Publicité et environnement : entre prise de conscience et statu quo, où en sommes-nous vraiment ?
Le marketing digital est partout. Chaque jour, des milliards de publicités sont diffusées, vues, cliquées. Elles façonnent nos désirs, orientent nos choix et animent une économie numérique dynamique. Mais derrière cet écosystème ultra-performant se cache une réalité que l’on commence à peine à mesurer : son impact environnemental. Loin d’être une simple ligne dans un bilan carbone, la publicité est au carrefour de multiples enjeux écologiques, de la consommation énergétique de ses infrastructures à son rôle fondamental dans la société de consommation. Je suis Adeline Gat, consultante en transition écologique pour le marketing digital, et après une longue carrière dans ce secteur, notamment chez Publicis Média, j’ai décidé de me consacrer à ces questions cruciales. La question n’est plus de savoir si la publicité a un impact, mais de comprendre son ampleur, ses différentes facettes, et surtout, de définir les actions concrètes que nous, professionnels du secteur, pouvons et devons mettre en œuvre. Il ne s’agit pas de jeter la pierre, mais de prendre nos responsabilités. La bonne nouvelle, c’est que la prise de conscience s’accélère, notamment en France où nous sommes plutôt en avance. Mais est-ce suffisant pour inverser la tendance ? Entre les initiatives de mesure, la lutte contre le gaspillage et la remise en cause de certains modèles, nous allons décortiquer ensemble les véritables leviers d’une publicité plus responsable. Car l’enjeu est double : préserver la planète, mais aussi la pérennité de notre industrie qui doit impérativement se réinventer.
Les trois visages de l’impact publicitaire : bien au-delà des émissions carbone
Quand on évoque l’impact environnemental de la publicité, l’imaginaire collectif se tourne souvent vers les émissions de CO2 liées à la diffusion. C’est une partie importante de l’équation, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Pour saisir la totalité du problème, il faut analyser l’impact sur trois niveaux distincts et complémentaires : la production des contenus, leur diffusion technique, et enfin, le plus fondamental, le message qu’ils portent. C’est seulement en comprenant cette triple dimension que l’on peut commencer à agir efficacement. Ignorer l’un de ces piliers, c’est passer à côté de l’essentiel et risquer de concentrer ses efforts sur des optimisations marginales tout en laissant l’impact principal intact. Chaque étape de la chaîne de valeur publicitaire, de l’idée créative à son influence sur le consommateur, a des conséquences écologiques qu’il nous faut désormais évaluer et maîtriser.
La production créative : le coût caché des tournages et des shootings
Avant même qu’une publicité n’atteigne nos écrans, elle a déjà une empreinte écologique. La phase de production des créations publicitaires est une source d’impact souvent sous-estimée. Pensez à un film publicitaire pour une voiture : cela implique souvent des déplacements conséquents pour les équipes. Comme je le mentionnais :
‘il faut produire les créations, il faut produire les films publicitaires, faut aller faire des tournages en Afrique du Sud ou plus plus proche en France et tout ça bah forcément, c’est des déplacements en avion de plus ou moins grosses équipes de tournage, c’est de la cantine, c’est c’est du matériel et cetera.’
Cette logistique a un coût carbone non négligeable. Mais cela va plus loin. La construction de décors éphémères, la consommation d’énergie sur les lieux de tournage, la gestion des déchets, le matériel informatique nécessaire à la post-production (montage, effets spéciaux, étalonnage)… tout cela consomme des ressources et de l’énergie. La question qui se pose est donc celle de la sobriété créative : a-t-on systématiquement besoin de produire de nouvelles ressources de A à Z ? Ne peut-on pas recycler, adapter, ou réutiliser des contenus existants ? L’écoconception des campagnes commence ici, en rationalisant les besoins de production et en privilégiant des approches moins gourmandes en ressources, comme les tournages locaux ou l’utilisation de banques d’images et de vidéos.
La diffusion digitale : l’énergie invisible de chaque impression
C’est la partie la plus souvent discutée : l’impact de la diffusion. Pour qu’une publicité digitale s’affiche sur votre écran, une chaîne complexe d’acteurs technologiques s’active en quelques millisecondes.
‘Pour la publicité digitale par exemple, il faut des serveurs, il faut du réseau, il faut des terminaux utilisateurs pour diffuser la publicité. Donc ça ça consomme de l’énergie et et des ressources.’
Cet écosystème repose sur des infrastructures physiques très énergivores : les data centers qui hébergent les données et font tourner les algorithmes, les réseaux qui transportent ces informations à travers le monde, et enfin nos propres appareils (smartphones, ordinateurs) qui les affichent. Plus la chaîne publicitaire est complexe, comme en programmatique avec ses multiples intermédiaires (DSP, SSP, Ad Exchanges), plus le nombre d’appels serveurs augmente, et avec lui, la consommation d’énergie. Le poids des créations publicitaires est aussi un facteur clé : une vidéo lourde consommera beaucoup plus de données, et donc d’énergie, qu’une bannière statique optimisée. Cet impact n’est pas seulement lié au carbone ; il concerne aussi la consommation de ressources non renouvelables, comme les métaux et terres rares nécessaires à la fabrication de tout ce matériel informatique.
Le message : le puissant moteur de la surconsommation
C’est sans doute le point le plus important, et le plus délicat. Au-delà de la technique, l’impact majeur de la publicité réside dans sa fonction première : inciter à la consommation. Elle ne fait pas que vendre un produit, elle promeut des modes de vie, des standards de réussite et des comportements.
‘L’impact du du du message du fond, c’est qu’est-ce que promeut la publicité, quel mode de vie, quel mode de consommation elle met en scène et puis quels produits et services elle elle cherche à nous vendre. Et donc bah si ces produits et ces services ont un impact même très néfaste sur l’environnement, et ben c’est c’est là finalement où on a on va avoir le plus de d’impact.’
C’est un levier d’une puissance phénoménale. Si une campagne est éco-conçue dans sa production et optimisée dans sa diffusion, mais qu’elle promeut le remplacement d’un smartphone encore fonctionnel ou un voyage en avion à l’autre bout du monde pour un week-end, son impact environnemental global sera colossal. La publicité est un vecteur culturel qui peut soit renforcer un modèle de surconsommation intenable, soit, au contraire, devenir un allié de la transition en valorisant la durabilité, la réparation, l’usage plutôt que la possession, ou des produits et services à faible impact. La vraie question de la responsabilité publicitaire se situe ici, dans le choix de ce que l’on promeut.
Mesurer l’invisible : le grand défi de l’empreinte carbone publicitaire
Depuis la Convention Citoyenne pour le Climat, qui a clairement pointé du doigt l’industrie, une véritable course s’est engagée pour mesurer l’empreinte carbone de la publicité. C’est une étape indispensable : on ne peut améliorer que ce que l’on mesure. Cependant, cette démarche, bien que louable, s’est transformée en un véritable casse-tête. Chaque acteur, des régies aux agences, a développé ses propres outils, ses propres méthodologies, créant une confusion générale. Le résultat ? Des chiffres difficilement comparables et une vision parcellaire qui empêche les annonceurs de piloter une stratégie globale de réduction. Harmoniser les pratiques est devenu l’enjeu numéro un pour passer de la simple prise de conscience à une action structurée et efficace. C’est un travail complexe, mais la crédibilité de toute notre industrie en dépend.
Une jungle de méthodologies et de périmètres
Le principal obstacle à une mesure fiable est le manque de standardisation. Actuellement, le marché est une mosaïque d’initiatives.
‘On s’est aperçu qu’il y avait plein d’initiatives mais que tout le monde était un peu dans le brouillard et surtout tout le monde n’était pas du tout sur le même périmètre, le même la même méthodologie et cetera, ce qui pose un peu des problèmes.’
Certains calculateurs se basent sur des moyennes sectorielles, d’autres tentent des mesures en temps réel. Les paramètres pris en compte varient énormément : l’un va se concentrer sur l’énergie des data centers, un autre inclura le réseau, un troisième tentera d’intégrer l’usage du terminal de l’utilisateur. Cette hétérogénéité rend toute consolidation impossible pour un annonceur qui travaille avec plusieurs partenaires. Comme je l’explique souvent, c’est comme si on lui demandait d’‘additionner des choux et des carottes’. Sans un périmètre et une méthodologie communs, les chiffres produits n’ont que peu de valeur et peuvent même être contre-productifs, menant à des optimisations mal orientées.
L’avance française : vers un référentiel commun pour plus de clarté
Face à ce constat, il faut saluer le dynamisme de l’écosystème français. Nous sommes véritablement en avance sur ces sujets par rapport à d’autres pays. Des organisations professionnelles comme le SRI (Syndicat des Régies Internet) et l’Alliance Digitale (anciennement IAB France) travaillent activement à la création d’un référentiel méthodologique commun. L’objectif est clair : se mettre d’accord sur ce que l’on mesure et comment on le mesure.
‘Il faut absolument que on se mette tous sur le même le même standard méthodologique et c’est ce sur quoi on bah je travaille avec le SRI et et Alliance digitale, essayer de mettre à plat tout ça et de créer un référentiel on espère unique.’
Ce référentiel vise à définir les paramètres d’entrée (poids de la création, complexité de la chaîne d’achat…), les facteurs d’émission à utiliser et le périmètre exact des émissions à comptabiliser. C’est un travail de fond, essentiel pour que demain, un annonceur puisse comparer l’empreinte de ses campagnes sur différents supports et prendre des décisions éclairées. L’Union des Marques participe également à cet effort en cherchant à créer un méta-référentiel pour agréger les données de manière cohérente.
Au-delà du carbone : une vision environnementale complète et nécessaire
Se focaliser uniquement sur le carbone est une erreur. C’est un indicateur important, mais il ne représente qu’une partie de l’empreinte environnementale globale du numérique. Comme je le rappelais :
‘L’empreinte environnementale de de la pub ou de la pub digitale c’est aussi euh ça a un impact sur la ressource en eau, ça a un impact sur les la consommation de de ressources non renouvelables parce que il faut pour construire tous nos terminaux numériques et ben euh excaver beaucoup de matière du sol, il faut des terres rares, des métaux et cetera.’
L’extraction de ces matériaux a des conséquences sociales et environnementales désastreuses dans les pays producteurs. De plus, le fonctionnement des data centers, notamment leur refroidissement, est un énorme consommateur d’eau. Enfin, la fin de vie de nos équipements électroniques génère des déchets polluants difficiles à recycler. Une analyse complète, basée sur les principes de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), doit intégrer toutes ces dimensions : fabrication, usage, et fin de vie. Réduire l’impact de la publicité, c’est donc aussi penser à allonger la durée de vie des appareils et à limiter la pression sur les ressources naturelles, bien au-delà du seul CO2.
De la prise de conscience à l’action : le guide pratique pour annonceurs engagés
La théorie est une chose, la pratique en est une autre. Une fois le diagnostic posé, la question que tous les annonceurs se posent est : ‘concrètement, que puis-je faire ?’. Heureusement, il existe de nombreux leviers activables dès aujourd’hui, sans attendre un standard de mesure parfait. L’idée maîtresse est de réintroduire du bon sens et de la sobriété dans nos pratiques. Le marketing digital, avec sa promesse de mesure infinie, a parfois conduit à une forme de débauche technologique et à beaucoup de gaspillage. Or, ce gaspillage a un coût économique mais aussi écologique. En se concentrant sur l’efficacité réelle et en rationalisant les processus, on peut obtenir des gains sur les deux tableaux. Il ne s’agit pas d’arrêter de communiquer, mais de le faire mieux, de manière plus ciblée, plus pertinente et donc, plus respectueuse des ressources. Voici une approche en trois axes pour commencer à agir.
Conseil n°1 : Repenser la production pour plus de sobriété créative
Le premier réflexe doit porter sur la création des contenus. Avant de lancer un tournage à l’autre bout du monde, interrogez-vous : est-ce vraiment indispensable ?
‘Est-ce que je fais un tournage spécifique pour de la vidéo ou est-ce que j’essaie de recycler un peu du du matériel créatif qui existe déjà.’
Cette simple question peut changer beaucoup de choses. L’écoconception créative consiste à maximiser l’utilisation des ressources existantes. Cela peut passer par le remontage de films précédents pour de nouveaux formats, la création de variations à partir d’une banque d’images ou de vidéos, ou l’utilisation de technologies comme la CGI pour éviter des déplacements. Pensez également à la modularité : concevoir dès le départ des éléments graphiques ou vidéo qui pourront être facilement adaptés et réutilisés pour différentes campagnes. Cette sobriété dans la production n’est pas un frein à la créativité ; c’est une nouvelle contrainte qui peut, au contraire, la stimuler.
Conseil n°2 : Rationaliser la diffusion et traquer le gaspillage publicitaire
C’est probablement le levier le plus puissant à court terme. Le marketing digital génère un volume considérable de ‘gâchis’. Des impressions publicitaires non vues, diffusées à des robots, ou martelées à des utilisateurs déjà convaincus.
‘Le premier truc, ça va être d’essayer de d’être sobre et de limiter le gâchi publicitaire parce que on sait que dans le marketing digital, il y en a beaucoup.’
Chaque impression inutile est une consommation d’énergie superflue. La lutte pour la sobriété rejoint ici les bonnes pratiques du marketing : travailler sur la visibilité, éradiquer la fraude, et surtout, mieux piloter ses campagnes. Par exemple, un retargeting trop agressif qui cible des clients déjà acquis est un gaspillage monumental de ressources. De même, la multiplication des outils de mesure qui se superposent dans le ‘stack technique’ est une ‘débauche énergétique’. Rationaliser ses partenaires technologiques, fixer des plafonds de répétition (capping) intelligents et définir des KPIs pertinents sont des actions qui améliorent à la fois le ROI et l’empreinte environnementale. Bien piloter sa campagne, c’est éviter de diffuser des publicités ‘à blanc’.
Conseil n°3 : Challenger ses partenaires et sa chaîne d’approvisionnement
Un annonceur n’agit pas seul. Il est au centre d’un écosystème de partenaires (agences, régies, plateformes technologiques) qui ont tous un rôle à jouer. Il est donc crucial d’intégrer des critères environnementaux dans sa politique d’achat. N’hésitez pas à challenger vos partenaires, y compris les plus grands comme Google ou Amazon.
‘Qu’est-ce qu’ils font? où est-ce que tes données sont sont hébergées ? Est-ce que là où elles sont hébergées, on utilise de l’électricité qui provient du charbon de Pologne ou est-ce que c’est du nucléaire ou du renouvelable, voilà.’
Ces questions sont légitimes, surtout depuis que les grandes entreprises sont contraintes d’intégrer leurs émissions indirectes (le fameux ‘scope 3’) dans leur bilan carbone. La publicité en fait partie. Demandez à vos partenaires leur politique RSE, leurs objectifs de réduction, la localisation de leurs data centers et le mix énergétique de ces derniers. En faisant de la performance environnementale un critère de sélection, les annonceurs peuvent utiliser leur pouvoir d’achat pour faire bouger tout le secteur dans la bonne direction.
Le vrai débat : faut-il réinventer le modèle publicitaire au-delà de l’optimisation ?
Optimiser l’existant est une première étape essentielle. Éliminer le gras, réduire le gaspillage, choisir des partenaires plus vertueux… tout cela va dans le bon sens. Mais soyons honnêtes : cela ne suffira pas. Si tous les annonceurs deviennent des experts en campagnes ‘low-carbon’, mais que l’objectif reste de vendre toujours plus de produits dans un monde aux ressources limitées, nous ne faisons que repousser le problème. Cette démarche nous amène inévitablement à poser des questions plus profondes, des ‘questions qui fâchent’ sur le rôle même de la publicité et le modèle économique qu’elle soutient. C’est ici que l’on quitte le terrain purement technique pour entrer dans un débat de société, un débat sur le monde que nous voulons construire. La publicité peut-elle être compatible avec un avenir soutenable ? La réponse n’est pas simple et exige de regarder la situation avec lucidité, en pesant le pour et le contre.
La publicité, moteur d’un système à bout de souffle ?
Le cœur du problème est systémique. Par nature, la publicité est conçue pour stimuler la demande et la croissance.
‘La publicité est là pour toujours faire vendre plus de produits. Si tu vends toujours plus de produits, tu rentres dans un cercle où tu émets de plus en plus, quoi qu’il arrive.’
C’est une simple corrélation mathématique : même avec des campagnes ultra-optimisées, si le volume de biens produits et vendus augmente, l’empreinte globale continue de croître. La publicité est ainsi souvent qualifiée de ‘vecteur de la surconsommation’, ce mal qui est à la racine de la crise écologique. Questionner l’impact de la publicité, c’est donc in fine questionner le modèle d’affaires des entreprises qu’elle sert. Peut-on continuer à viser une croissance infinie ? Ou faut-il basculer vers des modèles plus qualitatifs, comme l’économie de la fonctionnalité, l’économie circulaire, ou la production locale ? Ces questions dépassent largement le cadre du marketing, mais les professionnels du secteur sont en première ligne pour y réfléchir.
Le double rôle de la publicité : problème et solution ?
Cependant, il serait trop simpliste de ne voir la publicité que comme un problème. C’est aussi un outil d’une puissance formidable pour accompagner le changement.
‘C’est aussi un truc un levier hyper puissant pour faire changer les gens de comportement. Donc euh bah les défenseurs de la publicité vont dire mais nous on a un vrai rôle à jouer justement dans la transition écologique.’
Tout comme elle a su créer des désirs pour des produits, elle peut créer des désirs pour des comportements plus durables. Imaginez des campagnes qui rendent la réparation ‘sexy’, qui valorisent le fait de garder ses objets longtemps, qui font la promotion du vélo, des régimes alimentaires moins carnés ou du tourisme de proximité. La créativité publicitaire pourrait être mise au service de cette transition. Le défi est économique : qui financera ces campagnes ? Les annonceurs qui promeuvent des modèles vertueux sont-ils assez nombreux et puissants ? Et que faire de ceux dont le modèle économique est, par nature, peu soutenable ?
Financer l’information libre : l’enjeu démocratique oublié
Enfin, critiquer la publicité impose de ne pas oublier l’une de ses fonctions sociales majeures. Les détracteurs les plus radicaux qui appellent à son interdiction totale omettent souvent un point crucial.
‘Le fait que la pub bah ça finance tout nos usages gratuits sur le sur le web et ça finance l’information indépendante aussi.’
Sans les revenus publicitaires, une grande partie de l’internet que nous connaissons disparaîtrait. L’accès à l’information, aux articles de presse, aux contenus de divertissement deviendrait payant. Cela créerait un modèle à deux vitesses, ‘un truc un peu inégalitaire parce que seuls les plus riches auraient accès au aux contenus de qualité’. La question n’est donc pas seulement écologique, elle est aussi démocratique. Comment assurer le financement d’un écosystème médiatique pluraliste et accessible à tous si l’on supprime son principal modèle économique ? La solution se trouve probablement dans un équilibre : une publicité plus responsable, qui finance des contenus de qualité, tout en promouvant des modes de consommation compatibles avec les limites planétaires.
Conclusion : L’optimisme de l’action, le réalisme de la stratégie
Le chemin vers une publicité durable est complexe, mais il est tracé. La prise de conscience est là, palpable chez de nombreux individus au sein des entreprises, qui font bouger les lignes de l’intérieur. C’est une source d’optimisme. Nous avons des leviers concrets et immédiats, notamment en luttant contre toutes les formes de gaspillage digital, une démarche qui allie bon sens économique et écologique. La réglementation progresse également, avec une définition plus stricte du greenwashing qui va pousser les marques vers plus de transparence et d’honnêteté. Cependant, il ne faut pas être naïf. L’optimisation technique ne résoudra pas tout. Le véritable enjeu, la remise en cause des business models basés sur la croissance infinie, est encore loin d’être intégré au niveau stratégique dans la plupart des entreprises. C’est là que se situe le défi des prochaines années. Pour les professionnels du marketing et de la publicité, cela signifie passer d’un rôle de simple exécutant à celui de conseiller stratégique, capable de questionner le ‘pourquoi’ avant le ‘comment’. Il est temps d’utiliser notre intelligence collective non seulement pour vendre plus, mais pour vendre mieux, et contribuer à dessiner les contours d’une économie véritablement soutenable.
FAQ : Vos questions sur l’impact environnemental de la publicité
Quels sont les trois principaux impacts de la publicité sur l’environnement ?
L’impact de la publicité se décompose en trois niveaux. Le premier est la production des contenus (tournages, déplacements, matériel), qui consomme des ressources avant même toute diffusion. Le deuxième est la diffusion technique, notamment digitale (serveurs, réseaux, terminaux), très gourmande en énergie. Enfin, le troisième et le plus important est l’impact du message, qui promeut des modes de vie et de consommation ayant des conséquences environnementales bien plus vastes que la publicité elle-même. C’est ce dernier qui a le plus grand effet de levier sur l’empreinte globale de notre société.
‘L’impact du du du message du fond, c’est qu’est-ce que promeut la publicité, quel mode de vie, quel mode de consommation elle met en scène et puis quels produits et services elle elle cherche à nous vendre.’
Pourquoi est-il si compliqué de calculer l’empreinte carbone d’une campagne digitale ?
Le calcul est complexe car l’écosystème publicitaire digital est fragmenté et manque de standards de mesure. Chaque acteur (régie, agence, AdTech) utilise souvent sa propre méthodologie et ne mesure qu’une partie de la chaîne. Il est donc très difficile pour un annonceur d’avoir une vision consolidée et fiable, car il doit additionner des données qui ne sont pas basées sur le même périmètre ou les mêmes hypothèses. Des efforts sont en cours en France pour créer un référentiel commun et harmoniser ces pratiques.
‘Tout le monde n’était pas du tout sur le même périmètre, le même la même méthodologie et cetera, ce qui pose un peu des problèmes parce qu’à un moment donné chacun est responsable d’un petit bout des émissions, mais si un annonceur par exemple veut avoir une vision globale, ça être compliqué pour lui s’il doit additionner des choux et des carottes.’
En tant qu’annonceur, quelles sont les premières actions concrètes pour réduire mon impact ?
La première action, et la plus efficace, est de lutter contre le gaspillage publicitaire. Cela signifie optimiser ses campagnes pour éviter les impressions inutiles : celles qui ne sont pas vues, qui sont frauduleuses ou qui ciblent des personnes déjà convaincues. Rationaliser son ‘stack’ technologique pour éviter la redondance d’outils énergivores est aussi une priorité. Ensuite, il faut écoconcevoir la production créative en recyclant les contenus existants. Enfin, il est crucial de challenger ses partenaires sur leurs propres engagements environnementaux.
‘Le premier truc, ça va être d’essayer de d’être sobre et de limiter le gâchi publicitaire parce que on sait que dans le marketing digital, il y en a beaucoup. donc vraiment travailler sur tous les aspects fraude, visibilité, essayer de rationaliser le le stack technique.’
Le ‘greenwashing’ est-il réellement sanctionné en France ?
Oui, la législation a beaucoup évolué sur ce point. Le greenwashing, ou écoblanchiment, n’est plus seulement une pratique commerciale trompeuse sanctionnée par défaut. La loi Climat et Résilience a précisé le délit. Il est désormais interdit d’affirmer qu’un produit est ‘neutre en carbone’ sans présenter un bilan d’émissions détaillé et une trajectoire de réduction. De plus, il est interdit de promouvoir des comportements contraires au développement durable, comme inciter au remplacement d’un produit encore fonctionnel. Les sanctions peuvent être sévères, renforçant la nécessité pour les marques d’être précises et honnêtes dans leurs allégations environnementales.
‘Il faut savoir que le green washing maintenant c’est c’est c’est euh précisé comme un un délit euh dans la loi (…) on ne peut plus raconter ce qu’on veut quand on dit que son produit est neutre en carbone, qu’il est meilleur pour la planète.’
Supprimer la publicité est-elle une solution viable pour l’environnement ?
Bien que radicale, cette solution est trop simpliste car elle ignore le rôle économique et social de la publicité. La publicité finance une très grande partie des contenus gratuits sur internet, notamment l’information produite par des médias indépendants. Sa suppression entraînerait un modèle basé sur l’abonnement, ce qui créerait une fracture sociale dans l’accès à l’information et à la culture. Le véritable enjeu n’est donc pas de supprimer la publicité, mais de la transformer pour qu’elle finance un écosystème médiatique tout en promouvant des comportements plus durables.
‘Ils oublient l’autre pan. Euh le fait que la pub bah ça finance tout nos usages gratuits sur le sur le web et ça finance l’information indépendante aussi. Euh sinon on serait dans un modèle premium avec un truc un peu inégalitaire.’
Comment le choix de mes partenaires technologiques (Google, AdTechs) influence-t-il mon empreinte écologique ?
Le choix des partenaires est déterminant car leurs infrastructures, notamment les data centers, sont au cœur de l’impact énergétique de la publicité digitale. Un partenaire qui alimente ses serveurs avec de l’électricité issue du charbon aura une empreinte carbone bien plus élevée qu’un autre utilisant des énergies renouvelables ou nucléaires. En tant qu’annonceur, il est de votre responsabilité de questionner vos partenaires sur leur politique énergétique, la localisation de leurs data centers et leurs engagements de réduction d’émissions. Votre politique d’achat est un levier puissant pour inciter tout l’écosystème à s’améliorer.
‘Typiquement ben oui, si tu travailles avec Google, Amazon et cetera, ils ont des politiques euh sur le sujet mais essayer d’aller les challenger sur sur ce côté-là parce que tout ce qui est activité d’hébergement data center et cetera. bah ça ça ça ça pompe beaucoup de de ressources.’
En quoi l’optimisation marketing classique (KPI, attribution) peut-elle aider à réduire l’impact environnemental ?
Une bonne optimisation marketing est intrinsèquement liée à la sobriété. Lorsque vous définissez mal vos indicateurs de performance (KPI) ou que votre modèle d’attribution est flou, vous risquez de sur-investir et de diffuser des publicités inutiles. Par exemple, en pilotant une campagne sur un mauvais indicateur, vous pourriez allouer une part trop importante de votre budget au retargeting, touchant des clients qui auraient acheté de toute façon. Chaque impression ‘gâchée’ de cette manière représente une consommation d’énergie et de ressources superflue. Une stratégie marketing précise et efficace est donc, par définition, plus écologique.
‘Si tu fixes mal ton KPI et si tu comprends pas bien quelle est la contribution de ta publicité à tes ventes, bah tu vas probablement faire du du gâchi parce que tu vas probablement piloter ta campagne sur des mauvais indicateurs.’
Qu’est-ce que le scope 3 et pourquoi est-il important pour les annonceurs ?
Le scope 3 d’un bilan carbone représente toutes les émissions indirectes d’une entreprise, c’est-à-dire celles qui ne sont pas liées à sa consommation directe d’énergie (scope 1 et 2) mais à sa chaîne de valeur : achats de biens et services, transport, utilisation des produits vendus, etc. Pour un annonceur, les dépenses publicitaires entrent dans ce scope 3. La réglementation oblige de plus en plus les grandes entreprises à le mesurer et le déclarer. Cela les pousse à ne plus se contenter d’outils approximatifs (comme la conversion des budgets pub en CO2 via un facteur monétaire) et à exiger des données précises de la part de leurs partenaires publicitaires.
‘Depuis le 1er janvier, ils vont être obligés d’inclure le scope 3 de leurs émissions, c’est-à-dire en fait toutes les émissions indirect qui sont liés bah à tous leurs leurs partenaires, leurs achats.’




