Logo de l'épisode #137 - Lancer une agence de voyages 100% en ligne et faire 3x plus de marges que les acteurs historiques (tout en étant éco-responsable) avec Stanislas Gruau, CEO @Explora Project (1/2) du podcast Le Rendez-vous Marketing

#137 – Lancer une agence de voyages 100% en ligne et faire 3x plus de marges que les acteurs historiques (tout en étant éco-responsable) avec Stanislas Gruau, CEO @Explora Project (1/2)

Épisode diffusé le 1 octobre 2024 par Danilo Duchesnes

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D’un desk de trading à l’aventure entrepreneuriale : la naissance d’une vision

Avant de fonder Explora Project, ma vie était à mille lieues des grands espaces et des expéditions bas carbone. J’étais trader en matières premières agricoles, un métier intense, intellectuellement stimulant, mais qui, au fil des années, sonnait de plus en plus creux. J’avais beau occuper un poste à responsabilités à Genève, une dissonance profonde s’installait entre mes valeurs personnelles et mon quotidien professionnel. Ce sentiment de décalage, beaucoup d’entrepreneurs le connaissent : c’est ce moteur puissant qui vous pousse à chercher un alignement, un projet qui a du sens. Pour moi, cet exutoire, cette bulle d’air, c’était un projet que je nourrissais en secret, griffonné sur des calepins : celui d’une agence de voyage réinventée.

Ce n’était pas juste une idée en l’air ; c’était une construction méticuleuse, une alternative à cette ‘petite roulette de muse araigne qui tournait de plus en plus vite’. Je théorisais un modèle qui remettrait l’expérience au centre, et non plus seulement la destination. L’idée était de rompre avec la ‘bucket list’ des voyages à l’autre bout du monde. Je sentais intuitivement que l’avenir n’était plus de cocher des pays sur une carte, mais de vivre des émotions fortes, d’apprendre sur soi, de se dépasser, et ce, sans forcément parcourir des milliers de kilomètres. La naissance de ma première fille a été le catalyseur final. Je ne pouvais pas imaginer lui expliquer plus tard que j’avais continué pendant dix ans un métier qui ne me ressemblait plus. J’ai donc démissionné, et le jour de mon départ, le lien vers le site d’Explora Project était déjà dans mon email d’adieu. Le projet était mûr, il était temps de le lancer dans le grand bain.

Ce projet explorat, je l’avais écrit sur des petits calepins pendant toutes ces années, c’est un projet entrepreneurial que je nourrissais en parallèle de cette vie de salarié et qui était comme une bulle d’air qui me permettait de rendre mon quotidien plus supportable.

Lancer une agence de voyage en ligne, un an avant le Covid, pouvait sembler audacieux, voire insensé. Pourtant, le timing était double. D’un côté, le risque pandémique que personne n’avait vu venir. De l’autre, une prise de conscience collective grandissante sur l’impact écologique du tourisme. Les gens commençaient à chercher des alternatives, des voyages plus authentiques, plus proches, plus respectueux. Nous voulions répondre à cette quête de sens en proposant des aventures qui changent le paradigme : ce qui compte, ce n’est pas où vous allez, mais ce que vous allez vivre. Et c’est cette conviction qui est devenue la pierre angulaire de notre modèle économique et de notre stratégie de croissance.

Déconstruire pour reconstruire : le pari fou de la désintermédiation dans le tourisme

Quand on se lance dans un secteur, la première étape est de comprendre ses rouages, ses acteurs, et surtout, ses faiblesses. Le monde du tourisme, et plus particulièrement celui des agences de voyage, m’est apparu comme un système incroyablement complexe et intermédié. C’est un héritage d’une époque pré-internet où la distribution physique était reine. Pour faire simple, la chaîne de valeur classique est une véritable poupée russe. Vous avez l’agence de voyage de quartier, celle qui a une vitrine sur rue, qui est souvent un simple distributeur. Elle revend les voyages conçus par un ‘tour operator’, un grossiste en quelque sorte. Ce dernier, pour organiser ses voyages à l’étranger, ne gère que très rarement la logistique lui-même. Il la sous-traite à une ‘agence réceptive’ locale dans le pays de destination. Chacun de ces trois acteurs prélève sa part du gâteau.

Le problème fondamental de ce modèle est la dilution de la marge. Sur une marge globale d’environ 40% dans le secteur, chaque intermédiaire prend entre 10 et 15 points. Le tour operator, qui est souvent le maillon central, se retrouve avec une marge finale assez faible, de l’ordre de 16% en moyenne. Cette faible rentabilité unitaire a une conséquence directe : une pression énorme pour faire du volume. La qualité de l’expérience, la personnalisation, le soin apporté à la logistique passent souvent au second plan, derrière l’impératif de vendre, toujours plus. C’est un modèle qui favorise la standardisation et la masse, tout l’inverse de l’aventure authentique que nous voulions proposer.

Grosso modo dans le travel, tu as 40 points de marge et qui classiquement étaient distribués entre trois acteurs. Et donc tous les noms qu’on connaît sont souvent des gros tour operators dont les catalogues sont revendus par des agences de voyage du coin de la rue.

Notre conviction était qu’il fallait faire table rase de ce système. Nous avons donc pris une décision radicale : être le seul et unique acteur entre le guide sur le terrain et le client final. Chez Explora Project, nous sommes à la fois le concepteur, le distributeur et l’organisateur. Nous ne revendons les voyages de personne, et personne ne revend les nôtres. Tout se passe sur notre plateforme, 100% en ligne. Concrètement, cela signifie que nous sommes en contact direct avec chaque prestataire : le guide, l’hébergeur, le chauffeur. Nous assemblons nous-mêmes ces briques pour créer nos expéditions, grâce à une plateforme technologique que nous avons développée. Ce modèle de désintermédiation totale nous permet de capter la quasi-totalité de la marge. Le résultat est sans appel : nous opérons avec des marges brutes autour de 32-33%, soit le double de la moyenne du marché. C’est ce choix structurel qui nous a donné l’oxygène nécessaire pour construire un modèle durable et aligné avec notre mission.

La marge comme levier de survie : pourquoi être éco-responsable nous a obligés à être plus rentables

Doubler nos marges par rapport aux acteurs historiques n’était pas une simple quête de profitabilité. C’était une condition sine qua non de notre survie, directement liée à notre engagement pour un tourisme bas carbone. C’est un paradoxe qui peut surprendre, mais qui est au cœur de notre business model. En choisissant de nous concentrer sur des destinations proches – la France, l’Europe – pour minimiser l’empreinte carbone de nos voyageurs, nous avons mécaniquement réduit le prix de nos voyages. Un trek dans les Alpes coûtera toujours moins cher qu’un circuit de deux semaines au Pérou. Notre panier moyen est donc structurellement plus bas que celui des agences qui vendent du long-courrier.

Or, dans le monde des affaires, si vous baissez votre panier moyen sans ajuster votre structure de coûts et vos marges, vous foncez droit dans le mur. Nous ne pouvions pas nous permettre de fonctionner avec les 16% de marge habituels du secteur. L’équation était simple : pour être une entreprise rentable et pérenne avec des voyages plus accessibles, il nous fallait être bien mieux rémunérés sur chaque vente. La stratégie de désintermédiation n’était donc pas une option, mais une nécessité absolue. C’est elle qui nous a permis de résoudre cette équation complexe : proposer des aventures incroyables à des prix justes, tout en dégageant une marge suffisante pour financer notre croissance, notre équipe et nos investissements technologiques.

Pourquoi augmenter les marges ? Pour se permettre de survivre en pouvant baisser le panier moyen. Et ça, baisser le panier moyen, c’est malheureusement ce qu’on est obligé de faire quand on veut être une agence Bas Carbone, puisqu’on va moins loin.

Cette approche nous a forcés à être plus efficaces, plus malins, plus digitalisés. Là où une agence traditionnelle a des coûts de distribution énormes, nous avons investi dans la technologie. Là où elle dépend de multiples partenaires, nous avons internalisé la chaîne de valeur. Cette structure nous offre une agilité et une résilience que les anciens modèles n’ont pas. Nous prouvons qu’il est possible de concilier impact écologique positif et performance économique. Plus encore, nous pensons que c’est la seule voie possible pour l’avenir du tourisme. Le voyage de demain sera plus local, plus intentionnel, et les entreprises qui réussiront seront celles qui auront su adapter leur modèle économique à cette nouvelle réalité, en créant de la valeur autrement que par la distance et l’exotisme lointain.

Repenser l’acquisition : comment nous avons bâti une communauté pour échapper à la guerre des enchères

Une fois le modèle économique posé, la grande question était : comment trouver nos clients ? Le réflexe naturel aurait été de se tourner vers Google Ads, le canal roi pour le tourisme. Mais nous avons très vite compris que ce serait un suicide financier. Le marché du ‘search’ est un champ de bataille où s’affrontent des géants aux poches profondes. Des agences spécialisées dans le voyage en famille ou le long-courrier de luxe se battent sur les mêmes mots-clés, avec des paniers moyens de 15 000 ou 20 000 euros. Quand votre concurrent peut se permettre de payer des centaines d’euros pour acquérir un client qui lui en rapportera 20 000, vous ne pouvez pas lutter avec votre trek à 1500 euros. C’était une barrière à l’entrée quasi infranchissable.

Tu imagines que quand tu as un panier à 20 000, tu vas payer hein sur Google ton enchère pour être visible. Donc finalement, ça va être assez complexe pour nous de se positionner avec un panier à 1005… on ne peut pas du tout se permettre d’avoir les mêmes coûts d’acquisition.

Il fallait donc être plus créatif et aller là où ces acteurs n’étaient pas, ou étaient moins performants : les réseaux sociaux. Mais plutôt que de simplement y faire de la publicité pour vendre des voyages en direct, nous avons adopté une stratégie différente, inspirée par des modèles comme celui de Voyage Privé.

Le membership : notre arme secrète pour un coût d’acquisition maîtrisé

Notre objectif principal en paid social n’est pas de déclencher un achat immédiat. C’est de transformer un visiteur curieux en ‘membre’ de la communauté Explora Project. Concrètement, l’objectif de nos campagnes est d’inciter les gens à créer un compte sur notre site. Pourquoi ? Parce que l’achat d’un voyage d’aventure n’est que très rarement un achat d’impulsion. C’est une décision qui mûrit, qui demande de la réflexion, de la planification. Vouloir vendre un séjour en Laponie en un clic à quelqu’un qui découvre notre marque sur Instagram est illusoire. En nous concentrant sur l’acquisition de membres, nous jouons le jeu du temps long. Nous investissons pour construire une base de prospects qualifiés avec qui nous allons pouvoir établir une relation durable, principalement par email. Le coût pour acquérir un membre est infiniment plus bas que le coût pour acquérir un client directement, ce qui rend notre marketing beaucoup plus efficace et scalable.

Cultiver la relation : du membre au client, un parcours de 45 jours

Une fois qu’une personne devient membre, un tout autre travail commence : celui du nurturing. Nous savons qu’en moyenne, il s’écoule 45 jours entre la création d’un compte et le premier achat. Durant cette période, notre rôle est d’inspirer, d’éduquer et de rassurer. Nous le faisons via une stratégie CRM assez fine. Le membre reçoit nos newsletters, mais pas n’importe lesquelles. Elles sont segmentées en fonction de ses centres d’intérêt, déduits des pages qu’il a visitées : ‘Hard Adventure’ pour les passionnés d’alpinisme, ‘Bien-être’ pour ceux qui cherchent du yoga, ‘Famille’ pour les parents, etc. S’il ajoute une aventure spécifique à sa ‘wishlist’, un scénario de mails automatisés encore plus précis se déclenche pour répondre à toutes les questions potentielles sur ce voyage en particulier : le niveau requis, le matériel à prévoir, les avis d’anciens participants… Nous l’accompagnons pas à pas, en levant les freins un par un, jusqu’à ce qu’il se sente prêt à réserver.

L’art de la réassurance : créer un tunnel de vente qui convertit sans intervention humaine

Vendre en ligne un produit immatériel et engageant comme un voyage à plus de 1000 euros est un défi immense. La nouvelle génération de consommateurs, habituée aux standards d’un Amazon Prime, attend une fluidité et une simplicité extrêmes. Mais contrairement à l’achat d’un t-shirt, la décision est lourde de conséquences et d’incertitudes. La peur de se tromper, de ne pas être au niveau, de l’arnaque… tous ces freins sont décuplés. Le rôle de l’agence de proximité d’autrefois était justement de rassurer, de mettre un visage humain en face du client. En tant qu’acteur 100% digital, nous devions recréer cette confiance, mais à travers notre interface et notre communication.

Nous avons donc obsédé sur la création d’un funnel de vente le plus rassurant possible. Chaque étape du parcours d’achat, de la découverte sur Instagram à la page de paiement, a été pensée pour éliminer le doute. Cela passe par des fiches produits ultra-détaillées, des photos et vidéos immersives, des témoignages clients authentiques, une FAQ exhaustive, des informations claires sur les guides, le matériel inclus, les assurances… Tout est fait pour que le futur voyageur puisse se projeter et trouver réponse à 99% de ses questions de manière autonome. La force de notre marque, que nous construisons sur les réseaux sociaux, joue également un rôle clé. Quand un client potentiel voit notre activité quotidienne, nos valeurs, les visages de notre équipe, il ne se dit pas qu’il achète à une entité anonyme.

Le succès de cette approche se mesure à un indicateur très simple : la part de nos clients qui achètent sans jamais avoir eu de contact direct avec notre équipe. Cette part est majoritaire. Et c’est fondamental pour notre capacité à grandir. Si chaque vente nécessitait un appel téléphonique ou un long échange d’emails pour rassurer, notre croissance serait limitée par la taille de notre équipe de support. C’est un goulot d’étranglement que beaucoup d’entreprises sous-estiment.

Si tu n’as pas à créer une présence sur les réseaux sociaux et une réassurance dans tout le funnel, bah il y a beaucoup [de clients] qui souhaitent appeler pour vérifier. Et ça en fait, c’est un engorgement absolu. Et c’est clairement un ennemi au scale.

En automatisant la réassurance et en rendant le parcours d’achat autonome, nous libérons du temps à nos équipes pour qu’elles se concentrent sur les cas les plus complexes et sur l’amélioration continue de l’expérience. C’est un cercle vertueux : un meilleur funnel génère moins de demandes de support, ce qui permet d’investir plus de temps pour améliorer encore le funnel.

Le pouvoir de l’incarnation : comment mon personal branding a porté Explora Project

Les débuts d’Explora Project ont été marqués par un événement que personne n’aurait pu prédire : la pandémie de Covid-19. Du jour au lendemain, le monde s’est arrêté, et avec lui, toute l’industrie du voyage. Pour une jeune agence comme la nôtre, c’était le scénario catastrophe. Comment inspirer les gens à voyager quand ils sont confinés chez eux ? Comment vendre des expéditions quand les frontières sont fermées ? Il fallait trouver un autre angle, une autre histoire à raconter. C’est à ce moment précis, en échangeant notamment avec des amis entrepreneurs comme Alex Vianzio, que j’ai pris la décision de me lancer sur les réseaux sociaux, non pas en tant que marque, mais en tant que fondateur.

L’idée était simple : si je ne pouvais pas parler de voyage, j’allais parler de ce que je vivais, de la construction d’une entreprise en pleine tempête. J’ai commencé à partager mon parcours, les défis, les doutes, la vision derrière Explora Project. Je ne vendais plus des destinations, je partageais une aventure entrepreneuriale. Cette stratégie d’incarnation a tout changé. Elle a créé un lien de confiance et une connexion authentique avec une communauté qui ne nous suivait plus seulement pour nos voyages, mais pour le projet humain et les valeurs que nous portions. Les gens achètent à des gens, et en mettant un visage, une histoire et une conviction derrière la marque, nous avons bâti un capital confiance inestimable.

C’est à ce moment-là, en 2020, que j’ai vraiment été actif sur les réseaux et que j’ai commencé à construire une stratégie qui ne m’a pas quitté depuis.

Cette approche a été un levier d’acquisition fondamental, surtout au début. D’ailleurs, nos toutes premières ventes ne sont pas venues de publicités sophistiquées. Elles sont venues d’une démarche que j’appelle le ‘mailing sauvage’. J’ai simplement extrait toutes les adresses email de mon Outlook – des contacts professionnels, personnels, administratifs, absolument tout – et j’ai envoyé un message pour annoncer le lancement du projet. C’était artisanal, mais c’était authentique. Et ça a fonctionné. Cette expérience m’a conforté dans l’idée que l’incarnation et la transparence sont des atouts maîtres pour un entrepreneur. Convaincre par l’exemple, montrer les coulisses, partager la mission… C’est ce qui transforme une simple entreprise en un projet auquel les gens ont envie d’adhérer et de participer.

Conclusion : oser réinventer les règles pour un modèle plus juste et durable

Le parcours d’Explora Project, depuis sa genèse dans mes carnets jusqu’à l’entreprise qu’elle est aujourd’hui, est la démonstration qu’il est possible de challenger un secteur établi en repensant radicalement ses fondamentaux. Nous n’avons pas simplement créé une agence de voyage en ligne de plus ; nous avons déconstruit un modèle économique obsolète pour en bâtir un nouveau, plus agile, plus rentable et, surtout, plus aligné avec les enjeux de notre époque. La désintermédiation nous a donné l’oxygène financier pour survivre et croître, en faisant de notre engagement bas carbone non pas une contrainte, mais le pilier de notre stratégie. L’augmentation des marges n’était pas une fin en soi, mais le moyen de rendre notre vision éco-responsable économiquement viable.

Notre approche de l’acquisition, centrée sur la communauté et le temps long plutôt que sur la vente immédiate, nous a permis d’échapper à la surenchère publicitaire et de construire une relation de confiance durable avec nos membres. Enfin, l’incarnation de la marque à travers mon propre parcours a prouvé que l’authenticité est le plus puissant des leviers marketing. Chaque étape de cette aventure a été guidée par une conviction : pour avoir un impact, il faut oser être différent, questionner le statu quo et construire son propre chemin. J’espère que ce partage inspirera d’autres entrepreneurs à ne pas seulement s’adapter au marché, mais à le transformer pour le rendre meilleur.


Questions fréquentes (FAQ)

Pourquoi les agences de voyage traditionnelles ont-elles de si faibles marges ?

Les agences de voyage traditionnelles souffrent de marges faibles, souvent autour de 16%, à cause d’un modèle économique basé sur une longue chaîne d’intermédiaires. Chaque acteur — l’agence distributrice, le tour-opérateur qui crée le voyage, et l’agence réceptive qui gère la logistique sur place — prélève sa propre commission sur la marge globale d’environ 40%. Cette fragmentation dilue considérablement la rentabilité pour chaque maillon de la chaîne, les forçant à rechercher constamment le volume pour survivre, parfois au détriment de la qualité de l’expérience proposée au client final.

Grosso modo dans le travel, tu as 40 points de marge et qui classiquement étaient distribués entre trois acteurs… l’acteur qui est en ligne est le tour operator… lui-même peut-être revendu par une agence de voyage… qui elle aussi touche ses 10 à 15 points de marge.

Comment Explora Project arrive-t-elle à doubler la marge brute de son secteur ?

Explora Project atteint des marges brutes d’environ 32-33%, soit le double de la moyenne du secteur, en adoptant un modèle totalement désintermédié. Nous sommes le seul et unique intermédiaire entre le guide local et le client final. En concevant, vendant et opérant nos propres voyages via notre plateforme en ligne, nous captons l’intégralité de la marge qui était auparavant partagée entre trois acteurs différents. Ce contrôle total de la chaîne de valeur, rendu possible par notre technologie, nous permet de maximiser notre rentabilité sur chaque voyage vendu.

Explorat, on a voulu faire les choses différemment, on a voulu être le seul acteur entre le guide local et le client final… on a pour ainsi dire déintermédié l’ensemble du secteur pour essayer de prendre la plupart de ces 40% de marge chez nous.

En quoi le modèle ‘bas carbone’ influence-t-il la stratégie de prix et de marge ?

Le modèle bas carbone est au cœur de notre stratégie économique. En proposant des voyages de proximité en Europe, nous réduisons l’empreinte carbone mais aussi, mécaniquement, le prix de vente final. Ce panier moyen plus bas nous obligerait à faire faillite si nous fonctionnions avec les marges traditionnelles du secteur. Par conséquent, notre stratégie de forte marge n’est pas une option mais une nécessité pour survivre. Elle nous permet de compenser le faible panier moyen et d’assurer la rentabilité de notre modèle éco-responsable.

Pourquoi augmenter les marges ? Pour se permettre de survivre en pouvant baisser le panier moyen. Et ça, baisser le panier moyen, c’est malheureusement ce qu’on est obligé de faire quand on veut être une agence Bas Carbone.

Quelle est la stratégie d’acquisition d’Explora Project pour éviter les canaux trop coûteux ?

Pour éviter les canaux publicitaires comme Google Ads, qui sont saturés et extrêmement coûteux à cause de la concurrence des acteurs du voyage long-courrier à très haut panier moyen, notre stratégie s’est concentrée sur les réseaux sociaux. Plutôt que de viser une vente directe, nous utilisons la publicité pour une action moins coûteuse et plus engageante sur le long terme : inciter les utilisateurs à devenir membres de notre communauté en créant un compte. Cela nous permet de construire une base de données qualifiée que nous pouvons ensuite nourrir et convertir via des canaux maîtrisés comme l’emailing.

Je suis assez tôt arrivé à la conclusion qu’il fallait aller sur les canaux les moins usités de ces acteurs, donc comme le social… Et en parallèle, faire des levées de fonds parce que c’est pas avec nos petits bras et 10 € par jour sur Facebook qu’on va faire quoi que ce soit.

Pourquoi le système de membership est-il si crucial pour une agence de voyage en ligne ?

Le système de membership est crucial car l’achat d’un voyage d’aventure est une décision réfléchie, avec un cycle d’achat long. En moyenne, nos clients mettent 45 jours entre leur inscription et leur réservation. Il serait donc inefficace et non rentable de chercher à vendre immédiatement. Le membership nous permet de capter l’intérêt d’un prospect à un coût très bas, puis de le faire mûrir dans notre écosystème grâce à du contenu personnalisé et des newsletters ciblées. C’est une stratégie qui respecte le rythme du client et optimise notre budget marketing sur le long terme.

Le cycle de décision de nos clients n’est pas celui d’un achat compulsif… en moyenne, ça doit être 45 jours l’écart entre la création d’un compte membre et l’achat. Donc c’est des gens qui ont besoin d’être inspirés, de réfléchir, de comprendre.

Comment créer un parcours d’achat en ligne qui rassure le client pour un voyage coûteux ?

Pour rassurer un client qui achète en ligne un voyage coûteux, il faut construire un tunnel de vente où chaque étape est pensée pour éliminer les doutes. Cela implique des fiches produits extrêmement détaillées, une transparence totale sur le déroulé, le niveau requis et le matériel. Il faut aussi intégrer beaucoup de preuves sociales (avis, témoignages, vidéos) et une marque forte et incarnée sur les réseaux sociaux. L’objectif est de répondre à toutes les questions potentielles du client avant même qu’il ne les pose, afin qu’il se sente en confiance pour réserver de manière autonome, sans avoir besoin de contacter le support. C’est la clé pour pouvoir scaler l’activité.

Si tu n’as pas à créer sa présence sur les réseaux sociaux et une réassurance dans tout le funnel, bah il y a beaucoup qui souhaitent appeler pour vérifier. Et ça en fait c’est un engorgement absolu. Et c’est clairement un ennemi au scale.

Quel a été le rôle du personal branding du fondateur dans le succès d’Explora Project ?

Mon personal branding a joué un rôle déterminant, surtout au début et pendant la crise du Covid. À une période où il était impossible de parler de voyage, j’ai choisi de parler de l’aventure entrepreneuriale, de la vision et des défis de la construction d’Explora Project. Cette incarnation de la marque a créé un lien de confiance très fort avec notre communauté. Les gens ne suivaient plus seulement une agence, mais un projet porté par une personne et des valeurs. Cela a généré un capital sympathie et une authenticité qui ont été des accélérateurs de croissance et de notoriété très puissants.

C’est à ce moment-là que en 2020 que j’ai vraiment été actif sur les réseaux et que j’ai commencé à construire une stratégie qui ne m’a pas quitté depuis… pour inspirer sur le voyage il va falloir trouver d’autres approches… et pourquoi pas celui de l’entrepreneur.


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