquerons ce sursis accordé par Google, nous reviendrons sur ce qui a fait la force et la faiblesse du cookie tiers, et surtout, nous explorerons en profondeur les alternatives qui se dessinent. Du ciblage contextuel nouvelle génération aux identifiants persistants, en passant par le rôle crucial des Walled Gardens, nous allons construire une feuille de route pour non seulement survivre, mais prospérer dans le marketing digital de demain. Car une chose est certaine : ‘la tentation va être forte pour certains annonceurs, pour certains acteurs du marché de mettre le sujet au frigo voir de le mettre au congélateur… Et c’est je pense exactement ce qu’il ne faut pas faire’. L’heure n’est pas à la pause, mais à l’accélération.
Le report de Google : Un sursis pour se préparer, pas pour procrastiner
Revenons sur cette annonce qui a agité l’écosystème. Initialement prévue pour 2022, la dépréciation des cookies tiers dans Chrome a été repoussée à fin 2023, puis encore décalée. Pourquoi un tel rétropédalage de la part du géant de la recherche ? La raison officielle, et tout à fait crédible, est que les alternatives proposées dans le cadre de son projet ‘Privacy Sandbox’ n’étaient tout simplement pas matures. Google avait conditionné la fin des cookies à la mise en place de solutions viables pour préserver les principaux cas d’usage du marketing : le ciblage, le frequency capping et la mesure.
La Privacy Sandbox : une ambition face au mur de la réalité
Le projet Privacy Sandbox est une initiative colossale visant à réinventer les standards du web pour qu’ils soient respectueux de la vie privée par défaut. Dans ce cadre, des propositions comme FLoC (Federated Learning of Cohorts) pour le ciblage d’audience et Fledge pour le retargeting ont été mises sur la table. L’idée de FLoC était de ne plus cibler des individus, mais des cohortes, des groupes d’utilisateurs aux comportements de navigation similaires. Si l’intention est louable, la mise en œuvre s’est avérée extrêmement complexe. Comme je l’expliquais, ‘il y a eu de nombreuses expérimentations sur ces bases là… et finalement on se rend compte que les propositions Floc Fledge… ne sont pas encore totalement on va dire à l’état de l’art pour pouvoir débrancher sereinement tier’. Les premiers tests ont soulevé de nombreuses questions, tant sur l’efficacité que sur de potentiels nouveaux risques pour la vie privée. Débrancher le cookie tiers sans solution de rechange éprouvée aurait été suicidaire pour l’ensemble de l’écosystème de l’Open Web, et aurait, paradoxalement, encore renforcé la position dominante des acteurs comme Google. C’était un risque de ‘créer de sérieuses turbulences pour le marketing digital tel qu’on le connaît’.
Le vrai message derrière le délai : L’urgence de l’action
Ce délai n’est donc pas une victoire, mais la reconnaissance d’une immense complexité. C’est une bonne nouvelle, oui, mais à une seule condition : ‘c’est une bonne nouvelle si et seulement si on continue de se préparer’. Ce temps supplémentaire doit être mis à profit pour tester, expérimenter, et peut-être même ‘se planter’. C’est le luxe que nous n’avions pas avec l’échéance initiale. Il faut désormais l’utiliser pour trouver la bonne combinaison de solutions qui nous permettra de nous affranchir du cookie sans sueurs froides. Le plus grand danger serait de céder à la facilité et de repousser le sujet. Les entreprises qui le feront se réveilleront en 2024 avec une gueule de bois technologique et un désavantage concurrentiel massif. À l’inverse, celles qui s’emparent de cette problématique dès maintenant se construisent ‘un avantage compétitif’. Elles apprennent à opérer dans le monde de demain avant les autres.
Ce sursis nous donne donc une feuille de route claire : auditer notre dépendance actuelle au cookie tiers, explorer activement les alternatives, lancer des tests à échelle réduite, et surtout, commencer à bâtir des stratégies basées sur les données que nous contrôlons, les fameuses données ‘first-party’. L’horloge tourne toujours, elle a simplement été ajustée.
Le cookie tiers : Grandeur et décadence d’une ‘commodité technologique’
Pour bien comprendre la révolution en cours, il faut faire un pas en arrière et se demander ce qu’est exactement ce fameux cookie tiers et pourquoi il est devenu si central. On lui trouve aujourd’hui tous les défauts, mais il ne faut pas oublier qu’il a été le moteur d’une innovation sans précédent pendant près de deux décennies. Je le qualifie souvent de ‘commodité technologique’. Pourquoi ? Parce qu’il était simple à mettre en place, universellement supporté par les navigateurs, et incroyablement efficace pour sa fonction première : faire transiter une information d’un nom de domaine à un autre. C’est là toute la différence avec un cookie ‘first-party’, qui, lui, ne peut être lu que par le site qui l’a déposé. Le cookie tiers, lui, est un passeport qui permet à un annonceur ou à sa technologie de vous reconnaître de site en site.
Les trois piliers soutenus par le cookie tiers
Cette capacité à voyager à travers le web a permis de construire les trois piliers du marketing programmatique moderne :
1. **Le ciblage comportemental :** En vous observant naviguer sur différents sites, le cookie tiers permet de déduire vos centres d’intérêt, vos intentions d’achat, votre profil socio-démographique. Si vous visitez trois sites de voyage pour le Japon, un cookie tiers enregistrera cette information et permettra à une compagnie aérienne de vous proposer une publicité pour un vol vers Tokyo sur un site d’actualités. C’est la base de la pertinence publicitaire.
2. **La gestion de la fréquence (capping) :** Sans cookie tiers, comment savoir si un internaute a déjà vu votre publicité 3, 5 ou 10 fois dans la journée ? C’est ce petit fichier qui, en étant reconnu sur chaque site, permet de dire au système : ‘Stop, cet utilisateur a atteint le nombre maximum d’expositions, passons à autre chose’. C’est essentiel pour le budget de l’annonceur et pour l’expérience de l’utilisateur.
3. **La mesure de la performance :** C’est peut-être le point le plus crucial. Le cookie tiers est le fil d’Ariane qui relie l’exposition à une publicité (la vue d’une bannière sur un site média) à une action concrète (l’achat d’un produit sur le site de l’annonceur). C’est lui qui permet de réaliser l’attribution et de répondre à la question : ‘Quel est le retour sur investissement de ma campagne ?’.
Les failles structurelles d’une technologie vieillissante
Malgré son utilité, le cookie tiers est une technologie fondamentalement dépassée. Ses défauts sont devenus criants à l’ère du mobile et de la multiplication des écrans. Premièrement, dans un monde devenu ‘Mobile First’, où l’usage se concentre sur les applications, le cookie est inopérant. ‘Il y a pas de cookie hein sur les applications mobiles, ça ne fonctionne pas’. De même, sur les télévisions connectées, autre univers en pleine explosion, le cookie est absent. Deuxièmement, il est lié à un navigateur, pas à une personne. Votre cookie sur Chrome sur votre ordinateur est différent de celui sur Safari sur votre téléphone. Cela crée une vision fragmentée et imprécise de l’utilisateur. Enfin, sa durée de vie est de plus en plus courte. Les utilisateurs effacent leurs cookies, les navigateurs limitent leur longévité… Cela rend la donnée collectée ‘extrêmement volatile et peu utile pour pas mal de cas d’usage’. La fin du cookie tiers n’est donc pas seulement une question de vie privée ; c’est aussi l’obsolescence programmée d’une technologie qui n’est plus adaptée au monde digital d’aujourd’hui.
La transition est donc une nécessité. Après avoir compris pourquoi le socle se fissure, explorons les nouveaux matériaux dont nous disposons pour reconstruire notre édifice marketing.
La première voie : Le retour en force du ciblage contextuel sémantique
Face au vide laissé par le cookie tiers, la première alternative qui vient à l’esprit, et la plus simple à appréhender, est le ciblage contextuel. C’est un peu un retour aux sources de la publicité digitale, mais avec les technologies d’aujourd’hui. L’idée n’est plus de cibler une personne sur la base de son historique de navigation, mais de diffuser une publicité en fonction du contenu de la page qu’elle consulte à l’instant T. C’est la bonne vieille méthode du ‘vendre des bananes de moto sur un site de moto’. Cependant, il est crucial de ne pas confondre le contextuel d’hier avec celui de demain.
Du mot-clé à la sémantique : une révolution de l’intelligence
Le contextuel historique se basait sur du simple ‘keywording’. Le système scannait une page à la recherche de mots-clés prédéfinis. C’était efficace, mais limité et parfois contre-productif. Une annonce pour une compagnie aérienne pouvait très bien se retrouver à côté d’un article relatant un crash aérien, simplement parce que le mot ‘avion’ était présent. Aujourd’hui, nous parlons d’une approche bien plus sophistiquée, ‘l’approche plus sémantique’. Grâce aux technologies de Natural Language Processing (NLP) et à l’IA, les outils modernes ne se contentent pas de lire les mots ; ils comprennent le sens, le sentiment, les nuances et les relations entre les concepts d’un texte. Ils sont capables de différencier ‘Apple’ la pomme de ‘Apple’ la marque, de détecter un ton négatif ou polémique, et de saisir le véritable sujet d’une page. Des acteurs comme Semslie avec son ‘contextuel comportemental’ ou Weborama avec son ‘IA sémantique’ proposent des solutions qui permettent d’atteindre un niveau de précision et de sécurité pour la marque (brand safety) bien supérieur.
La limite fondamentale du contextuel : L’absence de mesure
Le ciblage contextuel sémantique est une solution puissante et immédiatement activable. C’est une pièce maîtresse de la stratégie post-cookie. Mais il faut être lucide sur ses limites. Comme je le souligne, ‘c’est parfait pour le ciblage mais ça s’arrête là’. Le contextuel résout une partie de l’équation : où diffuser mon message. Mais il ne répond pas aux deux autres questions fondamentales : ai-je touché la même personne trop souvent, et surtout, ma campagne a-t-elle eu un impact sur mon business ? En effet, ‘avec du ciblage contextuel, on peut pas faire du capping, on peut pas faire de la mesure de l’impact de ce qu’on a bien ciblé’. Sans cette boucle de rétroaction, le marketing digital perd sa plus grande force : sa mesurabilité. Comment savoir si ma stratégie contextuelle A est plus performante que la stratégie B ? Comment justifier mes investissements ? C’est le nœud du problème. Si je n’ai pas de moyen de mesurer, ‘je serai pas capable de discriminer un ciblage qui vient de Webrama, de je ne sais quelle société… je vois aucun moyen de savoir ce qu’il apporte de la valeur ou pas à mon business’. Le contextuel est donc un pilier nécessaire, mais il n’est pas suffisant pour soutenir tout l’édifice.
La seconde voie : Reconstruire l’identité avec les ID persistants
Si le contextuel nous permet de comprendre le ‘quoi’ (le contenu), il nous faut une solution pour comprendre le ‘qui’ (l’audience), de manière respectueuse et pérenne. C’est là qu’intervient la révolution des identifiants, ou ‘ID’. L’objectif est de remplacer le cookie tiers, volatile et lié au navigateur, par un identifiant plus robuste. Dans cette quête, deux grandes familles de solutions s’opposent et se complètent : les approches probabilistes et les approches déterministes.
Les ID probabilistes : L’art de la déduction numérique
L’approche probabiliste consiste à reconstituer une identité sans cookie en se basant sur un ensemble de signaux passifs, de ‘traces numériques’ laissées par un navigateur : l’adresse IP, le ‘user agent’ (qui décrit le navigateur, l’OS, la version), la résolution de l’écran, les polices installées, etc. Pris séparément, ces éléments sont anodins. Mais combinés, leur signature peut devenir quasi-unique. C’est un peu comme reconnaître quelqu’un à sa démarche et à sa silhouette sans voir son visage. Des outils comme le site ‘AmIUnique’ montrent à quel point notre empreinte de navigateur est distinctive. L’avantage majeur de cette méthode est sa portée, son ‘reach’, qui est potentiellement massif puisqu’il ne nécessite pas d’action de la part de l’utilisateur. Cependant, elle fait face à un défi de taille : sa viabilité à long terme. ‘On sait que les navigateurs, la même manière qu’ils ont déclaré la guerre au cookie tiers, bah viennent déclarer la guerre à l’utilisation de ce type de trace numériques’. Apple, par exemple, a commencé à masquer ou à rendre moins précises les adresses IP. C’est un jeu du chat et de la souris où les navigateurs auront toujours une longueur d’avance, rendant les modèles probabilistes de plus en plus complexes et potentiellement moins fiables.
Les ID déterministes : La puissance de l’identifiant consenti
À l’opposé, nous avons l’approche déterministe. Ici, pas de déduction, mais une certitude. L’identifiant est basé sur une information personnelle fournie volontairement par l’utilisateur, le plus souvent une adresse e-mail ou un numéro de téléphone, lors d’une connexion (login) à un site média ou à un service. Cette information est ensuite ‘hachée’ (transformée en une suite de caractères anonyme) pour créer un identifiant pseudonyme. C’est une approche ‘people-based’. Contrairement au cookie, cet identifiant est ‘individuel et persistant’. Il ne s’efface pas, il fonctionne sur tous les appareils (mobile, desktop, TV connectée) et il est beaucoup plus précis. C’est la méthode utilisée par tous les grands ‘Walled Gardens’ comme Google ou Facebook. Des solutions pour l’Open Web comme Unified ID 2.0, LiveRamp (RampID) ou ID5 s’efforcent de créer des standards interopérables basés sur ce principe.
Leur principal défi est celui de la portée (‘reach’). Tout le monde n’est pas connecté partout, tout le temps. Alors, comment une solution qui ne couvre que 10 ou 20% de l’audience peut-elle être utile ? La clé réside dans son application à la mesure. Même si je ne peux pas cibler 100% de l’audience avec un ID déterministe, je peux l’utiliser sur un échantillon représentatif pour comprendre l’impact de mes campagnes. ‘Je vais pouvoir apprendre sur peut-être 10 % de la population seulement… et à partir de ces 10 %, je vais pouvoir l’extrapoler pour la population générale’. C’est un changement de paradigme : on passe d’une mesure exhaustive (et illusoire) à une mesure par extrapolation, basée sur un panel de très haute qualité. C’est sans doute l’une des évolutions les plus structurantes pour le marketing de demain.
Walled Gardens : Les grands gagnants de la nouvelle ère ?
Dans ce paysage en pleine recomposition, il y a des acteurs pour qui la fin du cookie tiers n’est pas une menace, mais une formidable opportunité : les ‘Walled Gardens’ ou ‘jardins fermés’, à savoir Google, Facebook (Meta) et Amazon. Pourquoi ? Tout simplement parce que leur modèle n’a jamais réellement reposé sur le cookie tiers pour fonctionner en interne. Leur puissance vient de leur immense base d’utilisateurs connectés. ‘Vous êtes loggué sur Gmail, vous êtes loggué sur YouTube, vous êtes loggué sur Facebook, Instagram et cetera et cetera’. L’identifiant pivot qu’ils utilisent est précisément cet ID déterministe, ‘people-based’ et persistant dont nous venons de parler. Ils possèdent une connaissance fine, cross-device et durable de leurs utilisateurs, ce qui leur permet d’offrir des capacités de ciblage et de mesure que l’Open Web peine à répliquer.
Le risque est évident : face à la complexité de l’Open Web post-cookie, de nombreux annonceurs pourraient être tentés par la facilité et décider de concentrer leurs investissements au sein de ces écosystèmes fermés. Ce serait une erreur stratégique majeure, car cela reviendrait à confier les clés de leur croissance à une poignée d’acteurs, augmentant leur dépendance et réduisant leur capacité à innover en dehors. La bonne approche n’est pas de choisir un camp contre l’autre. ‘Je pense que la clé c’est pas de se positionner ni totalement contre les GAFA ni de ne faire que des choses au sein des GAFA, c’est de trouver le meilleur des deux monde’. Il s’agit de construire une stratégie équilibrée : utiliser la puissance des Walled Gardens pour ce qu’ils font de mieux (le ‘reach’, la performance à court terme), tout en investissant dans des solutions pour l’Open Web (contextuel, ID indépendants, données first-party) pour assurer sa résilience, sa diversification et sa connaissance client sur le long terme.
Conclusion : L’avenir appartient à ceux qui se préparent
La fin annoncée du cookie tiers n’est pas une simple mise à jour technique. C’est un changement de paradigme qui nous force à repenser les fondations mêmes du marketing digital. Nous avons vu que le report de l’échéance par Google n’est qu’un sursis, un temps précieux qu’il serait dangereux de gaspiller. Le cookie, malgré ses services rendus, était une technologie à bout de souffle, inadaptée au monde multi-écrans et aux exigences croissantes de respect de la vie privée.
L’avenir ne reposera pas sur une solution miracle, mais sur une combinaison intelligente de plusieurs approches. Le ciblage contextuel sémantique pour la pertinence et la sécurité de la marque. Les ID probabilistes pour maintenir une certaine portée, en gardant à l’esprit leur fragilité. Et surtout, les ID déterministes, qui, même avec une portée limitée, deviendront la nouvelle référence pour une mesure de la performance fiable et extrapolable. Le tout en orchestrant judicieusement ses investissements entre l’efficacité des Walled Gardens et la nécessité stratégique de soutenir un Open Web diversifié.
Le message final est simple : l’attentisme est la pire des stratégies. Je suis ‘assez convaincu que de bien travailler ce sujet… pour prendre une longueur d’avance sur la manière d’opérer le marketing digital de demain et donc de se créer un avantage compétitif, ça passe par le fait de s’emparer de cette problématique’. Commencez dès aujourd’hui. Auditez votre dépendance, testez de nouvelles solutions, renforcez votre collecte de données first-party. C’est en construisant dès maintenant les ponts vers l’avenir que vous traverserez cette transition non pas comme une crise, mais comme une opportunité de bâtir un marketing plus intelligent, plus respectueux et, in fine, plus performant.
Questions fréquentes sur la fin des cookies tiers
Pourquoi Google a-t-il finalement reporté la fin des cookies tiers ?
Google a reporté l’échéance principalement car l’écosystème publicitaire n’était pas prêt et les alternatives proposées dans son propre projet, la Privacy Sandbox, n’étaient pas suffisamment matures. Des solutions comme FLoC et Fledge ont nécessité plus de tests et d’ajustements que prévu face aux retours de l’industrie. Maintenir l’échéance initiale aurait risqué de provoquer un ‘cookie apocalypse’, déstabilisant gravement l’Open Web et renforçant paradoxalement la position des géants du web. Ce délai est donc un aveu de la complexité immense du projet, offrant plus de temps à tous les acteurs pour tester et s’adapter.
‘Finalement on se rend compte que… les propositions Floc Fledge mais également les autres propositions de la Pri[vacy Sand]Box… ne sont pas encore totalement on va dire à l’état de l’art pour pouvoir débrancher sereinement [le cookie] tier.’
Concrètement, qu’est-ce que je ne pourrai plus faire sans les cookies tiers ?
La disparition des cookies tiers impacte directement trois fonctions essentielles du marketing digital. Premièrement, le ciblage comportemental précis basé sur la navigation cross-site. Deuxièmement, la gestion de la répétition publicitaire (frequency capping) sur différents sites web, ce qui risque d’augmenter la saturation publicitaire. Troisièmement, et c’est le plus critique, la mesure de la performance et l’attribution, c’est-à-dire la capacité à lier une exposition publicitaire sur un site A à une conversion sur un site B. C’est toute la chaîne de valeur du marketing à la performance qui est remise en cause.
‘Demain si je débranche le cookie tire j’ai rien à la place et ben j’ai plus de ciblage sur des profils, j’ai plus de capacité à faire du du du du frequency capping, j’ai plus de capacité à mesurer l’impact. Donc du coup c’est quand même tout le marketing digital qui va sérieusement tanguer.’
Le ciblage contextuel est-il suffisant pour remplacer les cookies ?
Non, le ciblage contextuel seul n’est pas suffisant, bien qu’il soit une composante essentielle de la stratégie future. Il répond très bien au besoin de ciblage en plaçant les publicités dans des environnements pertinents et ‘brand safe’. Cependant, il est incapable de gérer la fréquence d’exposition d’un même utilisateur à travers différents sites et, surtout, il ne permet pas de mesurer l’impact réel de la campagne sur les objectifs business (ventes, inscriptions, etc.). C’est un excellent outil pour le haut du tunnel de conversion, mais il doit être complété par d’autres solutions pour la mesure.
‘C’est parfait pour le ciblage mais ça s’arrête là… puisque bien sûr avec du ciblage contextuel, on peut pas faire du capping, on peut pas faire de la mesure de l’impact de ce qu’on a bien ciblé.’
Quelle est la différence fondamentale entre un ID probabiliste et un ID déterministe ?
La différence est majeure et réside dans la méthode de création de l’identifiant. Un ID probabiliste est déduit, estimé, en agrégeant des signaux passifs du navigateur (adresse IP, user agent, etc.) pour créer une empreinte digitale unique avec une certaine probabilité. Un ID déterministe est basé sur une information certaine et consentie par l’utilisateur, comme une adresse e-mail ou un numéro de téléphone fournis lors d’un login. Le probabiliste offre une grande portée mais est menacé par les restrictions des navigateurs, tandis que le déterministe est très précis et pérenne mais a une portée plus limitée.
‘[Les ID déterministes] utilisent des supports d’identification qui sont individuels et persistants. ça va être une adresse mail… on la change pas comme on supprime ses cookies… c’est quelque chose de bien plus persistant dans le temps.’
Les ID déterministes ont un problème de portée (reach). Comment peuvent-ils être utiles ?
Même avec une portée limitée, les ID déterministes sont extrêmement précieux, notamment pour la mesure. L’idée n’est plus de chercher à mesurer 100% des conversions de manière exhaustive, mais de se baser sur un échantillon de haute qualité (les utilisateurs logués) pour comprendre les performances. En analysant le comportement de cette population, on peut construire des modèles statistiques robustes et ensuite extrapoler les résultats à l’ensemble de l’audience. C’est un passage d’une mesure ‘census’ à une mesure par modélisation, plus intelligente et respectueuse de la vie privée.
‘Je vais pouvoir apprendre sur peut-être 10 % de la population seulement qui sont des gens qui vont se loguer… et à partir de ces 10 % de la population uniquement, je vais pouvoir l’extrapoler pour la population générale.’
Pourquoi dit-on que les Walled Gardens (GAFA) sont les grands gagnants de cette situation ?
Les Walled Gardens comme Google, Meta (Facebook) et Amazon sont les grands gagnants car leur modèle économique est déjà fondé sur des identifiants déterministes, ‘people-based’, issus des milliards de comptes utilisateurs connectés à leurs services. Ils n’ont pas besoin de cookies tiers pour opérer au sein de leurs propres écosystèmes. La disparition de ce standard sur l’Open Web rend leurs environnements, où le ciblage et la mesure restent fluides, encore plus attractifs pour les annonceurs qui cherchent la simplicité, renforçant ainsi leur position dominante sur le marché publicitaire.
‘Vous êtes loggué sur Gmail, vous êtes loggué sur YouTube, vous êtes loggué sur Facebook, Instagram et cetera… c’est l’identifiant pivot qui est utilisé dans ce cas-là, c’est bien des identifiants persistants people based déterministe.’
Quel est le plus grand risque pour les annonceurs face à cette échéance ?
Le plus grand risque est l’inaction et la procrastination. Considérer le report de Google comme une annulation et remettre le sujet à plus tard serait une erreur stratégique. L’écosystème ne reviendra pas en arrière. Les entreprises qui ne profitent pas de ce temps supplémentaire pour auditer leur dépendance, tester des alternatives (contextuel, ID), et surtout bâtir une stratégie de données first-party solide se retrouveront démunies et en grand retard sur leurs concurrents lorsque la fin des cookies sera effective. C’est une course de fond qui a déjà commencé.
‘On sait la tentation va être forte pour certains annonceurs… de mettre le sujet au frigo voir de le mettre au congélateur et d’attendre le milieu de l’année 2023. Et c’est je pense exactement ce qu’il ne faut pas faire.’
Qu’est-ce qui rendait le cookie tiers si pratique malgré ses défauts ?
Sa praticité venait de sa simplicité et de son universalité. Il fonctionnait comme une ‘commodité technologique’ standardisée sur l’ensemble de l’Open Web. N’importe quel acteur de l’adtech pouvait facilement déposer un cookie et stocker une information qui pouvait ensuite être lue sur un autre site. Cette interopérabilité a permis de construire tout l’écosystème programmatique, en créant un langage commun, bien qu’imparfait, pour identifier les utilisateurs et les données à travers les domaines, ce qui a massivement simplifié les cas d’usage comme le retargeting ou la mesure d’attribution.
‘Le cookie tier c’est moi j’aime bien appeler ça une commodité technologique… c’est très simple de dropper un cookie tier et d’y stocker de l’information… qui permette[nt] à cette information là de transiter d’un site à un autre.’




