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#97 Marché > Diversité & Management au féminin

Épisode diffusé le 11 juin 2024 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Diversité et management au féminin : de la philosophie à l’action concrète

Le débat sur la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) en entreprise n’est plus une nouveauté. Les termes sont sur toutes les lèvres, les chartes se multiplient et les bonnes intentions s’affichent fièrement sur les sites carrière. Pourtant, une question demeure, lancinante et cruciale : comment passe-t-on des mots aux actes ? Comment transforme-t-on un concept philosophique en une réalité tangible, vécue au quotidien par chaque collaborateur ? Le véritable défi n’est plus de savoir *pourquoi* la diversité est une force, mais *comment* la cultiver, la nourrir et la faire grandir au cœur de nos organisations. C’est un enjeu de performance, d’innovation, mais aussi et surtout d’humanité. Car derrière les acronymes se cachent des parcours de vie, des talents uniques et des perspectives qui ne demandent qu’à s’exprimer.

Cet article se veut un guide pratique, un retour d’expérience sans filtre pour toutes celles et ceux qui souhaitent arrêter de philosopher et commencer à agir. En nous appuyant sur les témoignages inspirants de trois leaders – Océane Lentin, Responsable Recrutement chez Dentsu, Dorothée Mani, CEO d’Evermaps, et Laetitia Andriana, VP Revenue France chez SaleCycle – nous allons explorer les mécanismes concrets qui permettent d’infuser la diversité à chaque étape de la vie de l’entreprise. Du recrutement à la conduite du changement, en passant par les subtilités du management au féminin, nous allons décortiquer les stratégies qui fonctionnent réellement. Comme le résume parfaitement Stanley Maman, l’animateur de cet échange : ‘L’objectif, c’est d’être concret, c’est d’arrêter de philosopher puisque ça y est, le sujet est admis.’ Préparez-vous à plonger dans les coulisses de la transformation culturelle, là où les petites actions quotidiennes engendrent les plus grands changements.

Au-delà des mots : comment ancrer la diversité dès le recrutement ?

Le recrutement est la porte d’entrée de l’entreprise. C’est le premier point de contact, la première promesse, et donc le premier lieu où les biais peuvent s’exercer et où l’inclusion doit être activement construite. Penser que la diversité se fera naturellement est une illusion. Elle doit être une démarche intentionnelle, structurée et portée par l’ensemble des parties prenantes. Sans une refonte profonde des processus de sélection, les organisations risquent de reproduire à l’infini les mêmes schémas, recrutant des clones qui pensent et agissent de la même manière, et passant à côté de talents précieux. Il s’agit de déconstruire des décennies d’habitudes pour reconstruire un système plus juste et plus performant, fondé non pas sur l’intuition ou la ressemblance, mais sur les compétences et le potentiel. Cela demande du courage, des outils et une volonté managériale sans faille. Océane Lentin, Laetitia Andriana et Dorothée Mani nous livrent leurs approches complémentaires pour transformer cette étape cruciale en un véritable levier de diversité.

La formation, pierre angulaire d’un recrutement sans biais

La première étape, fondamentale, est la prise de conscience. Un manager ou un recruteur ne peut pas lutter contre un biais dont il ignore l’existence. La formation est donc le socle de toute stratégie de recrutement inclusif. Il ne s’agit pas d’une simple présentation des critères légaux de discrimination, mais d’un travail en profondeur sur les mécanismes cognitifs qui nous poussent, inconsciemment, à préférer les candidats qui nous ressemblent. Comme le souligne Océane Lentin, cette démarche doit concerner tous les acteurs du processus.

‘C’est important déjà de former les recruteurs qu’ils soient conscients de quels sont les critères de discrimination et on a aussi formé les managers puisqu’ils sont parties prenantes du process de recrutement.’

Cette double formation est essentielle. Les recruteurs sont les gardiens du temple, mais les managers sont les décideurs finaux. Si l’un des deux maillons de la chaîne n’est pas sensibilisé, tout l’édifice s’écroule. Ces formations permettent d’identifier les biais courants : biais de confirmation (chercher les informations qui confirment notre première impression), effet de halo (une caractéristique positive influence notre jugement global), ou encore le biais d’affinité. En comprenant ces mécanismes, les managers peuvent activement les contrer et se forcer à évaluer chaque candidat sur des critères objectifs.

Repenser l’offre d’emploi : le premier pas vers l’inclusivité

Avant même le premier entretien, l’offre d’emploi est un filtre puissant. Sa rédaction peut involontairement décourager des pans entiers de la population. L’utilisation d’un vocabulaire perçu comme masculin (‘rockstar’, ‘ninja’, ‘expert aguerri’) ou une liste interminable de prérequis peuvent dissuader les femmes et d’autres candidats issus de la diversité, qui ont tendance à ne postuler que s’ils cochent 100% des cases. La démarche consiste donc à rendre le langage aussi neutre et accueillant que possible. Océane Lentin insiste sur ce point : ‘On a également essayé de travailler la rédaction de nos offres puisque le but c’est d’avoir une écriture extrêmement inclusive et de ne pas biaiser en fait le recrutement dès le départ par par l’annonce.’ Concrètement, cela signifie se concentrer sur les missions principales et les compétences clés plutôt que sur une liste exhaustive de diplômes ou d’années d’expérience. Il s’agit aussi de mettre en avant la culture d’entreprise, ses valeurs d’inclusion et les avantages qui soutiennent un équilibre de vie (flexibilité, télétravail, etc.), des éléments souvent déterminants pour de nombreux candidats.

Des outils pour objectiver la sélection : se concentrer sur les compétences

Pour dépasser les biais, il faut déplacer le curseur de l’évaluation du subjectif (‘le feeling’) vers l’objectif (la compétence). C’est là que les outils et les processus structurés jouent un rôle déterminant. Laetitia Andriana explique comment son entreprise systématise cette approche :

‘On a tout un process chez Cycle où la structure des questions sur le recrutement est la même en fait quels que soient les candidats pour justement qu’il y ait pas de biais.’

Cette standardisation garantit que tous les candidats sont évalués sur le même pied d’égalité. L’étape suivante est le ‘case study’ ou le test de compétences, qui permet de voir le candidat en action. Océane Lentin le confirme : ‘On essaie de mettre en place des outils en fait qui permettent tout simplement aux managers de focaliser sur les compétences des candidats et pas sur d’autres critères de sélection.’ Ces mises en situation pratique sont un excellent moyen d’évaluer la capacité réelle d’un candidat à résoudre les problèmes qu’il rencontrera dans son poste. Cela permet de donner leur chance à des profils plus atypiques, comme ceux en reconversion professionnelle, qui n’ont pas le parcours ‘classique’ mais possèdent les aptitudes et la maturité nécessaires. Enfin, des outils comme Team Taylor, mentionné par Laetitia, permettent une diffusion massive des offres sur de multiples plateformes, évitant ainsi le biais de ne s’adresser qu’aux réseaux habituels et ouvrant le vivier de candidats.

Recruter des talents diversifiés est une victoire, mais ce n’est que le début de la bataille. Une fois la porte franchie, comment s’assurer que chaque collaborateur, quelle que soit son origine, son genre ou son parcours, se sente non seulement accepté, mais pleinement intégré et valorisé ? C’est tout l’enjeu de la culture d’inclusion, qui se joue bien au-delà des processus RH, dans les interactions quotidiennes et les signaux, parfois invisibles, envoyés par l’organisation.

L’inclusion au quotidien : des ‘petits riens’ qui changent tout

Une culture inclusive ne se décrète pas, elle se vit. Elle ne réside pas dans les chartes affichées au mur, mais dans la somme des interactions quotidiennes, des décisions managériales et des symboles qui façonnent l’environnement de travail. Une entreprise peut avoir les meilleurs processus de recrutement du monde, si les nouveaux collaborateurs ne se sentent pas à leur place, écoutés et respectés, tous ces efforts seront vains. C’est un travail de tous les instants, qui demande une vigilance et une écoute active de la part des managers et de la direction. Il s’agit de créer ce que l’on appelle la ‘sécurité psychologique’ : un environnement où chacun se sent libre d’être soi-même, de poser des questions, de faire des erreurs et d’exprimer ses idées sans crainte d’être jugé ou marginalisé. C’est dans ces ‘petits détails’, comme le dit Dorothée Mani, que se niche la véritable inclusion, bien plus puissante que n’importe quel grand discours.

L’onboarding, un moment clé pour insuffler la culture

Les premières semaines d’un collaborateur sont déterminantes. C’est durant cette période qu’il se forge une opinion sur la culture réelle de l’entreprise, au-delà de ce qui lui a été ‘vendu’ en entretien. Un onboarding réussi est donc crucial pour poser les bases d’une intégration durable. Chez Dentsu, comme l’explique Océane Lentin, cela passe par une approche structurée : ‘L’inclusion on essaie de la mettre en place au travers notamment du séminaire onboarding où on donne finalement les clés à chaque collaborateur pour avoir aussi la bonne connaissance de la culture d’entreprise.’ Des éléments comme le ‘welcome pack’ avec des goodies aux couleurs de l’entreprise peuvent sembler anecdotiques, mais ils participent à créer un sentiment d’appartenance. De même, fournir aux managers des checklists d’onboarding garantit qu’aucune information essentielle n’est oubliée et que le nouveau venu se sent accompagné. Cette phase d’accueil est l’occasion de transmettre explicitement les valeurs d’inclusion et de montrer, par l’exemple, ce que cela signifie au quotidien.

L’art de l’écoute active : des sondages au papa solo

L’inclusion se prouve par les actes, surtout les plus discrets. Dorothée Mani livre des exemples d’une puissance rare qui illustrent parfaitement cette idée. Voir la gourde LGBT d’une collaboratrice sur un bureau n’est pas un détail, c’est le signe que cette personne se sent suffisamment en sécurité pour afficher une partie de son identité. Être attentif lors d’un séminaire sportif et proposer discrètement une alternative à une personne en surpoids qui ne semble pas à l’aise, c’est faire preuve d’une intelligence situationnelle qui vaut tous les manifestes. Dorothée Mani insiste sur cette incarnation quotidienne :

‘Il faut donner des preuves au quotidien de ça. (…) C’est tous ces petits sujets du quotidien, un papa qui se retrouve papa solo et il va au-devant pour lui dire les horaires là ça va ou on aménage quelque chose. Donc ça doit vraiment ensuite s’incarner, se prouver dans le quotidien par une une écoute hyper active.’

Cette écoute ne doit pas être passive. Elle se traduit par des outils formels comme les sondages d’engagement ou le rapport d’étonnement proposé aux nouveaux arrivants, un excellent moyen de recueillir un feedback sincère. Océane Lentin le confirme : ‘La meilleure preuve de notre politique de diversité et d’inclusion, c’est quand on voit les réponses de nos collaborateurs aux sondages.’

Mesurer pour progresser : le pouvoir des métriques

Ce qui ne se mesure pas ne s’améliore pas. Si l’écoute et l’empathie sont fondamentales, s’appuyer sur des données objectives est indispensable pour piloter une stratégie DEI et s’assurer qu’elle produit des résultats concrets. Laetitia Andriana explique que chez SaleCycle, le suivi est rigoureux :

‘Il y a des métriques aussi qu’on suit notamment les métriques sur le genre, le nombre de femmes, le nombre d’hommes au sein de la société pour s’assurer qu’il y ait une véritable équité. (…) On va mesurer le nombre de nationalités dans la société.’

Ces indicateurs permettent d’objectiver la situation, de fixer des objectifs clairs et de mesurer les progrès dans le temps. Ils servent aussi à identifier les points de blocage. Par exemple, si une entreprise recrute 50% de femmes mais que seulement 20% des postes de direction sont occupés par des femmes, il y a un problème de rétention et de promotion à analyser. Combiner ces données quantitatives avec des données qualitatives, comme le ‘NPS interne’ (Net Promoter Score de l’engagement) mentionné par Laetitia, donne une vision à 360 degrés du climat social et du sentiment d’inclusion des équipes.

Instaurer une culture inclusive est déjà une transformation en soi. Mais comment maintenir ce cap lorsque l’entreprise tout entière doit pivoter, changer de modèle économique ou de processus ? La conduite du changement est l’épreuve du feu pour la culture d’une entreprise, un moment où les tensions peuvent exacerber les peurs et mettre à mal la cohésion. C’est précisément là que les principes d’écoute, de communication et d’implication deviennent encore plus cruciaux.

Mener la barque dans la tempête : les secrets d’une conduite du changement réussie

Le changement est la seule constante dans le monde de l’entreprise, particulièrement dans le secteur de la tech. Qu’il s’agisse d’une transformation de business model, de l’implémentation d’un nouvel outil ou d’une réorganisation, la conduite du changement est l’un des exercices managériaux les plus complexes. Le principal écueil est de le considérer comme un simple projet technique ou processuel, en oubliant sa dimension la plus critique : l’humain. Comme le souligne Laetitia Andriana, la première réaction face à l’inconnu est souvent la peur. Ignorer cette dimension émotionnelle, c’est aller droit dans le mur. Une transformation réussie n’est pas celle qui est la mieux planifiée sur le papier, mais celle qui parvient à embarquer le maximum de collaborateurs, en transformant leur appréhension en adhésion, voire en enthousiasme. Cela demande une communication sans faille, de l’empathie et une stratégie d’accompagnement solide.

Le changement est humain : adresser la peur et communiquer le ‘pourquoi’

Dorothée Mani, qui a piloté la transformation complexe d’Evermaps d’une agence tech à une entreprise SaaS, insiste sur ce point : il faut avoir ‘une prise de conscience que c’est un vrai sujet culturel plus que tech et process’. La première question que se pose un collaborateur est : ‘Qu’est-ce qui va m’arriver à moi ?’. Tant que cette interrogation n’a pas de réponse claire, l’anxiété et la résistance domineront. La clé, martelée par Laetitia Andriana, est la répétition du ‘pourquoi’.

‘L’expliquer le why, pourquoi il y a eu ce changement-là. Qu’est-ce qu’on va opérer, qu’est-ce qu’on va mettre en place et quels seront les avantages pour ce changement. Et ça de le répéter constamment.’

Elle compare, à juste titre, cette nécessité de répétition à une campagne marketing : un message doit être entendu plusieurs fois pour être intégré. Il s’agit de donner de la vision, d’expliquer la destination, mais aussi de rassurer sur les étapes du voyage et les bénéfices attendus, tant pour l’entreprise que pour l’individu.

Co-construire pour créer l’adhésion et s’appuyer sur des champions

La meilleure façon de vaincre la résistance est de ne pas l’affronter de front, mais de la contourner en impliquant les équipes dans le processus. On ne résiste pas à un changement que l’on a contribué à créer. Océane Lentin partage une expérience très parlante sur la mise en place de tests de compétences : face à des managers initialement réfractaires par manque de temps, la solution a été de leur faire passer les tests à eux-mêmes. Cette démarche de co-design a été un tournant.

‘C’est une fois qu’ils étaient impliqués, qu’ils avaient donné leur point de vue et que du coup ils avaient eux-mêmes compris la valeur apportée par ce changement-là.’

De la même manière, Laetitia Andriana recommande d’identifier des ‘champions’ en interne. Dans toute équipe, il y a des ‘early adopters’, des personnalités plus ouvertes au changement. S’appuyer sur eux, les faire réussir en premier, permet de créer un effet d’entraînement. ‘À partir du moment où en interne commence à y avoir une personne qui adopte le changement, elle peut diffuser ensuite la bonne parole.’ Ces ambassadeurs deviennent des preuves vivantes que le changement est non seulement possible, mais bénéfique.

Le réalisme managérial : savoir laisser partir ceux qui ne peuvent pas suivre

C’est sans doute le point le plus difficile, mais aussi le plus courageux, de la conduite du changement. Malgré tous les efforts de communication, de formation et d’accompagnement, certains collaborateurs ne parviendront pas à s’adapter. Leur ADN, leurs compétences profondes ou leur moteur personnel peuvent être en inadéquation totale avec la nouvelle direction. S’acharner à vouloir embarquer tout le monde à tout prix est, selon Dorothée Mani, une erreur. C’est une vision idéaliste qui peut mener à la souffrance, à la fois pour le collaborateur et pour l’équipe. Elle utilise une analogie puissante :

‘Si je demande à un poisson de monter à un arbre, déjà ça va pas être super performant et rapide mais surtout il va être en souffrance.’

Le rôle du manager est alors de faire ce constat avec lucidité et bienveillance, de fixer des jalons objectifs et, si l’inadéquation persiste, d’accompagner la personne vers une sortie positive. Il ne s’agit pas d’un échec, mais de la reconnaissance qu’un puzzle ne peut pas toujours s’assembler. Aider cette personne à trouver un environnement où elle pourra ‘surperformer ailleurs’ est un acte de management responsable.

Ces principes de changement s’appliquent à l’organisation dans son ensemble. Mais un changement plus subtil, et tout aussi fondamental, concerne l’accès des femmes aux postes à responsabilité. Comment briser les plafonds de verre, mais aussi les barrières que les femmes s’imposent parfois à elles-mêmes ? C’est le dernier volet, essentiel, de notre exploration du management au féminin.

Management au féminin : briser le plafond de verre et ses propres barrières

L’accès des femmes aux postes de management et de direction est un marqueur clé de la maturité d’une entreprise en matière de diversité. Pourtant, malgré des progrès, les chiffres montrent que le fameux ‘plafond de verre’ est encore bien réel. Les causes sont multiples et complexes, mêlant biais systémiques, culture d’entreprise et freins individuels. L’un des aspects les plus fascinants et les plus débattus est la part d’autocensure ou les comportements que les femmes intériorisent et qui peuvent, involontairement, freiner leur progression. Aborder ce sujet n’est pas une façon de leur faire porter la responsabilité du système, mais plutôt de leur donner des clés de compréhension et d’action pour naviguer plus efficacement dans des environnements encore souvent régis par des codes masculins. C’est un appel à prendre conscience de certains mécanismes pour mieux les déjouer et oser prendre la place qui leur revient.

Dépasser le ‘syndrome de la bonne élève’ et oser demander

C’est le point de consensus entre nos expertes. Un phénomène culturel profondément ancré, que Dorothée Mani nomme le ‘syndrome de la bonne élève’. À l’école, le travail acharné et l’excellence sont automatiquement récompensés par de bonnes notes. Beaucoup de femmes transposent ce modèle dans le monde de l’entreprise, pensant que leur performance et leur dévouement seront naturellement remarqués et récompensés par une promotion. La réalité est bien différente. Laetitia Andriana le verbalise sans détour :

‘En tant que femme, vous sentez que vous pouvez être un bon manager, bah faut pas hésiter à le faire savoir parce que ça va pas venir forcément (…) naturellement.’

Elle observe que lors des entretiens annuels, les hommes sont beaucoup plus prompts à exprimer leurs ambitions managériales, tandis que les femmes attendent souvent qu’on leur propose le poste. Dorothée Mani ajoute une autre dimension : la tendance à vouloir un plan ‘super réalisable’ avant de se lancer, là où un homme aura plus tendance à se projeter sur la vision et l’opportunité. Le conseil est donc clair : il faut oser verbaliser son ambition, demander des promotions, négocier son salaire et ne pas attendre que la reconnaissance ‘tombe du ciel’.

Manager n’est pas une promotion, c’est un métier

Une autre nuance importante, apportée par Océane Lentin, est de démystifier le passage au management. Ce n’est pas simplement ‘l’évolution naturelle’ d’une carrière pour un expert performant. C’est un changement de métier à part entière, avec ses propres compétences.

‘Manager c’est un métier en fait et que c’est pas parce que tu excelles dans ton métier que tu seras un excellent manager et à l’inverse, c’est pas parce que tu es pas très bon dans ton métier que tu seras pas un excellent manager.’

Cette distinction est cruciale. Vouloir devenir manager uniquement pour le statut ou le salaire est souvent une erreur. Les véritables motivations doivent être le goût de transmettre, de fédérer, de faire grandir les autres et de porter une vision. Prendre le temps de s’interroger sur ses propres moteurs (‘Pourquoi je veux manager ?’) est une étape essentielle avant de se lancer. Pour les femmes qui ont cette envie profonde, il est d’autant plus important de l’exprimer, car elles possèdent souvent des qualités d’écoute et d’empathie qui sont au cœur du management moderne.

L’importance de la représentation : quand le Comex montre la voie

Enfin, l’environnement joue un rôle prépondérant pour libérer la parole et les ambitions. Il est beaucoup plus difficile de se projeter dans un rôle si personne qui nous ressemble ne l’occupe déjà. C’est le principe du ‘You can’t be what you can’t see’. La présence de femmes au comité de direction (Comex) et aux postes de C-level n’est pas qu’un symbole, c’est un puissant catalyseur. Dorothée Mani l’affirme avec force :

‘Le Comex soit vraiment mixte homme-femme. Parce que mine de rien, bah tu auras peut-être moins de difficultés en tant que femme à aller demander une augmentation.’

Une direction paritaire envoie un message clair à toute l’organisation : ici, le leadership n’a pas de genre. Cela rend les conversations sur la carrière et les ambitions plus faciles et plus naturelles pour les femmes à tous les niveaux. Laetitia Andriana confirme que chez SaleCycle, la parité parmi les country managers (trois femmes sur cinq) est une réalité qui change la donne, notamment dans des rôles ‘business’ traditionnellement masculins.

Conclusion : L’audace d’agir et d’incarner le changement

Au terme de cette plongée dans les coulisses de la diversité et du management, un fil rouge se dessine : le passage de l’intention à l’action. Qu’il s’agisse de revoir un processus de recrutement, de prêter une attention sincère à un collaborateur, de communiquer avec courage lors d’un changement ou d’oser exprimer ses propres ambitions, tout repose sur des décisions concrètes et incarnées. La diversité et l’inclusion ne sont pas des projets RH avec une date de début et de fin ; ce sont des principes vivants, qui doivent irriguer chaque décision et chaque interaction au sein de l’entreprise. Nos trois intervenantes nous ont montré que, quelle que soit la taille de la structure, des leviers d’action existent. La clé réside dans une combinaison d’outils structurants pour combattre les biais, d’une écoute active pour cultiver l’humain, et d’une audace personnelle pour briser les codes et les plafonds de verre. L’appel final est double : aux organisations, d’avoir le courage de se transformer en profondeur ; et aux femmes, d’avoir l’audace de prendre leur place, de faire entendre leur voix et de devenir les leaders dont nos entreprises ont tant besoin. Le sujet est admis, l’heure est venue d’agir.

FAQ : Vos questions sur la diversité et le management au féminin

Quelles sont les premières actions concrètes pour un recrutement plus inclusif ?

Pour initier un recrutement plus inclusif, il est essentiel de commencer par la formation des équipes. Sensibiliser les recruteurs et les managers aux biais inconscients est la première étape pour qu’ils puissent les identifier et les contrer. Ensuite, il faut retravailler la rédaction des offres d’emploi pour utiliser un langage neutre et se concentrer sur les compétences essentielles plutôt que sur une liste de prérequis décourageante. Enfin, la mise en place de processus standardisés, comme des grilles d’entretien communes et des études de cas pratiques, permet d’évaluer tous les candidats sur des critères objectifs et de limiter l’impact du ‘feeling’ subjectif.

‘On a tout simplement mis en place des formations. C’est important déjà de former les recruteurs qu’ils soient conscients de quels sont les critères de discrimination et on a aussi formé les managers puisqu’ils sont parties prenantes du process de recrutement.’

Comment une petite entreprise peut-elle favoriser la diversité sans processus complexes ?

Dans une structure à taille humaine, la proximité managériale est un atout majeur. Il n’est pas nécessaire de déployer des outils complexes. L’essentiel est d’incarner les valeurs d’inclusion au quotidien. Cela passe par une vigilance accrue lors des entretiens pour s’assurer que les futurs managers partagent cette culture. En posant des questions précises sur leurs expériences passées de management, on peut déceler leur sensibilité à ces sujets. Au quotidien, c’est l’écoute active et l’attention aux signaux faibles (s’adapter aux contraintes personnelles d’un collaborateur, veiller au bien-être de tous lors d’événements) qui font la différence et prouvent l’engagement de l’entreprise.

‘On est une société vraiment à taille humaine et quelque part on a encore une prise assez directe sur les recrutements. Donc pas besoin de dispositifs très complexes, de manifeste et cetera pour être le garant de tout ça.’

Comment s’assurer que les initiatives d’inclusion ne restent pas que des mots ?

Pour que l’inclusion soit une réalité, il faut la prouver chaque jour par des actes concrets et la mesurer. La clé est l’écoute active des collaborateurs via des outils comme les sondages d’engagement réguliers, le rapport d’étonnement pour les nouveaux arrivants, ou encore des temps d’échange ouverts. Les réponses et le taux de participation à ces sondages sont un excellent indicateur du climat social. Il est aussi crucial de suivre des métriques objectives (parité hommes-femmes par niveau hiérarchique, nombre de nationalités, etc.) pour s’assurer que les actions mises en place ont un impact réel et pour identifier les domaines où des efforts supplémentaires sont nécessaires.

‘Il faut donner des preuves au quotidien de ça. (…) Ça doit vraiment ensuite s’incarner, se prouver dans le quotidien par une une écoute hyper active. Je pense que c’est le bon mot.’

Quelle est l’erreur la plus courante dans la conduite du changement en entreprise ?

L’erreur la plus fréquente est de sous-estimer la dimension humaine et culturelle du changement pour se concentrer uniquement sur les aspects techniques ou processuels. Beaucoup de dirigeants croient qu’il suffit d’expliquer une fois la vision pour que tout le monde suive. En réalité, il faut adresser la peur de l’inconnu, répéter inlassablement le ‘pourquoi’ du changement et ses bénéfices, et accompagner chaque individu. Une autre erreur, plus subtile, est de croire qu’on peut embarquer 100% des équipes. Un management réaliste consiste à se donner tous les moyens d’accompagner, mais aussi à savoir identifier les personnes dont les compétences ou la mentalité ne sont plus en adéquation avec la nouvelle direction, pour éviter de les mettre en situation de souffrance.

‘J’ai fait cette erreur par exemple en tant que dirigeant de croire qu’avec le management, l’engagement et le partage de la vision est trouvable emmener tout le monde potentiellement au point B. C’est une vision un peu idéaliste (…) en tout cas c’est faux.’

Qu’est-ce que le ‘syndrome de la bonne élève’ et comment le surmonter pour devenir manager ?

Le ‘syndrome de la bonne élève’ est la tendance, souvent observée chez les femmes, à croire que l’excellence et le travail acharné suffiront à leur valoir une promotion, comme à l’école. Elles attendent que leur performance soit reconnue et qu’on leur propose un poste de manager. Pour le surmonter, il faut changer de posture et devenir proactive. La première étape est de verbaliser clairement son ambition à son propre manager. Il ne faut pas hésiter à demander, à se positionner, à présenter son projet de carrière. Il s’agit de comprendre que dans l’entreprise, la proactivité est une compétence clé et que personne ne viendra deviner vos aspirations si vous ne les exprimez pas.

‘Ce dont tu parles, ça me fait penser au syndrome de la bonne élève en fait parce qu’à l’école quand on bosse bien, bah on a des bonnes notes et tout va bien et dans la vie des boîtes, c’est pas du tout ça.’

Pourquoi est-il crucial d’avoir des femmes au comité de direction ?

Avoir des femmes au comité de direction (Comex) est crucial car cela crée des ‘rôles modèles’ et envoie un signal puissant à toute l’organisation : le leadership est accessible à toutes et tous. Cette représentation au plus haut niveau facilite la projection des femmes à des postes de responsabilité. Cela peut également rendre les discussions sur la carrière, les augmentations ou les ambitions managériales plus naturelles et moins intimidantes pour les collaboratrices. Un Comex mixte apporte une diversité de perspectives dans les décisions stratégiques et aide à libérer la parole et les freins à tous les échelons de l’entreprise.

‘J’essaie de faire en sorte que le Comex soit vraiment mixte homme-femme. Parce que mine de rien, bah tu auras peut-être moins de difficultés en tant que femme à aller demander une augmentation.’

Comment le statut de ‘société à mission’ peut-il accélérer les politiques de diversité ?

Le statut de ‘société à mission’ inscrit des objectifs sociaux et environnementaux, dont la diversité, directement dans les statuts de l’entreprise. Cela transforme une simple politique RSE en un engagement juridique et contraignant. Chez Dentsu, cette transition n’a pas été une décision ‘top-down’ mais une initiative née des collaborateurs, ce qui a créé une adhésion très forte. Concrètement, cela se traduit par des objectifs chiffrés et des actions renforcées, comme la multiplication des initiatives pour recruter des profils en situation de handicap, des seniors ou des personnes en reconversion professionnelle, afin de faire de l’entreprise un véritable ‘reflet de la société’.

‘On cherche aujourd’hui à faire de Dentsu le reflet de la société. C’est-à-dire qu’on veut avoir cette diversité chez Dentsu qui qui est celle de de la société française.’


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